Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du 11 janvier 2017 à 15h00
Débat sur les négociations internationales relatives au changement climatique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, en cette dernière rentrée parlementaire de la législature, de vous adresser mes meilleurs voeux et de vous souhaiter une bonne continuation dans les négociations sur le climat.

Je tiens aussi à saluer le travail des rapporteurs, qui retrace l’historique de ces négociations dont l’enjeu, depuis des décennies, est d’arriver à changer les choses et d’atteindre des objectifs et des résultats concrets en matière de climat. Malheureusement, le bilan depuis l’Accord de Paris est mitigé. Ayant eu l’occasion de suivre les deux dernières COP pour y défendre la place des îles et des insulaires, je tiens à vous faire part de mon ressenti.

La France n’est pas que continentale, mais mondiale et maritime. Elle possède des territoires dans tous les océans, sous toutes les latitudes – un point souvent ignoré. Bien sûr, nous sommes les députés de la Nation ; mais notre priorité est aussi de représenter et de défendre ces territoires, et de parler de ces réalités. En attendant que les grandes nations se mettent d’accord, certains de nos concitoyens et de nos voisins ont déjà les pieds dans l’eau ; certains sont déjà menacés de migration. C’est la réalité que nous vivons dans nos territoires, à l’autre bout de la planète. En effet, située à 18 000 kilomètres, la Polynésie française est le territoire le plus éloigné de la métropole, isolé au milieu du Pacifique Sud. On l’oublie souvent, mais nous représentons la moitié de la surface maritime française, près de 5 millions de kilomètres carrés d’espace maritime, 118 îles et 270 000 de nos concitoyens. Ne l’oublions pas !

En matière de climat, au-delà des chiffres, des statistiques, des tendances et des trajectoires, il y a des réalités. Il existe, dans le monde, des personnes qui subissent le changement climatique, à des vitesses plus ou moins foudroyantes. Tous les êtres humains de la planète sont concernés, mais à certains endroits plus qu’ailleurs.

Malheureusement, tous les territoires situés dans la ceinture intertropicale sont gravement menacés dès aujourd’hui. Plutôt que de m’intéresser aux perspectives à 2020, 2025, 2050 ou 2100, je regarde ce qui se passe d’ores et déjà dans mon territoire. Cette année, nous avons à nouveau vécu deux épisodes de blanchissement de coraux. Or le corail est une ressource naturelle, garde-manger pour beaucoup de nos populations isolées, mais également une barrière naturelle qui freine les houles, qui se sont intensifiées à cause du changement climatique.

Ma circonscription comporte 105 îles sur 118, ce qui en fait la plus grande circonscription de la République en dehors de celles des Français établis hors de France. En être l’élue est une lourde charge et une vraie responsabilité. C’est à la population de ma circonscription que je pense lorsque je vous parle de ce qu’on pourrait négocier.

Je ne reviendrai pas sur le bilan dressé dans le rapport, que je partage totalement. Mais je voudrais rappeler que nos territoires – la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna – ne sont pas des régions ultrapériphériques, RUP, mais des collectivités autonomes. Nous sommes malheureusement trop autonomes pour bénéficier des fonds nationaux et européens, mais trop français pour accéder aux fonds internationaux.

C’est un appel que je lance aujourd’hui à mes collègues de la commission des affaires européennes, mais aussi à tous ceux qui sont là aujourd’hui, et à vous, monsieur le secrétaire d’État : il faut enfin ouvrir le débat sur la place des pays et territoires d’outre-mer, PTOM, pour les sortir, au niveau européen, de ce no man’s land juridique. Je comprends que ce soit compliqué sur certains sujets ; mais le changement climatique n’a pas de frontières, et il ne devrait pas y en avoir non plus sur le plan juridique.

C’est tout à l’honneur de la France de s’engager aujourd’hui pour contribuer à aider les territoires les plus vulnérables, mais il est indécent qu’elle n’en fasse pas autant pour les territoires autonomes que nous représentons. Je reviendrai en détail dans mes questions sur ce que l’on peut faire en matière de reconnaissance des PTOM et de carbone bleu, qui intéresse fortement nos îles.

Je souhaitais profiter de ce débat pour vous interpeller sur l’hypervulnérabilité de tous nos territoires d’outre-mer, des Antilles au Pacifique, en passant par l’océan Indien. On sait nous trouver quand on a besoin de nous pour les essais nucléaires ou pour les tirs spatiaux ; mais que fait-on réellement pour protéger ces ressources et ces richesses, au bénéfice de nos populations ? La réponse à cette question est compliquée ; certes, les choses sont également complexes lorsqu’il s’agit de financements destinés à l’ensemble de l’humanité, mais ce débat doit nous permettre de nous poser des questions sur ce que nous faisons, nous la France, pour nos propres territoires vulnérables.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion