Monsieur le secrétaire d’État, voici ma première question. Le sauvetage d’Areva est entré en ce début d’année dans sa phase finale. Le groupe a en effet convoqué ses actionnaires le 3 février prochain en vue d’autoriser une augmentation de capital qui sera conditionnée en dernier ressort par le feu vert de la Commission européenne. Dans le cadre de cette restructuration, Areva va regrouper ses activités du cycle du combustible au sein d’une nouvelle société baptisée provisoirement NewCo, tandis que l’activité de construction de réacteurs sera reprise par EDF.
La cession à EDF de la division réacteurs nucléaires d’Areva soulève de nombreuses interrogations. Le dossier des pièces nucléaires fabriquées dans l’usine Areva du Creusot pourrait mettre au jour de nouvelles falsifications et faire peser des risques sur la cession de ces actifs de production à EDF. En outre, le groupe EDF, lourdement endetté, est confronté, selon l’expression consacrée, à un « mur d’investissement ». À court terme, EDF devrait investir 55 milliards d’euros selon l’entreprise ou 100 milliards selon l’estimation de la Cour des comptes pour permettre la prolongation pendant dix ans de l’activité des réacteurs nucléaires construits dans les années soixante-dix.
L’entreprise s’est engagée par ailleurs dans le fameux projet d’Hinkley Point dont le coût de construction est estimé à 24 milliards d’euros et excède donc sa valorisation boursière.
L’Autorité de sûreté nucléaire se prononcera enfin, à la fin du premier semestre, sur la conformité de la cuve de l’EPR en construction à Flamanville.
La réduction des effectifs et des budgets ainsi que les transferts de technologies à l’étranger font peser de lourdes menaces sur l’avenir de cette filière industrielle. Dans ce contexte, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous éclairer sur l’avenir des sites d’Areva en France et sur les mesures que le Gouvernement compte prendre pour préserver l’emploi, les savoir-faire, les compétences et les technologies ?
J’en viens à ma seconde question. Fortement endetté et confronté à des lourds investissements dans le parc nucléaire français, EDF se trouve en grande difficulté. Pour financer ses investissements, en particulier le projet controversé de deux réacteurs EPR à Hinkley Point au Royaume-Uni, le groupe a présenté en avril dernier un projet d’augmentation de capital de 5 milliards d’euros dont 3 milliards apportés par l’État. En outre, le conseil d’administration d’EDF a validé en décembre la cession de 49,9 % du capital de sa filiale RTE, chargée du transport d’électricité, à la Caisse des dépôts et consignations et à CNP Assurances. S’il ne s’agit pas d’une privatisation, dès lors que la majorité du capital de RTE est conservée par EDF et que le restant est confié à des entreprises détenues majoritairement par l’État ou ses satellites, l’opération représente néanmoins un coup de canif dans l’unicité du groupe EDF.
D’ailleurs, le pacte d’actionnaires n’est valable que pour cinq ans. Rien n’interdit à la Caisse des dépôts et consignations et à CNP Assurances de chercher à vendre leurs parts ensuite. Cette ouverture du capital du réseau de transport d’électricité s’inscrit dans la logique qui prévaut depuis vingt ans de démantèlement du service public de l’énergie et de privatisation du secteur. De fait, la cession de la moitié du capital de RTE pour 4 milliards d’euros s’inscrit dans un programme plus large de cession d’actifs d’un montant de 10 milliards d’euros d’ici à 2020. Nous avons tout à craindre des conséquences de ces choix sur l’emploi, la qualité du service public et les tarifs de l’énergie. Quelles solutions le Gouvernement préconise-t-il pour stopper cette fuite en avant dans la course au désendettement, qui ne saurait tenir lieu de stratégie industrielle et de politique énergétique ?