La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle les questions sur la politique en matière d’éducation.
Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
Nous commençons par les questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Xavier Breton.
Je souhaite, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous interroger sur la politique de recrutement menée par votre ministère et sur les difficultés qu’elle peut rencontrer, d’ordre quantitatif et qualitatif.
S’agissant des difficultés d’ordre quantitatif, nous constatons, année après année, que les concours externes de recrutement des professeurs des écoles ne parviennent malheureusement pas à pourvoir l’ensemble des postes ouverts, le nombre de postes restés vacants ayant ainsi doublé entre 2015 et 2016, passant de 283 à 561.
Les difficultés de recrutement se posent également en termes qualitatifs avec une baisse dans les exigences de recrutement. Selon l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, « il semble bien que dans certaines académies, des candidats au niveau problématique aient été admis pour ne pas laisser inoccupés trop de postes ». Vous comprendrez, madame la ministre, que nos compatriotes puissent s’inquiéter de l’avenir de leurs enfants.
Je souhaite également évoquer la progression inquiétante des démissions d’enseignants stagiaires. En effet, entre 2012 – début de la législature – et 2016, le taux de démission des enseignants stagiaires a doublé pour les enseignants du second degré et même triplé pour ceux du premier degré. Comment, madame la ministre, expliquez-vous de telles augmentations ? Sont-elles dues au caractère éprouvant de l’année de stage, pendant laquelle les stagiaires doivent assurer un service d’enseignement à mi-temps tout en suivant leur formation et, parallèlement, en menant leur travail de recherche ?
Ces démissions sont aussi inquiétantes dans leurs conséquences puisqu’elles sont compensées par le recrutement sur des listes complémentaires au concours, voire par des enseignants contractuels dont la formation risque d’être succincte.
Vous comprendrez, madame la ministre, que la politique de recrutement que vous menez inquiète fortement les parents d’élèves de notre pays. Il est sans doute un peu tard pour vous pour apporter des réponses…
…mais il est sans doute temps d’analyser les raisons de ces difficultés.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, j’ai compris de votre question que vous vous inquiétiez de notre capacité à recruter des professeurs lorsque nous ouvrons des postes comme cette majorité a assumé de le faire.
Je veux vous rassurer sur ce point. Le nombre de candidats inscrits aux concours pour l’année 2017 est de 190 000 pour 30 000 postes ouverts, soit une augmentation par rapport à l’année dernière de 5 %.
Oui, indéniablement, nous avons eu au début du quinquennat, dans les années 2012-2013, une difficulté à pourvoir tous les postes que nous ouvrions. La raison en est simple : comme l’ancienne majorité n’avait cessé de supprimer des postes dans l’éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), elle ne faisait plus de ce métier d’enseignant un métier d’avenir et n’attirait pas spontanément des étudiants vers ce métier. Lorsque nous sommes revenus au pouvoir, en 2012, il nous a fallu du temps pour faire passer aux étudiants le message inverse, afin qu’ils s’engagent dans des études qui sont, comme vous le savez, des études longues, avant de passer le concours.
Aujourd’hui, nous avons un nombre de candidats intéressant, satisfaisant. Certes, il faut aller encore plus loin pour obtenir un encore meilleur niveau. Cela étant, je vous rappelle que tous les candidats retenus sont jugés par les jurys comme ayant le niveau convenable pour enseigner.
Je vous rappelle qu’il arrive aux jurys de ne pas pourvoir l’ensemble des postes ouverts au concours parce qu’ils ont considéré que les candidats n’avaient pas le niveau requis. C’est bien la preuve qu’ils ne reçoivent pas les candidats lorsqu’ils jugent leur niveau insatisfaisant.
Je veux bien, monsieur Breton, que l’on rentre dans les détails, que l’on donne dans la polémique. Mais si l’on veut s’en tenir à l’essentiel, la meilleure façon d’avoir un nombre suffisant d’enseignants dans notre pays est encore d’ouvrir et de créer des postes.
Comment voulez-vous, alors que le candidat que vous soutenez annonce 500 000 postes de fonctionnaires en moins, créer à l’avenir suffisamment de postes de professeurs pour nos élèves ?
La meilleure façon d’avoir des professeurs de bon niveau, c’est d’avoir des professeurs que l’on forme. Vous avez montré par le passé votre capacité à supprimer la formation initiale. Pour l’avenir, si vous reveniez un jour aux responsabilités, vous assumez d’ores et déjà de la rogner à nouveau puisque vous annoncez des économies très importantes dans l’éducation nationale.
Bien loin de tout cela, le gouvernement auquel j’appartiens a rétabli la formation initiale, a créé 60 000 postes et ne cesse d’investir dans la formation continue ; et nous devons le faire davantage à l’avenir. Cela devrait vous rassurer.
Madame la ministre, depuis l’arrivée de votre majorité au pouvoir, le nombre de démissions de professeurs a significativement augmenté – depuis 2012 : le phénomène est daté. Comme l’a dit Xavier Breton, il a doublé dans le secondaire et triplé en primaire, ainsi que l’a révélé un récent rapport sénatorial
À cela vous répondez, madame la ministre, que rapporté au nombre total d’enseignants, ce serait peu. Cet argument mésestime ce qu’on appelle un signal faible, qui est pourtant bien révélateur d’un malaise croissant depuis 2012. Certains avancent que ce serait lié au recrutement massif de 60 000 postes, masse dans laquelle il y aurait une part de perte naturelle, si j’ose dire. Cet argument ne manque pas de saveur quand on songe que ce recrutement massif et peu regardant souvent sur le niveau, contrairement à vos affirmations, madame la ministre, serait la source de problèmes qu’il était censé résoudre !
Le plus sage serait d’écouter ce que disent les enseignants eux-mêmes et qui interpellent directement votre responsabilité. En cause : l’année de stage dont vous nous avez expliqué pendant cinq ans qu’elle allait résoudre tous les problèmes ; des réformes inconséquentes et inutiles, comme les rythmes scolaires ou la réforme du collège, massivement rejetées par les enseignants…
En cause encore l’abandon de dispositifs qui fonctionnaient bien, qui apportaient à la mixité sociale, comme les classes bilingues ; des matières sacrifiées comme les langues anciennes ; une formation inappropriée, trop théorique disent les enseignants et qui néglige l’essentiel, à savoir l’enseignement des savoirs fondamentaux ; la déconsidération d’un métier que l’on délaisse ; l’absence de soutien hiérarchique ; l’exposition à la violence verbale et même physique ; l’infantilisation par des consignes et des programmes qui ulcèrent – j’en veux pour preuve la formation qui est en ce moment délivrée sur l’apprentissage de la grammaire, qui est un pur scandale.
Ce ne sont pas les quelques dizaines d’euros mensuels consentis en fin de quinquennat qui vont changer les choses. Alors madame la ministre, comptez-vous prendre réellement au sérieux ces démissions de plus en plus nombreuses d’enseignants ?
De quoi parle-t-on exactement, madame la députée ? Du fait que certains enseignants, après avoir fait leurs premiers pas dans l’enseignement, soient amenés à se rendre compte que ce métier n’est pas fait pour eux. Commençons par les chiffres : 0,15 % de la masse salariale. Nous sommes en train de parler de 0,15 % de la masse salariale ! Chiffre à considérer au regard du million de fonctionnaires dans l’éducation nationale.
Parlez en termes d’effectifs, pas de masse salariale ! Vous êtes dans la seule logique comptable.
Ce sera sans doute beaucoup moins demain lorsque vous serez passés par là, mais aujourd’hui, il s’agit d’un million de fonctionnaires.
Est-ce un drame que des personnes qui font leurs premiers pas dans l’éducation nationale se rendent compte que finalement l’enseignement n’est pas fait pour eux et décident de se reconvertir ? Est-ce, a contrario, un drame que des personnes, au demeurant de plus en plus nombreuses, qui ont commencé une carrière dans un autre secteur professionnel décident de se reconvertir dans les métiers de l’enseignement ? Je ne vous entends guère commenter ce phénomène, mais il existe !
C’est ainsi, la vie professionnelle a changé. On peut être amené à bouger, c’est ce qu’on appelle la mobilité et cela concerne aussi les professeurs.
Il n’y a pas de raison d’en profiter pour, une fois de plus, dérouler votre argumentaire décliniste, défaitiste au sujet de l’école. Non, l’école de la République française ne ressemble pas à ce que vous venez de décrire, madame Genevard.
« Très bien » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
L’école de la République française telle que je la connais, mais peut-être n’en vois-je que les bons aspects – et je crois être plus souvent que vous sur le terrain aux côtés des professeurs – cette école donc est faite d’enseignants qui déploraient depuis des années la disparition de la formation initiale et qui sont heureux qu’elle soit revenue.
Ce n’est pas parce qu’ils nous demandent de l’améliorer, comme la formation continue, que cela signifie qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain et y renoncer à nouveau.
Dans combien de communes êtes-vous allée ? Vous êtes enfermée dans votre ministère.
Elle est faite d’enseignants qui demandent de la considération. La considération, et j’insiste sur ce point, est en effet salariale. Et c’est notre gouvernement qui a adopté une indemnité de 1 200 euros pour les enseignants du premier degré, ou qui a adopté un protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations de 1 milliard d’euros pour revaloriser les rémunérations. Mais la considération à l’égard des enseignants est également faite des discours que les uns et les autres tiennent à leur sujet. Alors, cessez de les présenter comme vous le faites, cessez de les infantiliser.
Cessez d’exagérer leur situation. La réalité, c’est que les enseignants demandent à être regardés pour ce qu’ils sont, ni plus ni moins.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Manifester un peu de courtoisie mutuelle ne nuirait pas à cette séquence de questions-réponses, mes chers collègues.
La parole est à M. Patrick Hetzel.
Madame la ministre, il y a quelques semaines, cinq chefs d’entreprise ont démissionné du Conseil national éducation-économie, où ils siégeaient en tant que personnalités qualifiées. Les entreprises qu’ils représentaient ne sont pas des moindres, puisqu’il s’agit de Schneider Electric, Vinci, BNP Paribas, Manpower France et de l’Institut de l’entreprise.
Le Conseil national éducation-économie est, vous le savez, une instance qui a pour mission de rapprocher l’école de l’entreprise. Les dirigeants concernés mentionnent deux motifs pour justifier leur décision.
Il y a d’abord une incompréhension face aux allégements des programmes d’économie en classe de seconde. Vous avez en effet décidé, madame la ministre, que les élèves n’étudieraient plus que quatre chapitres obligatoires, au lieu de cinq. Plus précisément, vous avez supprimé celui qui portait sur la façon dont se forment les prix sur un marché, que vous avez considéré comme facultatif. Le Conseil national éducation-économie n’avait pas été consulté sur le sujet. Il y a, là encore, un écart entre ce que vous dites et ce que vous faites. Alors que l’entreprise devrait être au coeur de l’enseignement de l’économie, vous faites tout le contraire.
La deuxième raison de cette démission est la fin de non-recevoir que vous avez opposée à une demande de mise à disposition de moyens pour réaliser un rapport sur l’apprentissage, ce qui est encore plus grave. Pour ces chefs d’entreprise, la relance de l’apprentissage est un enjeu crucial. Or, vous n’avez cessé, depuis cinq ans, de déstabiliser cette voie d’excellence, avec la division par deux du crédit d’impôt apprentissage, la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire et l’impossibilité pour les jeunes de moins de quinze ans de devenir apprentis, même s’ils sont déjà titulaires du brevet des collèges.
Le fossé ne cesse de se creuser entre les entreprises et l’éducation nationale sur cette question de l’apprentissage. Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous donc prendre pour développer et relancer l’apprentissage, dont on sait qu’il permet une excellente insertion des jeunes ? Jusqu’à présent en effet, et cela depuis cinq ans, votre majorité ne l’a hélas pas compris.
Monsieur le député, je vous remercie d’abord de me préciser ce qu’est le Conseil national éducation-économie que nous avons créé – je vous rappelle en effet qu’il n’existait pas auparavant.
Il faut croire que les relations entre l’école et l’entreprise étaient beaucoup plus développées au moment où cela n’existait pas… Mais passons.
Le Conseil national éducation-économie fonctionne vraiment très bien et je me réjouis chaque semaine de ce qu’il est capable de produire et des avancées qu’il nous a permis d’obtenir, par exemple pour faire en sorte que se développent au niveau local des conseils qui rassemblent chefs d’établissements et entreprises du secteur afin de multiplier les possibilités de stage pour nos élèves de troisième ou de lycée professionnel. Mais de cela, bien entendu, vous ne parlez pas.
Le Conseil national éducation-économie nous permet aussi d’avancer sur la question du numérique…
…et de la façon dont le numérique innerve aujourd’hui les lycées professionnels, pour préparer les métiers de demain, les métiers d’avenir et, finalement, faire mieux correspondre nos formations avec le marché du travail de demain.
Pour aller plus loin : peut-on aujourd’hui tirer un bilan de ce que nous aurons fait en faveur du rapport entre l’école et l’entreprise ? Oui, et le bilan essentiel est simple : les élèves sont mieux préparés à leur orientation future. Nous avons introduit un « parcours Avenir » qui commence en classe de sixième et fait que les élèves n’ont plus besoin d’attendre la classe de troisième et l’expérience du premier stage pour découvrir le monde professionnel.
Ce parcours Avenir, nous l’avons précisément construit en partenariat étroit avec un certain nombre d’entreprises, que je remercie.
Vous faites un hors sujet ! C’est bien, pour un ministre de l’éducation !
Il permet à chaque élève, de la sixième à la troisième, de faire plusieurs fois l’expérience de visiter des entreprises, d’accueillir des entrepreneurs ou des salariés dans la classe, de voir des mini-entreprises, pour découvrir davantage ce monde avant de s’y plonger et de décider de son orientation en classe de troisième.
Vous aurez noté par ailleurs que, toujours pour améliorer cette orientation, les lycéens qui arrivent en classe de seconde professionnelle sont désormais autorisés, jusqu’aux vacances de la Toussaint, à changer d’orientation si celle qu’ils ont choisie leur déplaît ou ne leur convient pas. Nous luttons donc ainsi contre l’orientation subie.
Vous aurez enfin noté que nous avons créé dans tous les bassins d’emploi de France – cela n’existait pas auparavant – 330 pôles de stages destinés à trouver des stages pour les lycéens professionnels ou les stagiaires de troisième qui n’en trouvent pas par eux-mêmes.
Pour ce qui est des apprentis, les réponses vous ont souvent été apportées. Une partie d’entre elles dépend du ministère de l’emploi mais je puis vous indiquer, pour ce qui me concerne, que le ministère de l’éducation nationale développe de plus en plus l’apprentissage sous statut scolaire. Nous en étions, de mémoire, à 40 000 élèves en 2012 et nous nous sommes fixé l’objectif d’en toucher au moins 10 000 de plus. Nous sommes en train d’atteindre cet objectif et il faudra aller plus loin.
Par ailleurs, nous développons aussi les partenariats entre les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis – CFA – qui permettent par exemple de disposer de plateformes communes sur lesquelles lycéens et apprentis se retrouvent pour mener à bien des projets. Ces partenariats permettent aussi aux apprentis, auxquels vous vous intéressez en réalité assez peu,…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
…lorsque l’entreprise qui les employait les lâche pour une raison ou pour une autre ou lorsqu’ils ne trouvent pas d’entreprise d’accueil pour effectuer leur apprentissage, de revenir sous statut scolaire, en tant que lycéens professionnels, car nous avons créé les bonnes passerelles pour cela.
Vous le voyez, nous n’avons guère de leçons à recevoir non plus à ce sujet.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la ministre, mes chers collègues, je rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes le temps de parole pour les questions comme pour les réponses. Je veux bien faire preuve de souplesse, mais je ne vous laisserai pas non plus doubler vos temps de parole.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Madame le ministre, depuis quelques semaines, plus d’une cinquantaine de lycées sont en grève : il s’agit des lycées d’éducation prioritaire, qui sont les grands oubliés de votre gouvernement.
Rappelez-vous : votre prédécesseur, Vincent Peillon, avait refusé de traiter cette question en 2014, repoussant à 2017 le règlement d’une situation pourtant urgente et sensible. C’était bien commode, alors que les difficultés scolaires et sociales ne s’arrêtent pas à la fin de la troisième.
Aujourd’hui, en 2017, la situation est au point mort. Les enseignants et les élèves de ces lycées ont dû descendre dans la rue pour déplorer l’inaction du Gouvernement et dénoncer le manque global de moyens. Ils craignent de perdre à terme leur label « éducation prioritaire » et réclament avec réalisme des moyens pérennes, des effectifs de classe réduits, des cours en demi-groupes, des aides aux devoirs, des compensations légitimes pour les personnels et la consolidation des microlycées et des options proposées.
Madame le ministre, il y a dans notre système éducatif trop d’inégalités, que vos réformes ne font qu’aggraver. C’est malheureusement aussi le cas dans l’enseignement des langues étrangères. Vous avez ainsi, dans votre très controversée réforme des collèges, supprimé en partie les classes bilangues au nom d’une prétendue égalité des enseignements. Or, sur nos territoires, l’égalité n’existe plus. Ainsi, en Haute-Savoie, dans un pays pourtant frontalier de la Suisse et où l’apprentissage de l’allemand est un atout, le nombre de classes bilangues a été divisé par deux. Les académies de Poitiers, Grenoble, Rouen et Lyon en perdent respectivement de 70 % à 75 % ; 65 % des sections sont supprimées à Lyon, contre 10 % à Marseille. Pourtant, à Paris, vous maintenez 100 % de ces classes.
Comment peut-on parler d’égalité ? Sur le terrain, je vous l’assure, la promesse d’un renforcement de l’égalité dans le parcours scolaire est loin d’être une évidence. Où est donc, madame le ministre, l’égalité pour les élèves et les professeurs, quand nous constatons les importantes disparités territoriales créées par vos réformes et par des oublis injustifiables ?
Madame la présidente, vous m’avez demandé d’être brève et je vais m’efforcer de l’être
Rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain
mais il y a quelque chose de si cocasse, madame la députée Duby-Muller, à vous entendre parler des lycées d’éducation prioritaire !
Comment ? Vous n’avez pas compris qu’en réalité, c’est à vous qu’ils s’adressent ?
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mais oui, c’est à vous qu’ils s’adressent, bien sûr ! Lorsqu’ils vont dans la rue pour crier leur inquiétude que la réforme que nous nous sommes engagés à faire – et que nous ferons, bien évidemment – puisse, si les responsabilités venaient à changer, ne pas être faite, à qui, à votre avis, s’adressent-ils ?
Mêmes mouvements.
Je suis donc très heureuse de vous avoir entendue poser cette question, qui sera consignée : chacun pourra se souvenir que, d’une certaine façon, vous vous êtes engagée à faire cette réforme, puisque vous y accordez tant d’importance.
Je vais maintenant vous dire en quoi consiste cette réforme de l’éducation prioritaire – car sans doute faut-il en effet s’intéresser un peu au sujet avant d’en parler.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La réforme de l’éducation prioritaire que nous avons faite pour les collèges et les écoles, ce n’était pas simplement pour le plaisir de réformer ! Elle s’est faite avec des moyens supplémentaires : 350 millions d’euros. Êtes-vous prête à mettre vous aussi 350 millions d’euros pour réformer les lycées d’éducation prioritaire ? Nous en reparlerons.
Elle s’est faite aussi comme une réforme cartographique, c’est-à-dire qu’il s’est agi de prendre en considération l’évolution des territoires pour mieux concentrer l’aide sur ceux qui en ont le plus besoin, de faire sortir certains collèges du dispositif et d’y faire entrer de nouveaux, paupérisés.
C’est donc bien ce travail qu’il faudra faire avec les lycées de l’éducation prioritaire quand on les réformera, travail qui demande évidemment d’identifier des indicateurs sociaux précis et une réalité territoriale. Ce n’est pas en un claquement de doigt qu’une telle réforme se fait. Le jour où elle se fera, en revanche, il sera bien sûr indispensable de redessiner l’éducation prioritaire des lycées et d’y consacrer plus de moyens : il faut en effet arrêter de saupoudrer, et donner des coups de pouce là où c’est nécessaire. Il faudra aussi, bien sûr, repenser la pédagogie dans ces lycées, raison pour laquelle il faut se donner le temps de bien faire cette réforme.
Voilà la réponse qui a été faite aux lycées d’éducation prioritaire, qui l’ont, je crois, parfaitement entendue et qui s’adressent à vous, je le répète, lorsqu’ils s’inquiètent que cet engagement puisse ne pas être tenu à l’avenir.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour ce qui est des classes bilangues pour finir, vous évoquez un département particulièrement symptomatique : votre département, madame la députée, a en effet vu la création de vingt-deux classes bilangues de continuité à la rentrée 2016, ce qui a porté leur nombre à trente-cinq.
Il n’a, je le rappelle, jamais été question de détruire les classes bilangues de continuité, mais seulement les classes bilangues de contournement. Je ne sais donc pas de quoi vous me parlez.
Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1 du règlement de l’Assemblée nationale.
Madame la ministre, nos échanges de ce soir se situent dans le cadre d’une série de questions cribles, pour lesquelles nous souhaiterions que vous ayez un comportement plus respectueux à l’égard de l’opposition et de la représentation nationale.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous pouffez, vous riez. Quel mépris ! Vous nous trouvez cocasses, vous allez tout nous expliquer parce que nous ne comprenons rien, nous ne savons rien, nous n’allons pas sur le terrain… C’est vraiment pitoyable. Madame la présidente, ce n’est pas ainsi que doit se comporter une ministre de la République. Ce n’est pas ainsi qu’on se comporte devant la représentation nationale. Un peu de respect !
Nous nous situons sur le terrain politique, nous avançons des arguments politiques. Votre comportement, lui, n’est pas de cette nature.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
suite
Madame la ministre, plusieurs rapports et études récents montrent la progression des effectifs de l’enseignement privé depuis de nombreuses années. Ils montrent également que l’enseignement privé coûte sensiblement moins cher que l’enseignement public : près de 35 milliards d’euros de moins, selon une étude réalisée par l’iFRAP – Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques. Ainsi, la dépense par élève de primaire est de 2 079 euros dans le public contre 1 618 euros dans le privé et, dans le secondaire, le coût par élève est de 4 294 euros dans le public contre 3 161 euros dans le privé.
Globalement, l’enseignement public reçoit 12,4 milliards d’euros de plus que le privé de la part des collectivités et, depuis quelque temps, nombre de communes, de départements et de régions ne cessent de diminuer leur contribution à l’enseignement privé, notamment au titre du fonctionnement.
Il est certes parfois fait grief à l’enseignement privé de ne pas respecter la carte scolaire : si l’on souhaite progresser sur ce point précis, je suggère que l’on mette un terme à la règle dite des « 8020 », qui limite les crédits accordés au privé à 20 % du budget global de l’action éducatrice de l’État.
Madame la ministre, les établissements privés voient leurs effectifs augmenter parce que de plus en plus de familles leur font confiance et que les résultats obtenus par les élèves qui les fréquentent sont bons.
Je vous demande donc de préciser les mesures que vous entendez prendre pour que l’État et, accessoirement – car ce n’est évidemment pas vous qui en décidez – les collectivités locales maintiennent leur soutien financier à un enseignement qui a fait ses preuves et les fait encore. Nous ne sommes plus à la fin du XIXe siècle ni au début du XXe et l’idéologie devrait aujourd’hui faire place à l’intérêt de notre système éducatif, à l’équité et à l’intérêt de nos enfants.
Je souhaiterais enfin, madame la ministre, que votre réponse puisse être qualifiée de « décontractée », car il s’agit ici d’une séance de questions cribles et non pas de questions au Gouvernement. Nos échanges pourraient donc être placés sous le signe…
…de l’objectivité plutôt que sous celui de la subjectivité – voire parfois, effectivement, sous celui du mépris.
Monsieur le député, je vous répondrai, bien entendu, sur le même ton que celui que vous avez employé, et d’abord en vous disant que l’actuel gouvernement accueille et accompagne l’enseignement privé de la même façon que cela s’est fait dans le passé, c’est-à-dire, comme vous l’avez rappelé, avec la règle des 8020, et même avec un budget en augmentation : étant donné que nous avons augmenté le budget de l’ensemble de l’éducation nationale, l’enseignement privé a bénéficié d’un budget de 7,4 milliards d’euros en 2017, soit une hausse de plus de 200 millions par rapport à 2016, ce qui nous a permis d’augmenter le forfait d’externat et les crédits pédagogiques.
Cela étant rappelé, j’ai trouvé votre question très intéressante. Pour le coup, je vous sais gré d’avoir présenté les choses telles que vous les pensez et, je le crois, telles que votre famille politique les pense. Il n’y a pas de mépris dans ce que je dis : nous avons le droit d’avoir des oppositions…
Les questions précédentes, qui me faisaient le procès de ne pas suffisamment m’occuper de l’éducation prioritaire, étaient une plaisanterie. Vous, vous avez l’honnêteté de dire les choses telles que votre famille politique les pense : il faut moins investir dans le service public de l’éducation nationale, déverrouiller la règle des 8020 pour permettre à davantage d’établissements privés d’ouvrir en France et, par conséquent, non pas mieux soutenir l’éducation prioritaire – il n’en est pas question ! – mais créer un vaste marché de l’éducation dans lequel, bien entendu, seules les familles les plus favorisées auront les moyens de choisir l’établissement de leurs enfants.
C’est donc une sélection par l’argent que vous appelez de vos voeux.
Et pendant ce temps, l’une de vos collègues nous fait le reproche de ne pas avoir suffisamment investi dans l’éducation prioritaire !
En toute objectivité, nous gagnerions à avoir des débats plus honnêtes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la ministre, l’été dernier, le Conseil national d’évaluation du système scolaire – CNESCO – a publié d’intéressantes préconisations pour améliorer l’orientation, les formations et l’insertion des jeunes de l’enseignement professionnel. Tant que la France ne saura pas redonner ses lettres de noblesse au « travail de la main », nous ne pourrons pas offrir de meilleures perspectives d’avenir à notre jeunesse. C’est d’ailleurs un des objectifs que je me suis fixé en participant régulièrement aux travaux du CNESCO.
L’enseignement professionnel est un élément central de notre système éducatif, puisqu’en plus d’être à la croisée de l’éducation, du marché du travail, de l’économie et du social, il accueille un tiers des élèves du second cycle de l’enseignement secondaire. Il en résulte aujourd’hui un enseignement professionnel éclaté entre, d’un côté, quelques réussites ponctuelles associant des formations de qualité et une insertion rapide dans le marché du travail et, de l’autre, de graves dysfonctionnements affectant le destin des jeunes parmi les plus fragiles de notre pays.
Pour faire face aux nombreux défis qui l’attendent ces prochaines années, la responsabilité de l’enseignement professionnel ne doit-elle pas être confiée aux régions ? Cela garantirait une plus grande cohérence entre les lieux de formation et les bassins d’emploi. Les régions, aujourd’hui compétentes en matière d’apprentissage et de formation pour adultes, sont probablement plus qualifiées que les rectorats pour adapter rapidement le système de formation aux débouchés professionnels et mieux préparer les jeunes à s’insérer dans la vie active.
Par ailleurs, la gestion de l’enseignement professionnel par une seule entité permettrait de clarifier les débouchés, d’intensifier la sensibilisation et, au final, de contrer le manque d’attractivité injustifié dont souffrent les filières professionnelles auprès des familles et des élèves.
Madame la ministre, comment développer l’enseignement professionnel et l’apprentissage dans notre pays ?
Monsieur le député, au fond, en quoi serait-il équitable, juste et pertinent de traiter l’enseignement professionnel différemment du lycée général ou du lycée technologique ? Vous comprenez très bien, s’agissant du lycée général ou technologique et des diplômes auxquels ils conduisent, c’est-à-dire le baccalauréat, l’importance qu’il existe un diplôme reconnu nationalement, le même pour tous et dont chacun puisse se targuer quel que soit l’endroit où il travaillera ensuite. Pourquoi en irait-il autrement pour l’enseignement professionnel ?
Ce que vous venez de décrire nous conduirait en effet à l’exact inverse : si cela relevait de la responsabilité des régions, les diplômes seraient régionaux. Cela existe en Allemagne : vous pouvez donc comparer et constater les difficultés que cela pose quand un Land décide de ne plus reconnaître le diplôme du Land voisin – c’est arrivé récemment, comme vous le savez sans doute. Pourquoi mettre ainsi en difficulté nos jeunes lycéens professionnels ?
Si leur sort nous intéresse, et je n’en doute pas, il nous faut au contraire veiller à ce que l’enseignement professionnel soit choisi et non plus subi : c’est vraiment la problématique numéro un. Ce n’est pas compliqué, il suffit pour le savoir de discuter avec des jeunes ayant décroché, des jeunes qui sont malheureux aujourd’hui après des études qu’ils estiment avoir ratées, pour lesquelles ils n’avaient aucune vocation. Ces jeunes vous disent : « Le problème, c’est qu’on m’a mis là à la sortie de la troisième alors que ce n’était pas cela que je voulais faire ! » Réglons ce problème de l’orientation subie !
C’est la raison pour laquelle la mesure que j’ai évoquée tout à l’heure, permettant aux secondes professionnelles de revenir sur leur orientation jusqu’aux vacances de la Toussaint, est une formidable avancée. Je sais qu’elle est très peu commentée, comme toutes les bonnes nouvelles, mais pour les jeunes, cela veut dire beaucoup.
Par ailleurs, si nous voulons améliorer et revaloriser l’enseignement professionnel, faisons en sorte de mieux préparer les lycéens professionnels à ce qui leur est demandé de si singulier, et qui n’est pas demandé aux lycéens généraux, à savoir la capacité à s’insérer rapidement dans le monde du travail, dans lequel ils passeront leurs vingt-deux semaines de stage.
Souvent, en effet, ces jeunes lycéens professionnels débarquent dans les entreprises sans rien connaître à ce monde. De ce fait, ils ne s’y épanouissent pas, ils n’y apprennent pas ce qu’ils devraient y apprendre, parce qu’ils n’ont pas les codes. Nous avons changé cela lors de cette rentrée : désormais, avant de partir en stage, il y a systématiquement une semaine de préparation à l’arrivée dans le monde de l’entreprise.
Si nous voulons revaloriser l’enseignement professionnel, veillons à ce qu’il y ait des débouchés à la fin du bac pro ; veillons à proposer aux jeunes désirant continuer dans l’enseignement supérieur, dont nous savons malheureusement que beaucoup échouent en licence, des perspectives d’enseignement supérieur calées sur ce qu’ils ont connu en lycée professionnel, c’est-à-dire l’alternance et notamment les BTS. Or nous avons lancé un plan de création de 10 000 places nouvelles de BTS pour les lycées professionnels. Sachons nous réjouir des bonnes nouvelles qui, au fond, n’ont pas raison de faire clivage entre nous !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, dernier orateur pour le groupe Les Républicains.
Les cérémonies de voeux qui se suivent dans les communes sont riches en informations. Ce débat arrive donc à point nommé pour faire le constat des préoccupations récurrentes des maires quant au devenir de l’école en milieu rural.
L’élaboration des schémas de cohérence territoriale passe par les projets d’aménagement et de développement durables. Pour maintenir l’école rurale, il est impératif que l’ambition démographique respecte les ruralités. Les élus locaux sont attachés à leur école. Toutefois, ils sont inquiets face à l’évolution de certaines mesures urbanistiques et attentifs aux dispositions prises par votre ministère.
Madame la ministre, à quelques jours de la présentation de la carte scolaire par les services de l’État, quelles nouvelles modalités de soutien à l’école rurale pouvez-vous annoncer ?
Enfin, en parfaite cohérence avec cette première question, quelles dispositions prenez-vous pour accueillir les enfants de deux à trois ans à l’école, notamment lorsqu’il s’agit de maintenir ou d’ouvrir une classe en milieu rural ? Des mesures incitatives sont-elles envisagées ?
Des études ont montré que les écoliers ayant suivi quatre années de scolarisation en maternelle réussissent mieux leur CP et leur CE1. L’école dès deux ans peut donc constituer un véritable atout, l’accueil devant néanmoins être adapté aux rythmes et aux besoins des enfants.
Dans un contexte de rigueur des finances communales, étant donné le désengagement de l’État, les communes rurales, en particulier, n’ont pas forcément la capacité financière pour créer des jardins d’enfants. N’est-il donc pas temps d’envisager le droit pour tous les enfants d’entrer en maternelle dès l’âge de deux ans ? Les élus locaux et les familles attendent une réponse précise à ces questions.
Merci pour votre question, monsieur le député, qui me permet d’insister sur la rentrée 2017 telle que nous l’avons préparée. En termes de moyens, cette rentrée sera inédite. Pour la première fois depuis le début du quinquennat, le premier degré connaît une baisse démographique, avec 12 000 élèves en moins en France ; or, nous créons 4 300 postes dans le premier degré.
Il faut prendre conscience de ce que cela représente, surtout si, d’aventure, cela devait ne pas se reproduire par la suite. Concrètement, cela signifie, pour répondre à votre question, qu’il n’y a pas un seul département de France dans lequel l’évolution des postes sera négative, en dépit des baisses démographiques. Il existe des départements ruraux dans lesquels la baisse démographique est évidente ; pour autant, ces départements ne perdront pas de postes, non seulement parce que nous créons ces 4 300 postes, mais aussi parce que nous avons fait en sorte d’adopter dans quasiment tous les départements ruraux de France – c’est en cours – des conventions de ruralité sur lesquelles je veux insister.
Ces conventions de ruralité, au-delà de la question des moyens, représentent un autre type de partenariat entre le ministère de l’éducation nationale et les collectivités locales, un partenariat intelligent, concerté. La fermeture d’une classe ou d’une école dans une petite commune rurale du fait d’une baisse démographique ne doit plus tomber d’une année sur l’autre, comme un couperet. Cela, c’était le passé. Aujourd’hui, il n’en va plus de même.
Aujourd’hui, nous nous mettons autour d’une table avec les élus locaux des départements ruraux pour réfléchir sur trois ans, en nous donnant le temps. Sur ces trois ans, quelles que soient les baisses démographiques constatées, l’éducation nationale ne retire pas ses enseignements : c’est tout de même énorme ! Cela signifie qu’on ne ferme pas les classes et qu’on se donne trois ans pour réfléchir à la réorganisation dans le territoire, soit par des regroupements pédagogiques intercommunaux, soit par d’autres solutions, pour agir au mieux dans l’intérêt des élèves. Cela permet de développer en parallèle la préscolarisation des enfants ou le numérique à l’école.
Pour la préscolarisation, puisque vous l’avez évoquée, je citerai votre département, qui vous intéresse davantage : 324 communes y ont bénéficié de ces dispositions. Concrètement, 1 524 élèves de moins de trois ans ont été scolarisés grâce aux efforts que nous avons consentis, permettant d’atteindre un taux de 42 % de préscolarisation des moins de trois ans dans les milieux ruraux : c’est important, la moyenne étant plutôt inférieure à 20 %. Avec 42 %, nous avons donc réalisé un effort très important, démontrant que la ruralité nous intéresse aussi, et pas seulement l’éducation prioritaire en ville.
Nous en venons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. La parole est à M. Philippe Gomes, pour deux questions.
La semaine dernière, nous commémorions les terribles attentats qui ont frappé la France en janvier 2015. Les heurts qui ont suivi dans certains établissements scolaires ont révélé les fêlures de notre société dans notre capacité à vivre ensemble.
En réponse à ces crispations, le Gouvernement avait alors annoncé la création d’une réserve citoyenne. Unanimement salué, ce projet ambitieux devait ouvrir les portes de l’école et permettre à des hommes et à des femmes de s’engager aux côtés des professeurs pour transmettre à notre jeunesse les valeurs de la République. L’école n’est-elle pas le meilleur lieu pour faire l’apprentissage des valeurs républicaines ? Et ces valeurs ne nous ont-elles pas permis, au fil du temps, grâce à l’école de la République, de construire une nation ?
Chacun était bien conscient que ce dispositif nécessitait du temps pour être mis en place et devait s’articuler avec les priorités, les objectifs et le rythme des enseignants. Néanmoins, deux ans après son lancement, les premiers retours des réservistes sont décevants et apparaissent en décalage avec les attentes affichées.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous présenter un bilan actualisé de la mise en oeuvre de cette réserve citoyenne et de la manière dont elle s’est insérée dans notre système éducatif ? Pourriez-vous, dans ce cadre, nous communiquer le nombre d’interventions effectuées dans les classes ?
Enfin, à la suite de l’adoption de la loi égalité et citoyenneté, quelles seront les conséquences de l’intégration de la réserve citoyenne de l’éducation nationale au sein de la réserve civique ?
Oui, monsieur le député, cette réserve citoyenne est en effet une très belle initiative – je me permets de le dire parce qu’elle vient, non de nous, mais des citoyens eux-mêmes : l’idée est née au lendemain des attentats de janvier, lorsque les citoyens français eux-mêmes nous ont envoyé des milliers de lettres. Constatant que beaucoup d’enseignants disaient être démunis pour transmettre un certain nombre de valeurs et pour discuter d’un certain nombre de sujets avec leurs élèves, ces citoyens nous ont écrit pour proposer de se rendre utile, de partager leur engagement, leur parcours et de faire entendre leur parole aux enfants à côté de celle des enseignants. C’est ainsi qu’est née l’idée de la réserve citoyenne.
C’est une source de réjouissance quotidienne pour moi parce que le succès de cette réserve ne s’est jamais démenti. Aujourd’hui, près de 7 000 personnes se sont inscrites comme « réserviste citoyen ». En réalité, elles ont été plus nombreuses à s’inscrire, mais après toute une procédure consistant à les recevoir pour vérifier qu’il n’y avait pas de problème particulier à les laisser entrer à l’école – il ne fallait pas faire n’importe quoi non plus ! – 7 000 réservistes ont été retenus. Ils correspondent à des profils très différents : il y a aussi bien des avocats que des médecins, des retraités, des chômeurs, des associatifs – bref, des gens guidés par un engagement, une cause, une façon d’être qui peut être utile aux élèves.
Comment cela se passe-t-il pour eux concrètement ? Chaque académie dispose d’un référent réserve citoyenne qui, sous l’autorité du recteur, a la charge de mettre en contact les établissements scolaires et les réservistes citoyens. Ce référent tient à jour la liste de tous les réservistes, qu’il connaît, qu’il a reçus, et les propose aux établissements scolaires en fonction des compétences souhaitées. Dès lors qu’un établissement est intéressé, les professeurs font appel à un réserviste.
Comment cela fonctionne-t-il ? Beaucoup d’articles ont été écrits sur la réserve citoyenne lors de la rentrée 2015, disant que ce n’était pas aussi simple et que les professeurs n’étaient pas forcément demandeurs de voir des réservistes citoyens intervenir dans leurs classes.
Il faut prendre des précautions avec toutes ces analyses réalisées à chaud. La réalité est qu’à l’automne 2015 ont eu lieu les attentats du 13 novembre. Les établissements scolaires se sont de ce fait à nouveau refermés sur eux-mêmes, et la première priorité des équipes, au sein des établissements, n’était pas de faire venir des personnes de l’extérieur.
Aujourd’hui, nous avons suffisamment de recul pour mieux voir les choses et nous constatons que, quelques mois plus tard, le dispositif est installé et qu’il fonctionne, je n’en démords pas, de mieux en mieux. Tous les enseignants que j’ai rencontrés et qui ont accueilli des réservistes citoyens louent cette initiative et souvent les invitent à revenir dans l’établissement.
Toutefois, sur 7 000 réservistes citoyens inscrits, tous ne sont pas appelés. Vous trouverez toujours des gens qui vous diront qu’ils sont inscrits pour participer à la réserve citoyenne depuis de longs mois mais n’ont pas encore été appelés. A contrario, d’autres ont été appelés, ont convenu et ont été rappelés à plusieurs reprises. C’est ainsi. Lorsqu’on s’inscrit pour participer à la réserve citoyenne, il faut accepter de ne pas être sollicité. Ce n’est pas grave. Il faut accepter ce rapport basé sur le don, sans attendre une contrepartie.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, la réserve citoyenne fonctionne bien. C’est par centaines que l’on compte les séquences qui ont eu lieu et ont débouché sur des projets conduits avec les élèves. À l’occasion de la Journée de la laïcité, que nous avons instituée le 9 décembre dans les établissements scolaires pour faire travailler les élèves sur la question de la laïcité, des réservistes citoyens participent désormais systématiquement aux projets aux côtés des élèves.
Cette très belle réserve est à présent inscrite dans la loi égalité et citoyenneté et a donc vocation à durer.
Madame la ministre, je souhaitais également aborder la question du protocole d’accord que vous avez signé lors de votre déplacement en Nouvelle-Calédonie, le 26 octobre dernier, aux termes duquel l’État s’engage à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans la mise en place de son projet éducatif qui doit permettre à l’école calédonienne de devenir le creuset du destin commun de notre pays.
Ce protocole d’accord contient un certain nombre de dispositions qui sont en train d’être mises en place. Je pense notamment à l’assistance qui nous est apportée pour la rédaction du code de l’éducation, mais également aux garanties qui nous ont été offertes pour que la correction locale du baccalauréat, du moins des 25 % de copies qui ne sont pas encore corrigées localement, bénéficie des garanties d’anonymat requises, s’agissant des matières à petit flux, et du timbre d’une académie métropolitaine, ce qui est important pour les jeunes Calédoniens qui font leurs études en France métropolitaine.
Pour autant, d’autres dispositions semblent soulever d’importantes difficultés de mise en oeuvre. Elles tiennent aux moyens devant être alloués à la Nouvelle-Calédonie pour lui permettre de mettre en place quatre nouveaux BTS, dont le premier à la rentrée 2017, mais aussi aux moyens humains et financiers nécessaires pour que les deux lycées dont la construction a été assumée par l’État – le lycée du Mont-Dore et celui de Pouembout – puissent fonctionner dans des conditions satisfaisantes.
À ce titre, je suis très inquiet car 7 900 heures d’accompagnement éducatif devaient être allouées dont nous ne voyons pas trace aujourd’hui. Or, comme chacun le sait, en Nouvelle-Calédonie, 27 % des élèves qui arrivent en sixième ont une année de retard. Cet accompagnement éducatif est donc essentiel pour notre pays.
De la même manière, madame la ministre, nous avons des inquiétudes concernant l’antenne de l’université dans la Province Nord. Des crédits d’investissement ont été débloqués, mais les moyens en fonctionnement sont incertains. Or vous savez à quel point cette antenne est importante pour notre pays en général et pour la Province Nord en particulier.
De la même manière, la politique de site qui a été initiée par l’université de la Nouvelle-Calédonie est digne d’être saluée – elle est probablement la plus avancée de tous les outre-mer. Vous avez, madame la ministre, eu les yeux de Chimène pour un territoire voisin et ami… Nous aurions aimé que vous les portiez également sur nous !
Ma question est donc la suivante : l’État apportera-t-il, à la rentrée 2017, les moyens nécessaires à la mise en oeuvre du projet éducatif, et notamment à l’ouverture des deux lycées ? L’université bénéficiera-t-elle d’une attention bienveillante afin que son antenne en Province Nord puisse fonctionner dans les meilleures conditions ?
Monsieur le député, je suis surprise de vous entendre dire cela. Nous pourrons en reparler après cette séance, mais je peux d’ores et déjà vous affirmer que les engagements que j’ai pris personnellement ne seront absolument pas remis en question, en particulier pour les deux lycées. D’ailleurs je vous demanderai de me donner des nouvelles du lycée Mont-Dore, dont j’ai suivi l’évolution, après mon départ. Les 75 postes seront maintenus et les 7 900 heures d’accompagnement seront bien délivrées, il n’y a pas de sujet d’inquiétude.
S’agissant de l’université, je veux aussi vous rassurer puisque nous avons décidé, pour tenir compte de l’augmentation des effectifs d’étudiants, d’attribuer 60 millions de francs Pacifique de crédits supplémentaires au titre du budget 2017. Ce budget a été adopté par le Parlement. Il n’y a donc pas non plus de débat sur ce point.
Par ailleurs, dans le cadre de la politique de rééquilibrage à laquelle nous voulons contribuer, l’implantation de l’antenne Nord est inscrite dans le contrat de développement au titre duquel 477 millions de francs Pacifique ont été provisionnés.
Je ne dispose pas d’informations qui auraient des raisons de vous inquiéter, monsieur le député, mais nous suivons ce dossier avec intérêt et je vous invite à revenir vers nous si vous le souhaitez.
Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.
Madame la ministre, la récente enquête PISA de l’OCDE sur le niveau scolaire classe notre pays à la vingt-sixième place sur soixante-douze. C’est décevant. Malheureusement, cette enquête corrobore d’autres enquêtes similaires, tout aussi alarmantes, notamment en ce qui concerne nos résultats en sciences et en mathématiques.
Ce qui est plus grave encore, c’est que notre école est jugée, au niveau international, trop inégalitaire. Les résultats des élèves dépendent beaucoup trop de leur niveau social. Cette inégalité est désormais chronique, tout le monde le reconnaît, et elle fragilise l’ensemble du système, les bons élèves comme les plus faibles.
Bien sûr, madame la ministre, je me félicite des efforts du Gouvernement en matière d’éducation…
…mais tout de même ! Les évaluations internationales successives sont de plus en plus décevantes et montrent que notre école souffre de difficultés sérieuses.
Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que tout est mauvais dans l’école française. Ce serait bien injuste. Au contraire, nous avons de très belles réussites et les enseignants font un travail formidable qu’il convient de saluer.
La vérité est que notre système scolaire est trop centralisé, trop technocratique…
…et qu’il a bien du mal à s’évaluer et à se réformer.
Ma question, madame la ministre, est simple. Tout en veillant à l’égalité républicaine, qui est essentielle – donner exactement les mêmes moyens à chaque élève – ne pensez-vous pas qu’il faudra, à l’avenir, engager une réforme structurelle visant à donner davantage d’autonomie d’action aux établissements scolaires et aux collectivités locales, qui font beaucoup pour l’éducation, et faire davantage confiance aux acteurs de terrain que sont les enseignants et les parents ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous avez évoqué en premier lieu l’enquête PISA. Chacun d’entre vous le sait, mais cela ne fait pas de mal de le répéter, les évaluations PISA portent sur des enfants de quinze ans.
Je dois d’ailleurs cesser de parler d’enfants car cela peut induire en erreur : il s’agit de jeunes de quinze ans, et les évaluer revient à évaluer la scolarité qu’ils ont connue durant les dix années précédentes.
Cessez de dire que le résultat de l’enquête PISA de 2015 aurait une quelconque corrélation avec l’action conduite par ce Gouvernement. Il n’y en a aucune ! Par définition, les élèves de quinze ans qui ont été évalués ont grandi et ont été scolarisés sous l’ancienne majorité.
Il en va de même pour l’enquête TIMSS – Trends in International Mathematics and Science Study – madame la députée, puisque cette enquête, comme vous le savez, évalue des élèves de CM2 qui ont effectué leur CP en 2005 ou 2006, en tout cas bien avant que nous soyons aux responsabilités.
En 2010, soit, en tout cas avant 2012 et vous le savez parfaitement.
Pour en revenir à l’enquête PISA qui nous intéresse, il faudra attendre 2019 – cela exige de la patience, je le sais – pour juger des effets de notre politique.
Pour répondre à votre question, monsieur le député, sur l’autonomie des établissements scolaires, je dirai que cela dépend de ce que l’on entend par autonomie. On voit bien qu’à droite et à gauche de l’échiquier politique, nous n’avons pas du tout la même conception de l’autonomie.
S’il s’agit d’une autonomie pédagogique, c’est-à-dire de la capacité donnée aux équipes d’adapter leur pédagogie et les réponses à apporter aux besoins de leurs élèves en consacrant plus de temps au français ou aux mathématiques en fonction de leurs difficultés, ou encore à l’art ou à la découverte du monde professionnel, c’est une bonne chose. C’est précisément ce que nous avons voulu développer dans le cadre de la réforme du collège…
…qui accorde 20 % d’autonomie aux enseignants, ce qui n’était pas le cas par le passé.
S’il s’agit d’une autonomie comme celle que prône la droite, à savoir une autonomie financière au nom de laquelle chaque établissement scolaire se comporterait comme une petite entreprise, le chef d’établissement recrutant lui-même ses enseignants, expliquez-moi en quoi cela garantit une éducation de qualité sur tout le territoire national, ce qui a priori devrait tous nous intéresser puisque nous agissons pour l’ensemble de la France ?
Quelle égalité y aura-t-il le jour où les chefs d’égalité pourront recruter leurs enseignants ? Cela signifie que les chefs d’établissements cotés recruteront les meilleurs enseignants et que par définition, dans les territoires les plus difficiles, typiquement la Seine-Saint-Denis où on a tant de mal à envoyer des professeurs, ils seront encore moins nombreux !
Cette autonomie-là ne trouve pas grâce à nos yeux, c’est le moins que l’on puisse dire.
Madame la ministre, la loi dispose que l’éducation est la première priorité nationale et qu’elle contribue à l’égalité des chances. Pour autant, l’école ne peut pas tout.
Vous écriviez vous-même en 2014 que les élèves ne sont pas à égalité devant la réussite scolaire, avant d’ajouter que le poids des origines sociales est trop lourd. Ce diagnostic est également posé par le classement PISA qui met en évidence de façon constante la corrélation forte dans notre pays entre inégalités sociales et inégalités scolaires.
Il faut donc des outils d’ajustement supplémentaires. Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – en sont un exemple. Ils sont pourtant dans une situation préoccupante, en particulier dans le département des Bouches-du-Rhône.
Les psychologues scolaires, maîtres d’adaptation et rééducateurs employés en leur sein sont au contact des élèves les plus en difficulté, ils préviennent la violence et luttent contre le décrochage.
Ils apportent une aide précieuse aux enseignants, parfois démunis face aux difficultés de certains élèves. Ils sont aussi un trait d’union entre les familles et l’institution scolaire.
Les RASED ne se sont pas remis de la politique éducative de la majorité précédente.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Bref, entre 2007 et 2012, leurs effectifs ont diminué d’un tiers, passant de 15 000 à 10 000.
Dans les Bouches-du-Rhône, les postes au sein des RASED ont été divisés par deux depuis 1995 et les postes de rééducateurs ont tous été supprimés, alors que le travail des RASED avait été salué par deux grandes institutions de notre République. Il y a deux ans, la Cour des comptes indiquait ainsi que leurs activités commençaient à être bien intégrées dans la pratique. Quant au Sénat, il a produit en 2013 un rapport d’information recommandant de donner aux RASED les moyens de leurs missions.
Fier d’appartenir à une majorité qui a remis l’éducation au centre des politiques publiques de la nation depuis 2012,...
…je souhaite cependant vous questionner sur cette situation préoccupante et sur les moyens que vous mettez en oeuvre pour renforcer la présence des RASED dans les écoles, en particulier dans les Bouches-du-Rhône.
Monsieur le député, je tiens à revenir sur votre département. Celui-ci a connu depuis le début du quinquennat une hausse de la démographie scolaire qui a été bien accompagnée, avec la création de 215 emplois de professeur des écoles. Dans la ville de Marseille, pas moins de soixante-dix classes ont été ouvertes lors la dernière rentrée, ce qui constitue un fait inédit pour le territoire marseillais.
À la rentrée 2017, l’académie d’Aix-Marseille verra encore la création de 255 postes, pour une hausse démographique de 1 880 élèves. Concrètement, on comptera donc un poste de plus pour sept élèves supplémentaires.
Ces chiffres montrent que, sur place, les autorités académiques auront les moyens non seulement de mettre un professeur devant chaque classe, mais aussi de développer le dispositif « plus de maîtres que de classes », qui remporte un grand succès. Plébiscité sur le terrain, il rencontre en effet un grand succès dans les écoles en difficulté pour améliorer l’acquisition des fondamentaux par les enfants.
Les autorités pourront en outre consacrer davantage de moyens aux RASED, qui avaient été quasiment supprimés, ou réduits comme peau de chagrin, sous l’ancienne majorité. Ces dernières années, nous avons arrêté l’hémorragie. Nous avons reconstitué les réseaux, à quelques dizaines de postes près. Lors de la rentrée 2017, compte tenu de la baisse démographique, nous aurons beaucoup plus de moyens pour achever ce travail. Par conséquent, il y aura plus de RASED sur votre territoire.
Je terminerai en rappelant que nous avons décidé de créer un nouveau corps dans notre belle maison Éducation nationale : un corps unique de psychologues scolaires. C’est ainsi que nous pourrons recruter des psychologues pour les écoles, ce qui est très important.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je vous propose, monsieur Serville, de poser vos deux questions à la suite, pour avoir une réponse commune.
Bien, madame la présidente. Madame la ministre, avec une succession de dix recteurs en vingt ans, l’académie de la Guyane se distingue par la grande instabilité de sa gouvernance. Le départ précipité du dernier recteur est là pour nous rappeler l’impérieuse nécessité de renforcer l’attention portée à ce problème.
En effet, malgré les nombreux efforts réalisés conjointement par votre ministère et par les nombreux partenaires du système éducatif, force est de constater que les résultats obtenus sont encore largement en dessous de nos espérances, même si nous saluons les réelles avancées observées, notamment à la suite du classement de notre académie en REP+.
Cela posé, je plaide pour que soient affectés en Guyane des recteurs chevronnés, ayant de l’expérience et bénéficiant de la totale confiance de leur ministère de tutelle. C’est là une condition sine qua non si nous voulons générer une utilisation optimisée des moyens publics mis à disposition d’un territoire dont la complexité ne fait aucun doute.
Je plaide également pour qu’à défaut de nommer un recteur guyanais ou ancré dans le pays Guyane, votre ministère décide la création d’un véritable poste de DASEN – directeur académique des services de l’éducation nationale – sur lequel serait affecté un de ces cadres dont regorge la Guyane et qui possèdent une parfaite connaissance des problématiques du territoire, en vue d’établir une véritable relation d’empathie avec ses habitants.
Madame la ministre, suivant cette logique et sans pour autant remettre en cause vos choix, permettez que je sollicite l’application d’un parallélisme de formes pour que soit exercé envers les futurs cadres de notre académie le principe énoncé par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’éducation nationale, selon lequel il est souhaitable que l’enseignant soit quelqu’un qui partage les mêmes valeurs que les enfants auxquels il enseigne. L’académie de la Guyane vous en sait déjà gré.
Nous écoutons votre seconde question, monsieur Serville. J’espère que Mme la ministre saura faire tenir deux réponses au lieu d’une en quatre minutes…
Sourires.
Ma seconde question porte sur les centres d’information et d’orientation – CIO.
Depuis la publication de la carte cible et le désengagement de certains départements, le nombre de fermetures ou de prévisions de fermeture tout autant que les regroupements de CIO inquiètent les syndicats, les salariés et les populations. D’autant que, lors de la publication de la carte cible, de nombreuses interrogations ont paru renforcées par le fait que certains rectorats la considéraient comme indiquant le nombre maximal de structures à atteindre.
Dès 2015, puis en 2016 madame la ministre, vous avez répondu à mon collègue Gaby Charroux lors d’une rencontre dans votre ministère pour apaiser les inquiétudes des professionnels et des acteurs. Néanmoins, nous observons un désengagement des conseils départementaux : celui de la Seine-Saint-Denis se retire du financement de huit CIO, ce qui risque d’entraîner la fermeture d’au moins six structures. Nous constatons les mêmes inquiétudes en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et sur le reste du territoire.
Lors du comité technique du ministère de l’éducation nationale, vous avez présenté la nouvelle carte dans le cadre du maillage départemental mis en place par votre ministère.
Madame la ministre, vous connaissez notre attachement au service public national de l’orientation, car les CIO sont des services publics de proximité appréciés pour leur gratuité et leur implication au bénéfice des jeunes, des élèves, des parents d’élèves et des étudiants.
Pouvez-vous nous confirmer la prise en charge par l’État de soixante-treize CIO au plan national et dissiper nos craintes quant aux projets de fermeture des CIO qui subissent le désengagement des conseils départementaux ?
Pour ce qui est de la gouvernance de l’éducation en Guyane, monsieur le député, je veux que vous soyez convaincu, mais je pense que c’est déjà le cas, que je suis très sensible à l’éducation en Guyane. Les créations de postes que vous avez pu constater ne doivent rien au hasard. À la prochaine rentrée, quatre-vingts postes seront créés dans le premier degré pour 177 élèves supplémentaires, ce qui représente un poste supplémentaire pour deux élèves supplémentaires. C’est assez remarquable.
Allons plus haut : dans le second degré, 113 postes seront créés pour 737 élèves supplémentaires. Vous le voyez, nous donnons au département les moyens d’apporter des réponses éducatives de qualité. Je rappelle aussi, parce que nous avons eu l’occasion d’en parler, qu’à la dernière rentrée, l’ensemble des écoles et des collèges de la Guyane, à quelques exceptions près, est passé en REP+, ce qui n’est pas moins remarquable.
En ce qui concerne la gouvernance de l’académie, vous connaissez ma réponse. Dans les académies d’outre-mer, qui sont toutes mono-départementales, le recteur exerce les fonctions de DASEN. Il est assisté d’un secrétaire général qui a pour charge de piloter l’administration du rectorat et d’un directeur académique adjoint, auquel il délègue les compétences dans les domaines relatifs aux écoles, collèges et lycées.
Au-delà de cette question, certains réaménagements sont en cours dans votre académie. Les services sont en restructuration. Ce chantier engagé en début d’année sera finalisé rapidement. Il nous permettra de renforcer l’animation de l’encadrement intermédiaire et de mettre en place des indicateurs de pilotage, ainsi que des outils adaptés au contexte de forte croissance démographique que connaît l’ouest guyanais, en particulier le secteur de Saint-Laurent-du-Maroni.
Dans cette optique, j’ai demandé fin 2016 à l’inspection générale de mon ministère de venir en Guyane identifier des axes d’amélioration de la gouvernance et des outils de suivi de nos politiques. Je tiens à vous rassurer sur le fait que le nouveau recteur, M. Alain Ayong Le Kama, qui vient de rejoindre son poste, les mettra en oeuvre.
Je répondrai plus rapidement à votre seconde question. Vous avez rappelé que certains départements se désengageaient du financement des CIO, qui remplissent pourtant, à n’en pas douter, une véritable mission de service public, et qu’une évolution du maillage territorial s’en est suivie. C’est le cas en Provence-Alpes-Côte d’Azur comme sur l’ensemble du territoire. Je suis très attentive à ce qu’on accompagne les situations que vous avez évoquées. C’est aussi le cas en Seine-Saint-Denis où, avec le président du conseil départemental, nous venons de trouver un accord permettant de maintenir un maillage acceptable des CIO.
Je vous rassure sur le fait que ce nouveau maillage reposera sur un potentiel total non de 373, mais de 375 CIO financés par l’État, si cela s’avérait nécessaire, du fait du désengagement des départements. Par ailleurs, le rôle des CIO sera consolidé dans le système éducatif grâce à la création du corps unique des psychologues de l’éducation nationale, qui consacre le rôle de la psychologie dans l’éducation et dans l’accompagnement du parcours des élèves.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, écologiste et républicain. La parole est à Mme Colette Langlade.
Madame la ministre, depuis 2012, un effort sans précédent a été porté à la création de postes de personnels enseignants dans l’éducation nationale. Ainsi, ce sont près de 60 000 postes de professeur qui auront été créés au cours du quinquennat, conformément à la promesse faite par le Président de la République. Ces postes nourrissent l’enseignement scolaire et supérieur mais aussi les filières agricoles ou professionnelles.
Ces créations de postes n’ont relevé d’aucun dogme. Elles avaient au contraire un objectif pragmatique : refaire de l’école de la République un outil d’égalité, un moyen, pour l’ensemble des élèves, d’acquérir partout sur le territoire des compétences communes et des savoirs indispensables.
Oui, même si l’époque est à la stigmatisation permanente des fonctionnaires, la France a besoin de professeurs, de personnels enseignants plus nombreux et mieux formés pour corriger tant les inégalités de notre société que l’iniquité de notre système scolaire.
Mais pour recruter de nouveaux professeurs, et c’est le sujet de mon interrogation, il faut aussi améliorer leurs conditions de travail et leur rémunération. Car si dans notre société, on n’épouse pas la vocation de professeur par intérêt économique, on la quitte parfois par manque de reconnaissance.
Madame la ministre, vous avez poursuivi le travail engagé par vos prédécesseurs et complété l’ambitieux plan de recrutement des personnels enseignants par l’amélioration de leur rémunération, à travers la signature du PPCR, le protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations. Celui-ci revalorise l’engagement fait chaque année par ces milliers d’enseignants dans le but de permettre à chaque élève de s’émanciper et de trouver sa voie.
Ce besoin de revalorisation passe par des conditions salariales plus dignes, notamment en début de carrière où les difficultés sont les plus criantes, et par une plus forte lisibilité de l’évolution des carrières. Mais surtout, ce besoin de récompenser et de favoriser l’engagement dans notre système éducatif doit concerner l’ensemble des personnels : professeurs bien sûr mais également conseillers pédagogiques, assistants d’éducation ou contractuels.
Pouvez-vous détailler concrètement les apports de ce protocole et le calendrier d’application de ces dispositions ?
Madame la députée, je vous remercie de votre question. Ce qui est en cause, lorsqu’on soulève la question des démissions d’enseignants – même si j’ai rappelé qu’elles sont extrêmement marginales rapportées à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale – ou de la difficulté à pourvoir certains postes, c’est la reconnaissance et la valorisation de ces métiers aujourd’hui.
Disons-le clairement : cela faisait des années que les enseignants, mais aussi les personnels non enseignants de l’éducation nationale, attendaient une revalorisation. Nous avons voulu procéder en plusieurs temps.
Nous avons commencé par réparer les injustices qui pouvaient exister entre les professeurs du premier degré et ceux du second degré : la fameuse indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves – ISAE – des premiers a été portée au même niveau que celle des seconds à la rentrée 2016.
Mais surtout, nous avons voulu apporter une réponse à l’ensemble des personnels sur l’ensemble de leur carrière, avec le fameux PPCR. Celui-ci prévoit d’abord une revalorisation des rémunérations de base pour un montant total de 1 milliard d’euros, dont 500 millions ont d’ores et déjà été budgétés sur 2017 – elle commence donc en janvier 2017. Concrètement, les stagiaires entreront à terme dans la carrière avec un salaire revalorisé, soit une rémunération de base annuelle augmentée de plus de 1 400 euros. Le PPCR aura également un impact favorable sur la fin de carrière et la retraite, puisque le rééquilibrage progressif au profit de la rémunération indiciaire et la revalorisation de la rémunération de base des milieux et des fins de carrière se traduira par une augmentation des pensions.
En ce qui concerne le déroulé de la carrière, les parcours seront plus clairs, plus lisibles. Dès le 1er septembre 2017, la carrière rénovée entrera en vigueur : elle s’organisera désormais en deux grades, la classe normale et la hors classe pour ceux qui sont promus, avec une troisième, la classe exceptionnelle, accessible en priorité aux personnels ayant exercé dans l’éducation prioritaire ou assumé des responsabilités de directeur d’école pendant au moins huit ans.
La carrière est donc rendue plus lisible et l’engagement mieux reconnu. L’évaluation des enseignants est aussi moins infantilisante que par le passé, les rendez-vous de carrière étant clairs et connus de tous – environ une fois tous les sept ans, sous les regards croisés de l’inspecteur et du chef d’établissement.
Voici donc, au-delà de la revalorisation salariale, tous les changements que porte ce PPCR. On estime que pour un professeur certifié, il permettra un gain de quelque 24 000 euros sur l’ensemble de la carrière par rapport à la situation antérieure.
Madame la ministre, l’éducation publique est une fierté pour la France. Gratuite, laïque et ouverte à tous, l’école d’aujourd’hui est l’héritière de grands combats et peut revendiquer sa qualité, son expérience et l’engagement de ses enseignants.
Forte de ces qualités, l’école publique porte aujourd’hui un nouvel enjeu, celui de l’innovation pédagogique face à des établissements privés qui prétendent souvent en être les défenseurs les plus avertis, voire les plus indiscutables. Il y a un siècle ou encore cinquante ans, l’enseignement privé se distinguait de l’enseignement public par la religion ; puis est venu le temps de l’autorité et de la discipline ; désormais, c’est celui de l’innovation pédagogique. Ces revendications ne sont pourtant pas fondées.
Arrêtez d’opposer le public et le privé, il y a de la place pour tout le monde ! Ne rallumez pas la guerre scolaire. Les vieux combats, c’est fini !
De nombreuses initiatives existent dans l’enseignement public. Elles sont même institutionnalisées. Les exemples que l’on pourrait prendre concernent très souvent des activités artistiques et culturelles, comme les classes jazz de Marciac, dans le Gers, ou de Monségur, dans la circonscription de Martine Faure.
La réforme du collège, avec la mise en place des enseignements pratiques interdisciplinaires – EPI – et la consécration d’un emploi du temps à 20 % défini par les établissements, favorise également l’innovation : nous sommes là dans la co-construction pédagogique des cours entre les disciplines. Elle s’inspire de pédagogies innovantes, notamment de ce qui est pratiqué depuis une quinzaine d’années dans un collège de ma circonscription, le collège Clisthène, qui s’appuie sur des cours conjoints et sur le respect des rythmes de l’enfant. Les lycées ne sont pas en reste.
Cette volonté d’innovation va de la maternelle à l’université, puisque la stratégie nationale de l’enseignement supérieur – STRANES – a fait de l’innovation pédagogique un des enjeux des enseignements à dispenser pour penser les formations de demain dans un monde en constante mutation. Le budget de 150 millions d’euros du troisième Programme d’investissements d’avenir – PIA3 – sera consacré à l’innovation numérique et pédagogique dans l’enseignement supérieur.
Voilà donc des expériences et des institutions vivantes, qui témoignent de la capacité des enseignants à se renouveler et à travailler ensemble. Pouvez-vous, madame la ministre, nous rappeler toutes les actions qui ont été menées depuis le début du quinquennat en faveur de l’innovation pédagogique et les perspectives à venir pour permettre à l’enseignement public d’être le lieu reconnu de l’innovation pédagogique ?
Je viens d’entendre « Si elle fait la liste, on n’est pas couché. » C’est sympathique !
Sourires
Vous l’avez rappelé, cette marge d’autonomie supplémentaire octroyée aux établissements dans le cadre de la réforme du collège – ces 20 % de l’emploi du temps – est une formidable occasion de développer l’innovation, y compris pour les enseignants. Mes multiples déplacements sur le terrain m’ont permis de le constater, l’innovation s’implante de mieux en mieux dans l’éducation prioritaire, où nous avons, grâce à la réforme menée en 2014 pour les collèges et les écoles, dégagé beaucoup plus de temps pour les enseignants, grâce à des décharges, afin qu’ils puissent mieux se former et davantage travailler en équipe. Des choses formidables sont en train de se passer.
Il faut que notre système éducatif aille de plus en plus vers ce temps libéré pour les enseignants et cette autonomie, au sens pédagogique du terme, pour que chacun puisse trouver les réponses adaptées à ses élèves. Pour cela, il faut que les enseignants soient formés. L’innovation consiste aussi à être capable d’évaluer sa pratique pédagogique pour la changer ou l’améliorer. Nous avons déjà parlé du retour de la formation initiale depuis que nous sommes aux responsabilités ; à l’évidence, il faut aussi plus de formation continue, et une formation continue qui soit systématique – les enseignants doivent pouvoir y consacrer plusieurs jours chaque année. Il faut aussi qu’ils puissent renouer, au cours d’une remise à niveau tous les trois ou cinq ans, avec la démarche de chercheur et l’université et obtenir des certifications. Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation ont aussi vocation à soutenir cette capacité d’innovation.
Enfin, nous avons voulu développer des instituts Carnot, à l’image de ce qui se fait pour cultiver le lien entre université et entreprise et organiser le transfert de la recherche. Nous avons donc créé des instituts Carnot dans le domaine de l’éducation, le tout premier étant situé en région Auvergne-Rhône-Alpes. Il s’agit de tiers lieux où pourront se retrouver chercheurs et enseignants, avec un objet de recherche pensé par les deux parties, et par conséquent une pratique pédagogique qui s’améliore. Je souhaite que ces instituts maillent l’ensemble de notre territoire, et je me suis assurée que le PIA3 les soutienne financièrement. C’est ainsi qu’il faut continuer à agir.
Madame la ministre, ma question porte sur les moyens alloués à l’école primaire depuis 2012 au regard des inégalités sociales et scolaires.
Nous le savons tous, les premières années de la scolarité d’un enfant sont cruciales pour la réussite de son parcours ultérieur, d’où la nécessité de faire de l’école maternelle et élémentaire une priorité absolue.
Le dernier classement PISA des pays de l’OCDE fait le constat d’une persistance de la reproduction des inégalités sociales et scolaires en France, résultat dramatique du sabordage des moyens alloués à l’éducation nationale par la droite, qui a délibérément démantelé le service public de l’enseignement lorsqu’elle était aux responsabilités.
Or dans une démocratie moderne, un enfant doit pouvoir faire sa vie avec d’autres cartes que celles trouvées dans son berceau.
Face à l’héritage désastreux que nous a laissé la droite, la loi de refondation de l’école de la République de 2013, que vous appliquez aujourd’hui avec conviction, madame la ministre, a refait du budget de l’école le premier budget de la nation, avec par exemple la mise en place de dispositifs tels que celui du « plus de maîtres que de classes » ou de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, véritables leviers dans la lutte contre les inégalités appréciés et reconnus par l’ensemble des acteurs du monde de l’éducation. Ainsi, dans mon département de Seine-Saint-Denis, la proportion d’enfants de moins de trois ans scolarisés, après être passée de 12 % à 0 % sous la droite…
…est remontée à 7 %.
Cette refondation de l’école de la République porte le projet d’une République moderne, celui d’une France forte et juste dans l’Europe du XXIe siècle, celui d’une école inclusive, juste pour tous et exigeante pour chacun. Pouvez-vous dès lors nous dire comment vous comptez renforcer les moyens alloués à l’école maternelle et élémentaire afin de lutter contre la persistance des inégalités scolaires…
…et de poursuivre dans la voie d’une véritable démocratisation de la réussite, dans ma circonscription de Seine-Saint-Denis par exemple comme partout sur le territoire de notre République ?
Monsieur le député, ce quinquennat aura été non seulement celui du réinvestissement dans l’éducation…
…mais aussi celui de la priorité donnée à l’école primaire.
Je le répète, car ceux qui s’époumonent aujourd’hui comme si tout cela était une évidence ont toujours abordé l’éducation en partant du haut : quand il fallait réformer, c’était d’abord le lycée, quand il fallait donner plus de moyens, c’était d’abord les classes préparatoires… Mais c’est bien nous qui, à partir de 2012, avons remis les choses dans le bon ordre : les fondamentaux, c’est dès le plus jeune âge que cela s’acquiert.
Nous devons donc poursuivre ce travail.
C’est pourquoi un travail a été entrepris dès l’école maternelle, avec d’abord une rénovation des programmes, qui sont aujourd’hui plébiscités, comme j’ai pu m’en rendre compte sur le terrain,…
…et qui font davantage place au jeu, au ludique, qui traitent l’enfant tel qu’il est, à l’âge qui est le sien, sans prétendre être une école pré-élémentaire, mais qui font progresser l’enfant et lui apprennent à vivre en société ; et avec d’autre part la volonté de scolariser les enfants avant l’âge de trois ans.
Ce que vous avez dit est très juste (Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains)…
Vous devriez vraiment écouter…
Depuis tout à l’heure, vous parlez d’inégalités. Or M. Trigance vient de rappeler que lorsque vous étiez au pouvoir, la proportion d’enfants de deux ans pré-scolarisés est passée de 12 % à 0 % !
Avec un tel bilan, pourquoi François Hollande ne se représente-t-il pas ?
0 % ! Vous rendez-vous compte ? C’est le résultat de votre action ! Ayez donc l’obligeance de me laisser répondre !
La pré-scolarisation des enfants de deux ans est aujourd’hui en constante progression. Nous avons notamment voulu l’accomplir dans les réseaux d’éducation prioritaire. Sachez que dans l’éducation prioritaire, nous sommes à quelque 22 % d’enfants de deux ans pré-scolarisés, contre 11 % en 2012. Il nous faut aller plus loin : l’objectif est 30 %. Un travail doit être conduit avec les caisses d’allocations familiales et les collectivités locales pour ouvrir davantage de classes et convaincre les parents de scolariser leurs enfants.
Quant à la priorité au primaire, c’est ce dispositif « plus de maîtres que de classes », dont nous avons tiré le bilan pas plus tard que tout à l’heure avec le comité de suivi. Je vous assure que c’est un beau succès. Il faudra veiller à ce qu’il ne soit pas détricoté. Nous avons vu des enfants de CP et de CE1 qui retrouvent goût aux apprentissages et acquièrent la maîtrise du langage et des mathématiques, mais aussi des enseignants qui sortent de la solitude, qui sont accompagnés et aidés par l’enseignant surnuméraire, qui « débriefent » avec lui et améliorent ainsi leurs pratiques pédagogiques. Nous avions jusqu’à présent créé quelque 3 200 de ces dispositifs ; à la rentrée 2017, il y en aura 1 900 de plus ! Cela nous permettra de couvrir l’ensemble des écoles de l’éducation prioritaire. Je crois que c’est une très bonne nouvelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la ministre, ma question porte sur la lutte contre le décrochage scolaire. Dans le cadre de la refondation de l’école, nous mettons en oeuvre de nombreuses mesures en faveur de la réussite pour tous, afin de permettre à chaque jeune de mieux préparer son avenir. La lutte contre le décrochage scolaire est de ce point de vue un axe majeur de notre politique éducative, et jamais ce fléau n’avait été combattu avec autant de force. Dès 2012, nous avons décidé d’en faire une priorité nationale, car c’est avant tout un enjeu de cohésion sociale. Il était en effet inconcevable pour la majorité de continuer à laisser nos jeunes quitter l’école sans qualification ni diplôme, alors que le taux de chômage des non-diplômés est évalué à 50 %, ce qui a, bien évidemment, des conséquences très importantes en termes de précarité sociale.
Les résultats de notre mobilisation sont là : on dénombre 40 000 jeunes décrocheurs de moins qu’il y a cinq ans. Nous passons ainsi sous la moyenne européenne, avec 9,3 % d’élèves décrocheurs en France, contre 11 % en Europe. Ces résultats encourageants sont le fruit du plan d’action « Tous mobilisés contre le décrochage », qui prévient le décrochage tout en facilitant le retour des jeunes vers l’école. Ce plan que vous avez lancé en 2014, madame la ministre, mobilise l’école mais aussi les entreprises, les associations et les collectivités territoriales, car la lutte contre le décrochage scolaire est l’affaire de tous.
Afin de réduire encore le nombre de décrocheurs, de nouveaux dispositifs ont été mis en place à la rentrée, comme l’instauration d’une bourse de 1 000 euros pour les jeunes de 16 à 18 ans qui décident de reprendre une formation.
Madame la ministre, pouvez-vous nous décrire l’ensemble des actions mises en oeuvre afin d’atteindre notre engagement de diviser par deux le nombre de décrocheurs scolaires en 2017 ?
Madame la députée, vous abordez un sujet absolument crucial puisque, derrière le décrochage, ce n’est pas seulement le sort d’un individu – en l’occurrence d’un jeune qui sort sans qualification du système scolaire – qui est en jeu, c’est aussi le sort d’une nation, car une économie confrontée à autant de jeunes sans formation qui, par définition, ne trouvent pas d’emploi, est une économie contrainte. Et c’est aussi le sort de notre système scolaire qui est en question. Nous avions à rougir de compter chaque année, comme c’était le cas par le passé, plus de 100 000 jeunes sortant du système scolaire sans qualification. Cela signifiait, reconnaissons-le, que nous n’arrivions pas à avoir des pratiques pédagogiques adaptées à l’ensemble des élèves. Le résultat auquel nous sommes parvenus – passer sous le seuil de 100 000 décrocheurs annuels, avec une baisse de 40 000 depuis le début du quinquennat – constitue un très beau résultat, qui démontre que notre système est capable d’évoluer.
C’est le cas tout d’abord sur le plan de la remédiation, qui consiste à aller chercher des élèves qui ont décroché, de les convaincre de revenir et de les réinstaller dans un parcours de formation, ce qui n’a rien d’évident. Cette remédiation a été améliorée par le nouveau droit au retour en formation, que nous avons adopté en 2014 et qui porte maintenant ses fruits, ainsi que par notre choix de développer des structures de retour en formation, telles que les microlycées, qui rencontrent un grand succès.
Outre la remédiation, nous avons aussi amélioré la prévention du décrochage, grâce aux pratiques pédagogiques employées, dès le plus jeune âge, dans tous nos établissements scolaires ; nos enseignants sont désormais en mesure de détecter, grâce à une formation plus importante, les signaux précurseurs du décrochage, et nos chefs d’établissement ou directeurs peuvent travailler davantage avec les familles. De fait, le décrochage est souvent multifactoriel, et la persévérance dans le domaine scolaire nécessite bien sûr l’implication des parents. Désormais, les établissements, notamment ceux du second degré, abritent systématiquement des référents décrochage. Cela n’a l’air de rien, mais c’est très important : cela signifie que le décrochage n’est plus un sujet périphérique, mais un problème placé au coeur de l’école, que l’on s’efforce de prévenir et face auquel on ne lâche rien.
J’évoquerai une mesure qui me tient tout particulièrement à coeur, qui a été expérimentée l’année dernière et qui est entrée en application partout cette année : le parcours aménagé de formation initiale – PAFI – offre la possibilité à des élèves de plus de quinze ans, qui sont engagés dans un processus de décrochage, de sortir quelques semaines, quelques mois, de l’environnement scolaire, pour effectuer un stage en entreprise ou en association, tout en restant sous statut scolaire et en demeurant tutoré par un membre de l’établissement, et de revenir une fois qu’ils ont retrouvé la motivation dans ce cadre extérieur. Cela me paraît très important. En effet, par le passé, on était nombreux à se demander pourquoi l’école devait ressembler à la même chose pour chacun ; on pensait que certains élèves qui ne trouvaient plus de motivation devaient pouvoir la chercher ailleurs. Cela existe à présent grâce au PAFI, dispositif très satisfaisant qui bénéficie aux élèves de plus de quinze ans et qui contribue à expliquer pourquoi nous améliorons nos résultats.
En faisant monter en charge tous ces dispositifs, nous sommes capables de passer en 2017 sous le seuil des 80 000 décrocheurs annuels. Quand ce résultat sera obtenu, cela signifiera que l’on verra le bout du tunnel, que l’on sera capable, dans quelques années, de ne plus avoir de décrocheurs, si tant est qu’on ne les reproduise pas.
…que, depuis 2012, le Gouvernement a fait de l’éducation nationale sa priorité. Cette place prééminente s’est traduite par des choix budgétaires qui ont garanti solidité et pérennité en termes de moyens et d’effectifs. Jamais, durant cette législature, l’engagement en faveur de l’éducation n’a faibli. Jusqu’à la rentrée prochaine, au moins, nous sommes assurés que des moyens financiers et humains substantiels lui sont alloués.
Ainsi la rentrée 2017 verra-t-elle la poursuite des créations de postes. Vous avez annoncé, madame la ministre, un apport significatif en direction de l’enseignement primaire. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, même si vous avez déjà développé ce thème durant cette séance ? Quel est le devenir du dispositif « plus de maîtres que de classes », qui a vraiment fait ses preuves dans l’éducation prioritaire ? Des problématiques spécifiques demeurent dans les zones rurales, les zones de montagne. Par ailleurs, le secondaire doit accueillir plus de 40 000 élèves supplémentaires à la rentrée. Pour sa part, l’enseignement professionnel, comme vous l’avez dit, mérite aussi d’être choisi, mieux connu et reconnu.
La rentrée 2017, que vous avez pensée et préparée avec vos services, doit permettre aux élèves et aux enseignants, dans la logique qui prévaut depuis 2012, d’effectuer la rentrée dans un climat serein, animés par la conviction que l’école de la République joue un rôle essentiel dans l’avenir et la réussite de tous. Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, même si cela vous force à vous répéter, les principes qui fondent vos choix et les priorités que vous retenez pour la rentrée 2017 ?
Puisque je me suis assez longuement étendue, de fait, sur le premier degré et les 4 300 postes qui y seront consacrés malgré la baisse démographique, je dirai un mot du second degré. Là aussi, des efforts importants vont être engagés, grâce à la création de 4 400 postes. Ils permettront, en premier lieu, de continuer à accompagner la réforme du collège, qui a notamment pour objet de conférer plus de moyens à chaque établissement, pour dédoubler les groupes et permettre le travail en petits effectifs.
En deuxième lieu, s’agissant du lycée, je voudrais insister sur le fait que le lycée professionnel va bénéficier, en cette rentrée 2017, de 500 nouvelles formations et de 1 000 enseignants supplémentaires, pour préparer les élèves aux métiers de demain et aux métiers en tension. Nous avons dressé la liste de ces métiers avec France Stratégie. Il s’agit d’une rénovation relativement inédite des filières et des formations offertes dans l’enseignement professionnel. En effet, pour mettre en place 500 nouvelles formations, il faut généralement six ou sept ans. Y parvenir en une seule rentrée scolaire nécessite un travail assez considérable, que nous avons mené avec les régions, pour mieux identifier, territoire par territoire, les besoins – je parle des régions qui ont bien voulu travailler avec nous, ce qui n’a pas été le cas de la région Auvergne-Rhône-Alpes, s’agissant de laquelle nous avons dû décider seuls. Bref, c’est un travail important, qui va dans le sens de la revalorisation de l’enseignement professionnel, que j’évoquais tout à l’heure.
Enfin, un mot des lycées d’éducation prioritaire, dont il a été question tout à l’heure : étant parfaitement consciente du fait que ceux-ci peuvent avoir besoin d’un soutien supplémentaire sans attendre la réforme qu’il faudra mener en bonne et due forme, j’ai souhaité que l’on alloue 450 postes supplémentaires aux lycées les plus fragiles, notamment dans l’éducation prioritaire, ce qui permettra de réduire les effectifs par classe et d’améliorer l’encadrement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La séance de questions sur la politique en matière d’éducation est terminée.
La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures quinze.
L’ordre du jour appelle les questions sur l’avenir du nucléaire.
Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
Nous commençons par les questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Charles de Courson, pour trois questions qu’il pourrait peut-être poser à la suite, de façon que M. le secrétaire d’État y réponde de façon groupée.
Bien volontiers, madame la présidente.
Monsieur le secrétaire d’État, l’un des grands objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité française de 77 % aujourd’hui à 50 % d’ici à 2025. Le nucléaire représente la principale source d’électricité produite et consommée en France, grâce à cinquante-huit réacteurs répartis dans dix-neuf sites.
L’étude d’impact de la loi de transition énergétique a retenu une augmentation annuelle de 1 % de la consommation d’électricité en volume : dans cette hypothèse, il faudrait fermer environ 30 % des tranches. Mais si l’on prend pour hypothèse une croissance nulle – ce qui semble plus réaliste puisque la consommation française d’électricité stagne depuis 2010 –, il faudrait fermer environ la moitié des tranches. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous préciser à la représentation nationale quelles sont les tranches que vous entendez fermer et dans quels délais ? Quel est le coût de la fermeture de ces 30 à 50 % des réacteurs français d’ici à 2025 ?
Alors qu’un ménage français paie son électricité 22 % moins cher que la moyenne européenne et presque deux fois moins cher qu’en Allemagne, la substitution par de l’électricité renouvelable destinée à compenser la chute de la part du nucléaire se traduira inéluctablement par une forte augmentation du prix de l’électricité pour les ménages et les entreprises. Quel serait l’ordre de grandeur de l’évolution des prix d’ici à 2025 ? Voilà pour la première question.
Monsieur le secrétaire d’État, l’énergie nucléaire représente 77 % de la production d’électricité française et la filière électronucléaire emploie près de 220 000 personnes dans notre pays, dont 28 000 appartiennent au groupe Areva. Longtemps considéré comme un fleuron de notre industrie nucléaire, Areva, détenu à 87 % par des capitaux publics, s’est retrouvé au bord de la faillite en 2015. L’origine de cette situation est liée à la gestion désastreuse de la COGEMA puis d’Areva par Mme Lauvergeon, doublée de malversations qui ont conduit la Cour des comptes à saisir le parquet national financier en 2014. Les résultats de l’entreprise se sont constamment dégradés et ont accusé une perte de 4,9 milliards d’euros en 2014, 2 milliards en 2015 et, selon les prévisions, 1,5 milliard en 2016. L’endettement financier du groupe a bondi pour atteindre environ 9 milliards d’euros à la fin de l’année 2016.
Le Gouvernement a annoncé en janvier dernier une recapitalisation de 5 milliards d’euros, dont 4,5 milliards à la charge de l’État français, que la Commission européenne a estimé cet après-midi conforme aux règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, sous deux réserves toutefois. La première est que les tests effectués à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, sur la cuve de l’EPR – réacteur pressurisé européen – de Flamanville soient positifs ; la deuxième est que les règles européennes de concentration soient respectées dans le rachat d’Areva NP par EDF. Monsieur le secrétaire d’État, où en est le contrôle de la cuve de l’EPR de Flamanville ? Dispose-t-on de premiers éléments de réponse à la question posée par la Commission européenne ? Quelle est la probabilité que l’intégration dans le groupe EDF de la production des réacteurs avec New Areva NP respecte les règles de concentration de l’Union européenne ? Voilà pour la deuxième question.
Enfin, la fiabilité technique et la compétitivité économique de l’EPR font l’objet de vives controverses. En effet, la construction de l’EPR d’Olkiluoto, en Finlande, accuse dix ans de retard ! Les pertes sur le coût du seul investissement atteignent à ce jour 5,5 milliards d’euros, sans que l’on ait de certitudes sur la réception définitive de ce réacteur par le client – souvenons-nous que l’ancien ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, pensait trouver une sortie de crise à la fin du mois de février 2016, car il ne s’agissait selon lui que d’une affaire « d’une quinzaine de jours » !
La construction de l’EPR de Flamanville accuse, quant à elle, un retard prévisionnel de mise en fonctionnement de six ans et son coût devrait être environ trois fois supérieur au budget initial – pour un coût minimal de l’électricité compris entre 100 et 130 euros le mégawattheure, soit près du double de celui de l’éolien.
Le projet de la centrale nucléaire de Hinkley Point soulève pour sa part de très vives inquiétudes : non seulement les difficultés techniques de l’EPR n’ont toujours pas été résolues, mais ce projet constitue un risque majeur pour EDF, qui y investit 24 milliards d’euros, soit davantage que sa capitalisation boursière. En effet, on a caché, même aux membres du conseil d’administration, monsieur le secrétaire d’État, les conditions financières de l’engagement du partenaire chinois – à hauteur d’environ 6 milliards d’euros – qui font reposer le risque financier de la totalité des 24 milliards d’euros sur EDF. N’est-il pas temps de faire preuve de lucidité et de courage politique sur cette technologie et de soutenir une nouvelle génération de réacteurs, plus fiables techniquement et plus rentables économiquement que l’EPR ? Êtes-vous prêt, monsieur le secrétaire d’État, à reconsidérer les engagements de la France avant qu’il ne soit trop tard et que le contribuable français, seul comme d’habitude, paie une nouvelle fois les surcoûts liés à l’erreur stratégique que constitue l’EPR ?
Monsieur le député, vous m’avez interrogé sur des éléments importants, le premier étant relatif aux objectifs que le Gouvernement se fixe en matière de production d’électricité. Les principes de la loi sur la transition énergétique combinent le développement des énergies renouvelables, la nécessaire interrogation sur la prolongation des centrales existantes et la question de la fermeture de certains sites.
La programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit, d’ici à 2023, d’augmenter de plus de 70 % la capacité installée dans les énergies renouvelables électriques et de plus de 35 % la production de chaleur renouvelable par rapport à 2014. La consommation finale d’énergie sera réduite de 12 % et celle d’énergie fossile de 22 %. Les décisions concernant certains réacteurs nucléaires, vous le savez, seront prises après 2018, sur le fondement des évolutions effectivement constatées de la consommation d’énergie et de la production issue de renouvelables, ainsi bien sûr que des décisions de l’ASN. Il y aura donc, conformément aux orientations retenues, des fermetures et des prolongations de réacteurs. Le développement des énergies renouvelables et la maîtrise de la consommation d’énergie engagent la réduction de la production annuelle d’électricité d’origine nucléaire ; cette réduction résultera de la fermeture de la centrale de Fessenheim et de plusieurs paramètres qui seront connus au fur et à mesure des visites décennales conduites par l’ASN. La disponibilité des réacteurs nucléaires baissera en raison de travaux de maintenance et d’investissements de sûreté, certains réacteurs étant par ailleurs fermés et d’autres prolongés. Voilà les éléments de réponse à votre première question, monsieur de Courson.
S’agissant de votre deuxième question, relative à l’autorisation par la Commission européenne de la recapitalisation d’Areva, nous avons annoncé la réalisation des augmentations de capital d’Areva SA et de NewCo, que la Commission conditionne à deux éléments préalables, sa propre autorisation de l’opération de concentration entre EDF et New Areva NP et les conclusions de l’ASN sur les résultats du programme de justification concernant le problème de ségrégation du carbone, identifié dans les pièces de la cuve du réacteur EPR du projet de Flamanville 3.
Nous tiendrons bien évidemment compte des éléments avancés par la Commission. La procédure de concentration d’EDF et de New Areva NP suit son cours, sous la responsabilité d’EDF, et une décision est attendue à la fin du mois de mars 2017. Les autorités françaises, que je représente ici, sont plutôt confiantes pour voir cette condition réalisée dès le mois d’avril. S’agissant de la condition relative aux conclusions de l’ASN sur les résultats du programme de justification concernant le problème de ségrégation du carbone, identifié dans les pièces de la cuve du réacteur EPR du projet de Flamanville 3, Areva et EDF ont terminé la phase de test et ont transmis les résultats à l’ASN ; nous pensons que cette condition sera remplie d’ici à la fin du premier semestre de cette année, compte tenu du retour des entreprises sur le programme d’essais réalisé à la demande de l’ASN selon un protocole qu’elle a validé.
Votre troisième question, monsieur de Courson, a trait au principe même des EPR et de celui de Hinkley Point. Qu’un pays comme le Royaume-Uni ait choisi de construire deux EPR à Hinkley Point est plutôt encourageant : cela prouve la pertinence de continuer à développer ce type de réacteur – de laquelle on aurait pu douter à entendre votre question. Les programmes des EPR que vous avez cités, celui de Finlande tout particulièrement mais aussi celui de Flamanville, ont été recalés ; depuis ces décisions, nous tenons à la fois le calendrier et les différents « process » programmés. Ces éléments permettent d’apprécier la question des EPR dans sa globalité, même si nous pouvons nous interroger, comme nous le faisons d’ailleurs, sur le développement d’autres formes de production.
Dans le dossier de l’EPR de Hinkley Point, une revue des risques a été lancée après que certaines remarques ont été formulées. Cette revue a permis d’identifier une manière de sécuriser financièrement EDF, qui passe d’abord par des économies à l’échelle de l’entreprise, puis des ventes d’actifs et une recapitalisation dans laquelle l’État s’est engagé. Il y a là de quoi protéger EDF des impacts financiers que vous avez mentionnés, tout en continuant de porter un projet pour la filière nucléaire qui réponde aux attentes de celles et de ceux qui font confiance au nucléaire français pour développer dans leur territoire une production de cette nature.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de poser ma question, je souhaiterais remercier mes collègues Leroy, Viala et Gille, et tous ceux qui, de près comme de loin, apportent leur contribution à l’interminable traitement de ce dossier de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie.
En février dernier, lors d’un déplacement à Papeete, le Président de la République a admis que les essais nucléaires menés en Polynésie française avaient eu un impact environnemental et des conséquences sanitaires, et annoncé une modification du décret d’application de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Ce projet transmis au président de la Polynésie française en novembre dernier a pour objectif d’abaisser le seuil de probabilité au-delà duquel le risque ne peut être considéré comme négligeable de 1 à 0,3 % afin de permettre au CIVEN – le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français – d’indemniser un plus grand nombre de victimes.
Le conseil des ministres de la Polynésie française a estimé que, bien que comportant certaines avancées, le texte ne modifiait pas significativement le processus d’indemnisation. Par ailleurs, une étude démontre l’inefficacité de la mesure d’abaissement du seuil de probabilité.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il de modifier le décret afin de prendre en compte les remarques des associations et des élus polynésiens ? Le gouvernement de la Polynésie française a en effet proposé de supprimer la notion de risque négligeable et de porter une plus grande attention aux difficultés rencontrées par les victimes pour entamer une démarche d’indemnisation.
Par ailleurs, il semblerait que les dossiers ayant fait l’objet d’une décision de rejet prononcée par le CIVEN et ayant donné lieu à une décision juridictionnelle ne puissent être présentés de nouveau. Il conviendrait que ces dossiers d’indemnisation initialement refusés soient réexaminés sur la base de nouveaux critères d’éligibilité. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir m’indiquer vos intentions à ce sujet. En outre, quels moyens supplémentaires l’État prévoit-il de mettre en oeuvre pour accompagner et informer les victimes ? Comment leur permettre de prétendre à l’attribution d’une reconnaissance honorifique pour avoir participé à la grandeur de la France ?
Pour conclure, je souhaiterais rendre hommage à une grande figure locale, John Doom, qui a mené de nombreux combats contre le nucléaire en Polynésie.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de faire le point sur la mise en oeuvre des engagements pris par le Président de la République lors de son déplacement en Polynésie française en février dernier, déplacement que vous avez mentionné.
À cette occasion, le Président de la République a souhaité que le régime d’indemnisation des victimes des essais nucléaires mis en place par la loi Morin soit modifié. Vous le savez, tel qu’il fonctionne depuis 2010, le dispositif n’est pas pleinement satisfaisant, les indemnisations étant inférieures à ce qui pourrait être attendu. Le contenu de la réforme a été présenté par la ministre de la santé aux associations de victimes lors d’une réunion organisée le 6 juillet dernier à Paris. Une concertation a été menée à la fois avec ces associations, le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française et les parlementaires afin que la réforme soit la plus utile et la plus juste possible.
Permettez-moi d’en rappeler les contours. Tout d’abord, le seuil du risque négligeable sera abaissé à 0,3 %, ce qui correspond à une division par trois par rapport à la pratique actuelle. Ensuite, la jurisprudence protectrice du Conseil d’État sera reprise si les mesures s’avèrent insuffisantes ; voilà un élément de réponse à votre question. Enfin, un effort particulier sera réalisé en direction des victimes. Leur accès au Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires sera facilité et la méthodologie utilisée par cette autorité administrative indépendante sera rendue plus lisible.
Ces avancées sont importantes pour les victimes, et vous avez raison de vous faire ici leur porte-parole, monsieur le député. C’est d’ailleurs l’ensemble de la France qui, comme vous, se sent concernée. Concrètement, ces avancées permettront à un plus grand nombre de victimes de demander et d’obtenir une indemnisation en raison des pathologies qu’elles présentent. L’engagement du Président de la République sera donc tenu, et ce, très prochainement, puisque la réforme du dispositif devrait intervenir dans les toutes prochaines semaines.
Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Joël Giraud.
Puisque vous avez deux questions, mon cher collègue, je vous suggère, comme l’a fait M. de Courson tout à l’heure, de les présenter concomitamment.
Volontiers, madame la présidente.
Monsieur le secrétaire d’État, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants a pris l’habitude de proposer des débats et des séances de questions sur l’énergie et le nucléaire, et je les en remercie, car le sujet est stratégique, et les dernières actualités peuvent inquiéter.
Nous n’oublions pas que, pour réussir le Grenelle de l’environnement, il avait été décidé de ne pas évoquer le sujet du renouvellement du parc nucléaire. Ce sera l’objet de ma première question, que je poserai sans parti pris et sans prétention d’expertise scientifique.
Le sujet semble d’une infinie complexité, et l’une des principales difficultés reste l’évaluation des coûts. Le fameux grand carénage, dont le coût était initialement chiffré à 55 milliards d’euros par EDF, a été réévalué par la Cour des comptes à 100 milliards d’euros. Et cette dernière enveloppe n’inclurait pas certains travaux supplémentaires exigés par l’Autorité de sûreté nucléaire. Pour autant, certains de nos plus grands spécialistes en France prétendent que la Cour surestime le coût de ce grand carénage, qu’ils chiffrent quant à eux aux alentours de 60 milliards d’euros.
Dans ce débat parfois un peu trop passionnel où chacun avance des chiffres très différents, il me semble que nous avons d’abord besoin de raison, d’une boussole scientifique afin de pouvoir faire des choix politiques les plus rationnels possible. Toutes les évaluations financières préalables réalisées jusqu’à aujourd’hui sur les installations nucléaires se sont révélées fausses et largement sous-estimées au final. L’exemple du projet Cigéo est parlant : sans entrer dans le débat sur le stockage, force est de constater que nous ne sommes pas en mesure d’en donner une évaluation crédible. Et je ne parlerai pas des EPR de Hinkley Point ou des provisions pour les futurs démantèlements nécessaires.
Il me semble donc que nous manquons d’un outil permettant une évaluation fine et fiable des coûts, monsieur le secrétaire d’État. Est-ce à mettre sur le compte du nombre trop important d’inconnues dans l’équation ? Ce n’est pas impossible. Il y a cependant peut-être d’autres raisons, politiques et financières, qui entravent une estimation et un chiffrage plus sincères. Ma question sera simple : afin d’effectuer des choix en connaissance de cause et de tempérer les débats idéologiques, que pourrait faire le Gouvernement pour limiter les marges d’erreurs dans les évaluations financières sur le sujet du nucléaire ?
Ma seconde question porte sur le mix énergétique, dont la diversification a été engagée dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Le développement des énergies renouvelables, conjugué aux efforts pour la maîtrise de la dépense en énergie, est censé engager la France vers des objectifs ambitieux que nous avons fixés dans la loi : un mix électrique comprenant 50 % de nucléaire à l’horizon 2025 et 40 % d’énergies renouvelables en 2030. 2025 et 2030, c’est un horizon à la fois proche, pour une industrie qui se pilote comme un paquebot et où les virages sont nécessairement très lents, et lointain, qui ne nous engage pas réellement.
Pour surmonter cette contradiction, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, notamment votre serviteur, avait proposé et défendu des amendements visant à inscrire dans la loi des paliers intermédiaires afin de donner plus de crédibilité à ces objectifs de moyen et long termes. En effet, une fois ces objectifs fixés dans la loi, la question essentielle devient celle de la pente que devrait suivre la courbe pour les atteindre. Bien que n’ayant pas réussi à convaincre une majorité de députés de voter ces amendements, nous restons convaincus qu’il nous faut tenir un discours clair et crédible à nos concitoyens. Nous sommes quasiment unanimes pour faire de la transition énergétique une priorité, mais nous devons aussi nous garder d’opposer vainement les différentes énergies.
Selon le bilan de RTE – Réseau de transport d’électricité –, le parc nucléaire a produit 77 % de la production d’énergie totale en 2015. À ce stade, les objectifs fixés dans la loi semblent des sommets lointains et, vu notre allure, il paraît peu probable que nous les atteignions en temps et en heure. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous donner des précisions sur les objectifs intermédiaires pour parvenir au mix énergétique équilibré voté pour 2025 et 2030 ? Pouvez-vous par ailleurs nous indiquer dans quelle mesure les économies d’énergie nous donnerons les moyens d’accélérer le pas sur ce chemin, que le président du Conseil national de la montagne que je suis trouve aujourd’hui bien étroit avec une pente un peu raide ?
Monsieur le député, votre première question, tout d’abord, regroupe plusieurs sujets distincts. Concernant le grand carénage, dont le coût est chiffré entre 50 et 100 milliards d’euros selon les études, nous pouvons convenir entre nous que l’incertitude résulte assez logiquement du fait que l’Autorité de sûreté nucléaire n’a pas encore rendu son avis générique sur la prolongation du parc nucléaire et les travaux que celle-ci imposera de réaliser. Cet avis sera rendu en 2018, comme je l’ai rappelé voilà quelques instants. Chacun a néanmoins fait ses calculs. Je précise toutefois que la Cour des comptes a publié deux rapports sur le sujet, et parce que vous êtes un parlementaire attentif à ces questions, vous savez qu’il a également fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires.
Concernant le coût du démantèlement et de la gestion des déchets, des évaluations régulières sont menées. Je rappelle qu’EDF doit provisionner et constituer des actifs dédiés chaque année afin de garantir le financement des futurs démantèlements. Ce processus est transparent, et le coût du stockage géologique de Cigéo, que vous avez mentionné, a par exemple été réévalué l’année dernière par ma collègue Ségolène Royal après plusieurs années d’expertise et de concertation entre l’ANDRA, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ASN et les producteurs de déchets. Le fait que les travaux ne commencent que dans de nombreuses années introduit une certaine incertitude, et il faudra prendre en compte les évolutions techniques qui seront intervenues.
Vous avez évoqué en outre les dérives des coûts des grands projets comme l’EPR de Flamanville ou celui d’Olkiluoto en Finlande. On peut convenir ensemble que des projets d’une telle ampleur, premiers dans leur genre, peuvent malheureusement induire des surcoûts. Ils résultent de l’effet premier de série et, sans doute, d’une mauvaise gestion des chantiers, nous ne le nions pas. Il faut là encore souligner que depuis deux ans un travail a été mené pour à la fois améliorer l’organisation d’EDF et d’Areva et revoir les programmations de ces chantiers. À ce jour, les programmations sont respectées. Notre priorité est donc à présent d’achever les chantiers dans les délais qui ont été fixés et en maîtrisant davantage le budget.
Votre seconde question a pour objet le mix énergétique. La position du Gouvernement est la même que la vôtre, monsieur le député : nous souhaitons ne pas opposer nos productions d’énergie nucléaire et d’énergies renouvelables. Historiquement, la proportion d’électricité d’origine nucléaire est importante en France. L’objectif fixé d’une part du nucléaire réduite à 50 % est une orientation que nous souhaitons maintenir.
Nous avons besoin de ces deux sources d’énergie, tant pour le respect de l’environnement et la prise en compte des risques que pour des considérations financières. Nous avons besoin de pouvoir nous appuyer sur le prix actuel de l’électricité produite à partir du nucléaire, même si des progrès significatifs sont aujourd’hui accomplis en matière d’énergies renouvelables.
L’accident de Fukushima et, à une autre échelle, les problèmes de qualité sur certaines pièces forgées ont montré qu’il n’était pas bon de dépendre à 80 % de cette seule source d’énergie. C’est la raison pour laquelle nous engageons ce processus. Je veux vous redire ici, monsieur le député, que notre intention est de maintenir cet objectif et de nous donner les moyens de l’atteindre. C’est cette volonté qui doit avant tout être réaffirmée ; cela a été fait. J’aimerais souligner enfin combien il est important de tenir compte de la PPE, la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est tout de même l’élément de référence pour la réalisation de ces objectifs.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Patrice Carvalho.
Monsieur le secrétaire d’État, voici ma première question. Le sauvetage d’Areva est entré en ce début d’année dans sa phase finale. Le groupe a en effet convoqué ses actionnaires le 3 février prochain en vue d’autoriser une augmentation de capital qui sera conditionnée en dernier ressort par le feu vert de la Commission européenne. Dans le cadre de cette restructuration, Areva va regrouper ses activités du cycle du combustible au sein d’une nouvelle société baptisée provisoirement NewCo, tandis que l’activité de construction de réacteurs sera reprise par EDF.
La cession à EDF de la division réacteurs nucléaires d’Areva soulève de nombreuses interrogations. Le dossier des pièces nucléaires fabriquées dans l’usine Areva du Creusot pourrait mettre au jour de nouvelles falsifications et faire peser des risques sur la cession de ces actifs de production à EDF. En outre, le groupe EDF, lourdement endetté, est confronté, selon l’expression consacrée, à un « mur d’investissement ». À court terme, EDF devrait investir 55 milliards d’euros selon l’entreprise ou 100 milliards selon l’estimation de la Cour des comptes pour permettre la prolongation pendant dix ans de l’activité des réacteurs nucléaires construits dans les années soixante-dix.
L’entreprise s’est engagée par ailleurs dans le fameux projet d’Hinkley Point dont le coût de construction est estimé à 24 milliards d’euros et excède donc sa valorisation boursière.
L’Autorité de sûreté nucléaire se prononcera enfin, à la fin du premier semestre, sur la conformité de la cuve de l’EPR en construction à Flamanville.
La réduction des effectifs et des budgets ainsi que les transferts de technologies à l’étranger font peser de lourdes menaces sur l’avenir de cette filière industrielle. Dans ce contexte, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous éclairer sur l’avenir des sites d’Areva en France et sur les mesures que le Gouvernement compte prendre pour préserver l’emploi, les savoir-faire, les compétences et les technologies ?
J’en viens à ma seconde question. Fortement endetté et confronté à des lourds investissements dans le parc nucléaire français, EDF se trouve en grande difficulté. Pour financer ses investissements, en particulier le projet controversé de deux réacteurs EPR à Hinkley Point au Royaume-Uni, le groupe a présenté en avril dernier un projet d’augmentation de capital de 5 milliards d’euros dont 3 milliards apportés par l’État. En outre, le conseil d’administration d’EDF a validé en décembre la cession de 49,9 % du capital de sa filiale RTE, chargée du transport d’électricité, à la Caisse des dépôts et consignations et à CNP Assurances. S’il ne s’agit pas d’une privatisation, dès lors que la majorité du capital de RTE est conservée par EDF et que le restant est confié à des entreprises détenues majoritairement par l’État ou ses satellites, l’opération représente néanmoins un coup de canif dans l’unicité du groupe EDF.
D’ailleurs, le pacte d’actionnaires n’est valable que pour cinq ans. Rien n’interdit à la Caisse des dépôts et consignations et à CNP Assurances de chercher à vendre leurs parts ensuite. Cette ouverture du capital du réseau de transport d’électricité s’inscrit dans la logique qui prévaut depuis vingt ans de démantèlement du service public de l’énergie et de privatisation du secteur. De fait, la cession de la moitié du capital de RTE pour 4 milliards d’euros s’inscrit dans un programme plus large de cession d’actifs d’un montant de 10 milliards d’euros d’ici à 2020. Nous avons tout à craindre des conséquences de ces choix sur l’emploi, la qualité du service public et les tarifs de l’énergie. Quelles solutions le Gouvernement préconise-t-il pour stopper cette fuite en avant dans la course au désendettement, qui ne saurait tenir lieu de stratégie industrielle et de politique énergétique ?
Vous évoquez, monsieur le député, la situation globale de la filière nucléaire dans notre pays. Il était temps, en effet, que l’État se préoccupe d’une situation difficile caractérisée par des relations entre Areva et EDF que chacun sait complexes. Tous ceux qui comme moi sont issus de territoires où cette réalité constitue le quotidien de notre activité économique le savent. Le choix du Gouvernement consiste à restructurer cette filière en désignant un chef de file, EDF, et en organisant une vraie coopération entre Areva et EDF. Comme vous le savez, Areva connaît depuis dix ans une baisse assez significative de son chiffre d’affaires et de sa rentabilité qui découle à la fois de la gestion complexe de certains projets que nous venons de mentionner, d’investissements que je pourrais qualifier de hasardeux – je pense bien évidemment à Uramin – et d’une crise économique aggravée par l’accident de Fukushima.
Un premier plan de redressement a été arrêté en 2011, mais il n’a pas suffi. Il a donc fallu reprendre l’organisation de l’entreprise dans son ensemble. La gouvernance a été revue et un conseil d’administration a été mis en place, ce qui renforce la transparence. La nouvelle direction d’Areva, installée fin 2014, a engagé un dialogue stratégique avec EDF. Sur cette base, nous avons organisé la filière comme je l’ai indiqué et pris nos responsabilités en engageant l’État dans la recapitalisation d’Areva et d’EDF. S’agissant d’Areva, je tiens à rappeler plusieurs points importants. Il n’y aura ni fermetures de sites ni licenciements. Nous cherchons par ailleurs à préserver les compétences, car les départs engagés font courir un grand risque, celui de les perdre. Sur ce point, nous avons engagé un plan qui se déroule dans de bonnes conditions, même si nous devons rester très vigilants.
Vous m’interrogez par ailleurs sur la situation d’EDF. Comme je l’ai dit tout à l’heure, des alertes ont été lancées afin de s’assurer que sa situation financière soit suffisamment consolidée pour éviter tout risque à l’avenir. Il en est résulté un travail approfondi mené avec EDF afin que l’entreprise se penche sur les préoccupations mentionnées et mène une revue des risques qui a défini trois priorités : rechercher des économies internes à EDF, vendre certains actifs et recapitaliser l’entreprise conformément à l’engagement de l’État. Grâce à ce travail, nous avons assuré l’existence d’une filière enfin structurée. Aux yeux de toutes celles et tous ceux qui suivent ces questions depuis fort longtemps, il était grand temps que l’État assume sa responsabilité et réorganise l’ensemble de la filière formée par Areva et EDF.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Dans notre pays, le nucléaire représente environ trois-quarts du mix énergétique. Toutefois, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte votée ici en 2015 a fixé des objectifs menant à une politique énergétique plus équilibrée qui repose sur trois piliers : la sobriété énergétique, le développement des énergies renouvelables et la réduction de la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique, ce qui permettra à la France de réduire sa dépendance aux énergies fossiles importées et donc d’améliorer la sécurité de son approvisionnement, sa performance climatique – le kilowatt-heure français est le moins carboné de tous les grands pays européens – et sa compétitivité économique – le kilowatt-heure français est 40 % moins cher que la moyenne dans la zone euro. La loi a également fourni un cadre économique clair aux acteurs du secteur de l’énergie leur permettant de se développer et de créer des emplois, dans le secteur de l’efficacité énergétique comme celui des énergies renouvelables, dont les coûts de production sont de plus en plus compétitifs.
S’agissant plus spécifiquement de la filière nucléaire qui nous occupe ce soir, le Gouvernement a annoncé son soutien à un plan de réorganisation prévoyant d’une part d’importants efforts de réduction des coûts menés par les entreprises concernées et d’autre part une participation de l’État actionnaire au renforcement de leur bilan. La Commission européenne a d’ailleurs validé, sous certaines réserves, le principe de la recapitalisation d’Areva. Même si vous avez déjà partiellement répondu à cette question, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, indiquer où en est le processus de redressement des entreprises du secteur permettant la remise sur pied de la filière et préciser l’action de l’État ?
Votre question, madame la députée, reprend des points que j’ai mentionnés et que je m’efforcerai de compléter. Tout d’abord, nous ne souhaitons pas opposer l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Toutes sont décarbonées et nécessaires, même si des orientations très précises ont été prises consistant à développer les énergies renouvelables et limiter la part du nucléaire dans la production d’énergie. À cette fin, il fallait structurer la filière ou plus exactement la réarmer, si je puis dire, afin qu’elle soit compétitive à l’export, sécurisée sur ses bases et capable de faire travailler ensemble Areva et EDF, ce qui supposait une opération menée d’abord par les responsables de ces deux entreprises, qui ont travaillé à réorganiser la structure et les priorités de leurs entreprises respectives.
L’État a assumé son rôle et s’est très fortement investi dans cette restructuration en faisant d’EDF le chef de file et en engageant des capitaux dans un processus de recapitalisation. Celui-ci est en cours selon un calendrier qui sera tenu dans les premiers mois de cette année. Nous devons être vigilants car il s’agit d’enjeux majeurs, tant énergétiques que stratégiques et financiers. Le coût de l’énergie nucléaire est d’environ 42 euros le mégawatt-heure alors que celui des énergies renouvelables est compris entre 60 et 120 euros le mégawatt-heure, même s’il enregistre une amélioration assez substantielle qui participe d’une ambition générale. Pour résumer notre position, nous réorganisons la filière, nous faisons confiance aux équipes d’EDF et d’Areva et nous accompagnons les reconversions en termes de capital en prenant une participation tout en restant vigilants à la préservation du mix énergétique. Tel est tout l’enjeu de la stratégie définie par le Gouvernement.
Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, je commencerai par une petite interrogation pour nous tous.
Qui a dit : « Pour répondre à nos besoins et éviter la catastrophe climatique, nous devons augmenter notre capacité nucléaire, c’est aussi simple que cela » ? Premier indice : ce n’est pas un polytechnicien nucléocrate.
Second indice : il s’agit d’une personnalité forte à qui on attribue communément une certaine hauteur de vue.
Sourires.
C’est Barack Obama qui a tenu ces propos voici un an, lors d’un sommet nucléaire organisé à la Maison Blanche ! En France pourtant, trop de voix répètent inlassablement que le nucléaire est une énergie du passé et ses défenseurs des gens anachroniques. C’est pourtant bien Barack Obama qui porte ce jugement, et avec lui l’ensemble des grands pays nucléaires historiques, États-Unis et Russie en tête, les grands pays émergés que sont la Chine et l’Inde et les pays émergents. Finalement, les pays que l’on nous donne en modèle, tels que l’Allemagne et l’Italie, constituent l’exception. La lecture de la programmation pluriannuelle de l’énergie publiée à la fin de l’année dernière donne le sentiment que la France a le nucléaire honteux.
Pourtant, le Gouvernement agit, organise le sauvetage d’Areva et soutient EDF, mais il semble qu’une perspective de long terme manque. Achever Flamanville, lancer Hinkley Point, mener le grand carénage : ces trois grands chantiers, il faut les réussir mais il faut aussi préparer le renouvellement du parc nucléaire. La France aura besoin de nouveaux réacteurs en 2030 et probablement même avant. C’est un choix énergétique mais aussi une question industrielle à laquelle je suis sûr que vous êtes sensible, monsieur le secrétaire d’État. Député du Mouvement républicain et citoyen, je considère que nous avons passé cinq ans à parler fermetures, diversification et plafonnement, alors qu’en réalité il faudra renouveler le parc ! Nous sommes en fin de législature, il importe donc de regarder au loin et de tracer une route. J’aimerais connaître la réflexion que mène le Gouvernement sur ce sujet.
Je ne veux pas laisser penser, comme le suggère votre question, monsieur le député, que le modèle économique du nucléaire est clos et achevé. En tout état de cause, telle n’est pas la position du Gouvernement. Nous n’avons pas le nucléaire honteux.
Pour autant, nous avons pris des engagements car il n’est pas sain, je le répète, d’être à ce point dépendant d’une force de production électrique quasi unique. Tout l’enjeu n’est donc pas de nuire au nucléaire, choix historiquement fait par la France, mais de favoriser l’émergence d’énergies renouvelables dont je refuse que l’on puisse imaginer qu’elles sont en contradiction avec la production d’électricité nucléaire. Tel est le coeur de la position du Gouvernement.
Il nous faut bien sûr relever les défis que vous avez mentionnés, et je crois que nous sommes en capacité de le faire.
Je l’ai dit, nous n’avons pas le nucléaire honteux, à telle enseigne que nous sommes plutôt fiers d’avoir remporté la construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point. Si nous avions dû être sur la défensive sur cette question, nous n’aurions pu développer autant d’énergie – si vous me permettez ce terme fort approprié dans le débat – pour permettre cette réalisation. Lorsque, à l’occasion du changement de Premier ministre, les Britanniques ont demandé un moment de réflexion, nous leur avons procuré les informations nécessaires pour leur permettre de faire ce choix. Nous assumons donc clairement cette position.
De la même manière, nous ne pouvons nier les questions qui se sont posées sur les EPR de Flamanville et de Finlande. Je l’ai dit, il s’agissait d’opérations pionnières, et de grande ampleur. Cela peut malheureusement expliquer une partie des difficultés que nous avons rencontrées, reconnaissons-le, qu’il s’agisse des retards dans le calendrier ou de l’explosion des coûts.
Mais comprendre ce qui s’est passé et recaler les éléments de ces deux chantiers très importants participe de notre capacité à vendre par la suite des réacteurs EPR, comme nous l’avons fait à Hinkley Point. Ce dernier projet s’est nourri des éléments tirés de l’expérience en Finlande et à Flamanville.
Je veux donc vous rassurer, monsieur le député, même si je sais que vous suivez particulièrement ces questions. Le choix qui a été fait, au travers de la loi de transition énergétique et de la PPE, est de permettre le maintien et l’évolution de la production nucléaire tout en mettant la même ambition au service de l’émergence des énergies renouvelables.
Monsieur le secrétaire d’État, avec la loi de transition énergétique, nous avons pris clairement l’engagement de contenir nos consommations, tout en faisant évoluer notre mix énergétique. Il s’agit ainsi de diminuer la part du nucléaire et de promouvoir les sources renouvelables, moins polluantes et moins dangereuses.
Si la production nucléaire doit être réduite, elle doit aussi être sécurisée. C’est la double raison des fermetures de centrales envisagées de manière définitive, mais aussi des fermetures temporaires de réacteurs qui viennent d’être décidées.
Cela a été dit, la mise en chantier et la finalisation de plusieurs projets d’EPR connaissent partout des retards. S’agissant de l’EPR de Flamanville, dont la construction a pris six ans de retard, un magazine économique en est venu à titrer au mois de juin sur « l’accident industriel » ! Ces retards semblent être dus notamment à une perte d’expérience des équipes chargées de la construction de ces nouvelles installations nucléaires.
Si ces retards sont évidemment problématiques, notamment sur le plan financier, plus graves encore sont les conséquences de la perte d’expérience des équipes sur le plan de la sécurité. Interrogé sur les anomalies relevées récemment sur plusieurs cuves, dont celle de Flamanville, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, auditionné par notre commission des affaires économiques en juin, a clairement pointé la perte d’expérience des équipes, ajoutant : « Il me paraît évident que si les équipes chargées du nucléaire en France, chez Areva ou EDF, ne font pas, pendant cinq ou six ans, d’autre construction que l’EPR de Flamanville, il y aura de nouveau une perte d’expérience, et il faut s’attendre à retrouver les mêmes problèmes ».
La question n’est pas de savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement prévoit la construction d’autres équipements nucléaires en France, mais comment il peut, au-delà des missions de contrôle qui sont notamment celles de l’ASN, au-delà de la restructuration de la filière dont vous avez parlé, intervenir pour contrer cette perte d’expérience. Il s’agit sans doute de mieux détecter les faiblesses qui peuvent être liées au pilotage de projets complexes ou, plus concrètement, à la perte de certains savoir-faire opérationnels.
Sur ce point précis du renforcement des compétences, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale si des réflexions ou des actions sont menées, par le Gouvernement et les entreprises chargées, de près ou de plus loin, à titre principal ou comme sous-traitants, des installations nucléaires en cours de réalisation ?
Madame la députée, vous posez une question éminemment essentielle, celle de la sûreté de la filière nucléaire. Je le dis haut et fort : non seulement nous n’avons rien à craindre d’une autorité de sûreté nucléaire, mais celle-ci doit être dotée des moyens nécessaires pour travailler. Je me réjouis que, dans le cadre de la loi de transition énergétique, nous ayons pu lui donner, ainsi qu’à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, des moyens supplémentaires. C’est un enjeu fondamental.
Nous avons aussi besoin de comprendre pourquoi nous avons rencontré des difficultés – l’élu de Saône-et-Loire, où se situe Le Creusot, que je suis en est persuadé –, même si, les pièces mises en cause, je me permets de le dire, ont été fabriquées il y a plusieurs années, sur la base d’éléments qui ne font plus référence aujourd’hui. Par ailleurs, les premières informations que nous avons sont plutôt rassurantes, ce qui a permis le redémarrage de certaines tranches de nos centrales. Nous avons remarqué que les pièces des réacteurs mis en cause étaient des pièces fabriquées au Japon. Selon les éléments dont nous disposons, l’analyse de ces pièces a abouti, là encore, à des conclusions plutôt positives, ce qui a permis aux réacteurs de redémarrer.
Le troisième volet, que vous avez mentionné, est fondamental : c’est celui des personnels et de leur savoir-faire. Le risque est de perdre une partie de ce savoir-faire quand il n’y est pas fait appel durant un certain temps ou lorsque les personnels les plus âgés quittent l’entreprise, élément qui a d’ailleurs été pris en compte lors de l’ajustement des effectifs d’Areva. Nous menons avec EDF et Areva une réflexion sur la gestion des compétences. Cette question est essentielle si l’on veut conserver une longueur d’avance sur nos concurrents – dont vous savez comme moi qu’ils émergent de manière assez forte – et garder la spécificité du nucléaire français, qui tient à la sécurité des pièces produites et à la sécurité de l’ensemble de la filière.
Cela pose la question de la filière et de la relation avec les sous-traitants. Il ne faudrait pas qu’en travaillant exclusivement sur EDF et Areva, on en vienne, par un effet de vases communicants, à affaiblir le réseau des PME sous-traitantes. J’ai eu à connaître de cette question il y a une quinzaine d’années sur mon territoire. Je souligne que c’est aujourd’hui un élément intégré par la filière, de telle sorte que notre réflexion couvre l’ensemble des entreprises.
La filière doit comprendre les difficultés auxquelles elle est confrontée, utiliser les moyens de contrôle de façon positive et non les vivre comme une agression, et faire le choix d’une formation permanente, afin que le savoir-faire et la qualité du nucléaire français soient préservés.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous poser une question en marge du dossier nucléaire. L’année dernière, la diplomatie française a joué un rôle crucial, qui a mené à trouver un accord sur la question du nucléaire iranien. Cet accord place les installations iraniennes sous garantie de l’Agence internationale de l’énergie atomique – AIEA –, en contrepartie de la levée des sanctions économiques.
Pourtant autorisée depuis maintenant un an, la reprise des échanges économiques entre la France et l’Iran demeure faible. Il y a bien les grands contrats, comme celui récemment remporté par Airbus. Mais pour les TPE et les PME, les opportunités qu’on était en droit d’espérer se font attendre. La lutte contre la prolifération passe par un contrôle spécifique au niveau de l’ONU pour l’exportation des biens à double usage. Ce contrôle alourdit les procédures d’export des entreprises françaises, et pèse surtout sur l’administration. De plus, il fait courir le risque de voir les États-Unis s’opposer à certaines exportations.
L’extraterritorialité américaine induite par le Patriot Act fait peser une véritable menace de déstabilisation sur nos entreprises, comme le montre l’amende infligée à la BNP – une menace que les députés Berger et Lellouche ont mise en évidence dans leur récent rapport et qui cible les entreprises, voire les autorités françaises. Dans ces circonstances, peut-on vraiment parler de levée des sanctions ? Ou bien les États-Unis sanctionnent-ils maintenant leurs alliés plutôt que l’Iran ?
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, quel est le bilan des relations commerciales entre la France et l’Iran ? Quel message adresser aux entreprises qui voient en Iran de véritables perspectives de marché ? Comment parvenir à convaincre les banques d’accompagner nos fleurons à l’export sans craindre des pressions étrangères ?
Monsieur le député, la France accorde la plus grande importance à la préservation de l’accord de Vienne, qui constitue un outil de non-prolifération indispensable pour les enjeux de sécurité régionale et internationale. Nous avons fait valoir auprès de l’administration américaine entrante notre souhait de continuer à mettre en oeuvre l’accord de manière rigoureuse et complète.
La France maintient l’attitude de fermeté constructive qu’elle a adoptée dans le cadre de la négociation de cet accord. Elle demeure vigilante quant au respect strict par l’Iran de ses obligations, au titre de l’accord de Vienne mais aussi de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies à laquelle il s’adosse. Nous rappelons à l’Iran, lors des réunions de la commission conjointe, que c’est à cette seule condition que la confiance en la nature exclusivement pacifique de son programme nucléaire pourra être établie.
La France promeut également activement la transparence dans la mise en oeuvre de l’accord. Nous avons été à l’initiative de la décision de la commission conjointe de rendre publics des documents adoptés en 2016, qui précisent les engagements iraniens.
Le commerce des biens à double usage est strictement contrôlé, compte tenu des limitations qui s’appliquent au programme nucléaire iranien pendant plusieurs années. Toutes les procédures, au niveau onusien, européen et national sont en place pour permettre l’examen des demandes d’exportation vers l’Iran de biens à double usage et leur conformité à l’accord. Plusieurs demandes ont été approuvées par le mécanisme dit du « canal d’acquisition », au niveau onusien.
Nous nous efforçons de développer nos activités en Iran, dans le respect des textes et de la résolution que je viens de mentionner, tout en étant conscients que nous devons discuter avec les États-Unis, afin de disposer des mêmes atouts que d’autres pour pénétrer le marché iranien.
Monsieur le secrétaire d’État, si l’avenir de la filière nucléaire est encore, à bien des égards, incertain, une chose au moins est certaine : il faudra gérer les déchets radioactifs qu’elle a produits. Ceux-ci deviendront rapidement plus abondants quand il faudra démanteler les centrales construites dans les années soixante-dix.
On distingue ordinairement entre les déchets de haute, moyenne, faible et très faible activité. Il est prévu de stocker les déchets de haute activité dans un centre de stockage profond, dont la construction est déjà bien avancée. Pour ces déchets, comme pour les déchets de moyenne activité à vie longue, la crainte qu’ils suscitent semble de nature à inciter tous les acteurs à la plus grande vigilance.
Par contre, et c’est l’objet de ma question, le sort des déchets à faible et très faible activité, dont le volume est beaucoup plus important, est moins clair. Pour le moment, il n’est pas prévu de seuil en dessous duquel ces déchets pourraient être traités comme des déchets ordinaires. Il n’est pas prévu non plus d’avoir recours à la dilution. Ces deux réserves indiquent bien qu’ils sont, même à faible activité, considérés comme dangereux, d’autant que, comme chacun le sait, on mesure l’exposition aux radiations de façon cumulative.
Pour le moment, le volume de ces déchets est apparemment gérable dans le cadre des centres de stockage existants, mais qu’en sera-t-il quand, bientôt, plusieurs dizaines de centrales seront démantelées sur une période relativement courte ? Privilégierons-nous des centres de stockage plus vastes ? Où seront-ils implantés ? Quelles en seront les contraintes techniques ? Comment et par qui seront-ils gérés ? Au vu des résistances que fait naître l’implantation de centres de stockage de produits industriels, même non radioactifs, il n’est pas prématuré de nous poser ces questions. Comment l’État envisage-t-il de faire face à cette situation ?
Monsieur le député, la stratégie de gestion des déchets radioactifs est définie par le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs. Mis à jour tous les trois ans par un groupe de travail pluraliste, il définit les objectifs de gestion pour chaque type de déchet radioactif et fixe les calendriers de mise en oeuvre des filières de gestion. Cette mise à jour devrait être prochainement publiée.
Les filières de gestion existantes permettent déjà de gérer, sur le long terme, 90 % des déchets radioactifs. Les déchets radioactifs de très faible activité que vous mentionnez sont aujourd’hui envoyés dans un centre de stockage dédié, exploité depuis 2003 dans le département de l’Aube par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
Mais il est vrai que le démantèlement à venir des installations nucléaires conduira inévitablement à une forte augmentation des volumes de déchets radioactifs de très faible activité, qu’il faudra traiter.
Cela impose de réfléchir sur le fond à la mise en place d’une filière adaptée et proportionnée au flux prévisible. Le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs étudie plusieurs pistes complémentaires d’optimisation de cette filière : réduire à la source les volumes de déchets de très faible activité produits lors des démantèlements, recycler ou valoriser certains types de ces déchets, réfléchir à l’opportunité d’implanter des centres de stockage décentralisés, créer de nouvelles capacités de stockage avant la saturation du centre existant, prévue à l’horizon 2025.
La mise en oeuvre de ces solutions sera discutée dans le cadre du plan national de gestion, en concertation étroite avec les parties prenantes et le public. Elle se fera dans le strict respect de la protection de l’environnement et sous le contrôle étroit de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Julien Aubert.
Monsieur le secrétaire d’État, en effet, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé pour objectif de réduire de 75 % à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique en dix ans. La programmation pluriannuelle de l’énergie, que vous avez citée, était censée donner plus de visibilité à votre action mais reconnaissez qu’elle reste floue. Des objectifs sont fixés pour le développement des énergies renouvelables et l’on nous explique que c’est en fonction de la place que celles-ci auront prise en 2018 que l’on décidera de l’avenir du parc nucléaire.
Au final, au bout de cinq ans de mandat, que constatons-nous ? La très symbolique centrale de Fessenheim n’est toujours pas fermée, même si vous prendrez sans doute un décret dans quelques mois, pour des motifs purement électoraux. Les provisions destinées au démantèlement des centrales soulèvent des questions, notamment par rapport aux autres pays – un audit extérieur a d’ailleurs fait réagir EDF. Surtout, nous n’avons aucune visibilité sur l’avenir du parc nucléaire, c’est le principal problème.
S’agissant tout d’abord de ce que l’on appelle le démantèlement « jusqu’à l’herbe », il faudrait déterminer avec précision les sites qui seront ainsi totalement démantelés pour d’une part évaluer les provisions nécessaires, d’autre part anticiper les conséquences sociales puisqu’aucune centrale ne sera reconstruite à cet endroit.
Par ailleurs, le programme dit du grand carénage, destiné à allonger la durée de vie de centrales, permet certes d’abaisser la pression sur le démantèlement mais le temps joue contre la préservation des compétences : plus on attend, moins de personnes connaîtront la centrale, sans parler des anomalies détectées sur des pièces fabriquées au Creusot ou au Japon, et qui amènent l’Autorité de sûreté nucléaire à dire qu’il n’est plus possible d’attendre.
Quant à la construction de nouveaux réacteurs, elle est indispensable si nous voulons préserver notre filière d’exportation. Il faut construire un EPR de nouvelle génération, et ce dès 2019, pour pouvoir en profiter en 2030 avec un modèle économique stable.
Ma question est fort simple : quand publierez-vous la liste exacte des sites à démanteler, des sites à prolonger, des sites sur lesquels construire de nouveaux réacteurs, de sorte que l’on puisse anticiper l’avenir de la filière nucléaire et que les entreprises sous-traitantes puissent s’organiser ?
Monsieur le député, ne perdons jamais de vue que ce n’est pas au Gouvernement qu’il appartient de choisir les sites à fermer ou à prolonger. Si nous avons décidé, avec raison, d’instituer une autorité de sûreté nucléaire indépendante, c’est bien pour nous en remettre à ses conclusions, et ce sont elles que nous attendons. Nous substituer à cette autorité nous ferait prendre un risque énorme qu’aucun gouvernement n’accepterait de courir.
Je le répète : nous n’avons aucun choix à faire, nous n’avons qu’à attendre les décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire, et c’est très bien ainsi.
En revanche, vous avez eu raison de souligner les défis que nous devrons relever. Une fois que l’ASN aura rendu ses conclusions, nous devrons engager le débat autour du grand carénage. La préservation des compétences et des savoir-faire est un autre enjeu crucial, j’ai eu l’occasion de le dire tout à l’heure. Originaire d’un territoire marqué par l’histoire du nucléaire, je me souviens que l’on avait à un moment fait fabriquer des cuves, alors que l’on n’en avait pas nécessairement un besoin immédiat, pour la seule raison qu’il fallait maintenir le savoir-faire.
Nous avons conscience de ces enjeux mais il n’appartient pas au pouvoir politique de se substituer à la responsabilité de l’Autorité de sûreté nucléaire pour décider du sort des centrales existantes.
Le mois dernier, j’interpellais le Gouvernement quant à l’impossibilité matérielle d’atteindre les objectifs arbitraires fixés dans le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie publié le 28 octobre dernier. Devant la vacuité de la réponse qui m’a été adressée par M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, je me vois obligé de poser de nouveau cette question. Je m’inquiète également de l’impréparation de votre gouvernement pour les prochains mois.
Ce décret exige d’EDF un plan de démantèlement de la filière nucléaire pour atteindre l’objectif de 50 % dans la production globale d’ici à 2025. Je vous le répète : fermer des centrales nucléaires sûres et opérationnelles est un non-sens économique, un désastre industriel et une farce environnementale.
Un non-sens économique, car vous dilapidez ainsi le fruit de précieux investissements, qui garantissent aujourd’hui aux consommateurs Français une électricité parmi les moins chères d’Europe.
Un désastre industriel, car vous sacrifiez un fleuron technologique français et condamnez des territoires ruraux dont l’activité économique y est intimement liée.
Une farce environnementale enfin, car dans un délai aussi court, la transition énergétique n’aura pas lieu.
À consommation d’électricité constante, il faudrait produire d’ici à huit ans, et chaque année, 130 térawattheures supplémentaires pour compenser les fermetures de réacteurs, ce qui représente la bagatelle de 30 000 éoliennes ou 1,3 milliard de mètres carrés de panneaux solaires !
Puisque votre gouvernement a choisi de persévérer dans l’erreur et de maintenir ce décret, je vous pose quatre questions précises, auxquelles vous apporterez, je l’espère, des réponses tout aussi précises.
Selon quels critères seront fermées les centrales ? Comment seront accompagnés les dizaines de milliers de chômeurs que vous allez créer ? Quelles activités économiques de substitution seront proposées aux territoires ainsi dévitalisés ? Les habitants et les élus seront-ils consultés sur ces démantèlements ?
Monsieur le député, je vous renvoie à la réponse que je viens d’apporter à votre collègue. Nous attendons d’une autorité comme l’ASN que, forte d’analyses précises, elle désigne les sites pouvant être maintenus, voire prolongés pour certains – vous n’ignorez rien du débat qui existe autour de cette prolongation – et ceux, peut-être, pouvant être amenés à fermer.
Si je ne vous réponds pas, ce n’est pas que je fuie mes responsabilités, mais vous répondre serait nier le travail accompli par cette autorité, au risque de porter atteinte à l’un des éléments qui fonde notre confiance dans la filière nucléaire : son contrôle par une autorité indépendante.
Cela étant, vous avez raison, si des sites devaient être fermés – je dis bien si –, il faudrait bien entendu, par solidarité nationale, engager une réflexion sur leur reconversion. L’enjeu lié à la déconstruction de ces centrales est énorme sur le plan technique mais aussi en termes d’emplois, même si les salariés ont évidemment une approche assez différente, j’en suis conscient.
Enfin, nous avons foi dans la filière nucléaire, croyez-moi, monsieur le député. Si tel n’était pas le cas, nous n’aurions pas pris soin de la réorganiser et de définir un chef de file. Vous pouvez être en désaccord avec nos choix mais nous avons décidé de mettre fin à la situation inacceptable qui prévalait depuis quinze ans. Tous les élus des territoires concernés – vous en êtes comme moi –, savent parfaitement le coût d’avoir laissé deux entreprises s’affronter comme elles l’ont fait.
La réorganisation de cette filière est un élément déterminant. Les réponses de l’Autorité de sûreté nucléaire en sont un autre, mais nous sommes d’accord sur le défi que la solidarité nationale devra relever le cas échéant sur les territoires concernés.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, en cette fin de quinquennat, nous entrons forcément dans la période du bilan ! Dans le domaine de l’énergie, le point d’orgue des cinq dernières années de la présidence de François Hollande aura peut-être été la loi relative à la transition énergétique.
Ce texte a affaibli la solidité et la cohérence de notre politique énergétique. Tout d’abord, il a cassé le consensus national qui existait depuis le général de Gaulle sur le nucléaire civil. C’est une faute grave. Alors que les Français devraient être fiers de leur filière nucléaire et informés sur ses technologies, des membres du Gouvernement ont sciemment, par idéologie, attisé les peurs.
Par ailleurs, la loi de transition énergétique a opposé de façon manichéenne les énergies renouvelables au nucléaire. Or, le nucléaire n’émet quasiment pas de gaz à effet de serre. Mieux, il permet de financer la recherche et l’innovation dans le domaine des énergies alternatives dont il faudra d’ailleurs un jour dresser le bilan.
Enfin, cette loi a posé l’objectif irréaliste de réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Tous ceux qui sont ici de bonne foi savent qu’il n’est pas tenable. La majorité issue des urnes au printemps prochain, quelle qu’elle soit, devra revenir dessus.
Dans un contexte de montée du cours du pétrole et d’incertitudes géopolitiques multiples, le nucléaire participe à l’indépendance énergétique de la France. Il permet également aux Français de bénéficier d’une électricité à un prix relativement bas – un ménage français paie son électricité 70 % moins cher qu’un ménage allemand. Enfin, il est la troisième filière industrielle française, derrière l’aéronautique et l’automobile. Il représente 2 500 entreprises et 220 000 emplois. Il doit être l’une de nos fiertés nationales.
L’État doit profiter de sa participation au capital d’EDF et d’Areva pour soutenir deux orientations stratégiques. La première est celle de l’innovation. La France est un grand acteur de la recherche sur les technologies du futur. Le nucléaire est encore une énergie jeune qui connaîtra immanquablement des sauts technologiques. Nous devons être en pointe sur le sujet.
La seconde orientation est celle des exportations. Alors que la Chine, par exemple, prévoit de construire cinq à huit réacteurs par an jusqu’en 2030, il est nécessaire de valoriser nos compétences françaises à l’export.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de relever ces deux défis pour la filière nucléaire française : la recherche-développement et l’exportation ?
On ne peut pas être partisan de la filière nucléaire, comme je le suis et comme vous l’êtes, monsieur le député, et baigner dans une vision idéalisée. Vous ne pouvez pas développer cet argumentaire sans constater que nous avons été interpellés sur la place du nucléaire, en oubliant que nous sommes aujourd’hui dépendants à 80 % d’une même source de production d’électricité et en ignorant les drames qui ont eu lieu à Fukushima ou ailleurs. Pour être l’élu d’un territoire où le nucléaire a une part essentielle dans l’organisation de l’économie, je le dis une nouvelle fois avec force : défendre le nucléaire, c’est reconnaître que nous avons besoin de cette source d’énergie. Et entre une majorité – puisque c’est sur ce plan que vous avez voulu vous placer – qui a laissé s’affronter pendant des années les deux dirigeants d’EDF et d’Areva, ce dont j’ai été comme vous le spectateur attristé, et une majorité qui décide de réorganiser la filière, laquelle, selon vous, fait confiance à la filière nucléaire ?
Du reste, vous semblez défendre ce que par ailleurs vous dénoncez. Vous me reprochez en effet d’opposer le nucléaire aux énergies renouvelables alors que toute votre démonstration vise à nier que ces énergies constituent un objectif vers lequel nous devons tendre. Or il nous faut et l’un, et l’autre !
C’est pourtant ce que vous avez dit, cela peut se vérifier aisément.
Bien évidemment, le nucléaire connaîtra une évolution, avec probablement moins d’emplois qu’il n’y en a aujourd’hui. Mais je vous renvoie aux objectifs très précis fixés par la PPE en matière de prévisions d’emploi dans le secteur des énergies renouvelables.
Nous nous connaissons assez, monsieur le député, pour que je puisse attester le sérieux dont vous faites preuve dans les dossiers que vous suivez. Je n’imagine pas que vous puissiez tenir un discours consistant à nier que le nucléaire ait à s’interroger sur sa place et sur le modèle qui est le sien et qu’il faille que les énergies renouvelables se développent. Nous avons besoin, je le répète, de l’un et de l’autre. Aussi, pour répondre à votre question, le Gouvernement soutient-il et l’un, et l’autre.
Monsieur le secrétaire d’État, nous savons que la demande en énergie primaire augmentera de 23 % d’ici à 2030, tandis que la demande en électricité dans la consommation d’énergie finale devrait passer de 18 % à l’heure actuelle à 24 % en 2040 Dans le même temps, la production d’électricité décarbonée devra satisfaire 70 % des besoins en 2040, contre 32 % aujourd’hui. Dans ces conditions, comme on l’a déjà dit et redit ce soir, l’énergie nucléaire fait bien évidemment partie des solutions pour que nos entreprises bénéficient d’une électricité décarbonée à des prix compétitifs.
À plusieurs conditions cependant : garantir le plus haut niveau de sûreté ; s’assurer de la surface financière nécessaire aux entreprises pour sécuriser le parc existant ; investir dans la recherche-développement pour les réacteurs de quatrième génération et les réacteurs de moyenne et petite puissance. Il faut d’urgence aider l’industrie nucléaire à redevenir compétitive, adapter les outils de formation pour renouveler les effectifs, encourager la création de start-up, aller vers la transition numérique de la filière, relancer une véritable coalition européenne autour de cette question, et enfin s’assurer de la stabilité des recettes des entreprises de la filière.
Bref, il faut avoir une stratégie !
Or, en lieu et place, nous avons assisté durant ce quinquennat à une série d’injonctions pour le moins contradictoires : refus de l’augmentation des prix de vente de l’électricité dans un premier temps, choix, dans la loi relative à la transition énergétique, de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité, et, dans le même temps, soutien à la construction de Hinkley Point mais annonce de la fermeture de la centrale de Fessenheim, sacrifiée sur l’autel des petits arrangements électoraux ; gestion chaotique s’il en est du dossier Areva, désormais inclus dans la corbeille d’EDF alors que celle-ci, on le sait, se trouve devant un mur d’investissement quasi infranchissable. Ces décisions d’une extrême gravité témoignent d’un réel manque de sérieux. Et ce n’est que maintenant, en fin de législature et après le vote de la loi relative à la transition énergétique, que l’on organise devant la représentation nationale un débat sur le nucléaire !
Ma question est simple : à défaut de stratégie, accepterez-vous du moins, comme je crois, à vous entendre, que cela peut être le cas, de remettre à plat les questions liées à l’avenir du nucléaire dans notre pays et d’engager sans plus attendre tous les efforts nécessaires à la pérennisation et au développement de son tissu industriel ?
Ce n’est pas le Gouvernement qui est à l’origine de ce débat, madame la députée ! Sous le couvert de Mme la présidente, je me permets de vous rappeler que l’initiative en revient au groupe UDI. Si nous nous retrouvons ici, c’est donc parce qu’un groupe politique a souhaité, et c’est légitime, qu’il soit organisé.
À notre sens, tout a été dit lors de la discussion du projet de loi relative à la transition énergétique. Vous ne pouvez feindre de découvrir aujourd’hui qu’une stratégie a été définie. Je comprends que vous puissiez ne pas la partager, mais elle a été définie.
Quant aux 8 milliards d’euros de recapitalisation – 5 milliards pour Areva et 3 milliards pour EDF –, ne sont-ils pas la traduction concrète de l’engagement de l’État ? Non seulement nous appelons de nos voeux, comme vous, une sécurisation financière, mais nous l’organisons. Si ce n’est pas la traduction d’un engagement, il faudra que l’on m’explique ce que c’est – à moins que l’on ne veuille pas le voir, ce qui est bien évidemment votre droit !
En outre, comme je l’ai dit à votre collègue Jean-Marie Sermier, nous faisons le choix de restructurer cette filière autour d’un chef de file, EDF, et de réorganiser Areva en séparant ses activités, de manière à tenir compte à la fois des engagements pris, notamment en Finlande, et des enjeux déterminants auxquels répond le rachat d’Areva NP. Il s’agit bien, là aussi, d’un choix stratégique.
Enfin, je vous remercie d’avoir mis en première place la question fondamentale de la sûreté nucléaire. Nous y consacrons des moyens substantiels en équivalents temps plein attribués tant à l’Autorité de sûreté nucléaire qu’aux autres organismes qui participent aux vérifications.
Sur tous les points que vous mettez en avant, nous sommes donc au rendez-vous. Certes, nous sommes en période électorale et j’ai moi-même pratiqué l’exercice. Attention cependant à ne pas adopter une position qui, en prétendant défendre le nucléaire, lui serait au bout du compte plus préjudiciable que vous ne l’imaginez !
Monsieur le secrétaire d’État, votre majorité a décidé de réduire de 75 à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2025, dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique longuement évoquée ce soir. Dans la période électorale que nous allons traverser, nos concitoyens ont besoin de savoir comment cet objectif sera mis en oeuvre et quelles en seront les conséquences et le coût. Or votre gouvernement ne leur apporte guère de réponses.
Vous avez envisagé le non-redémarrage de deux à six réacteurs d’ici à 2025, ce qui est du reste loin d’être suffisant si l’on veut atteindre la diminution prévue. Réduire d’un tiers la part du nucléaire nécessite de fermer, au total, un tiers des cinquante-huit réacteurs dont la France dispose, et cela sans tenir compte du démarrage effectif de l’EPR de Flamanville, qui devrait, nous l’espérons, intervenir prochainement.
Les Français sont également en droit d’obtenir des informations sur le coût de cette politique. Ayez le courage de tenir un discours de vérité sur le prix de l’énergie, sachant que le mégawattheure d’origine nucléaire revient moins cher que celui qui provient de l’éolien ou du photovoltaïque, sur le coût de l’indemnisation due à EDF pour la fermeture de ses réacteurs, sachant que celle que vous proposez pour Fessenheim est loin de convenir à l’entreprise, et sur les conséquences économiques pour le secteur nucléaire, qui est notre troisième filière industrielle, qui emploie plus de 220 000 salariés et dont les deux fleurons, Areva et EDF, sont aujourd’hui mal en point.
À l’heure où nous cherchons à exporter le modèle d’exploitation des EPR, plus efficaces, moins énergivores et produisant 30 % de déchets radioactifs en moins, votre politique ne favorise pas le déploiement d’une telle stratégie.
Je vous demande donc plus de lisibilité et plus de cohérence au sujet du devenir de cette filière qui a le grand avantage de ne pas produire de CO2. La France a besoin d’une politique énergétique cohérente afin de garantir sa compétitivité économique et le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Le premier élément que je verserai au débat, monsieur le député, c’est que la loi relative à la transition énergétique date de 2015. Nous n’avons pas attendu la fin du quinquennat pour fixer les orientations et la stratégie du Gouvernement sur ces questions.
Deuxièmement, la PPE répond très clairement à votre question. Vous l’avez certainement examinée de près : tout y est inscrit, aussi bien l’évolution du recours aux énergies renouvelables que le coût de l’électricité produite. Du reste, entre le moment où je m’exprime et le moment où les débats ont eu lieu, nous faisons des progrès réguliers en matière de diminution du coût de la production électrique issue du renouvelable. Tout cela participe en effet d’une ambition dont nous nous donnons les moyens.
Comme les trois dernières questions tournent autour des mêmes thèmes, je voudrais en revenir au coeur du sujet : ce n’est pas le nucléaire contre les énergies renouvelables, ou, pour reprendre votre thématique, les énergies renouvelables contre le nucléaire. Quiconque examine les enjeux ne peut que constater notre dépendance, mais aussi l’atout que représente le nucléaire. Plusieurs orateurs ont évoqué la comparaison avec d’autres pays. Pour ma part, je me réjouis que les choix faits par la France depuis de très nombreuses années nous permettent de bénéficier de cette indépendance. Laquelle indépendance, toutefois, ne nous interdit pas, par exemple de prendre en considération des enjeux aussi fondamentaux que celui de la réduction des émissions de CO2. On ne peut à la fois se féliciter unanimement, et à juste titre, de l’accord de Paris, qui a permis de placer la France parmi les pays les plus ambitieux, et se refuser à en tirer les conséquences, y compris en matière énergétique.
Vous comprendrez donc que je mette de la conviction dans mon propos : nous avons fait ce choix et nous nous donnons des objectifs, qui sont au demeurant progressifs. Personne n’a dit que nous passerions du jour au lendemain à 50 % de production électrique d’origine nucléaire ! Nous avons eu la sagesse de ménager une progressivité, de prévoir d’examiner comment les territoires qui seront confrontés le cas échéant, si l’Autorité de sûreté nucléaire le décide, à des arrêts d’activité pourront réagir, de prendre en compte les questions économiques. Ce sont tous ces éléments qu’il faut réunir pour mener une réflexion d’avenir sur les besoins et la production énergétique dans notre pays.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
–
Questions au Gouvernement ;
–
Débat sur les négociations internationales relatives au changement climatique ;
–
Débat sur la fibromyalgie.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 11 janvier 2017, à zéro heure quarante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly