La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, la situation sanitaire liée à l’épidémie grippale est très préoccupante. Alors que le pic épidémique n’est pas encore atteint et malgré le professionnalisme et la disponibilité des équipes soignantes, on déplore de lourds dysfonctionnements, avec des services d’urgence saturés. Bien sûr, cela nous interpelle et nous inquiète en termes de prise en charge des malades – en particulier les personnes âgées – et, au-delà, d’organisation hospitalière globale.
Cette situation, madame la ministre, doit vous conduire à faire preuve de plus de modestie, vous qui vous glorifiez en permanence d’un bilan qui serait parfait. Ne vous en déplaise, madame la ministre, tout n’est pas parfait ; non, tout ne va pas bien !
Cette crise sanitaire révèle vos échecs, en particulier s’agissant de la coopération public-privé, de la considération envers la médecine de ville, qui soulagerait avantageusement l’activité hospitalière, et de la prévention vaccinale – le taux de vaccination contre la grippe est en effet beaucoup trop faible, tant pour la population que pour les soignants. Non, tout ne va pas bien !
En dépit des alertes de Santé publique France, vous n’avez pas anticipé une prise en charge à la hauteur de l’enjeu sanitaire. En effet, dès le mois d’octobre 2016, Santé publique France a indiqué que le virus de la grippe 2016-2017 était de type H3N2, proche de celui qui contribua, il y a deux ans, à une surmortalité de 18 000 personnes.
Madame la ministre, l’heure est grave. Comment allez-vous rassurer les Français, qui ne comprennent pas cette situation, ainsi que les médecins et soignants, qui vivent très mal votre réaction tardive pour gérer cet épisode hivernal ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mesdames et messieurs les députés, monsieur Delatte, c’est le 28 octobre dernier que le ministère des affaires sociales et de la santé a activé la cellule d’urgence sanitaire pour faire face à la grippe. Nous avons régulièrement adressé des recommandations aux médecins libéraux, nous avons travaillé avec l’Ordre des médecins et nous avons envoyé des instructions aux hôpitaux pour que, semaine après semaine, en fonction de l’évolution de la grippe, les mesures nécessaires soient prises. Près de quatre-vingt-dix hôpitaux ont mis en place des mesures spécifiques avant Noël pour répondre à l’afflux de patients.
Aujourd’hui, quelle est la situation ? Si le nombre de personnes se présentant aux urgences n’a pas augmenté – car nous sommes en train d’atteindre le pic de l’épidémie –, une personne sur deux âgée de plus de 65 ans qui s’y rend pour la grippe doit être hospitalisée. Il importe donc de garantir que des lits seront disponibles dans les jours et les semaines à venir. J’ai par conséquent demandé aux hôpitaux de faire en sorte que les actes non urgents soient reportés, déprogrammés,…
…pour que les malades continuent d’être accueillis dans de bonnes conditions.
Je vous le dis, monsieur le député, les hôpitaux répondent présent, le système de santé fait face à la situation : toute personne qui a besoin d’être soignée l’est et toute personne qui a besoin d’être hospitalisée peut l’être.
Mais il faudra expliquer aux Français comment vous compter améliorer leur santé en supprimant 500 000 postes de fonctionnaires,…
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains
…en réalisant 20 milliards d’économie sur la santé
Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste
et en supprimant des hôpitaux de proximité, alors que, pour notre part, nous avons créé 31 000 postes de soignants et investi 10 milliards d’euros dans les hôpitaux !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Karine Daniel, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, depuis deux jours, en France, près de 550 000 retraités découvrent que leur retraite de base a été augmentée de quelques dizaines d’euros. Nous devons cette bonne nouvelle à un amendement déposé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017 par ma collègue Valérie Rabault ainsi qu’à la mobilisation des députés et du Gouvernement pour exonérer ou réduire la CSG – contribution sociale généralisée – sur les petites retraites.
Il a été difficile de rétablir les finances de l’État ; toutes les Françaises et tous les Français ont contribué à l’effort, tant pour le budget général que pour celui de la Sécurité sociale. Il est juste, aujourd’hui, de redistribuer et de redonner du pouvoir d’achat aux retraités les plus modestes.
Parmi eux, 290 000 de plus sont désormais totalement exonérés de CSG. Concrètement, cela représente un gain moyen de 46 euros par mois. À ceux-là s’ajoutent 260 000 ménages retraités, qui se voient appliquer le taux réduit de CSG de 3,8 %. Tous ces ménages connaîtront une hausse sensible de leur pouvoir d’achat. Cette mesure de justice fiscale concerne l’ensemble des régimes – je pense notamment au régime agricole. La baisse a été appliquée au régime général dès le 9 janvier ; les autres suivent en fonction des dates de versement des pensions. L’exonération ou la baisse concerne celles et ceux qui reçoivent moins de 1 286 euros par mois pour une personne seule.
Bien sûr, nous aurions aimé le faire plus tôt mais nous pouvons nous féliciter de l’engagement du Gouvernement et des députés pour rendre aux Français le fruit de leurs efforts.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur les mesures permettant de compenser les baisses de pouvoir d’achat liées à la CSG depuis 2012 et nous préciser les conditions de mise en oeuvre de la mesure appliquée aujourd’hui pour les retraités ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.
Madame la députée, jusqu’en 2014, vous l’avez rappelé, plusieurs mesures fiscales ont eu pour effet d’accroître le revenu fiscal de référence des retraités, notamment, monsieur Jacob, la suppression de la demi-part pour les vieux parents,
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
décidée avant 2012, qui a eu aussi pour conséquence de relever le niveau de CSG payé par les retraités les plus modestes.
Le Gouvernement a déjà compensé ces effets défavorables pour ces derniers, à travers plusieurs mesures : en 2014, le plafond pour bénéficier de l’exonération a été relevé de 4 % ; en 2015, le seuil pour passer au taux normal a été fixé en fonction du revenu fiscal de référence.
À l’automne dernier, le Parlement, à votre initiative, à l’initiative de votre rapporteure générale, issue de cette majorité, a proposé de relever le seuil de 3 %. Cette mesure concerne 500 000 foyers et représente un effort d’environ 300 millions d’euros, financé notamment grâce à l’augmentation de la taxe sur les transactions financières.
Ce gain peut être important, vous l’avez rappelé.
Cette mesure s’ajoute aux autres mesures fiscales ; je pense notamment à la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt pour les services à la personne, qui, jusque-là, ne bénéficiait qu’aux personnes imposables et qui, demain, bénéficiera à l’ensemble des foyers, même non imposables.
J’en viens à l’objet de votre question. Malgré des délais extrêmement serrés, je m’étais engagé à assurer l’entrée en vigueur de cette mesure dès le versement des pensions de janvier : c’est chose faite puisque les pensions du régime général, versées lundi dernier, l’ont d’ores et déjà intégrée. Les autres régimes le feront en fonction des dates habituelles de versement des pensions.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le garde des sceaux, dans une intervention remarquée, M. le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence a demandé que l’on mette fin à la présence de jurés populaires dans les cours d’assises ou, à tout le moins, que l’on fasse en sorte que les crimes ou assassinats commis en bande organisée ne soient confiés qu’aux seuls magistrats professionnels.
Cette proposition n’est pas isolée. Les magistrats ayant en main ce qu’il faut bien appeler le banditisme corse ont formulé la même. Cela doit sans doute être mis en parallèle avec un certain nombre d’acquittements spectaculaires dus, bien évidemment, au talent des avocats qui se sont succédé depuis Vincent de Moro-Giafferri. Mais les magistrats ne se contentent pas de cette explication : on aurait approché ou menacé des jurés.
Il faut souligner le courage des magistrats professionnels, qui assument à titre personnel tous les risques de leurs fonctions, et dont certains ont même été tués. Nous ne rendons pas suffisamment hommage au courage de nos magistrats qui, au côté de nos forces de l’ordre, défendent les bases mêmes de la République.
Monsieur le garde des sceaux, faut-il, selon vous, ne confier qu’à des magistrats professionnels tout ce qui relève du crime organisé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le député, je tiens d’abord à m’associer à l’hommage que vous rendez aux magistrats, quelle que soit la juridiction dans laquelle ils travaillent – tribunaux de grande instance, tribunaux d’instance, cours d’appel ou cours d’assises.
Le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Jean-Marie Huet, qui n’est pas un inconnu puisqu’il appartient à la deuxième cour de France, a fait la proposition que vous avez rappelée à l’occasion de l’audience solennelle. Dans le ressort de sa cour, il a constaté, à l’occasion d’affaires extrêmement complexes, que des tentatives d’approche sur des jurés siégeant dans les cours d’assises avaient eu lieu.
Il a donc proposé, pour un certain nombre de crimes relevant notamment de la bande organisée, que l’on puisse utiliser une disposition qui a été introduite dans notre droit positif en 1986, à la suite du jugement de l’affaire Carlos, au cours duquel les complices de Carlos avaient fait pression sur les jurés.
Le législateur avait alors décidé d’instaurer une cour d’assises spéciale. Au lieu d’être composée de manière mixte, comme le sont habituellement les cours d’assises, qui comptent trois magistrats professionnels et six jurés populaires en première instance, puis neuf en cour d’appel, elle ne devait comporter que des juges professionnels.
Le procureur général Jean-Marie Huet a donc proposé que la professionnalisation des juges, qui existe déjà pour la criminalité organisée, puisse s’appliquer à d’autres types d’affaires spécialisées. C’est sa proposition. À titre personnel, et à ce stade, je ne suis pas favorable à la professionnalisation de ce type de cour. Pourquoi ? Parce que je suis attaché, comme nombre d’entre vous, sans doute, au fait que des jurés populaires tirés au sort parmi les Français puissent siéger et se prononcer. Ce n’est qu’un jugement personnel, et je suis prêt à en discuter.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Deux études ont été publiées récemment, dont nos concitoyens doivent avoir connaissance, tant elles en disent long sur la répartition des richesses et l’injustice sociale dans notre pays.
Le 20 décembre 2016, l’Observatoire des inégalités annonçait que la France comptait 1 million de pauvres de plus qu’il y a dix ans, principalement en raison du chômage de masse, que ce gouvernement promettait pourtant d’enrayer.
Aujourd’hui, 8,8 millions de personnes survivent avec moins de 840 euros par mois, et un peu plus de la moitié d’entre elles est âgée de moins de 30 ans, alors que ce gouvernement disait faire de la jeunesse sa priorité.
Quinze jours plus tard, le 6 janvier, le quotidien La Tribune publiait une autre étude s’intéressant, celle-ci, aux dirigeants des 120 plus grandes entreprises françaises, telles que Total, Axa, BNP ou Carrefour. Selon ses conclusions, ces grands patrons perçoivent une rémunération moyenne de 9 589 euros par jour…
…quand le salaire médian est de moins de 1 800 euros par mois et qu’un salarié payé au SMIC gagne péniblement moins de 1 500 euros.
Ce sont ces mêmes grands patrons qui, en usant de tous les moyens juridiques que vous leur avez offerts avec les lois Sapin, Macron et El-Khomri, notamment, exigent aujourd’hui de leurs salariés qu’ils travaillent toujours plus – en soirée, la nuit, le dimanche. Les contreparties sont dérisoires au regard de la dégradation de leurs conditions de vie, mais ces salariés, en raison des bas salaires, de la précarité galopante et du chantage à l’emploi, n’ont pas d’autre choix que de se plier à ces exigences inhumaines.
Allez-vous, mesdames et messieurs les ministres, continuer à constater, sans agir sérieusement pour les combattre, les fraudes fiscales, les placements financiers dans les paradis fiscaux et les injustices sociales flagrantes qui gangrènent notre société ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la députée, les chiffres que vous donnez, en particulier ceux qui figurent dans l’étude en question, qui fait apparaître une aggravation des inégalités en dix ans, ne sont pas inexacts mais, puisque vous observez les choses avec honnêteté et que dix ans, c’est deux fois cinq ans,…
Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
…vous auriez pu faire la différence entre les cinq premières années et les cinq dernières.
Je vous invite à lire avec objectivité, comme chacun ici peut le faire et aurait intérêt à le faire, l’étude de l’INSEE parue au mois de décembre, et qui porte sur les cinq dernières années. Cette étude, fondée sur des calculs dont chacun reconnaît l’objectivité, démontre que les inégalités ont reculé entre 2012 et 2016. Et, si elles ont reculé,…
…c’est pour une raison simple : c’est parce que des décisions ont été prises, ici même, pour les combattre.
Vous avez parlé des mesures de lutte contre la fraude fiscale.
Les cas de fraude fiscale sont beaucoup moins nombreux aujourd’hui que par le passé, parce que nous les poursuivons activement.
Par exemple, les comptes en Suisse anonymes, c’est terminé.
Et Cahuzac ?
C’est d’ailleurs ce qui a permis à l’un de nos services, spécialisé sur ces questions, de récupérer plus de 2 milliards par an, venus de ces comptes en Suisse ou d’autres paradis fiscaux.
Et la croissance, vous la récupérez quand ?
Nous avons pris, vous avez pris, des décisions dans le domaine fiscal qui ont permis de lutter contre les inégalités. L’impôt qui pèse sur la tranche la plus modeste des Français a baissé, alors que la tranche la plus aisée a vu son impôt augmenter.
Quand on baisse l’impôt pour les uns et qu’il augmente pour d’autres – les plus fortunés –, c’est bien qu’on lutte avec efficacité contre les inégalités.
En créant la prime d’activité et en introduisant des dispositions qui favorisent l’aide à domicile, notamment pour aider les personnes âgées à demeurer chez elles, on lutte contre les inégalités.
Madame la députée, si vous voulez vraiment voir la différence, regardez le programme d’en face.
Vous verrez ce que c’est qu’un programme fiscal qui aggrave les inégalités !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Philippe Martin, s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le ministre, la grippe aviaire ravage les élevages de palmipèdes à foie gras du Sud-Ouest, en particulier du Gers, qui concentre aujourd’hui soixante-trois foyers hautement pathogènes confirmés.
Face à cette crise majeure, vous avez su prendre rapidement des mesures nécessaires et drastiques, d’abord en mettant en place des zones de protection et de surveillance, ensuite en organisant un dépeuplement de la zone non stabilisée – une partie des Landes, du Gers, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques.
Si ces mesures sont nécessaires, elles n’en sont pas moins dramatiques pour toute la filière amont et aval : abattoirs, transformateurs, transporteurs et vendeurs. Déjà affectée par la grippe aviaire de 2016, elle se retrouve aujourd’hui dans une situation financière qui menace purement et simplement sa viabilité. Je pourrais vous citer, par exemple, la toute jeune conserverie artisanale Riguecoop, seule SCOP – société coopérative et participative – de canard gras en France, créée par ses salariés. Au-delà de l’aspect financier, cette crise met en lumière la nécessité d’une réflexion sur l’organisation de la filière et l’attitude des banques, qui, en ne la soutenant pas, ne jouent pas leur rôle.
J’en profite pour assurer ici aux producteurs que toute l’énergie de l’administration, des élus et des représentants professionnels est mobilisée pour trouver des solutions afin de les aider à franchir ce cap, quel que soit leur mode de production.
Monsieur le ministre, les éleveurs sont toujours en attente de l’indemnisation de 30 % qui doit être versée par la Commission européenne au titre de la crise de 2016. Pouvez-vous nous apporter des éléments pour rassurer la filière, notamment sur cette question financière ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, à propos de cette crise d’influenza aviaire, il convient d’être précis. La crise de l’an dernier n’était pas du tout du même ordre car le virus était issu des élevages,…
…et nous avons mis en place un vide sanitaire. Celle-ci est due au virus de l’influenza aviaire, véhiculé par des oiseaux migrateurs. À chaque fois, pour éviter la propagation du virus de la grippe aviaire et la remise en cause de l’ensemble de la filière, nous sommes obligés de prendre des mesures extrêmement difficiles et douloureuses. En l’occurrence, un dépeuplement spécifique est nécessaire dans les 187 communes situées dans la zone peu stable.
Ces mesures donneront lieu à indemnisation. Je rencontrerai les élus et les représentants de la filière professionnelle la semaine prochaine, le 19 janvier, pour faire le point sur la situation et les dispositions que nous allons prendre cette année.
Vous avez évoqué les mesures prises l’an dernier, qui avaient, je le rappelle, fait l’objet d’un large débat. L’opération de vide sanitaire s’est globalement bien passée, avec le versement d’indemnités : 25 millions d’euros ont été versés au titre de l’indemnisation sanitaire et 43 millions d’euros au titre du dépeuplement. Vous l’avez dit, il manque 30 % de l’aide, qui doivent êtreversés par l’Union européenne, en fonction de l’écart constaté entre le revenu habituel et celui perçu pendant la période de vide sanitaire. Les procédures sont en cours et les versements auront lieu au début du printemps ; c’est la procédure normale de la Commission européenne.
L’État a donc toujours été aux côtés des éleveurs et le sera encore cette fois-ci.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre de l’intérieur, la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, que j’ai conduite avec notre collègue Sébastien Pietrasanta, a formulé à la quasi-unanimité quarante propositions, dont la principale, à mes yeux, est la refonte complète de l’organisation de nos services de renseignement chargés de déjouer les attentats.
Or aussi bien vous que votre prédécesseur êtes restés totalement opposés à cette réforme, pourtant absolument nécessaire. Dois-je vous rappeler que les patrons de la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – et de la direction générale de la sécurité extérieure – DGSE – ont honnêtement reconnu, devant notre commission d’enquête, que les attentats de janvier et de novembre 2015 constituaient bien un échec de leurs services ? Dès lors, je m’interroge sur les raisons à ce manque de volonté politique, à l’instar, d’ailleurs, de deux journalistes, qui publient aujourd’hui même un ouvrage intitulé Où sont passés nos espions ?, dans lequel ils dénoncent le déni du Gouvernement sur les failles de nos services de renseignement.
Malgré tout, vous persistez : dans le cadre d’une mission de suivi de nos préconisations, vous venez une nouvelle fois de nous faire clairement connaître votre refus de renforcer la coordination des différents services, en rejetant d’emblée la création au plus haut niveau de l’État d’une agence nationale de lutte antiterroriste, déjà qualifiée avec un certain dédain par votre prédécesseur de « plum-pudding ». Pour vous, monsieur le ministre, il ne faudrait donc toucher à rien. Selon vous, « le poids des enjeux liés à la lutte antiterroriste n’autorise pas à envisager de supprimer ce qui fonctionne bien en la matière ».
Comment osez-vous prétendre que nos services fonctionnent bien quand, depuis janvier 2015, 230 victimes sont tombées sous les balles de terroristes islamistes, pourtant identifiés et qui ont pu passer à l’acte ? Faudra-t-il donc, monsieur le ministre, se résoudre à attendre l’arrivée d’une nouvelle majorité pour qu’une telle réforme, défendue notamment par le candidat François Fillon, soit enfin mise en oeuvre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député, il est vrai que vous avez, avec Sébastien Pietrasanta, remis un rapport qui contient un certain nombre de propositions en matière de procédure et de gestion de ces moments de crise très particuliers que sont les actes terroristes, appelant nécessairement à la réflexion.
S’agissant des propositions en matière d’organisation et de réorganisation, je vous confirme la position exprimée par le Premier ministre dans une lettre datée du 11 juillet dernier, qui détaillait très précisément la façon dont nous entendons aujourd’hui donner des moyens supplémentaires à nos services de renseignement. Je ne répéterai pas son contenu – vous le connaissez – mais il est utile de rappeler que nos services de renseignement sont bien organisés.
D’ailleurs, puisque vous avez évoqué les victimes déplorées dans notre pays, pour lesquelles nous avons tous une pensée, je tiens à indiquer que, au moment où nous parlons, la DGSI et les services de renseignement territoriaux établissent des levées de doute, procèdent à des arrestations et bâtissent des procédures sur la base des informations dont ils disposent. Ils le font avec tous les services de renseignement du premier cercle, du second cercle et les unités de coordination que sont l’UCLAT et l’EMOPT – l’unité de coordination de la lutte antiterroriste et l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme –, qui assurent la cohérence de tout le dispositif.
Ce dont ont besoin nos services de renseignement et de lutte antiterroriste, c’est de stabilité et d’un lien étroit entre le travail de coordination réalisé au niveau national, en particulier par la DGSI et la DGSE, et le renseignement territorial. Ce lien avait malheureusement été bien trop mis à mal – je ne m’appesantis pas sur ce point – à la suite de votre décision, en 2008, de supprimer la direction centrale des renseignements généraux, ce qui a occasionné un manque dans notre dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ce dont nous avons besoin, c’est de cette cohésion et de cette cohérence entre les renseignements du terrain et les signaux forts qui peuvent être détectés par les services centraux. Pour cela, nul besoin de procéder à une réorganisation en créant une agence qui ne correspond pas à notre modèle. Il convient en revanche de donner des moyens supplémentaires aux services de renseignement, ce qui est incompatible avec votre programme.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le garde des sceaux, garantes d’un lien privilégié entre l’administration et la population, les professions réglementées sécurisent nos concitoyens qui, à juste titre, y sont très attachés. Lors de l’examen de la loi Macron, nous avions déploré l’absence de réelle concertation et d’écoute du Gouvernement, qui a laissé notamment les notaires dans l’incertitude la plus totale sur leur avenir.
Nos craintes étaient malheureusement fondées : décret après décret, la réforme du notariat, censée ouvrir la profession, semble avoir tourné court. En laissant aux notaires déjà titulaires d’un office la possibilité d’ouvrir un office supplémentaire, le décret pris en novembre dernier a limité les chances, pour les jeunes diplômés, de pouvoir s’établir. Ainsi, près de 75 % des dossiers déposés émanaient de notaires déjà installés et, rappelons-le, sur 30 000 demandes déposées, seuls 1 002 offices devraient ouvrir cette année.
Nous sommes donc bien loin de l’effet attendu : le fossé continue de se creuser entre notaires diplômés et notaires installés. Pour les plus de 1 000 nouveaux diplômés par an, c’est une déception car ils ont perdu l’espoir d’accéder à cette profession. Plusieurs arrêtés sont ou ont été contestés devant la justice administrative.
Or, monsieur le garde des sceaux, votre réponse à cette situation semble pour le moins curieuse : la chancellerie aurait élargi les candidatures au tirage au sort à l’ensemble de la profession notariale, pour répondre aux souhaits, pour ne pas dire aux exigences, du ministère de l’économie.
Vous comprendrez qu’une telle réponse nous interroge, comme elle interroge les notaires concernés par la réforme. Pourriez-vous expliquer avec précision les raisons de votre choix ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui me permettra de dissiper les interrogations des diplômés notaires qui sont très nombreux et qui attendent la concrétisation de l’objectif fixé par le législateur : un an après la publication de l’arrêté du 16 septembre 2016, à savoir le 20 septembre 2017, nous devrons avoir installé 1 650 notaires. Je le répète : cet objectif a été fixé par le législateur et il sera tenu.
Pour y parvenir, nous sommes, à ce stade, confrontés à des situations numériquement très difficiles, parce que nous avions envisagé, pour procéder dans les zones d’installation aux choix des diplômés notaires, de recourir à un horodatage. Le Conseil d’État l’a refusé et nous a imposé le principe du tirage au sort.
Je serai très précis afin d’éviter toute interprétation de la position de la Chancellerie. Le tirage au sort permet de manière strictement égalitaire de déterminer l’ordre d’examen des candidatures.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Le tirage au sort n’attribue pas un office : il établit l’ordre suivant lequel les candidatures seront examinées.
Le juge des référés a considéré que cet arrêté ne faisait pas ressortir l’existence de règles permettant de s’assurer de la régularité de la procédure. C’est pourquoi, afin de répondre aux interrogations soulevées, nous avons rédigé un nouvel arrêté, qui indiquera de manière très détaillée les modalités du tirage au sort. Il précisera très nettement les rôles respectifs de chacune des personnes présentes à chaque stade de la procédure. Il rappellera que seules certaines personnes spécialement habilitées auront accès aux informations identifiantes des candidats. Il précisera enfin les critères permettant de déterminer l’ordre des tirages au sort.
Cet arrêté sera publié dans quelques jours. Les tirages au sort reprendront alors dans les jours qui suivront : 247 tirages au sort devront être réalisés, ce qui prendra plusieurs mois – j’en suis désolé.
Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous aurez au moins réussi une chose au cours de ce quinquennat avec votre politique éducative : faire fuir les familles de l’enseignement public vers l’enseignement privé.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
D’ailleurs, ce n’est plus une fuite, c’est un véritable exode.
Ce week-end, le journal Le Monde développe largement cette thèse et vos propres services fournissent des éléments pour l’alimenter. Ainsi, une note de décembre dernier émanant de votre ministère explique qu’on assiste à une hausse inédite du nombre d’élèves accueillis dans les établissements de l’enseignement privé. Cette progression est très significative puisque le privé voit ses effectifs augmenter de 10 000 élèves dans le secondaire et de 13 500 dans le primaire. Comme, dans le même temps, le public en perd quasiment autant, il y a bien un effet de vases communicants.
On peut aisément en conclure que la situation actuelle est bien liée à une défiance à l’égard des réformes que vous avez tenté d’impulser au cours du quinquennat. Toutes les enquêtes révèlent des dysfonctionnements que vous avez largement accentués en cinq ans : rythmes scolaires chamboulés, sections bilangues fermées, programmes revus à la baisse, réforme du collège désastreuse.
Alors, madame la ministre, quand nos élèves apprendront-ils principalement le français ? Quand mettrez-vous enfin l’accent sur les sciences pour que nous puissions renouer avec notre fantastique culture scientifique ?
Quand enseignerez-vous de nouveau l’histoire et la géographie nationales pour que les écoliers, d’où qu’ils viennent, les connaissent et puissent en être fiers ?
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Décidément, madame la ministre, vous avez oublié tous vos classiques, même ceux d’une véritable école de la République !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, comme je trouve fascinant…
…de vous entendre déplorer l’augmentation des effectifs de l’enseignement privé et, dans le même temps, soutenir François Fillon, qui veut faire sauter le verrou des 20 % d’enseignement privé maximum dans le pays, c’est-à-dire installer un grand marché concurrentiel de l’éducation dans lequel, on le sait, ce seront toujours les familles qui ont le plus de moyens de payer qui s’en sortiront le mieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, soyons sérieux, et éloignons-nous des caricatures auxquelles vous nous avez habitués.
Que nous disent les chiffres ? Que le flux d’élèves constaté entre l’enseignement public et l’enseignement privé à la rentrée 2016 est de 0,2 %. Il s’agit d’une évolution marginale, constatée depuis des années – depuis vingt ans, pour être précis. Si je prends votre académie, les chiffres reflètent l’effet de la démographie : il y a, certes, 121 élèves supplémentaires dans le privé, mais il y en a également 191 de plus dans le public. Le secrétaire général de l’enseignement catholique admet lui-même cet effet démographique.
Vous avez évoqué la réforme du collège en oubliant qu’elle a vocation à renforcer l’attractivité de tous les collèges, ce qui est le meilleur moyen de lutter contre la fuite vers d’autres établissements.
Vous oubliez également, parce que cela vous arrange, que la réforme du collège s’applique exactement dans les mêmes termes dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé.
Alors, monsieur Hetzel, soyons un peu sérieux. Et si ce qui pouvait conduire parfois certaines familles à préférer un établissement de l’enseignement privé, c’étaient les discours déclinistes que vous tenez en permanence sur l’école de la République, qui n’en mérite pas tant !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Celle-ci connaît de très nombreuses réussites, grâce à des réformes qui, par exemple, ont amélioré les rapports entre les parents et l’école et permettent de disposer aujourd’hui d’établissements similaires, pour lesquels nous réclamons une plus grande mixité sociale.
Cela vaut à la fois pour le public et le privé, qui y est d’ailleurs associé, loin des caricatures.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, ma question porte sur la carte des juridictions de notre pays, sujet fortement symbolique car il touche à l’un des pouvoirs régaliens majeurs, la justice.
Chacun se souvient des manifestations qui ont eu lieu lors de la dernière réforme conduite par Mme Rachida Dati, alors garde des sceaux. Plusieurs dizaines de tribunaux de grande instance avaient été supprimées, de même que 55 tribunaux de commerce et 178 tribunaux d’instance, sans que nous n’ayons pu faire entendre nos arguments sur la pertinence d’un maillage territoriale de proximité.
Depuis lors, vous avez réimplanté plusieurs tribunaux de grande instance et apporté des moyens pour rapprocher les citoyens de la justice sur des territoires désormais trop éloignés de leur TGI, leur tribunal de grande instance. En effet, les citoyens attendent non seulement une réponse rapide et juste, mais aussi de la proximité.
Comme nombre de mes collègues, j’ai été récemment alertée à propos d’inquiétudes liées à des fermetures de tribunaux. Ici ou là, des élus sont appelés à voter des motions en faveur du maintien de leur tribunal. Des inquiétudes portent, par exemple, sur l’avenir de la cour d’appel de Chambéry, élément majeur de la carte des juridictions dans les Alpes du Nord, ou sur le maintien du tribunal de grande instance d’Albertville, dont nous connaissons le rôle dans les contentieux liés à la montagne.
Monsieur le garde des sceaux, à l’heure où chaque tribunal de France va officiellement ouvrir la nouvelle année judiciaire et où cette question sera médiatisée dans toute la presse locale de notre pays, pouvez-vous nous dire si les inquiétudes exprimées sont fondées ? J’espère au contraire que vous nous rassurerez et que vous nous expliquerez comment le Gouvernement entend renforcer la proximité, dans le prolongement de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la députée, merci de votre question. Effectivement, bon nombre de parlementaires me saisissent régulièrement au sujet des projets de la chancellerie en matière de révision de la carte judiciaire. Je répondrai en économisant mes mots : la chancellerie ne conduit strictement aucun projet de révision de la carte judiciaire, strictement aucun, pas plus pour les cours d’appel que pour les tribunaux de grande instance.
La raison est très simple : en 2008, une carte judiciaire a été élaborée dans la brutalité la plus totale.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Les parlementaires n’ont pas eu leur mot à dire et il a fallu du temps pour rétablir la sérénité chez les magistrats, les fonctionnaires, les personnels de greffe et les élus. Tout un chacun s’est donc contraint à un exercice de patience. Aucun projet n’est à l’étude, dans aucun des 36 cours d’appel et 175 tribunaux de grande instance que compte notre pays.
Mais, puisque l’occasion m’est donnée de m’exprimer sur ce sujet, j’ai lu que François Fillon proposait de maintenir un seul tribunal de grande instance par département.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Cela veut dire, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que vous serez contraintsd’en fermer une centaine si vous deviez, par malheur, arriver au pouvoir.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, depuis plus de quatre ans, vous nous expliquez avec conviction que le Gouvernement oeuvre en faveur des agriculteurs. Mais les mesures annoncées sont toujours saupoudrées et ne répondent pas aux enjeux structurels des filières agricoles et viticoles.
Si le gouvernement auquel vous appartenez fait preuve d’inconstance, les exploitants agricoles savent, eux, faire preuve de constance : ils dénoncent inlassablement les prix divisés par deux en quarante ans malgré la qualité grandissante des produits, les revenus insuffisants en dépit d’un travail acharné, les retraites nettement insuffisantes pour vivre décemment, la place amoindrie de l’agriculture française sur les marchés mondiaux, les excès de contrôles et de charges, les incertitudes toujours d’actualité sur l’utilisation des produits phytosanitaires, les problèmes de l’élevage toujours plus prégnants ou encore la grande instabilité réglementaire produite par l’opulence de textes. Bref, la situation est mauvaise, injuste et ne correspond pas aux nombreux atouts de l’agriculture française.
En ce début d’année, qui devrait redonner de l’espérance, allez-vous comprendre, monsieur le ministre, qu’il faut élaborer un plan d’ensemble pérenne ? qu’il faut rendre aux agriculteurs la liberté d’entreprendre, notamment en réduisant les charges et les normes, et en favorisant la transmission et l’innovation ? qu’il faut recomposer les marchés, tant en facilitant les circuits directs au profit des agriculteurs et des consommateurs qu’en fixant des règles claires pour la négociation des prix et des contrats avec la grande distribution ?
En résumé, allez-vous comprendre que, pour redistribuer la richesse, il faut d’abord l’avoir laissée se créer ? Monsieur le ministre, j’attends vos propositions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, je crains que les deux minutes qui me sont accordées ne me permettent pas de répondre à la totalité de votre question.
Permettez-moi tout d’abord de vous rappeler que nous avons allégé les charges à hauteur de 1,6 milliard d’euros ; jamais les charges sur l’agriculture n’ont été baissées autant que sous le gouvernement actuel. Voilà mon premier constat : je réponds ainsi à une demande que vous exprimez souvent.
Comme toujours, vous avez soulevé la question des normes. Depuis mon arrivée à ce ministère, il n’y a eu aucune « surtransposition » de normes européennes. Nous avons au contraire facilité l’adoption d’un certain nombre de mesures nouvelles visant à simplifier l’application de certaines normes ; je pense en particulier à l’élargissement du régime d’enregistrement des installations classées pour la protection de l’environnement, qui a montré toute son utilité, en particulier dans les départements d’élevage.
Vous avez également évoqué la modernisation. Dans le cadre du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, 350 millions d’euros ont été investis par l’État et les régions, ce qui portera à plus d’1 milliard d’euros l’investissement annuel total en faveur des filières d’élevage.
La réflexion sur l’avenir de l’agriculture, monsieur le député, ne doit pas se résumer aux charges sociales et aux normes ; pour assurer sa compétitivité, il convient aussi d’intégrer les données environnementales, non comme des contraintes mais comme des atouts. Il y a quelques jours, je lisais une étude de l’institut technique Terres Inovia, qui travaille sur les cultures oléoprotéagineux : il y est écrit qu’en associant la production de colza avec la culture d’une légumineuse – en l’occurrence de la féverole –, on réduit de 20 % le recours aux produits phytosanitaires et de 30 % le recours aux herbicides, tout en augmentant la production. Monsieur le député, l’agro-écologie consiste à combiner la performance économique et la performance écologique. Voilà l’avenir de l’agriculture !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, en 2006, dans le pacte présidentiel qu’il avait fait signer aux principaux candidats, Nicolas Hulot préconisait la création d’une agence nationale du patrimoine naturel.
Vous feriez mieux de citer des scientifiques plutôt que des personnalités médiatiques !
Jean-Louis Borloo, puis Chantal Jouanno, ont tenté, en vain, de mener à bien cet engagement, sans obtenir gain de cause au sein des gouvernements de François Fillon.
Cette agence existe aujourd’hui sous un autre nom puisque, ce 1er janvier 2017, l’Agence française pour la biodiversité a vu le jour. Elle est l’une des principales avancées de la loi pour la reconquête de la biodiversité que vous avez défendue et su faire aboutir, après des années d’attente.
Je rappelle au passage que ce texte a été largement voté par notre assemblée en juillet dernier. Tous les groupes de la majorité et le groupe GDR l’ont adopté : c’est bien la preuve que l’écologie peut constituer un ciment pour les progressistes.
L’Agence, c’est le chaînon manquant entre la préservation de la biodiversité et les acteurs dans les territoires. Nous avons enfin l’outil simple et visible qui permettra à tous ceux qui veulent agir pour la biodiversité tout en développant leurs territoires de le faire.
Cette agence est le fruit de la fusion de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, de l’Agence des aires marines protégées, de Parcs nationaux de France et de l’Atelier technique des espaces naturels. Nous sommes plusieurs ici à regretter qu’elle n’ait pas intégré l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ; nous espérons qu’à l’avenir les préjugés tomberont et que le travail en commun ouvrira la possibilité d’un tel renforcement. Quoi qu’il en soit, réjouissons-nous de cette avancée !
Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous dire selon quel calendrier, quels objectifs et quels moyens l’Agence française pour la biodiversité sera amenée à travailler ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la députée, vous avez raison de rappeler que l’Agence française pour la biodiversité est le fruit d’un long combat des acteurs de l’environnement et que c’est, au final, notre majorité qui l’a concrétisée. Avec Ségolène Royal, nous nous étions engagées à rendre l’Agence opérationnelle au 1er janvier 2017. Certains en doutaient. Eh bien, désormais, c’est fait. Son conseil scientifique s’est déjà réuni début janvier et son conseil d’administration se réunira la semaine prochaine.
L’agence va assurer des missions de conseil, d’expertise, d’animation, de police, de sensibilisation et de soutien financier, au service des projets des acteurs de nos territoires – au premier rang desquels figurent les élus.
Je vous confirme qu’elle agira en partenariat avec d’autres établissements publics tels que l’ONCFS, le Muséum national d’histoire naturelle et le Conservatoire du littoral. Comme le Président de la République s’y est engagé, 50 agents supplémentaires vont renforcer les effectifs de l’agence, laquelle compte pour l’instant 1 200 collaborateurs. Elle dispose d’un budget de 225 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Les aspects sociaux ont également été pris en compte, puisque 250 agents contractuels de l’Agence française pour la biodiversité bénéficient désormais d’un quasi-statut…
…également applicable à d’autres établissements publics de l’environnement, ce qui améliore la gestion et le déroulement de carrière de ces agents.
Les agences régionales de la biodiversité seront mises en place avec les régions afin d’agir au plus près des territoires. Plusieurs régions particulièrement volontaristes ont déjà lancé le processus de création d’une ARB : l’Occitanie, le Centre-Val-de-Loire ou la Bourgogne-Franche-Comté.
L’Agence française pour la biodiversité est l’outil dont nous avions besoin pour répondre à une ambition que nous devons toutes et tous partager : celle de protéger et de valoriser la biodiversité de notre pays, en métropole et outre-mer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le Premier ministre, lorsque l’on analyse objectivement la situation économique de notre pays secteur par secteur, on constate que celui de l’industrie va mal. Depuis 2012, la situation s’est particulièrement dégradée.
Preuve en est, entre 2012 et 2016, 600 sites industriels ont vu le jour alors que, dans le même temps, 900 usines ont fermé leurs portes. Hormis deux trimestres très légèrement positifs en 2016, l’érosion est continue depuis l’élection de François Hollande : 170 000 emplois ont disparu.
La région des Hauts-de-France a été particulièrement frappée par cette dégradation. Et une rumeur insistante évoque maintenant la possible fermeture de l’usine Whirpool d’Amiens, dernière unité de production du groupe américain en France.
Ce sont environ 350 employés permanents du sous-traitant installé au sein même du site qui vivent dans une situation de profonde inquiétude. Les signes ne trompent pas depuis le rachat par Whirpool d’Indesit : des postes clés en CDI remplacés par des CDD, une érosion régulière du nombre de salariés, la volonté de transférer la production dans des usines en Pologne, une direction qui ne dément pas les rumeurs, la démission récente du directeur – j’en passe. Ce pourrait être là un cas typique de délocalisation, et ce serait un nouveau drame économique et social pour la Somme – et particulièrement pour Amiens.
Monsieur le Premier ministre, il y a eu Goodyear. Amiens a ensuite payé le prix de votre réforme territoriale, notamment par la perte de son statut de capitale régionale et par la fuite d’emplois publics, sans compensation à ce jour. Si la menace se confirme, nous sommes en droit d’attendre de la part de l’État un acte fort. Alors, quelles sont les informations dont vous disposez aujourd’hui et que comptez-vous faire ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, en effet, des inquiétudes et des interrogations ont vu le jour à la suite des annonces, reprises par la presse, de changements à la tête de l’entreprise Whirpool France et du site d’Amiens que vous mentionnez. Quelle signification faut-il en tirer par rapport à l’implantation de Whirpool sur le site d’Amiens ?
Comme vous l’avez dit, cette entreprise, qui salarie près de 300 salariés et produit des sèche-linge plutôt haut de gamme, participe d’un environnement économique intéressant dans un territoire qui a certes connu des restructurations difficiles, mais également, je veux le rappeler, des implantations importantes – notamment celle d’Amazon, très récemment.
Il n’en demeure pas moins que les éléments dont nous disposons ont conduit le Gouvernement à se mobiliser rapidement pour interpeller les responsables de Whirpool –je les aurai au demeurant au téléphone d’ici à la fin de la journée pour échanger avec eux quant aux intentions du groupe par rapport au site d’Amiens.
Il est de la responsabilité du groupe que d’informer les organisations syndicales, les salariés, mais aussi les pouvoirs publics de ses intentions. J’entends bien leur rappeler les responsabilités économiques et sociales qui sont les leurs afin que nous puissions imaginer ensemble une réponse, s’il devait y avoir l’annonce d’une fermeture – laquelle, pour l’instant, n’est pas confirmée, mais est au centre des inquiétudes dans ce territoire.
Je veux vous dire, monsieur le député, combien il est essentiel, sur ces questions industrielles, d’interroger le projet industriel et, le cas échéant, d’appeler à une mobilisation des pouvoirs publics pour permettre à ce territoire de répondre aux difficultés auxquelles il est aujourd’hui confronté.
La parole est à M. Jean-Louis Roumégas, au titre des députés non inscrits.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, le 30 novembre 2016, le comité national chargé de la rénovation de notre politique vaccinale a rendu son rapport. Cette consultation devait répondre au scepticisme croissant des Français, tant il est vrai que notre pays, berceau de la vaccination avec Pasteur, est devenu le plus méfiant d’Europe.
Mais les modalités d’organisation du débat ont été contestées d’emblée, des soupçons de conflit d’intérêts ont été signalés et, surtout, les vraies questions ont été occultées : des adjuvants à base d’aluminium sont responsables d’effets secondaires très invalidants,…
…par ailleurs, les parents ne peuvent tout simplement pas se procurer des vaccins limités aux seules valences obligatoires du vaccin DTP, c’est-à-dire la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.
Les recommandations du rapport confinent même à la provocation quand elles suggèrent, au contraire, l’extension de l’obligation vaccinale, entérinant ainsi les pratiques de l’industrie.
Pour être clair, soulignons que le prix est passé de 6,54 euros pour le vaccin initial à 40 euros aujourd’hui – intégralement remboursés, bien sûr – et encore plus demain.
Le comité suggère également d’étendre aux jeunes garçons la vaccination contre le cancer de l’utérus, dont l’intérêt est contesté par de nombreux médecins.
Ainsi, ce rapport n’a aucunement tari les inquiétudes des populations, en particulier celles des parents de jeunes enfants. Les seuls à se frotter les mains sont les laboratoires pharmaceutiques.
Bien sûr, la vaccination a rendu des services inestimables et nous en aurons besoin encore, mais ce n’est pas en multipliant les obligations sans répondre aux questions légitimes des parents que l’on rétablira le consensus.
Madame la ministre, vous devez arbitrer aujourd’hui. Je ne peux imaginer que vous laisserez le dernier mot aux laboratoires.
Mesdames et messieurs les députés, monsieur Roumégas, la vaccination est un enjeu majeur de santé publique.
Nous le voyons actuellement avec l’épidémie de grippe : se vacciner, c’est se protéger et c’est aussi protéger les autres.
Aussi, je suis préoccupée, je dois le dire, de constater le degré de défiance qui se manifeste dans notre pays vis-à-vis de la vaccination. C’est la raison pour laquelle j’ai engagé une concertation et déjà mis en place un certain nombre de mesures visant à faciliter l’accès à la vaccination.
C’est ainsi que des professionnels verront élargir leur capacité à vacciner ; je pense en particulier aux sages-femmes, qui peuvent désormais vacciner l’entourage des nourrissons. Une expérimentation sera engagée avec les pharmaciens et une autre est actuellement en cours pour mettre en place le carnet de vaccination électronique.
Le Pr Alain Fischer, médecin unanimement et internationalement reconnu, a mené cette consultation sur la manière de rendre confiance dans le vaccin. Or, au prétexte que M. Fischer propose, avec l’ensemble de son comité – car il n’est pas seul –, d’étendre à d’autres vaccins la vaccination obligatoire, vous dites qu’il fait le jeu des laboratoires.
Dans cette logique, monsieur le député, dès qu’on préconiserait un médicament pour soigner une maladie, on ferait le jeu des laboratoires !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Regardons donc les choses avec un peu de sérénité et d’assurance. Je ne sais pas quelles décisions pourront être prises car les propositions de M. Fischer doivent être examinées juridiquement et, en tout état de cause, examinées par le Parlement pour pouvoir être adoptées. Mais, de grâce, si j’ose dire, soyons lucides et sages.
N’affolons pas les populations et rappelons sans arrêt que la vaccination est un enjeu majeur de santé publique.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, la République française est-elle toujours une et indivisible ? On pourra singulièrement en douter si, mercredi prochain, 18 janvier, le projet de ratification du traité sur la cogestion de l’île de Tromelin et de ses espaces maritimes environnants, signé en catimini en 2010, est voté.
Une première tentative de ratification de ce mauvais traité a échoué en 2013. Je voudrais ici saluer mes collègues Laurent Furst, du groupe Les Républicains, et Gilbert Le Bris, du groupe socialiste, avec qui nous nous étions dès cette époque associés dans une démarche transpartisane. Je salue également la position courageuse du ministre de l’outre-mer d’alors, notre collègue Victorin Lurel, qui s’était opposé à ce funeste projet.
Cette île, située dans l’océan Indien, à l’est de Madagascar et au nord de La Réunion, génère une zone économique exclusive de 280 000 kilomètres carrés, soit presque autant que celle de l’Hexagone, Corse comprise, qui est de 345 000 kilomètres carrés.
Ce texte ne doit pas être ratifié. Il est scandaleux car il cède de fait une partie de notre domaine maritime, sans aucune contrepartie. Il est dangereux car il ne met pas fin aux revendications de l’île Maurice. Il est unilatéral et déséquilibré car il ne prévoit aucune forme de réciprocité ou de contrepartie, la France étant perdante sur tous les plans.
Le plus grave, dans cette affaire, est l’effet domino que cela pourrait entraîner, entraînant le détricotage de notre domaine maritime, le deuxième au monde, avec 11 millions de kilomètres carrés. Madagascar exprime ainsi au grand jour des revendications sur les îles Éparses en général et sur Juan de Nova en particulier, au coeur du détroit du Mozambique, qui regorge d’hydrocarbures, avec toutes les convoitises que cela suscite.
Monsieur le Premier ministre, au-delà des mots sur notre puissance maritime, il faut des actes. Vous devez, comme votre prédécesseur, avoir la sagesse de retirer de l’ordre du jour de l’Assemblée le projet de ratification de ce traité.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Monsieur le député, je vous remercie pour votre question sur cet accord bilatéral très important conclu entre la France et la République de Maurice, signé au mois de juin 2010. Comme vous le savez, il vise à engager une coopération mutuellement bénéfique avec un pays voisin…
….avec lequel nous entretenons par ailleurs des relations d’amitié et de partenariat.
Cette coopération porte sur quatre domaines bien précis : l’environnement, la pêche, la météorologie et l’archéologie.
Il ne saurait, bien sûr, être question – c’était là l’un des coeurs de votre question – de mettre en cause la souveraineté de la France dans la région, en particulier sur Tromelin.
Rien, dans la mise en oeuvre de cet accord, ne peut constituer une base de contestation de notre souveraineté. Toutes les garanties juridiques ont été prises.
En particulier, l’article 2 de l’accord soumis à ratification est précis à ce sujet et ne laisse pas de marge d’interprétation.
Je vous rappelle que le Sénat avait approuvé ce texte en décembre 2012 et que vos collègues de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale l’ont voté à l’unanimité.
Cet accord a donné lieu à beaucoup d’interprétations. Ne laissons pas répandre l’idée que la France puisse, de quelque manière que ce soit, abandonner ces territoires et renoncer à sa souveraineté.
L’accord préserve nos intérêts, et renforce l’autorité et l’influence de notre pays dans l’océan Indien. Nous souhaitons une relation apaisée avec la République de Maurice, également indispensable pour garantir le développement économique de la région, auquel nous sommes tous ici très attachés.
Ma question porte sur les conséquences désastreuses de la fermeture brutale et sans concertation des voies sur berges à Paris. À l’origine, les objectifs étaient clairs : réduire la pollution aux particules fines, réduire le trafic automobile et restituer les voies sur berges aux Parisiens. Les résultats sont catastrophiques : aucun impact positif sur la pollution selon Airparif et une augmentation massive des bouchons – 25 % de trafic supplémentaire sur certains tronçons du périphérique, 30 % et 340 kilomètres de bouchons sur l’A4 et l’A86, 48 % quai du Louvre, 84 % quai de l’Hôtel-de-Ville, 91 % quai Henri-IV et un RER A complètement saturé. Mais ce sont aussi près de 6 000 jours de travail détruits pour les petits entrepreneurs. Enfin, ce sont des berges désertées par les Parisiens eux-mêmes.
Pourtant, c’est sur la foi de ces résultats calamiteux, désastreux, que la maire de Paris a décidé de la fermeture de l’axe ouest-est, c’est-à-dire la rue de Rivoli. C’est un bras d’honneur adressé aux Franciliens, au commissaire enquêteur, aux entrepreneurs, aux 130 maires de la métropole du Grand Paris, mais également au Gouvernement, qui s’était engagé devant l’Assemblée nationale à respecter la plus large concertation avec les élus avant toute autre décision définitive de la Ville de Paris. Ces destructions massives en matière d’économie, d’écologie et d’emplois sont catastrophiques pour la région Île-de-France et la métropole du Grand Paris.
Monsieur le Premier ministre, il s’agit d’une question de santé publique, d’une question économique, d’une question essentielle pour la vie des Franciliens. Allez-vous mettre un terme à ces dispositions ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Après l’épisode de pollution atmosphérique que la France et plus particulièrement Paris viennent de connaître, je dois reconnaître l’opportunité de votre question, monsieur le député. C’est en effet une question de santé publique – là étaient bien les mots importants dans votre question –, puisque nous parlons de milliers de morts, de dizaines de milliers de gens qui souffrent de maladies chroniques dont l’origine est connue. Au demeurant, ce n’est pas un problème parisien : cela touche l’ensemble des grandes agglomérations, y compris en France – par exemple Lyon, mais aussi Bordeaux –, et il me semble que leurs élus y apportent les mêmes réponses,…
…à savoir le développement des transports collectifs et la diminution du temps passé en voiture.
Du reste, avons-nous vraiment le choix ? Et que proposez-vous ? L’inertie ? Renvoyer le problème à demain ? Mais les maladies n’attendent pas, la pollution n’attend pas ! Cette question est devant nous.
Il faut prendre des mesures, monsieur le député.
C’est aussi une question de démocratie. La maire de Paris s’est présentée aux élections et a été élue sur ce programme.
Il ne me semble pas acceptable de reprocher à une élue, dans cet hémicycle, d’appliquer le programme qui a été validé. Je veux le dire, le Gouvernement souhaite vérifier avec le préfet de police, dans un cadre très large, les conséquences des décisions qui ont été prises.
Quoi qu’il en soit, sa position est que, dans cette affaire, compte tenu de la gravité des enjeux, l’inertie ne saurait être une option.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la ministre de l’éducation nationale, l’école est le lieu de la transmission, du vivre ensemble, des valeurs de la République : laïcité, citoyenneté et culture de l’engagement. C’est le seul lieu où des enfants de toutes origines et de toutes classes sociales, avec des histoires très différentes, se réunissent. C’est le lieu que la République doit protéger.
Nous avons eu à coeur de renforcer le nombre d’enseignants : 60 000 postes auront été créés avant la fin de l’année. Nous avons souhaité renforcer l’accompagnement des élèves en difficulté ainsi que les enseignants qui sont auprès d’eux.
Les attentats que nous avons vécus ces deux dernières années ont bouleversé les Français, mais aussi les enfants, les écoliers et les étudiants, qui, comme chacun d’entre nous, se sont posé beaucoup de questions – sur le terrorisme, sur les terroristes eux-mêmes, sur la République, sur leur sécurité ou encore sur la laïcité.
Les professeurs ont dû y faire face, être préparés alors qu’eux-mêmes, parfois, se posaient des questions. Nous, élus, avons porté la parole publique ; eux, au sein de leurs classes, ont dû rappeler ce qu’était la République, ce qu’elle nous apportait.
Ils ont aussi dû expliquer comment elle nous protégeait par les valeurs qu’elle porte – la liberté, l’égalité et la fraternité –, qui sont la garantie de notre sécurité, mais aussi, très concrètement, pourquoi des policiers stationnaient parfois devant les écoles.
À l’heure où les attentats s’en prennent au coeur de nos valeurs républicaines, pouvez-vous, madame la ministre, nous rappeler le bilan de votre action pour la transmission de ces valeurs au sein de l’école et nous redire pourquoi il est essentiel de le perpétuer ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Oui, madame la députée, les attentats qu’a connus notre pays en 2015 et en 2016 ont bouleversé la France – les enseignants, les élèves et la nation tout entière. Face à ces épreuves, nous avons voulu que l’école et ses partenaires jouent pleinement leur rôle, notamment celui d’un rempart contre les atteintes aux valeurs de la République – je pense en particulier à la laïcité. La culture du laisser-faire, la démission, en la matière, de gouvernements qui nous ont précédés – il faut se souvenir de la manière dont François Fillon a enterré le fameux rapport Obin, qui portait sur ce sujet – ont fait place à une intransigeance véritable et à une application univoque des valeurs de la République dans les établissements scolaires.
Comment procédons-nous aujourd’hui, et singulièrement depuis janvier 2015 ? D’abord en proposant des formations aux enseignants, pour que sur ces sujets délicats – je pense à la laïcité, à l’esprit critique, aux valeurs de la République –, ils soient moins démunis que par le passé. Ensuite par des temps d’enseignement spécifiques : depuis la rentrée 2015 existe un enseignement moral et civique qui, de l’école primaire au lycée, permet d’apprendre les droits et les devoirs, mais surtout de faire l’expérience de la confrontation des opinions. Les nouveaux programmes de la scolarité obligatoire, entrés en vigueur en 2016, comportent une éducation aux médias et à l’information, qui permet de prémunir les élèves de la tentation de la désinformation ou des théories du complot, qu’on sait si nombreuses, et de former leur esprit critique. Toujours dans les nouveaux programmes, la maîtrise de la langue française a été, n’en déplaise aux promoteurs de contre-vérités, renforcée comme jamais – je vous invite à ouvrir les programmes pour le vérifier –, car il n’y a rien de mieux que la maîtrise du français pour émettre des avis, des opinions, une sensibilité ou des nuances.
Enfin, parce que les enseignants ne peuvent pas tout porter sur leurs épaules, nous avons déployé une réserve citoyenne forte de 6 000 membres, qui se rendent désormais dans les écoles pour s’adresser aux enfants et leur faire comprendre les valeurs de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
L’ordre du jour appelle le débat, sur le rapport de la commission des affaires européennes, sur les négociations internationales relatives au changement climatique.
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.
La parole est à M. Jérôme Lambert.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, mes chers collègues, pour mes premiers mots dans notre hémicycle en 2017, permettez-moi de présenter à chacune et à chacun d’entre vous mes voeux les plus sincères. Au-delà de la diversité de nos choix politiques quant aux perspectives à venir, espérons que nous gagnerons collectivement en humanité pour faire avancer certains dossiers qui nous concernent tous, telle la question du changement climatique, qui nous occupe aujourd’hui, ainsi que l’a souhaité le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Nous nous retrouvons donc pour un débat sur les négociations internationales relatives au changement climatique, quelques semaines après la conclusion de la COP22, qui s’est déroulée à Marrakech en novembre 2016, suivant la voie tracée par la réussite de la COP21 de décembre 2015 à Paris.
Cette réussite, due à la conscience mondiale animée par une volonté très affirmée de la France, conditionnera pour longtemps les négociations climatiques à venir.
Après l’adoption, par les 195 États représentés, de l’Accord de Paris, le président de la COP21 et chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, avait qualifié l’accord de « juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant ».
L’ensemble des parties prenantes ont reconnu la qualité de l’accord, qui induisait une avancée significative dans les rapports internationaux portant sur la lutte contre le réchauffement climatique. « On se souviendra de Paris comme le tournant historique dans la politique climatique », concluait la Chancelière allemande Angela Merkel, Barack Obama n’hésitant pas à souligner que l’Accord de Paris établit le cadre durable dont le monde a besoin pour résoudre la crise climatique.
Lors de la COP22, la communauté internationale a d’ailleurs de nouveau félicité la France pour le travail accompli non seulement pour conclure cet accord, mais aussi pour entamer la dure bataille des ratifications que chaque État doit opérer selon des mécanismes juridiques et politiques qui lui sont propres.
Ainsi, le 1er septembre dernier, l’Accord avait été ratifié par des États ne représentant que 2 % des émissions. Début décembre, il l’avait été par 113 pays, représentant 77 % des émissions, et, aujourd’hui, cela concerne quasiment l’ensemble des parties prenantes.
Peu d’accords internationaux ont été ratifiés aussi rapidement. Cela démontre une prise de conscience des États, certainement poussés par les enjeux, dont l’opinion publique mondiale est de plus en plus consciente.
Si la France a pu obtenir cette victoire diplomatique et écologique, c’est aussi parce qu’elle a été exemplaire en accomplissant elle-même, avant la conférence de Paris, ce qu’elle demandait aux autres de faire. Elle avait une responsabilité particulière et a été à la hauteur des enjeux en montrant l’exemple, notamment avec la loi sur la transition énergétique.
Elle est aujourd’hui le seul pays de l’Union européenne dont le Parlement a adopté un tel texte, inscrivant ainsi sa contribution nationale dans la loi, le seul pays ayant publié sa stratégie bas carbone et sa programmation pluriannuelle de l’énergie. Enfin, elle est aussi le seul pays à avoir mis en place les outils d’application que sont la fiscalité écologique avec le crédit d’impôt, les territoires à énergie positive et les tarifs de rachat pour l’électricité propre.
Toutes ces avancées ne sont pas exemptes de critiques ou de nuances ; nous aurions pu aller plus loin sur certains sujets, mais, globalement, il me semble que nous avons un bilan plutôt satisfaisant sur l’écologie, ce qui nous donne des moyens supplémentaires pour les négociations internationales sur le climat.
La COP22 a rappelé, dans le contexte international du moment, l’étroite imbrication des problématiques écologiques, économiques, sécuritaires et migratoires dans un monde en pleine interrogation quant à son devenir.
L’ensemble de ces éléments dessinent les contours d’une mondialisation telle qu’on l’entend aujourd’hui, un phénomène dynamique intégrant les économies nationales, grâce aux progrès technologiques, mais soulevant des problèmes bien au-delà de la sphère économique.
L’enjeu des énergies dans les relations internationales, en termes d’accès, de contrôle, de répartition, de capacités mondiales et de modèles de substitution, est un facteur clé, tout comme peut déjà l’être l’accès aux ressources en eau.
Le lien entre croissance et niveau de consommation d’énergies est tel que toute menace sur l’approvisionnement énergétique des pays industrialisés s’apparente généralement à une atteinte à leurs intérêts essentiels.
La question est d’autant plus sensible que la faiblesse des capacités disponibles est une source permanente de tensions sur les cours et de menace sur l’activité économique mondiale. L’appauvrissement progressif en ressources énergétiques attendu tout au long du XXIe siècle pourrait ainsi bouleverser les équilibres actuels et les négociations, comme la COP21 l’a mis en exergue.
Si la COP21 et la COP22 se sont tenues dans un contexte d’inquiétude croissanteet si la lutte contre le réchauffement climatique tend à s’imposer comme une cause majeure au plan international, les négociations climatiques et leurs avancées, si attendues soient-elles, comportent aussi de nombreux risques d’échec.
Il faut le reconnaître, la COP22 n’a pas eu la même réussite médiatique que la COP21, et l’on peut légitimement considérer que son bilan est mitigé. De grandes avancées ont eu lieu, et je salue notamment l’accélération de la mise en place des structures qui doivent nous permettre d’être opérationnels en 2018, mais nous pouvons regretter que, au-delà du beau texte que constitue la déclaration de Marrakech, il faille transformer l’essai.
Dans un contexte nourri par les inquiétudes au sujet de la position des États-Unis à la suite de l’élection de Donald Trump, l’Europe, qui se doit de donner l’exemple, manque parfois de cohérence et de solidarité pour rester un moteur dans la lutte contre le réchauffement climatique, certains États traînant résolument les pieds.
Cela dit, l’Union européenne a ratifié l’accord en amont de la COP22. Certains pays étaient réticents à autoriser une ratification anticipée par l’Union, redoutant un précédent pour d’autres types de traités internationaux, notamment les traités commerciaux. Le Conseil ayant finalement pu l’autoriser, il y a eu un vote positif du Parlement européen, et l’Union européenne a pu ratifier l’accord le 5 octobre 2016 avec sept de ses États membres, déclenchant son entrée en vigueur.
Parmi les regrets, de nombreuses ONG ont exprimé leurs craintes sur la faiblesse des moyens financiers. À côté du Fonds vert, globalement plutôt orienté vers les États, les engagements financiers pour le fonds de 100 milliards destiné à financer de petits projets locaux semblent pour l’instant encore incertains.
Globalement, les enjeux de la COP22 ont en effet une dimension pratique : il s’agit de passer de la parole aux actes. Si les intentions de l’Accord de Paris et les objectifs qu’il fixe sont satisfaisants, sa mise en oeuvre n’est pas définitivement garantie : c’est bien la problématique de ces négociations internationales, et c’est l’objet des discussions en cours depuis la signature de l’Accord.
Du fait de l’insuffisance des contributions nationales, nous sommes loin de nous maintenir sur une trajectoire limitant le réchauffement climatique à 2 ° C et encore moins à 1,5 ° C.
Comment parvenir à respecter l’objectif de cet accord alors que, chaque année, nous battons des records de température, même si les rejets de gaz à effet de serre tendent à diminuer ?
Les chiffres ne sont pas encore définitifs, mais des études récentes démontrent que l’année 2016 sera la plus chaude que le globe ait pu connaître de mémoire d’homme. Il s’agit donc d’une tendance lourde.
Si la nature de l’Accord et le système de contrainte politique mis en place ont permis de rallier le plus grand nombre de pays, il est indéniable que l’Accord de Paris offre peu de garanties quant à la réalisation effective des objectifs fixés par les États.
Le processus instauré s’appuie sur la valorisation des initiatives positives, sans qu’aucun régime de sanctions, dommageables pour les États, puisse être mis en place. Un État ne respectant pas ses engagements sera montré du doigt, mais c’est le seul risque auquel il s’expose, et c’est actuellement uniquement un risque moral et politique. En l’absence de sanctions, l’efficacité des obligations des États demeure donc assez relative et dépend essentiellement de leur bonne volonté.
On peut considérer que le niveau d’exigence posé par l’Accord au niveau mondial est contradictoire avec la faiblesse des contraintes qui pèsent sur les États. La COP22 devait être l’occasion pour les États de prendre acte de cette insuffisance, pour les pousser à présenter rapidement des contributions plus ambitieuses, dès 2018. Cette étape n’a pas encore été vraiment franchie, mais elle doit désormais s’imposer.
Il semble toutefois impensable que les États restent inactifs dans la période préalable et que les objectifs trop limités avancés en 2016 ne soient pas modifiés avant 2025 : la référence à 2 ° C semble insuffisante, ce taux risquant cependant d’être rapidement atteint et dépassé. Que dire de celui de 1,5 ° C demandé par la communauté scientifique ? Au rythme constaté du réchauffement climatique, ces quelques années d’inaction sont un risque que la communauté internationale ne peut courir.
Nous avons de bonnes raisons de nous satisfaire des progrès effectués et des avancées majeures validées par la communauté internationale, mais de nouveaux facteurs de risques pour les négociations sont apparus, et de nombreuses et graves questions restent en suspens, en dépit du caractère essentiel de l’accord global.
Le Parlement français a toujours été à la pointe de la mobilisation sur ces questions, à travers les travaux de nos différentes commissions, dont la commission des affaires européennes et la commission du développement durable.
Depuis huit ans, avec Bernard Deflesselles et, depuis trois ans, avec Arnaud Leroy, sous l’égide de la présidente de la commission des affaires européennes, Danielle Auroi, très impliquée dans ce domaine, j’ai eu l’honneur de suivre pas à pas l’évolution des discussions internationales, leurs enjeux, leurs tenants et aboutissants, à travers leurs multiples aspects, écologiques, économiques, scientifiques et, bien entendu, diplomatiques.
Ce fut un grand travail, et une grande responsabilité qui nous a été confiée et je voulais tous vous en remercier. La législature se termine, mais assurément pas ce travail. Souhaitons ardemment que, dans la prochaine législature, il soit poursuivi pour permettre à notre pays de continuer à jouer un rôle essentiel contre le réchauffement climatique, enjeu majeur de l’avenir de l’humanité qui s’engage dès aujourd’hui.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après la bonne nouvelle de l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur le climat, qui représente un véritable succès, les déclarations enthousiastes se sont multipliées.
En novembre, quelques jours avant la conférence de Marrakech, le gouvernement français n’hésitait pas à expliquer que nous avions, avec cet accord, fait le plus dur dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Après l’Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 à la clôture de la COP21, ses signataires ont décidé sans surprise, à Marrakech, de différer sa mise en oeuvre au plus tard lors de la COP24, soit en 2018. À cette échéance devront être définies les règles de transparence pour suivre la réalisation par les États de leurs contributions nationales volontaires, lesquelles ne sont pas intégrées à la partie contraignante de l’Accord.
Au-delà des difficultés techniques auxquelles se heurte la mesure des émissions de gaz à effet de serre, dans des pays aux niveaux de développement très différents, la question reste posée de l’adéquation des outils dont nous nous dotons aux terribles enjeux qui nous attendent. Un rapport de l’ONU, publié le 3 novembre, a établi que la somme des contributions actuelles place la planète sur une trajectoire de réchauffement de 3 à 3,4 ° en 2100. Un économiste de l’Agence française de développement, Gaël Giraud, souligne que cette trajectoire est assortie d’une probabilité de 10 % d’atteindre un réchauffement de plus de 6 degrés, qui placerait l’humanité entière dans une situation de très grave danger.
Alors que le réchauffement climatique est déjà responsable de 20 millions des 75 millions de réfugiés sur la planète, la Banque mondiale a publié un rapport intitulé Ondes de choc qui conclut que, d’ici à 2030, 100 millions de personnes pourraient se retrouver en dessous du seuil de pauvreté à cause du climat. Pour rectifier le tir, l’Accord de Paris prévoit un mécanisme destiné à rehausser les objectifs tous les cinq ans. La prochaine soumission doit avoir lieu en 2020.
Nous nous réjouissons, bien sûr, des progrès réalisés sur le terrain de la diplomatie climatique. Les sujets d’inquiétude ne manquent cependant pas, à commencer par l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, lequel n’a pas hésité à proclamer que le concept de réchauffement climatique avait été inventé par la Chine pour nuire à la compétitivité de l’industrie américaine.
La même obsession de la compétitivité conduit la droite française à se détourner des enjeux écologiques et à vouloir remettre en cause le principe de précaution et certaines normes environnementales. Il nous faut ainsi constater que, depuis la crise financière de 2008 et devant les incertitudes qui pèsent sur l’avenir, nous assistons à des dynamiques de repli sur soi et à des pressions toujours plus fortes pour soumettre notre économie aux logiques financières et au diktat des grands groupes.
Ces dynamiques paralysent la réponse à la dérive climatique. Des économistes ont chiffré à 2 600 milliards de dollars par an sur les trente prochaines années les besoins en investissements mondiaux pour contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 ° C. Comme le soulignent les ONG, 1 100 milliards de dollars d’investissements annuels dans les énergies fossiles pourraient d’ores et déjà être redirigés vers la transition énergétique.
Le bon sens voudrait que nous mobilisions la masse considérable des capitaux en circulation sur la planète pour l’orienter vers le financement de la transition écologique. Les investisseurs privés n’y sont pas incités : ils gagnent davantage à investir sur les marchés financiers, avec lesquels nous devons donc engager un véritable bras de fer.
Il nous faut également sortir des politiques d’austérité et de la course folle au moins-disant fiscal et social. Nous avons en effet besoin d’investissements publics, et de conduire des politiques publiques ambitieuses dans les domaines des transports, de l’énergie et de l’aménagement du territoire.
Nous avons également besoin d’une meilleure répartition des richesses et de permettre au plus grand nombre de sortir des situations de pauvreté, afin que chacun puisse modifier ses modes de consommation. La justice sociale est ici un gage d’efficacité économique et écologique. Sans cette transformation globale de notre modèle économique, nous continuerons, tout en protestant de notre bonne foi, d’agir de manière irresponsable, en nous payant de mots.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, c’est avec satisfaction que je viens présenter le rapport de la commission des affaires européennes, à la suite de Jérôme Lambert et juste avant Bernard Deflesselles. Nous pouvons nous satisfaire des résultats de la COP21, mais aussi de ceux de la COP22 – je serai moins sévère sur ce point que Jérôme Lambert. Le cadre a été posé. L’ambition est celle-ci : 1,5 ° C. Reste désormais à agir.
Je voudrais revenir sur les raisons du succès de la COP21. Certes, il y eut le talent du président Fabius et de la ministre Ségolène Royal. Mais nous avons également réussi parce que le prix des technologies s’est effondré entre 2009 – année de l’échec de Copenhague – et la COP de Paris. Un autre élément a aussi joué un rôle très important dans son succès : l’action de collectivités locales, de villes – celles notamment du C40 –, de régions et surtout d’acteurs économiques, sociétés ou grandes multinationales, lesquelles ne sont pas toutes du côté obscur. Il faut donc considérer les engagements qui ont été pris au-delà des États, à savoir l’Agenda des solutions, pour pouvoir agir et définir ces solutions d’avenir innovantes.
La COP24 sera très importante. Elle se tiendra en Europe, en Pologne, un pays dont nous connaissons les réticences quant à la mise en oeuvre d’une politique climatique européenne et qui a fait le choix énergétique du charbon. Il faudra travailler à la transition de ces territoires, afin d’assurer un bien-être social à des populations qui sont parfois attachées à des activités économiques et industrielles que nous qualifions aujourd’hui de polluantes. L’enjeu sera de réussir à impliquer des pans entiers de territoires.
Ceci est valable pour une partie de l’Europe, mais aussi pour la Chine, qui lance un marché carbone dès l’année prochaine, et pour les États-Unis. À titre personnel, je reste optimiste quant à l’attitude de ce pays, sachant que les États et les villes contrôlent à eux seuls plus de 70 % des émissions de gaz à effets de serre. Malgré les coups de menton et les effets de manche du président nouvellement élu, je pense que cela en restera au stade de la communication et que nous parviendrons à avancer.
Nous devons tout de même nous interroger sur ce que nous ferions demain si les États-Unis, à titre national, quittaient l’Accord de Paris. Je fais partie de l’école des durs, et je crois qu’il faudra que nous prenions, notamment avec l’Allemagne, les devants pour proposer des mécanismes d’ajustement aux frontières. Une discussion est en cours au Parlement européen, à l’instigation de notre collègue Édouard Martin. Ce mécanisme ne serait pas une taxe, mais il serait subtilement basé sur des quotas, pour que nous puissions agir et surtout protéger notre planète, notre bien commun.
Pour beaucoup, le succès de la COP21 et l’Accord de Paris marquent la reconnaissance d’une communauté internationale. Cela faisait très longtemps, depuis la création de l’ONU, que nous n’avions pas parlé d’une seule voix, en tant qu’espèce humaine. C’est de cela qu’il faut parler : la survie de notre espèce, et non pas la survie de la planète, qui s’adaptera toujours. C’est cela que nous essayons de défendre aujourd’hui.
En France, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été intéressante. Mais nous assistons déjà à de premiers ratés : selon les courbes prévisionnelles, la proportion des énergies renouvelables ne serait pas atteinte. Prenons garde à ne pas manquer notre propre rendez-vous national ! Nous devons également soutenir les territoires en transition, en France, comme en Europe. Il faut aussi conserver le fonds d’adaptation, outil international, souple et abondé, qui permet d’agir au plus près des populations, sans la bureaucratie parfois nécessaire au niveau des organisations internationales.
S’agissant de la question des réfugiés climatiques, il faut bien avouer que l’Europe a déjà du mal à gérer la crise migratoire qu’elle connaît à ses frontières. Les chiffres qu’on avance – plusieurs dizaines de millions de personnes, si l’on en croit le United Nations Environment Programme ou le Haut Commissariat aux réfugiés – nous imposent de renouveler totalement notre manière de travailler en matière de développement. Ne fermons pas les yeux sur une réalité qui pourrait survenir dans vingt ou trente ans, et qu’il faudra préparer et juguler.
Concernant la biodiversité, il faut utiliser cette arme de la nature qu’est le biomimétisme pour protéger des territoires dans le Pacifique ou sur des îles – je pense à nos outre-mer. Il faut favoriser la réintégration des mangroves pour atténuer les effets de l’élévation des mers et des océans. Nous avons beaucoup de travail devant nous.
Enfin, dans le cadre du rendez-vous pris par une partie de la communauté financière internationale, la France a été à l’avant-garde avec l’article 173 de sa loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle montre également l’exemple avec le lancement des premières obligations vertes pour financer des opérations d’importance, de transition énergétique et écologique.
Nous avons des outils. Nous devons maintenant continuer d’avancer sur cette voie ambitieuse, pour que nous léguions une planète où nous, les anciens, pourrons survivre, où nos enfants pourront s’épanouir et nos petits-enfants grandir.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous me permettrez d’adresser un clin d’oeil à mes complices, Jérôme Lambert et Arnaud Leroy, avec lesquels, depuis quelques années, nous commettons ces rapports sur les négociations internationales.
Une question nous interpelle aujourd’hui : où en sommes-nous après les COP de Paris et de Marrakech ? Les points positifs de l’Accord de Paris ont été rappelés : un excellent travail diplomatique de la France ; un excellent travail du ministère de l’environnement ; une adhésion quasi-totale de plus de 180 pays sur les 194 de la communauté internationale ; une vraie prise de conscience au niveau mondial ; une ratification rapide, ce qui n’était pas forcément attendu.
Il faut également relever ses points faibles : en examinant la somme des INDC – Intended nationally determined contributions –, qui sont, dans le langage onusien, les feuilles de route que chaque pays a bien voulu faire remonter au niveau national, le réchauffement ne serait limité que de 3 ou de 3,5 °C. Nous sommes donc très loin de l’objectif des 2 degrés voire des 1,5. Par ailleurs, malheureusement, le traité n’est pas contraignant juridiquement. Il y a peu de contrôles et, évidemment, pas de sanctions. C’est un problème qu’il nous faudra régler.
À Marrakech, la COP22 avait pour ambition de mettre en oeuvre l’Accord de Paris. Si l’on a noté quelques avancées sur l’organisation de cette mise en oeuvre, deux objectifs importants n’ont pour l’instant pas été atteints : l’obligation de revisiter très vite ces INDC – l’urgence ne nous permet pas d’attendre 2023 – et celle de sécuriser les financements, ce qui n’a été fait qu’en partie. Nous sommes en effet très loin des 100 milliards de dollars par an en 2020, puisque le rapport de l’OCDE, même s’il a été fort contesté, n’en annonce, peu ou prou, que 67. C’est un résultat mitigé. Il va nous falloir redoubler d’efforts à Bonn, lors de la COP23.
Aujourd’hui, le taux de CO2 continue d’augmenter. En 2016, cela représente 41 milliards de tonnes. En 2030, ce sera, si nous ne faisons rien, 55 milliards de tonnes. Or, pour limiter l’augmentation de la température en dessous de 2 ° C, il ne faut pas dépasser 41 à 42 milliards de tonnes. L’écart est donc très important.
Par ailleurs, il y a eu un record de chaleur en 2016, qui a été l’année la plus chaude depuis 1880 – première année où des relevés internationaux ont été effectués. Les seize dernières années ont également été les plus chaudes depuis 1880.
Pour avoir une vision claire de l’état des négociations internationales, il faut observer les positions des États-Unis, qui produisent 15 % des émissions. M. Trump a fait des déclarations pendant sa campagne électorale ; maintenant, il passe aux actes, c’est-à-dire aux nominations, et ce sont des nominations de climatosceptiques : M. Rick Perry, secrétaire à l’énergie, voulait supprimer ce ministère ; M. Scott Pruitt, qui sera le patron de l’Agence américaine de protection de l’environnement, attaquait celle-ci en justice il y a quelques mois ; M. Ryan Zinke, responsable des réserves naturelles au ministère de l’intérieur, est favorable aux forages et aux pipelines de tous genres ; M. Thomas Pyle, auteur du programme énergétique de l’administration Trump, a également été nommé. Voilà la réalité, mes chers collègues ! Ce sont ces nominations, et non plus les déclarations en campagne électorale, dans lesquelles il nous expliquait que le problème venait de la Chine qui voulait combattre les entreprises américaines.
Ils ne préparent rien de moins que l’abrogation des décrets Obama, qui imposaient des limites aux émissions des voitures et aux centrales électriques, la relance des centrales au « charbon propre » et explorent les voies légales pour pouvoir se retirer de l’Accord de Paris.
On nous explique que cela n’est pas possible avant quatre ans, mais il existe bien une possibilité : sortir de la convention des Nations unies. Si par malheur les États-Unis en sortaient, ils pourraient se retirer de l’accord de Paris sous un an ! Voilà la réalité des faits. Nous devons donc être de la plus grande vigilance.
En conclusion, je ne me dirai ni pessimiste ni optimiste ; simplement réaliste. Depuis une quinzaine d’années, on observe une vraie prise de conscience au niveau international ; mais, bien qu’universelle, elle a du mal à se traduire dans les faits. La route est longue, mais la pente est rude !
Applaudissements sur l’ensemble des bancs.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, en cette dernière rentrée parlementaire de la législature, de vous adresser mes meilleurs voeux et de vous souhaiter une bonne continuation dans les négociations sur le climat.
Je tiens aussi à saluer le travail des rapporteurs, qui retrace l’historique de ces négociations dont l’enjeu, depuis des décennies, est d’arriver à changer les choses et d’atteindre des objectifs et des résultats concrets en matière de climat. Malheureusement, le bilan depuis l’Accord de Paris est mitigé. Ayant eu l’occasion de suivre les deux dernières COP pour y défendre la place des îles et des insulaires, je tiens à vous faire part de mon ressenti.
La France n’est pas que continentale, mais mondiale et maritime. Elle possède des territoires dans tous les océans, sous toutes les latitudes – un point souvent ignoré. Bien sûr, nous sommes les députés de la Nation ; mais notre priorité est aussi de représenter et de défendre ces territoires, et de parler de ces réalités. En attendant que les grandes nations se mettent d’accord, certains de nos concitoyens et de nos voisins ont déjà les pieds dans l’eau ; certains sont déjà menacés de migration. C’est la réalité que nous vivons dans nos territoires, à l’autre bout de la planète. En effet, située à 18 000 kilomètres, la Polynésie française est le territoire le plus éloigné de la métropole, isolé au milieu du Pacifique Sud. On l’oublie souvent, mais nous représentons la moitié de la surface maritime française, près de 5 millions de kilomètres carrés d’espace maritime, 118 îles et 270 000 de nos concitoyens. Ne l’oublions pas !
En matière de climat, au-delà des chiffres, des statistiques, des tendances et des trajectoires, il y a des réalités. Il existe, dans le monde, des personnes qui subissent le changement climatique, à des vitesses plus ou moins foudroyantes. Tous les êtres humains de la planète sont concernés, mais à certains endroits plus qu’ailleurs.
Malheureusement, tous les territoires situés dans la ceinture intertropicale sont gravement menacés dès aujourd’hui. Plutôt que de m’intéresser aux perspectives à 2020, 2025, 2050 ou 2100, je regarde ce qui se passe d’ores et déjà dans mon territoire. Cette année, nous avons à nouveau vécu deux épisodes de blanchissement de coraux. Or le corail est une ressource naturelle, garde-manger pour beaucoup de nos populations isolées, mais également une barrière naturelle qui freine les houles, qui se sont intensifiées à cause du changement climatique.
Ma circonscription comporte 105 îles sur 118, ce qui en fait la plus grande circonscription de la République en dehors de celles des Français établis hors de France. En être l’élue est une lourde charge et une vraie responsabilité. C’est à la population de ma circonscription que je pense lorsque je vous parle de ce qu’on pourrait négocier.
Je ne reviendrai pas sur le bilan dressé dans le rapport, que je partage totalement. Mais je voudrais rappeler que nos territoires – la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna – ne sont pas des régions ultrapériphériques, RUP, mais des collectivités autonomes. Nous sommes malheureusement trop autonomes pour bénéficier des fonds nationaux et européens, mais trop français pour accéder aux fonds internationaux.
C’est un appel que je lance aujourd’hui à mes collègues de la commission des affaires européennes, mais aussi à tous ceux qui sont là aujourd’hui, et à vous, monsieur le secrétaire d’État : il faut enfin ouvrir le débat sur la place des pays et territoires d’outre-mer, PTOM, pour les sortir, au niveau européen, de ce no man’s land juridique. Je comprends que ce soit compliqué sur certains sujets ; mais le changement climatique n’a pas de frontières, et il ne devrait pas y en avoir non plus sur le plan juridique.
C’est tout à l’honneur de la France de s’engager aujourd’hui pour contribuer à aider les territoires les plus vulnérables, mais il est indécent qu’elle n’en fasse pas autant pour les territoires autonomes que nous représentons. Je reviendrai en détail dans mes questions sur ce que l’on peut faire en matière de reconnaissance des PTOM et de carbone bleu, qui intéresse fortement nos îles.
Je souhaitais profiter de ce débat pour vous interpeller sur l’hypervulnérabilité de tous nos territoires d’outre-mer, des Antilles au Pacifique, en passant par l’océan Indien. On sait nous trouver quand on a besoin de nous pour les essais nucléaires ou pour les tirs spatiaux ; mais que fait-on réellement pour protéger ces ressources et ces richesses, au bénéfice de nos populations ? La réponse à cette question est compliquée ; certes, les choses sont également complexes lorsqu’il s’agit de financements destinés à l’ensemble de l’humanité, mais ce débat doit nous permettre de nous poser des questions sur ce que nous faisons, nous la France, pour nos propres territoires vulnérables.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en ce début d’année 2017, je souhaite à mon tour vous présenter mes voeux les plus sincères de réussite, de santé et de bonheur, à vous tous et à vos proches.
Je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement chargée des négociations internationales sur le climat, qui a exercé avec beaucoup de volonté et d’implication la présidence de la COP21 après que Laurent Fabius a quitté cette fonction. C’est très volontiers que je la représente ici aujourd’hui
Je remercie le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste d’avoir pris l’initiative de ce débat. Ce sera l’occasion pour le Gouvernement, avant de répondre à vos questions, de revenir sur le bilan, unanimement jugé positif, des actions de la présidence française de la COP21, dont le point d’orgue a été l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, dès le 4 novembre dernier, avec une rapidité inégalée, surtout pour un accord de cette ampleur.
Je souhaite remercier aussi les rapporteurs de la commission des affaires européennes, MM. Deflesselles, Lambert et Leroy, d’avoir établi ce rapport très complet sur le chemin parcouru par la communauté internationale pour aboutir à un accord international de lutte contre le changement climatique. C’est un travail parlementaire exemplaire.
Mesdames et messieurs les députés, l’accord universel de Paris sur le climat est aujourd’hui une réalité. Il symbolise la volonté des peuples du monde de protéger leur environnement et leurs économies du dérèglement climatique, et d’assurer ainsi la survie même de l’humanité.
Avec son entrée en vigueur le 4 novembre dernier, onze mois seulement après son adoption à la COP21, cet accord est devenu irréversible, gravé dans le marbre du droit international. À ce jour, 123 pays qui, ensemble, sont responsables de plus de 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ont ratifié l’Accord de Paris. Ce sont près des deux tiers des parties ; c’est considérable et inédit. Mais nous devons poursuivre notre effort de conviction pour que l’ensemble des 197 parties à la Convention climat ratifient l’Accord de Paris et que celui-ci devienne ainsi, dans les faits, pleinement universel.
L’entrée en vigueur s’est faite avec une rapidité historique, car la communauté internationale a pris toute la mesure de l’urgence climatique. Rappelons-nous que le protocole de Kyoto était entré en vigueur sept ans après son adoption !
Faisons les comparaisons entre les échéances de ces deux textes ! L’urgence à agir est illustrée régulièrement par les catastrophes climatiques qui n’épargnent plus aucun pays du monde, et s’appuie sur la conviction, aujourd’hui largement partagée, dans les milieux économiques comme dans l’opinion publique, que l’inaction coûte plus cher que l’action. L’Accord de Paris est désormais notre principal instrument pour préserver l’équilibre climatique de la planète. Il prépare l’avenir et contient des solutions pour le présent. Il est universel, ambitieux, équitable et juridiquement contraignant. Sur chacun des points clés des négociations, et en particulier sur le niveau d’ambition et de différenciation entre les pays développés et en développement, ainsi que le financement nécessaire, une approche d’écoute et de compromis par le haut a permis de trouver le juste équilibre entre ambition, solidarité et participation universelle.
C’est un accord ambitieux. Son objectif affirmé est de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 ° C, et de s’efforcer de la limiter à 1,5 ° C. Cette ambition est traduite concrètement dans une trajectoire mondiale d’émissions de gaz à effet de serre : passer le pic des émissions le plus tôt possible pour amorcer une décroissance rapide et parvenir à la neutralité des émissions dans la deuxième moitié du siècle.
La France vient de soumettre à la Convention climat sa stratégie nationale bas carbone, qui vise la division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050, et, lors de la COP22 à Marrakech,le Président de la République a annoncé notre volonté de viser la neutralité des émissions. Quatre autres grandes économies ont également présenté ces dernières semaines leurs plans stratégiques bas carbone de long terme : l’Allemagne, le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il s’agit d’États très importants, si l’on considère la place de leurs économies dans le monde, et donc leur contribution à la dégradation de l’environnement ; leur volonté de contribuer aux objectifs de l’Accord de Paris est donc tout aussi importante. Par ces stratégies, ces pays envisagent, d’ici au milieu de ce siècle, de réduire très fortement leurs émissions de gaz à effet de serre, engageant les grandes économies mondiales vers la société bas carbone que l’Accord de Paris rend nécessaire.
L’Accord de Paris est inclusif. Il reconnaît les engagements pris par les entreprises, les collectivités territoriales et la société civile, complémentaires et indissociables des objectifs inscrits par les États dans leurs contributions nationales, car rien ne peut se faire sans le terrain.
Ces acteurs sont associés à la mise en oeuvre concrète de l’Accord par de nombreuses alliances et coalitions sectorielles réunies au sein de l’Agenda de l’action. Ils apportent des solutions pour la réduction des émissions et incitent au développement des technologies nécessaires pour réussir la transition écologique et les transferts de technologies vers les pays en développement.
Plus de soixante-dix initiatives existent aujourd’hui, dans plusieurs secteurs clés pour la transition vers le bas carbone : les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la forêt, le bâtiment, le transport, l’agriculture durable, l’eau et les océans. La France est investie dans plusieurs de ces alliances et coalitions : l’initiative pour les énergies renouvelables en Afrique, dans laquelle la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, est totalement investie ; l’alliance mondiale pour les bâtiments et la construction, qui a publié sa feuille de route mondiale pour la décarbonation à long terme de l’immobilier ; l’initiative 4 pour 1000, portée par le ministre de l’agriculture, qui vise à renforcer le rôle des sols dans le stockage du carbone ; ou encore l’alliance solaire internationale, lancée par le Président de la République avec le Premier ministre indien à la COP21, pour n’en citer que quelques-unes, qui toutes bénéficient du plein soutien de la France.
Enfin, l’Accord de Paris est flexible. Il permet à chaque État de déterminer nationalement sa contribution à la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre. C’est un système qui respecte la souveraineté nationale et ouvre la voie à une participation universelle, dynamique et toujours plus ambitieuse.
Grâce à toutes ces composantes novatrices, une dynamique en faveur du climat a été lancée. La transition vers des économies résilientes et émettant peu de gaz carbonique est désormais résolument engagée à l’échelle mondiale : plusieurs nouvelles récentes confirment – je dirais même : prouvent – cette évolution.
Les financements – très attendus par les pays en développement, car ils constituent une garantie de mise en oeuvre de l’accord – sont au rendez-vous. Le désinvestissement dans les énergies fossiles n’a jamais été aussi important : les montants en cause ont doublé entre septembre 2015 et décembre 2016. Plus de 5 000 milliards de dollars d’actifs ont ainsi été désengagés dans les secteurs du gaz, du pétrole et du charbon. Les pays du G20 se sont en outre engagés depuis 2009 à supprimer les subventions inefficaces aux énergies fossiles, et, en mai dernier, les pays du G7 ont indiqué que cette suppression devrait être achevée en 2025.
Les flux financiers disponibles pour la lutte contre le changement climatique sont en augmentation dans tous les secteurs : comme le prévoyait l’accord de Paris, les pays développés ont publié une feuille de route concrète détaillant la façon dont ils entendent respecter l’engagement pris à Copenhague de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020.
Ces travaux ont aussi montré que les annonces faites avant la COP21 devraient permettre de mobiliser au moins 67 milliards de dollars de financements publics en 2020. C’est une augmentation significative par rapport au niveau de 41 milliards de dollars entre 2013 et 2014. Si l’effet d’entraînement de ces financements sur la mobilisation de financements privés joue dans la même proportion qu’au cours des années 2013 et 2014, alors plus de 90 milliards de dollars de financements – publics et privés – devraient être disponibles à partir de 2020 pour le climat.
C’est un progrès indéniable, qui prouve que nous sommes sur la bonne voie pour atteindre le montant de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 – mais nous ne devons pas relâcher nos efforts. La France y participe activement. Elle a pris des engagements considérables, qui ont été confirmés lors de la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement du 30 novembre 2016.
Comme l’a décidé le Président de la République à l’occasion de la COP21, nous porterons nos engagements financiers internationaux en faveur du climat à 5 milliards d’euros par an d’ici à 2020, dont 1 milliard sera exclusivement consacré à l’enjeu de l’adaptation. Ces engagements seront principalement destinés aux pays les plus vulnérables, notamment en Afrique, continent pour lequel nous nous engageons davantage : plus de 2 milliards d’euros seront ainsi destinés, d’ici à 2020, au développement des énergies renouvelables sur le continent africain.
La loi de transition énergétique pour la croissance verte, défendue au Parlement par Ségolène Royal, représente la contribution de la France aux objectifs climatiques inscrits dans l’Accord de Paris. Elle a inscrit dans le droit national – et ce dès avant la COP21 – les engagements de notre pays en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Elle comprend aussi des outils pour tenir ces engagements.
À titre d’exemple, Ségolène Royal et Michel Sapin viennent de lancer la première obligation verte de la France. Cette obligation favorisera le développement du marché des obligations vertes et ainsi la réorientation des flux financiers vers les activités utiles à la lutte contre le dérèglement climatique, tout en confirmant le rôle-clé de la France et de la place de Paris dans la finance verte. C’est un enjeu d’avenir.
Mesdames et messieurs les députés, voici quelques exemples de la force, de la dynamique entraînée par l’adoption et l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris. La liste pourrait être poursuivie, quasiment à l’infini ! La France peut être fière de sa contribution politique à ce processus qui remplit le monde d’espoir. Je souhaite, à cette occasion, vous remercier, mesdames et messieurs les députés, au nom du Gouvernement, pour votre soutien sans faille et votre contribution à l’action de la France au service du climat. Le débat d’aujourd’hui en fournit une nouvelle illustration.
C’est dans cet esprit positif que les discussions sur l’Accord de Paris sont entrées, à Marrakech, dans une nouvelle étape. Des avancées considérables ont été réalisées en 2016, mais nous avons encore beaucoup de travail pour finaliser le nouveau cadre international de lutte contre le changement climatique. Dans cette nouvelle phase, quatre priorités ont été définies et seront poursuivies simultanément. Je précise, pour répondre à des interrogations formulées il y a quelques instants, que ces priorités s’appliqueront tant en métropole que dans nos outre-mer – nous aurons tout à l’heure, lors de la phase de questions et de réponses, l’occasion d’approfondir plus spécifiquement la question des outre-mer.
Premièrement, notre priorité est de finaliser l’Accord de Paris. Il s’agit d’une part de garantir l’adhésion de tous les pays, en maintenant l’attention politique pour une ratification universelle. Il s’agit d’autre part de définir les règles et les mécanismes nécessaires à sa mise en oeuvre. En effet, il en est de l’Accord de Paris comme d’une loi nationale : après son adoption, il a besoin de décrets d’application. Ce travail a été entamé lors de la COP22 et sera finalisé l’an prochain, c’est-à-dire deux ans avant la date prévue. J’y insiste : il sera achevé plus tôt qu’initialement prévu !
Deuxième priorité : tous les pays doivent mettre en oeuvre les engagements concrets qu’ils se sont fixés pour la COP21, la crédibilité de l’Accord de Paris en dépend. D’où l’importance de préparer sans tarder la mise en place de politiques publiques précises qui permettront aux pays de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de s’adapter aux effets du changement climatique. En France, ce travail a déjà été engagé, notamment par la loi de transition énergétique que vous avez adoptée en août 2015. C’est, à cet égard, un texte majeur.
Au niveau européen ce travail avance également. Les États membres ont décidé il y a deux ans de réduire les émissions de l’Union européenne de 40 % en 2030. Avec nos partenaires européens, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, travaille maintenant à finaliser le paquet énergie-climat 2030, que nous espérons adopter dans le courant du premier semestre de cette année, si possible dès le mois de février. En prenant une décision rapide quant à la mise en oeuvre de notre contribution européenne, nous adresserons au reste du monde un signal politique : nous leur montrerons la détermination de l’Union européenne à porter haut et fort la cause du climat.
À un moment où les Européens ont besoin d’un nouveau souffle, c’est un projet mobilisateur qui permettra à l’Europe d’ancrer sa légitimité, en plaçant notre continent à l’avant-garde sur ce sujet majeur pour l’avenir.
Troisième priorité : préparer le relèvement de l’ambition. Tous les pays se retrouveront en 2018, dans le cadre d’un « dialogue facilitateur », pour dresser un premier bilan des émissions globales au regard des objectifs de long terme de l’Accord. Ce sera une étape essentielle pour relever l’ambition des engagements nationaux et nous rapprocher d’une trajectoire compatible avec la limite des 2 ° C.
Quatrième priorité : il nous faut continuer à soutenir les engagements portés par la société civile. Ce volet important de l’Accord de Paris est sorti renforcé de la COP22 – c’est une de ses nombreuses réalisations –à la fois parce que de nouvelles alliances politiques et de nouvelles coalitions y ont été formées, mais aussi parce qu’une nouvelle stratégie pour l’avenir de l’Agenda de l’action y a été dévoilée, sous le nouveau nom de « Partenariat de Marrakech pour l’action climatique mondiale ».
Le travail qu’il nous reste à faire pour concrétiser ces quatre priorités est complexe ; il nous faudra accomplir les mêmes efforts combinés – s’engager au plus haut niveau politique, tout en restant à l’écoute de tous les pays et de toutes les parties prenantes – qui ont fait de notre présidence de la COP un succès.
Même si la France ne préside plus la COP, elle doit continuer de jouer un rôle particulier d’ici à 2020, forte du succès obtenu à Paris, forte de sa singularité. Ce rôle est celui de gardien de l’Accord de Paris. Comme l’a indiqué le Président de la République lors de ses voeux pour 2017, la France ne laissera aucune personne, aucun pays, remettre en cause cet accord historique et crucial pour l’avenir de l’humanité.
Je sais que nombre d’entre vous ont à l’esprit les propos tenus par le futur Président des États-Unis.
Nous ne pouvons, à ce stade, préjuger des décisions qu’il prendra, mais nous souhaitons que les États-Unis continuent de prendre toute leur part à la lutte contre le changement climatique. Il s’agit là d’une responsabilité historique, dans l’intérêt de tous. Les États-Unis eux-mêmes n’échappent pas aux impacts du dérèglement climatique. Je pense par exemple à la Californie, où cinq années consécutives de sécheresse ont causé 1,5 milliard de dollars de pertes pour l’agriculture, et supprimé 17 000 emplois saisonniers pour la seule année 2014.
C’est aussi, pour eux comme pour nous, leur intérêt bien compris. La transition énergétique est engagée aux États-Unis ; elle est portée par l’économie et par les politiques menées sous la présidence Obama, y compris au niveau local, dans des villes et des États. Cette transition bénéficie à l’économie américaine et crée des emplois : le seul secteur de l’éolien en fournit aujourd’hui plus que celui du charbon. Il ne faut donc pas prendre de mauvaise décision, en se trompant sur ce qui compte pour l’avenir !
Mesdames et messieurs les députés, la France est et restera engagée pour la mise en oeuvre de l’Accord de Paris et, plus généralement, pour la lutte contre le changement climatique. Ce travail, auquel nous contribuerons avec nos partenaires européens et internationaux, se poursuivra indépendamment de la volonté des uns ou des autres de le remettre en cause. Le changement climatique est une vérité scientifique établie. Il est urgent d’agir. Je sais que cet objectif peut fédérer largement, y compris dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous en venons aux questions.
La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déjà évoqué les points sur lesquels porte la question que je vais vous poser. Vous aurez l’occasion, en me répondant, d’y insister !
Depuis toujours, le financement représente un aspect très important des négociations climatiques. Avant la conférence de Copenhague en 2009, l’idée était de créer un marché mondial du carbone : c’était le temps de ce que l’on appelait la « finance carbone ». Compte tenu des difficultés rencontrées pour mettre en oeuvre ce marché, les pays ont cherché des solutions plus pragmatiques. Il s’agit alors de financer un développement dit « bas carbone ». On passe ainsi de la « finance carbone » à la « finance climat ».
C’est à ce moment-là que le montant de 100 milliards de dollars par an apparaît dans les négociations. Il s’agit des transferts que les pays du Nord se sont engagés à effectuer vers les pays du Sud. Cette somme a été réaffirmée à Paris ; le débat, aujourd’hui, porte sur la manière de la compter.
Après le beau succès avec la COP21 et les avancées de la COP22, le temps de l’action, du financement et de la mise en oeuvre des mesures est venu. Cependant l’élection de Donald Trump, qui est ouvertement opposé à l’Accord de Paris, ne simplifiera pas les choses. L’Accord prévoit en effet que les pays développés divulguent, dans leurs rapports bisannuels, des informations qualitatives et quantitatives sur les financements fournis, et établissent des projets provisionnels de financement en direction des pays en développement.
Cette augmentation de la transparence devrait renforcer la confiance et encourager les pays récipiendaires à s’engager sur des projets de long terme. La discussion quant à l’avenir des financements devra s’achever lors de la COP24 ; les règles régissant leur périmètre et leur comptabilisation, notamment s’agissant des flux privés, devront alors être plus détaillées.
En matière de financement, le problème principal n’est pas tant d’inventer de nouveaux moyens que de fixer les règles du jeu et de concevoir des dispositifs afin d’orienter l’argent vers la décarbonation de l’économie. L’enjeu est aussi de déterminer quels financements rentreront en ligne de compte pour atteindre la somme de 100 milliards de dollars.
Monsieur le ministre, concernant le financement, pouvez-vous nous donner des précisions sur les négociations en cours, notamment avec les États-Unis ? Plus précisément, pouvez-vous nous dire comment le gouvernement français agit pour garantir que ces engagements financiers soient tenus et utilisés en faveur des pays du Sud, afin de lutter directement contre les changements climatiques ?
Monsieur le député, votre question porte sur un élément-clé : les financements. Sans financement, en effet, rien ne peut se faire : je vous remercie donc de me permettre d’apporter quelques précisions à ce sujet.
Dès la présidence française de la COP21, nous nous sommes mobilisés pour trouver des réponses satisfaisantes. Depuis lors, des progrès importants ont été accomplis. D’abord, l’Accord de Paris a confirmé l’engagement de 100 milliards de dollars pris à Copenhague. C’était un préalable indispensable. Tous les pays développés ont ensuite pris des engagements supplémentaires. Les financements publics sont désormais estimés à 67 milliards de dollars à l’horizon 2020, et les financements privés doivent permettre d’atteindre le montant de 100 milliards de dollars.
Comme vous l’avez souligné, nous avons en outre engagé des discussions pour renforcer la transparence des financements liés au climat. C’est là aussi un élément essentiel pour la confiance et donc pour la durabilité, à long terme, de l’Accord de Paris.
Notre pays poursuit son travail de mobilisation vis-à-vis de tous les pays donateurs. La France est elle-même exemplaire : le Président de la République s’est en effet engagé à porter nos financements à 5 milliards d’euros d’ici à 2020.
De plus, la France est particulièrement impliquée dans trois coalitions : l’Initiative pour les énergies renouvelables en Afrique, qui vise à financer 10 gigawatts d’énergie renouvelable d’ici à 2020, et 300 gigawatts d’ici à 2030 ; l’Alliance solaire internationale, pour un déploiement massif de l’énergie solaire ; et l’initiative dite CREWS – pour climate risk and early warning systems – qui vise à améliorer l’accès aux systèmes d’alerte dans les pays les plus vulnérables aux catastrophes.
Enfin, notre pays est engagé dans des coalitions qui apportent aussi des soutiens financiers, par le biais de l’Agence française de développement et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – l’ADEME –, c’est-à-dire dans un contexte de coopération public-privé, avec la volonté d’une soutenabilité à long terme pour le financement des projets.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les pays développés se sont engagés, à Copenhague en 2009 et à Cancún en 2010, à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement climatique. Ce défi a été au coeur de l’Accord de Paris, puis de la COP22 à Marrakech, laquelle avait pour particularité de se dérouler en terre africaine.
Ce financement Nord-Sud est une clé de voûte qui conditionnera la réussite ou l’échec des objectifs fixés en matière d’actions contre le réchauffement climatique. Les pays du Sud en sont les premiers affectés, mais leur vulnérabilité économique ne leur permet pas d’en compenser les impacts et il convient de faire en sorte que leur développement ne s’opère pas sur le même mode que celui des pays du Nord, à savoir l’exclusivité de l’usage des énergies carbonées.
Or, à chaque sommet, nous constatons combien il est difficile d’atteindre cet objectif de 100 milliards de dollars – certes, vous restez optimiste, et nous espérons que vous avez raison, mais, jusqu’à présent, le passif n’est pas très bon.
Plusieurs pistes ont été examinées pour y parvenir : onze pays européens ont travaillé sur la mise en place d’une taxe sur les transactions financières qui pourrait rapporter entre 24 et 30 milliards d’euros, dont 6 à 10 milliards d’euros en France. Les ONG proposent d’examiner les exemptions de taxes existant sur les transports aériens et maritimes – les avions, facteurs de pollution, ne payent pas un centime d’euro de taxe sur les carburants, pas plus que les bateaux ! – ou encore les subventions aux énergies fossiles, qui s’élèvent, selon le Fonds monétaire international, à 4 740 milliards d’euros par an, soit 6,5 % du PIB mondial. Si nous voulons atteindre cet objectif, il faut donc bousculer le mode de développement responsable de la situation et de la rente qu’il constitue pour quelques-uns.
Quelles sont les initiatives qu’entend prendre la France en ce sens ?
Monsieur le député, votre intervention va me permettre de préciser encore une question essentielle pour les pays en développement, celle des financements. L’Accord de Paris a fait en sorte que les pays développés prennent des engagements extrêmement concrets, et la France y a veillé tout au long des travaux préparatoires. C’est un élément essentiel de l’équilibre politique de l’Accord, sans lequel celui-ci ne pourra pas se concrétiser.
Nous avons constaté que la dépense publique, issue des engagements qui ont été pris, a un effet d’entraînement très important sur le privé, peut-être plus encore que ce que l’on en attendait au départ. C’est une vraie transformation des économies qui est en train de se produire, et le secteur privé entend bien y contribuer. Nous verrons évidemment si l’avenir confirme cette tendance, mais ce sont des dynamiques extrêmement positives.
Le Gouvernement a la volonté de soutenir les États les plus vulnérables, les pays les moins avancés et en particulier les petits États insulaires.
Nous avons par ailleurs constaté que plusieurs banques multilatérales de développement ont pris, elles aussi, des engagements de financement supplémentaires qui ont permis d’avancer vers la réalisation de l’objectif que vous avez rappelé.
Il y a donc une mobilisation de tous : le public, le privé, au niveau national comme au niveau international.
À Marrakech, les pays développés ont présenté la feuille de route qui permettra d’atteindre les 100 milliards en 2020. Cela montre que nous sommes collectivement en bonne voie pour y parvenir. Mais vous avez raison de dire qu’il ne faut pas relâcher l’effort et que rien ne serait pire que l’effondrement d’une telle dynamique.
Le Fonds vert pour le climat a, lui aussi, commencé à financer des premiers projets cette année, à hauteur d’un montant qui représente déjà près de 1,5 milliard d’euros. Voila encore des dynamiques positives enclenchées.
Tout cela montre que la question des financements est traitée à la hauteur des exigences : la France veillera, tout au long des années à venir, à ce que les différentes échéances soient honorées ; elle y prend déjà toute sa part à travers les décisions du Président de la République.
Nous en venons à deux questions du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Suzanne Tallard.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un an, le succès de la COP21 mettait la lutte contre le réchauffement climatique au coeur de toutes les préoccupations. La signature de l’Accord de Paris et sa ratification rapide par plusieurs États accréditaient l’espoir que nos sociétés étaient désormais prêtes à enrayer la logique autodestructrice d’un modèle de développement à bout de souffle ; la prise de conscience de la gravité des enjeux semblait partagée par les États, les collectivités locales, les organisations de la société civile, les citoyens et même par la plupart des acteurs économiques.
Cependant, l’année qui vient de s’écouler nous a donné maintes raisons de modérer notre optimisme. En effet, loin d’avoir reculé, le discours climato-sceptique a même conduit l’un de ses chantres à la tête de la première puissance économique mondiale. Le choix du peuple états-unien a amené explicitement, il y a quelques semaines, plusieurs responsables politiques des États de la confédération canadienne à remettre en cause de nouveaux mécanismes, entre autres la taxe carbone, visant à diminuer l’impact sur l’environnement d’une économie largement carbonée.
En Europe, l’accord économique et commercial global signé avec le Canada, le CETA – comprehensive economic and trade agreement –, poursuivant la logique de l’intensification des échanges de marchandises et de leur transport, ne mentionne à aucun moment l’Accord de Paris et ne tient donc aucun compte de ses conséquences en matière de rejets de gaz à effet de serre. Cet exemple montre combien il est difficile de passer des paroles aux actes.
La logique bottom-up, certes vertueuse et inclusive, sur laquelle repose l’Accord de Paris, rencontre évidemment des limites, car s’appuyer sur les initiatives locales est nécessaire mais ne peut suffire. L’intervention des pouvoirs publics, aux niveaux européen, national ou local, doit être plus déterminée et déterminante. À l’heure où de nombreux accords impliquant l’Union européenne sont aujourd’hui en cours de négociation, ne faut-il pas, monsieur le secrétaire d’État, introduire systématiquement, en amont et en aval de chaque décision publique, une évaluation de ses effets sur le climat ? Une telle démarche constituerait un pas vers une réelle prise en compte de la compatibilité des politiques publiques que nous mettons en oeuvre avec les engagements que nous prenons par ailleurs, lesquels, je le rappelle, ont, selon vos propres termes, « l’ambition d’assurer la survie de l’humanité ».
Madame la députée, vous avez parfaitement raison de rappeler le contexte actuel, notamment la montée du climato-septicisme dans les discours politiques. La France s’engage à lutter contre cela, à la fois dans les paroles, et donc par l’influence sur les esprits, et par des décisions concrètes. C’est un combat qu’il nous faudra mener dans les mois et les années à venir.
En ce qui concerne plus spécifiquement le Canada, il ne m’appartient pas de répondre au nom du gouvernement d’un autre pays, mais nous avons constaté au contraire, dans l’évolution de cet État au cours des dernières années, une volonté extrêmement forte et précise d’être présent dans les négociations de l’Accord de Paris. À cet égard, le gouvernement de M. Trudeau a fait des propositions très ambitieuses, concrètes et volontaristes ; il est partie prenante à l’Accord de Paris et donc amené à en respecter les règles.
L’accord commercial que vous avez évoqué a été conclu avant celui de Paris. Cela étant, dans le cadre des travaux du Conseil européen commerce, j’ai veillé à ce que la déclaration conjointe avec le Canada contienne une référence expresse à l’Accord de Paris, reconnaissant qu’il faut en tenir compte : la question de l’environnement est transversale et essentielle, et l’avenir, y compris celui des accords commerciaux, passe par le plein respect des engagements en la matière.
Aussi la question environnementale est-elle au coeur des propositions de la France que j’ai élaborées pour refonder la politique commerciale européenne, à travers l’idée d’une évaluation. Ainsi, Ségolène Royal a commandité une étude pour évaluer l’impact sur l’environnement de l’accord avec le Canada. La France a aussi proposé que les accords commerciaux contiennent désormais des clauses environnementales contraignantes, afin que le droit économique et commercial ne prime pas sur un droit environnemental qui resterait flou. Cela répond à une demande extrêmement forte, y compris de la société civile. C’est la position de la France que nous essayons de faire adopter au niveau européen.
La COP21 a été un succès, mais avec un bémol : l’égalité hommes-femmes n’a été traitée qu’en annexe des questions climatiques. Or les femmes sont les plus exposées aux risques climatiques parce que ceux-ci affectent d’abord les populations les plus pauvres et que les femmes en représentent 70 %. Ce sont elles qui travaillent les terres, même si elles n’en sont pas propriétaires, et qui nourrissent les familles.
Le réchauffement climatique, avec des inondations, des sécheresses, la désertification, menace la sécurité alimentaire et les activités agricoles. De même, la raréfaction des ressources naturelles a un impact sur la vie quotidienne des femmes, qui doivent consacrer plus d’heures aux corvées de bois ou d’eau, au détriment notamment de la scolarisation des jeunes filles.
Parallèlement, les femmes jouent un grand rôle dans la gestion des ressources naturelles, et leurs initiatives en ce domaine sont nombreuses. Elles sont donc à la fois victimes et actrices du changement climatique.
Il serait bon que, lors des rencontres internationales, les délégations de chaque pays soient paritaires. Or nous avons pu observer, lors de la COP21, que ce sont en majorité des hommes qui se sont exprimés.
Il serait par ailleurs primordial d’identifier les besoins stratégiques des femmes et des filles, ainsi que l’impact que le dérèglement climatique a sur leur vie, en mettant en place des outils d’analyse et des indicateurs qui trouveraient ensuite leur traduction dans les programmes de développement de chaque pays signataire.
De plus, il faudrait accentuer le fléchage des ressources du Fonds vert pour le climat vers les projets qui incluent la question de genre ou vers ceux qui soutiennent le développement à l’échelle locale ou très locale, et dont les femmes ont très souvent pris l’initiative.
Enfin, il faudrait encourager la participation des femmes aux instances de décision sur le changement climatique.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, comment la France envisage-t-elle d’ériger en sujet central la question des femmes dans la préparation des négociations climatiques ?
Madame Lignières-Cassou, je tiens d’abord à vous remercier pour votre question, qui témoigne une nouvelle fois de votre engagement et de votre implication au long cours en faveur des droits des femmes et de l’égalité.
Plusieurs études ont mis en lumière les implications différenciées du dérèglement climatique sur les femmes et sur les hommes, et la vulnérabilité particulièrement accrue de celles-ci à cet égard. Les variations climatiques affectent en effet les femmes de manière spécifique, en particulier dans les pays du Sud où elles contribuent d’une manière essentielle, vous l’avez rappelé, aux secteurs de la sécurité alimentaire, de l’agriculture, de la santé et de l’énergie. Mais les femmes sont aussi des actrices essentielles pour conduire la transformation vers des économies à basses émissions et résilientes au changement climatique.
Ce constat et la mobilisation quasiment avant-gardiste de la société civile sur le sujet, au sud comme au nord, ont mieux permis de prendre en compte la question des femmes et les problématiques de genre dans les négociations climatiques et dans les politiques portant sur le climat. Ainsi, la problématique du genre a été prise en compte dans l’Accord de Paris, à la fois comme un principe transversal dans le préambule et comme un principe opérationnel dans le domaine de l’adaptation et du renforcement des capacités.
Cette prise en compte se traduit dans des expressions-clés de l’accord sur le climat qui fait notamment référence à l’égalité des sexes, à l’autonomisation des femmes ainsi qu’à la sensibilité à l’égard de cette même égalité.
S’agissant de la question des délégations, vous avez, madame la députée, parfaitement raison : il s’agit d’une problématique transversale. Tout au long des dernières années, les nominations ont cependant tenu compte de la question de la promotion des femmes. Je reconnais cependant qu’un chemin important reste à parcourir avant de parvenir à l’égalité.
Tout au long de sa présidence de la COP21, Ségolène Royal a, en outre, fait du lien entre la problématique des femmes et le climat une priorité. Le rapport qu’elle a présenté à Marrakech sur ce thème spécifique a identifié six axes stratégiques et formulé vingt-cinq recommandations afin d’être plus opérationnel et d’améliorer la situation sur ce point.
Ce travail a concrètement, et avec le plein soutien de la France, nourri sur place les discussions dans le cadre des négociations officielles comme dans celui des événements réservés à la société civile. Il a notamment été décidé à Marrakech de poursuivre, pendant trois ans, le programme de travail engagé pour la période 2014-2016 et portant sur le genre. Il s’agit donc, désormais, de mettre en oeuvre les recommandations concrètes de ce rapport et figurant dans ce programme.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. André Schneider.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 12 décembre dernier, nous fêtions – déjà ! – le premier anniversaire de cet accord historique. Plus de 180 États, ainsi que l’Union européenne, l’ont en effet ratifié. Nous ne pouvons évidemment que nous en féliciter : la France a été un bon élève de la classe.
Mais, aussi historique soit-il, un accord reste un simple bout de papier sans l’adhésion des citoyens ! On a dépensé beaucoup d’argent en communication, afin de vanter les efforts des gouvernements dans la réussite de la COP21. Une partie de cet argent aurait pu être employé afin de mieux sensibiliser les populations aux gestes utiles à la protection de l’environnement.
Monsieur le secrétaire d’État, il est primordial d’informer la société civile, d’éveiller les consciences et de créer une agora, au sens grec du terme, permettant aux populations de s’approprier l’ensemble des sujets environnementaux. La consultation citoyenne menée dans notre pays au moment de l’examen du projet devenu la loi 7 octobre 2016 pour une République numérique a été autant un succès qu’une première. Inspirons-nous, en allant bien plus loin, de cet exemple : sans passion des Français à l’égard de cet accord, nous ne pourrons pas, véritablement, avancer. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, allez-vous mettre à profit les derniers mois de cette législature pour permettre aux Français de faire entendre leur voix ?
Les générations futures nous jugeront en effet sur nos actes et sur ce que nous faisons concrètement, aujourd’hui, afin de sauver tant notre planète que l’espèce humaine, et non sur des effets d’annonce. Aussi chaque Français devrait-il être informé des enjeux liés au changement climatique afin qu’il puisse se battre, avec nous, contre le réchauffement. La survie de l’espèce humaine en dépend.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui porte sur les mesures de sensibilisation qui pourront être mises en oeuvre à la fois dans les mois à venir, jusqu’aux élections, puis, à partir du mois de mai prochain, tout au long du deuxième quinquennat de la gauche.
Sourires sur les bancs des groupes socialiste, écologiste et républicain et de la Gauche démocrate et républicaine.
Vous travaillez depuis longtemps sur ce sujet, comme en témoigne votre rapport d’information sur l’impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense, qui date de février 2012. Et vous avez raison : poursuivre la sensibilisation constitue une obligation. On constate, tant dans les échanges avec nos concitoyens qu’à travers les enquêtes d’opinion, que les Français sont mobilisés à 100 % dans la lutte contre le réchauffement climatique. Une récente étude menée par l’IFOP – l’Institut français d’opinion publique –, et que, certes, comme tous les travaux de ce genre, il convient d’aborder avec prudence, montre que 73 % des Français sont attachés à ce que les engagements pris dans le cadre de la COP21 soient tenus.
En outre, une même proportion de nos concitoyens soutient l’ensemble des dispositions contenues dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et en valide les grandes orientations.
De tels chiffres traduisent le niveau d’information et de sensibilisation des Français en matière de changement climatique comme de respect de l’environnement. Nous pouvons en être fiers, même si, bien entendu, il faut poursuivre les actions de sensibilisation.
Nous devons également réaffirmer le leadership de l’Union européenne en matière de climat et coopérer activement, au niveau international, en vue de maintenir la pression et d’atteindre nos objectifs.
Lors de la COP21, nous avions donné une place centrale à la société civile, notamment au sein des espaces « Génération climat », qui, au cours de plus de 500 événements, ont accueilli plus de 90 000 visiteurs.
Nous avons donc – avec l’Agenda de l’action et les coalitions d’acteurs : États, villes, collectivités territoriales, entreprises et associations – été à l’initiative en vue de porter haut et fort l’ambition dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Nous devons également nous montrer exemplaires : tel est l’objet de la loi relative à la transition énergétique que j’ai évoquée. Notre pays est par conséquent définitivement sur la voie du développement durable, des énergies renouvelables comme de la rénovation énergétique des bâtiments et de la mobilité propre.
Enfin, la ministre de l’environnement porte l’initiative des territoires à énergie positive pour la croissance verte à travers laquelle 430 territoires bénéficient d’un soutien financier de son ministère en vue d’engager des actions concrètes et innovantes en faveur de la transition énergétique.
La meilleure manière de sensibiliser à la lutte contre le réchauffement climatique est donc bien de mettre en oeuvre, avec nos concitoyens, des actions concrètes, au plus près du terrain, afin de répondre au formidable défi qu’il constitue.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dès la ratification de l’Accord de Paris sur le climat par le Parlement, au mois de mai dernier, le groupe Les Républicains avait souligné sa fragilité. L’effet d’affichage comme l’exercice d’autosatisfaction auquel s’était livré le Gouvernement, en pleine campagne des élections régionales, contraste singulièrement avec la réalité des faits.
Certes, 117 délégations ont approuvé l’objectif général d’essayer de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 degrés d’ici à 2100. Mais, concrètement, cet accord ne comporte que peu de volets contraignants, à l’exception de celui portant sur le calendrier des cycles de négociation.
Pour le reste, rien ne lie juridiquement les États signataires : je pense, par exemple, à la transparence des informations qu’ils devront transmettre, aux moyens opérationnels mis en oeuvre pour contenir le réchauffement climatique ainsi qu’aux financements mobilisés pour soutenir les pays en voie de développement. Dans tous ces domaines, des objectifs sont proposés, mais aucune action n’est imposée.
On dit qu’il n’y a pas d’amour, qu’il n’y a que des preuves d’amour. Dans le domaine de l’écologie, c’est pareil : seuls les actes comptent.
Vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, lors de ses voeux aux Français, le 31 décembre dernier, le Président de la République a déclaré : « La France ne laissera personne remettre en cause l’Accord de Paris sur le climat. » L’intention est bonne, mais le ton présomptueux : qu’on le veuille ou non, de lourdes menaces pèsent sur l’avenir de la COP21.
Je pense, bien sûr, à l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis et, dans son prolongement, à la nomination d’un climato-sceptique, M. Scott Pruitt, à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement. Mais l’entrée en fonctions d’un nouveau président américain n’est pas le seul fait posant problème. En effet, jamais dans l’histoire contemporaine – en tous cas depuis l’accord de Kyoto en 1997 – les théories climato-sceptiques n’avaient reçu un tel écho dans l’opinion. C’est également vrai dans notre pays. Monsieur le secrétaire d’État, vous devriez par conséquent manier avec précaution les résultats des enquêtes d’opinion que vous avez citées tout à l’heure.
Face à cette situation, il est indispensable d’affirmer haut et fort que les actions visant à lutter contre le réchauffement climatique ne doivent pas se faire aux dépens de l’économie ou de la collectivité dans son ensemble. Comment faire pour que le plus grand nombre ne voie pas une punition dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais une aubaine pour innover et pour garantir le mieux-être ?
Monsieur le député, puisque vous souhaitez obtenir des preuves d’amour, le Gouvernement va essayer de vous en donner.
Sourires.
Il souhaite d’abord rappeler certains propos qui ont été tenus au sein de votre famille politique après le succès incontestable, et d’ailleurs incontesté, du Grenelle de l’environnement.
Le Président de la République de l’époque avait en effet lui-même remis en cause la priorité environnementale, en tenant des propos que je cite de mémoire : « L’environnement, ça commence à bien faire. » Telle a été la première étape.
La deuxième, plus récente, a consisté à dire – en allant quasiment sur le terrain climato-sceptique de Donald Trump – que tous ces sujets environnementaux n’avaient aucune signification. Lors d’un débat en vue de la primaire de la droite et du centre, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet s’était d’ailleurs montrée surprise de cette volte-face, qui tournait le dos à l’avenir.
En effet, s’il existe une cause d’avenir pour notre génération, c’est bien celle de l’environnement. Certes, il faut l’embrasser de manière intelligente et utile, en optant pour une écologie de terrain compatible avec l’activité économique.
Mais lorsqu’on entend tous les propos qui viennent d’être tenus au cours de ce débat, lorsqu’on voit la très forte mobilisation, pour le succès de la COP21 et de l’Accord de Paris, de la société civile ou des entreprises, que nous n’avons eu de cesse d’associer à cette démarche – parce qu’elles ont engagé leur transition vers la croissance verte et qu’elles sont en train d’inventer de nouvelles manière de travailler et de produire, respectueuses de l’environnement –, lorsqu’on voit ce qui se passe au sein de notre agriculture, qui devient de plus en plus durable et respectueuse de l’environnement, on comprend qu’il s’agit de mutations de fond, qui répondent aux attentes des consommateurs et des citoyens, et qui relèvent un défi d’avenir.
Pour les responsables publics, l’enjeu est d’accompagner une telle mutation et de créer un cadre qui lui soit favorable. La ratification de l’Accord de Paris par 123 États en est un signe incontestable.
Il faut par conséquent maintenir la pression, y compris dans le contexte préoccupant de climato-scepticisme outre-Atlantique.
Nous devons également associer les entreprises, la société civile et tous les niveaux de terrain à ce défi, pour qu’il soit relevé dans la réalité des faits.
La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le secrétaire d’État, la place des outre-mer ne doit pas être négligée dans les négociations dont nous débattons.
J’ai vécu la COP21 comme la COP22 : elles nous ont donné l’occasion de mesurer l’ampleur de l’enjeu et la difficulté d’y répondre. Il faut le reconnaître, l’Accord de Paris est historique et salutaire : peut-être s’en rend-on un peu mieux compte dans nos territoires que dans les grandes villes, où ce changement est encore difficilement perceptible. Dans les zones rurales de l’Hexagone ou ailleurs, dans les zones continentales comme dans les milieux insulaires, la proximité avec la nature fait qu’on est très au fait de ces évolutions.
Lorsque j’évoque la place des pays et territoires d’outre-mer, je pose la question de leur reconnaissance : ils ne sont pas que des régions ultra-périphériques et doivent faire face à de véritables enjeux. Ils se heurtent notamment à des blocages juridiques qui les empêchent d’accéder aux fonds dont nous avons parlé. Or, on le sait, la lutte contre le réchauffement climatique peut se résumer à deux volets : l’atténuation et l’adaptation.
En matière d’atténuation, je n’évoquerais que la Polynésie française. Avec 40 % de production électrique à partir d’énergies renouvelables, avec l’adoption du plan climat-énergie et nos objectifs à 2030, nous sommes de bons élèves. Nous avons, en outre, volontairement adhéré à l’Accord de Paris.
En matière d’adaptation, je veux que vous compreniez que le temps que mettent tous les grands pays, dont le nôtre, à s’accorder et à lancer la machine, est trop long pour nos territoires. Même si nous réussissons à contenir un jour la hausse de la température en dessous de 2 ° C, le réchauffement climatique aura des conséquences immédiates. Elle se font d’ores et déjà sentir, et, à terme, pénalisent et menacent nos territoires.
Nos atolls sont des îles plates, qui ne comportent pas de montagnes : avec l’intensification des cyclones, nous voyons déferler sur nos rivages des vagues de cinq à dix mètres de hauteur ! Il serait salutaire que nous puissions construire des abris de survie. Monsieur le secrétaire d’État, je vous plonge les mains dans le cambouis, pour que vous preniez conscience de la réalité des budgets d’adaptation.
Nous en avons besoin, car, étant donné la taille de nos collectivités et l’étroitesse de notre marché, nous n’avons pas les moyens de lutter seuls contre le réchauffement climatique et de mettre en place les stratégies idoines.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous interpelle donc sur les budgets d’adaptation ainsi que sur la question du carbone bleu dont nous avons beaucoup parlé à Marrakech.
Madame la députée, votre question nous permet de conclure notre débat sur la question centrale des territoires d’outre-mer. Ceux-ci sont à la fois totalement pris en compte et impliqués dans la lutte contre le réchauffement. Vous le savez, ils l’ont été dans le cadre de la préparation comme dans les réalisations issues de l’Accord de Paris.
Vous l’avez rappelé, ils sont en effet particulièrement concernés par la question, à la fois par leur vulnérabilité aux effets du changement climatique, et par leur position privilégiée, qui constitue un atout majeur pour la coopération régionale avec nos partenaires internationaux.
Par leur richesse naturelle et culturelle, les territoires français d’outre-mer constituent en effet des pôles d’excellence qui ont vocation à devenir des pionniers de la mutation écologique. Dans le respect de leurs compétences, il leur revient désormais de décider et de mettre en oeuvre les actions de lutte contre le changement climatique. Le Gouvernement se tient à leur totale disposition pour les accompagner dans ces travaux. Les schémas pour la transition énergétique en cours de développement par ces territoires sont une contribution précieuse pour atteindre l’objectif global de réduction des émissions de la France.
Madame la députée, nous savons le rôle crucial que joue l’océan dans la régulation du climat. Il est impératif de maintenir sa résilience. Cela passe par des mesures d’atténuation – limitation des émissions de gaz à effet de serre, y compris dans les secteurs maritimes, développement des énergies marines renouvelables – mais aussi par des politiques d’adaptation – gestion du littoral, protection de la biodiversité, lutte contre la pollution des milieux marins.
L’Accord de Paris est le premier à inscrire la question de l’océan dans les négociations climatiques. L’océan apparaît dans le préambule du texte, ce qui indique une prise de conscience mondiale de son rôle fondamental dans l’équilibre climatique. Au cours de la COP21 puis de la COP22, de nombreux événements ont été consacrés à cette thématique. Son inscription dans l’Agenda de l’action a permis la mobilisation de la communauté internationale. Tout cela n’aurait pas été possible sans l’intense travail de plaidoyer de la plateforme Océan et Climat, qui regroupe organismes scientifiques et ONG, ni sans la très forte mobilisation des autorités politiques.
La France, à travers la présidence de la COP21, a pris toute sa part dans cette mobilisation, qui se poursuit, avec plusieurs étapes importantes attendues, je les mentionnerai rapidement.
D’abord, la France a soutenu la demande d’un rapport spécial du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, sur les interactions entre océans et climat, attendu pour 2019. L’Assemblée générale des Nations unies s’est elle aussi saisie du sujet : une conférence se tiendra au mois de juin 2017 à New York.
Ségolène Royal a lancé en septembre 2016, lors de la conférence Our Ocean, une coalition internationale afin de réduire la pollution marine par les sacs en plastique, coalition qui a été rapidement rejointe par un grand nombre de pays.
La France soutient de nombreuses autres initiatives, relatives aux petites îles, au risque côtier en Afrique de l’Ouest ou encore à l’accélération de la dépollution de la Méditerranée.
Enfin, à travers l’Initiative internationale pour les récifs coralliens, dont elle assure actuellement le secrétariat, la France promeut des objectifs ambitieux de protection des coraux et des mangroves à l’échelle mondiale. Sous l’impulsion française, cette initiative a notamment acté, lors de sa dernière assemblée générale, la création d’un groupe de travail sur le changement climatique.
Voilà quelques éléments de réponse sur cette question essentielle, madame la députée.
Le débat sur les négociations internationales relatives au changement climatique est clos.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.
L’ordre du jour appelle le débat sur le rapport de la commission d’enquête sur la fibromyalgie.
La Conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses. Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.
La parole est à M. Patrice Carvalho.
Sans vouloir remettre en cause vos qualités et vos compétences, madame la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie, je voudrais tout d’abord regretter que la ministre des affaires sociales et de la santé n’assiste pas à ce débat ; je l’ai vue toute la journée à l’Assemblée, et voilà qu’elle disparaît au moment où l’on parle d’un sujet qui la concerne directement et qui touche 2 millions de personnes !
Il y a en effet des sujets d’actualité – mais si ce sont les élections, elle serait mieux avec nous !
Ce débat, que nous avons souhaité, mon groupe parlementaire et moi-même, s’inscrit dans le prolongement des travaux de la commission d’enquête dont j’ai été l’initiateur et le rapporteur. Cette commission d’enquête avait été constituée le 24 mai 2016 et son rapport a été adopté, à l’unanimité de ses membres, le 12 octobre dernier. À l’issue de ses travaux, je crois pouvoir dire que la fibromyalgie est devenue une question de santé publique majeure, exigeant des mesures de reconnaissance et de prise en charge des patients qui ne peuvent plus être différées.
La commission d’enquête avait pour vocation non pas de se substituer aux médecins et aux chercheurs – que nous avons auditionnés – mais de mettre en évidence les insuffisances de notre système de santé dans le traitement de cette souffrance et de formuler des propositions susceptibles de répondre au calvaire vécu par un grand nombre de patients.
Le Pr Serge Perrot nous a donné une définition de la fibromyalgie : « une perturbation de la modulation des voies de la douleur, système complexe : le cerveau, hypersensible à toutes les stimulations, ne parvient pas à inhiber la douleur, qui se diffuse ». Les causes de ces dérèglements restent l’objet de débats et d’études mais la réalité est là : entre 1,5 et 2 millions de nos concitoyens sont atteints et, de ce fait, confrontés à un état douloureux musculaire chronique, une fatigue continue et une souffrance psychologique, avec des nuits noires. Les formes et les degrés de la pathologie sont variables, allant de la simple gêne à un handicap invalidant, avec des impacts lourds sur la vie quotidienne, sociale, professionnelle et personnelle.
Dans le cadre de la commission d’enquête, j’avais mis en ligne un questionnaire destiné à recueillir les témoignages des patients – nous ne pouvions pas auditionner tout le monde – et 570 réponses me sont parvenues. Ces témoignages sont souvent terribles : ils attestent de l’intensité de la douleur endurée, de la non-reconnaissance du mal, de l’errance médicale, de l’absence de traitement adapté, de l’insuffisance de la prise en charge.
Madame la secrétaire d’État, je vous le dis comme je le pense et sans esprit polémique : sur ce sujet, la France n’est pas à la hauteur de ce que l’on attend d’elle en matière de santé publique et de protection sociale. L’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a reconnu, en 1992, la fibromyalgie comme maladie rhumatismale, puis elle l’a considérée, en 2006, comme une maladie indépendante et lui a accordé un code spécifique, M79.7, dans la classification internationale des maladies. À la suite de l’OMS, plusieurs pays ont reconnu cette pathologie : par exemple la Belgique, qui l’a classée en 2011 parmi les maladies handicapantes, ou encore le Portugal ; ce n’est toujours pas le cas de la France.
Cette situation a des conséquences pour les malades, qui ne savent pas vers quel médecin se tourner : rhumatologue, psychologue, neurologue ? Le temps qui s’écoule entre la manifestation des premiers symptômes et le diagnostic final est en moyenne de six ans, six longues années sans que le patient sache de quoi il est atteint et sans qu’il ait aucune perspective. Dès lors, la solitude s’installe et les maux du corps envahissent l’esprit, ajoutant aux douleurs physiques des symptômes dépressifs ; certains malades se suicident.
En ce qui concerne les traitements, les prescriptions tendent à essayer d’endiguer les symptômes par le recours à des antidouleurs, des antidépresseurs, des antiépileptiques, accompagnés souvent d’effets secondaires qui complètent les douleurs initiales sans les supprimer. D’autres thérapies, non médicamenteuses, sont pratiquées : la kinésithérapie, la balnéothérapie, la psychothérapie, la relaxation, l’acupuncture, etc.
Le corps médical est, par ailleurs, peu formé à ce type de maladie chronique. Certains praticiens sont encore sceptiques sur la nature de la fibromyalgie ; ils la considèrent comme une maladie psychologique ou psychosomatique.
À cela s’ajoutent des rapports conflictuels avec les administrations – caisses primaires d’assurance maladie, maisons départementales des personnes handicapées, médecins du travail –, dès lors que les diagnostics sont établis par défaut de reconnaissance d’autres pathologies et que la Sécurité sociale ne reconnaît pas la fibromyalgie comme maladie. Il en résulte la non-reconnaissance de l’invalidité provoquée par cette maladie, la non-prise en charge des patients au titre d’une affection de longue durée – en l’espèce, l’ALD 31, pour les fibromyalgies non accompagnées d’autres maladies – et la rupture du versement des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie prolongé.
La France n’est pourtant pas démunie dans la réflexion sur le sujet. L’Académie nationale de médecine, en janvier 2007, a rendu un rapport dans les conclusions duquel on pouvait lire : « Un large consensus existe cependant aujourd’hui pour considérer que […] le syndrome fibromyalgique est une réalité clinique qu’il faut admettre comme autonome ». Dans le prolongement de ces travaux, la Haute autorité de santé, saisie par le ministère de la santé, a rendu, en janvier 2010, un rapport d’orientation qui concluait : « Même si des controverses subsistent au sein même du monde médical […], une prise en charge doit être accessible aux patients. » À présent, l’INSERM – l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – est chargé de réaliser une vaste étude sur le sujet. Nous avons auditionné son président-directeur général et ses responsables de l’expertise collective : il nous a été indiqué que l’INSERM produira une analyse exhaustive de la situation et formulera des recommandations mais que celles-ci ne seront publiées qu’au début de l’année 2018.
Les patients ne peuvent plus attendre. Notre commission d’enquête a formulé vingt préconisations, dont quelques-unes pourraient être mises en oeuvre immédiatement. J’appelle donc votre attention sur quatre d’entre elles.
La proposition no 5 suggère de diffuser les tests de diagnostic existants – le Pr Perrot les a évoqués – auprès des médecins généralistes, via le site ameli de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, et les logiciels d’aide à la prescription. Cela permettrait d’effectuer des diagnostics plus rapides, sur la base d’une meilleure connaissance par les praticiens généralistes, et ainsi d’éviter l’errance médicale – il faut savoir, madame la secrétaire d’État, que certains médecins ne savent même pas ce qu’est la fibromyalgie.
La proposition n° 6, qui complète la précédente, invite à diffuser l’annuaire national qui recense les structures d’étude et de traitement de la douleur chronique – SDC – sur le territoire et de faire connaître aux médecins les expériences conduites avec succès dans un certain nombre de centres dédiés.
La proposition n° 13 a pour objet la mise en place d’un parcours de soins et de prise en charge de la douleur, notamment pour les patients atteints de fibromyalgie, sur la base d’un référentiel élaboré par la Haute autorité de santé. De ce point de vue, madame la secrétaire d’État, je rappelle que nous avons voté un amendement au PLFSS pour 2017 afin d’autoriser l’État à financer, via le fonds d’intervention régional, des parcours de soins adaptés aux patients concernés et un forfait de coordination pour leur médecin traitant. Vous nous direz où nous en sommes dans la mise en oeuvre de cette disposition.
Enfin, la proposition no 17 vise à assurer l’égalité de traitement des patients fibromyalgiques sur l’ensemble du territoire et à leur permettre d’accéder, sur la base d’un diagnostic clairement établi, au régime de l’ALD, par la diffusion de recommandations de prise en charge de la Haute autorité de santé auprès des médecins-conseils de la CNAM.
Voilà, madame la secrétaire d’État, ce que je souhaitais dire en introduction à notre discussion. De premières mesures rapides et concrètes peuvent être prises. Les patients en souffrance les attendent. La France et ce gouvernement s’honoreraient de leur apporter les premières réponses d’urgence qui s’imposent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la secrétaire d’État, merci de votre présence sur nos bancs, cette après-midi, pour ce débat consacré à un sujet que vous connaissez bien.
Mes chers collègues, la commission d’enquête sur la fibromyalgie a été créée par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale, le 10 mai 2016, après un avis unanime de la commission des affaires sociales, réunie le 4 mai de la même année. Elle a travaillé sous la présidence de notre collègue Sylviane Bulteau et sous l’autorité du rapporteur Patrice Carvalho, qui est à l’origine de nos travaux. Tous deux se sont beaucoup investis, pendant de nombreux mois, sur ce sujet.
Les vingt auditions de la commission d’enquête ont permis d’entendre des soignants – médecins et professionnels paramédicaux –, des associations et des institutions. Plusieurs rencontres décentralisées, en particulier à l’hôpital Cochin, ont également été très précieuses : les tables rondes qui s’y sont tenues ont été fécondes en informations.
Cela dit, les conclusions de la commission d’enquête sont strictement l’oeuvre de parlementaires et non des médecins ou des professionnels paramédicaux que sont certains d’entre eux hors de notre enceinte.
Sourires.
Parallèlement, notre collègue Patrice Carvalho a mis en ligne un questionnaire, auquel ont répondu 570 personnes fibromyalgiques, qu’il convient de remercier hautement pour leur contribution très précieuse.
Il est apparu indispensable, aux yeux de tous, de changer le regard sur cette pathologie et de pallier les insuffisances significatives et regrettables de notre système de santé – M. Carvalho vient de le rappeler – dans le traitement de cette affection douloureuse à plus d’un titre.
En effet, le syndrome fibromyalgique reste encore sujet à de nombreux débats et à des errances de diagnostic. Sa prévalence reste imprécise puisqu’il frappe de 1,6 à 5 % de la population adulte selon les sources, mais avec une dominante toujours féminine. Il peut aussi toucher des enfants. Aux termes du rapport du 16 janvier 2007 de l’Académie nationale de médecine, il s’agit d’« une réalité clinique […] autonome, une fois éliminées les autres affections qui peuvent révéler un syndrome douloureux chronique ».
Cela me permet d’affirmer à cette tribune, modestement, que la fibromyalgie est bien une pathologie au sens médical du terme, et pas seulement un faisceau de symptômes. Le diagnostic de cette pathologie, bien que tardif, est maintenant établi beaucoup plus vite qu’auparavant, ce qui permet de diminuer le risque de syndrome dépressif réactionnel, secondaire, comme le soulignait le Pr Daniel Bontoux lors de son audition.
Voici pourquoi, mes chers collègues, la première des vingt propositions que nous avons formulées est fondamentale : substituer le mot « maladie » au mot « syndrome » dans la terminologie officielle.
Les propositions suivantes, au nombre de dix-neuf, visent toutes à beaucoup mieux répondre à la grande détresse affective, psychologique, sociale ou financière générée par cette maladie fréquente, à travers les grands axes suivants : accentuer l’effort de recherche ; améliorer la formation des praticiens dans le domaine de la douleur en général et de la fibromyalgie en particulier, grâce à la diffusion, par exemple, des tests diagnostiques aux praticiens – notamment aux généralistes – et à la réactivation du quatrième programme national de lutte contre la douleur ; placer le médecin généraliste au coeur du dispositif de soins coordonnés, sur la base d’un référentiel de bonnes pratiques ; revoir la tarification des actes dispensés pour tenir compte de la difficulté et de la durée des consultations complexes ; assurer un égal accès des patients aux traitements dès lors, réalité choquante, que la reconnaissance des ALD varie aujourd’hui de 20 à 70 % selon les départements et les années.
La même attitude guide la proposition n° 18, qui assurera l’égalité des patients fibromyalgiques dans leurs demandes auprès des maisons départementales des personnes handicapées.
Enfin, les deux dernières propositions permettent de définir concrètement l’application des mesures que nous préconisons relativement à la prise en charge de la maladie fibromyalgique, mesures attendues par des millions de Françaises et de Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’essayiste Amos Oz affirme : « La souffrance est une île de certitude dans un océan d’incertitude. » Cette proposition, me semble-t-il, situe bien le débat qui nous retient aujourd’hui car elle décrit avec des mots justes ce que ressentent et portent en eux nos compatriotes atteints de fibromyalgie : la certitude des souffrances endurées, avec leurs lots d’invalidités et de handicaps ; l’île, ce sentiment cruel d’être isolé ; l’incertitude, celle de la science, de l’administration, du soignant, des proches et du lendemain dont on ne sait que trop bien de quoi il sera fait, celle liée à la non-reconnaissance d’un mal pourtant douloureusement exprimé dans la chair et qui empêche ceux qui en souffrent de vivre une vie comme tout le monde ; l’absence de reconnaissance, donc de prise en charge.
Or « il suffit d’une rage de dents pour voir à quel point la souffrance est inutile, insupportable, destructrice ». Ce que souffrent les personnes atteintes de fibromyalgie ne s’apparente bien entendu pas à une rage de dents : leur souffrance est bien insupportable et terriblement destructrice. Insupportable et destructrice : ces qualificatifs ont accompagné tous les témoignages recueillis au cours des auditions de la commission d’enquête ou lors de nos rencontres sur le terrain ; car aussitôt qu’il est porté à la connaissance de l’opinion qu’un parlementaire s’intéresse à une question, les témoignages affluent en nombre vers lui.
Ce soir, après trente-six auditions conduites par la commission d’enquête, dont je veux saluer ici le travail, il nous appartient de prendre des mesures susceptibles de satisfaire les attentes des patients mais aussi des professionnels de santé. Pour les premiers, il s’agira d’une reconnaissance au plan médical et, à travers elle, du déclenchement d’un nouveau regard et d’une attention renouvelée de la société, mais aussi d’une prise en charge effective. Pour les seconds, il s’agira de la mise en place d’un cadre légal et institutionnel propice à la recherche scientifique, aux actions d’information et de formation.
Malgré la reconnaissance par l’OMS de la fibromyalgie, depuis 1992, comme une maladie, celle-ci demeure, chez nous, un syndrome. Maladie ou syndrome : le débat sémantique révèle notre difficulté à appréhender ce mal et, partant, à accompagner ceux qui en souffrent. Or si, comme certains le prétendent, « toute conviction est une maladie », l’absence de qualification crée, quant à elle, une indétermination qui empêche d’emporter une conviction totale et absolue.
Cette indétermination a fini par créer, au fur et à mesure de nos auditions, une sorte de malaise chez les parlementaires, confrontés à des personnes souffrant d’un mal qui n’est pas une maladie et qui touche tout de même près 2 millions de Français, 14 millions d’Européens et 2,2 % de la population mondiale. D’ailleurs, tant le terme « syndrome » nous semblait en dessous de la réalité vécue par nos interlocuteurs, nous avons eu tendance à ne plus qualifier le mal du tout, tout en continuant à marquer une certaine prudence au regard de la science. L’exercice, dès lors qu’il est difficile de nommer l’objet ou le sujet propre de l’enquête, devient particulièrement singulier. Si « la maladie est une réponse, une pauvre réponse que l’on invente à une souffrance », le syndrome, lui, n’apporte aucune réponse et laisse le patient à sa souffrance.
La fibromyalgie est une maladie à évolution chronique. Elle doit donc être traitée de manière globale et systémique, d’autant que certains des maux qu’elle provoque – notamment la douleur, la raideur et la fatigue – limitent parfois considérablement les capacités fonctionnelles dans les activités quotidiennes.
Outre le vote d’une proposition de loi, il conviendrait, à mon sens, de solliciter auprès de l’INRS – l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles – une expertise collective afin de faire le point sur les connaissances scientifiques relatives à la fibromyalgie, en y incluant le plus largement possible les données sur la prévalence, le diagnostic, la physiopathologie et la prise en charge.
Ce soir, il nous est possible de prendre en charge de manière adaptée la fibromyalgie en la classant parmi les affections de longue durée exonératoires. Cette classification permettra en outre d’éviter les inégalités de traitement observées sur le territoire national.
Mes chers collègues, « chaque douleur est une mémoire ». Les fibromyalgiques portent la mémoire de leurs souffrances, doublée de la mémoire d’une non-reconnaissance engendrant injustice et sentiment d’abandon. Cette double mémoire constitue en fait une double peine que les patients subissent sur cette terrible « île de certitude » abandonnée au milieu d’un « océand’incertitude ».
C’est ce que vit Virginie, une assistante maternelle dont je veux ici rapporter le témoignage : « La fibromyalgie m’épuise un peu plus chaque jour. La douleur me tient éveillée une grande partie de la nuit et je dois travailler en étant douloureuse et très fatiguée. Il n’y a aucune reconnaissance, ni de nos entourages, qui nous prennent pour des fous et des fainéants, ni de la Sécurité sociale. Depuis septembre, j’ai été contrainte de diviser par deux mon temps de travail et donc mon salaire. Je suis cependant dans l’obligation d’avancer tous mes frais médicaux et de jongler avec mes dépenses de tous les jours. »
Ce soir, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne demandons pas des oranges aux pommiers. Nous devons donner foi aux certitudes et lever les incertitudes. C’est en tout cas ce que je souhaite avant tout, en ce début d’année nouvelle, à toutes celles et à tous ceux qui attendent que justice leur soit enfin rendue.
Applaudissements sur sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, il était important que l’Assemblée nationale dresse un état des lieux aussi précis que possible des connaissances dont nous disposons sur la fibromyalgie. Cette pathologie est en effet mal connue et mal prise en charge, et les personnes qui en souffrent doivent non seulement en affronter les symptômes, mais aussi se battre pour être reconnues en tant que malades. Les chiffres des personnes atteintes sont eux-mêmes flous : on évoque 600 000, 680 000, voire 2 millions de personnes concernées. D’où l’importance, disais-je, d’un tel état des lieux. Aussi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants a-t-il approuvé la création de la commission d’enquête sur la fibromyalgie. Mon collègue François Rochebloine, lui aussi particulièrement sensibilisé au sujet, s’associe à moi, cette après-midi, pour souligner la qualité du travail qui a pu être mené pendant plusieurs mois au sein de cette commission d’enquête.
Le groupe UDI soutient notamment la proposition no 1 du rapport issu de ses travaux, laquelle vise à substituer le mot « maladie » au mot « syndrome », afin de mettre enfin la France en harmonie avec l’Organisation mondiale de la santé, qui considère la fibromyalgie comme une maladie indépendante depuis 2006.
Je l’ai souligné en introduction, la maladie reste encore largement méconnue. Il apparaît donc indispensable, au regard de la prévalence de cette pathologie et des connaissances insuffisantes à son sujet, que tous les efforts soient déployés en matière de recherche et de prise en charge.
Par ailleurs, la prise en charge de la fibromyalgie devrait pouvoir s’inscrire dans le cadre d’un parcours de soins. En effet, trop de médecins, qui ne sont toujours pas persuadés de l’existence de ce syndrome pourtant réel, restent « fibrosceptiques ». La fibromyalgie est une maladie qui ne se voit pas, et beaucoup de malades se sont malheureusement entendu dire que le mal était peut-être dans leur tête.
La nouvelle organisation des soins, consécutive à la loi de modernisation de notre système de santé, devrait comporter un volet consacré à la fibromyalgie. Cette réorganisation implique également une nécessaire prise de conscience des médecins, en particulier des généralistes, ainsi qu’un investissement des associations agréées qui représentent les patients fibromyalgiques au sein des structures de concertation de santé, dans leur déclinaison territoriale et locale. J’aimerais d’ailleurs souligner et saluer le rôle central des associations de malades, aux niveaux national, régional et départemental.
Toujours dans le sens d’une meilleure prise en charge de la maladie, nous soutenons la proposition qui vise à encourager les initiatives en faveur d’une meilleure coordination entre la médecine de ville et les structures spécialisées dans la lutte contre la douleur. De façon plus générale, ces coordinations doivent permettre d’éviter les problèmes d’errance médicale des patients – certains évoquent même leur « nomadisme médical » avant d’avoir su de quoi ils souffraient.
Par ailleurs, les auditions et divers échanges avec des personnes malades ou des associations ont mis en lumière les inégalités de prise en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie ou la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Actuellement, la prise en charge de cette pathologie se fait au cas par cas, de manière très inégale entre les départements. C’est pourtant une maladie chronique, invalidante et pénalisante pour la vie quotidienne des personnes atteintes. S’agissant de la prise en charge sociale et institutionnelle, les malades, connaissant souvent mal leurs droits, notamment concernant le handicap, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et de l’invalidité, attendent un état très avancé de la maladie pour les faire valoir. S’agissant de la prise en charge médicale, plusieurs dispositifs permettent d’aider les patients à faire face aux conséquences financières les plus sévères de la fibromyalgie. Toutefois, le reste à charge demeure très important et l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire n’est pas assurée.
C’est pour ces raisons que j’ai accepté de cosigner la proposition de loi de mes collègues Jean-Pierre Decool et Arnaud Viala, faisant suite aux travaux de la commission d’enquête et visant à améliorer la prise en charge de la fibromyalgie au titre d’affection de longue durée. Nous espérons que le Gouvernement soutiendra cette proposition de loi, laquelle devrait permettre une intervention de la Haute autorité de santé, afin de garantir que les cas sévères et coûteux en soins soient pris en charge de manière homogène sur tout le territoire national.
La commission d’enquête sur la fibromyalgie a permis de définir le dispositif qui permettrait de mieux accompagner les personnes atteintes par cette maladie. Ses propositions, à mon sens, peuvent constituer la base d’un véritable plan fibromyalgie, grâce auquel notre pays pourrait progresser de façon significative dans la connaissance de la maladie et l’accompagnement des personnes qui en sont atteintes.
Le groupe UDI souhaite donc que ces préconisations et propositions puissent être mises en oeuvre afin d’améliorer la qualité de vie au quotidien des personnes concernées.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous occupe cette après-midi porte sur le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur la fibromyalgie. La commission des affaires sociales a en effet approuvé à l’unanimité la création de cette commission d’enquête en mai 2016, puis approuvé son rapport le 12 octobre dernier.
La fibromyalgie, bien que reconnue par l’OMS depuis 1992, est effectivement mal connue. Ce syndrome, caractérisé par des douleurs diffuses, associées notamment à une grande fatigue et à des troubles du sommeil, n’a pas d’étiologie connue et n’est pas considéré comme une maladie. La fibromyalgie touche entre 1,5 et 2 millions de personnes dans notre pays, essentiellement des femmes, qui représentent 75 à 90 % des cas. Enfin, il est à noter que, ne figurant pas dans la liste des trente affections de longue durée, elle n’est pas prise en compte par les caisses d’assurance maladie de manière homogène sur notre territoire.
Alors que le syndrome fibromyalgique n’est pas enseigné au cours des études de médecine, on peut aujourd’hui affirmer que c’est fort probablement l’une des affections qui a suscité le plus de controverses et de polémiques. Certains scientifiques ont même pu estimer que les troubles évoqués par les patients n’étaient que l’expression d’un mal-être psychologique et social. Heureusement, un nombre croissant d’experts tente de comprendre ce syndrome encore mystérieux, puisque les patients présentent des douleurs sans aucune organicité.
À ce titre, s’il est essentiel de poser un diagnostic et de prendre spécifiquement en charge cette algie, qui s’exprime de manière très différente suivant les personnes atteintes, il importe également de prendre en compte l’appréhension de la douleur vécue par les patients et leur errance diagnostique, durant de nombreuses années. En tant que présidente du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur les maladies orphelines, je mesure vraiment l’importance de ce facteur pour les patients. En effet, trop souvent, des maladies ou des syndromes génèrent des douleurs pour les patients, qui attendent du corps médical des explications quant à leurs origines. C’est le diagnostic posé qui permet enfin aux patients de se sentir non seulement écoutés et compris mais également pris en charge.
La commission d’enquête a donc rendu son rapport en octobre. Alors que j’invoquais, en mai, la nécessité de reconnaître et de prendre en charge les patients qui souffrent de ces algies, les propositions émanant du rapport de la commission d’enquête vont dans ce sens.
Ainsi, les propositions de renforcer l’effort de recherche sur la fibromyalgie nous semblent tout à fait pertinentes. Les progrès que nous pourrons faire dans ce domaine représenteront une avancée pour énormément de Français – 1,5 à 2 millions de personnes, je le rappelle.
Les propositions de formation des personnels de santé sont évidemment complémentaires avec les propositions portant sur l’effort de recherche. Le groupe des radicaux de gauche et apparentés les soutient, puisque ces recherches nous permettront justement d’aboutir à une explication médicale plus claire et mieux définie.
Quant aux propositions instituant un parcours de soins, elles pourront pleinement prendre sens et être effectives, en reconnaissant la fibromyalgie comme une maladie, non comme un syndrome.
La proposition no 20 était attendue : elle vise à saisir la Haute autorité de santé de la définition d’un panier de soins complémentaires, adaptés aux patients fibromyalgiques et faisant l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie, éventuellement de manière forfaitaire.
Le groupe des radicaux de gauche et apparentés remercie M. Carvalho d’avoir mis à l’ordre du jour de nos débats ce problème de santé publique, qui, bien que mal connu, touche un nombre important de nos concitoyennes et concitoyens. La commission d’enquête a eu le mérite de mener une réflexion beaucoup plus large sur le sujet.
Il reviendra aux scientifiques d’approfondir les recherches sur cette maladie, en menant leurs investigations sur les causes, les origines et les possibilités thérapeutiques adéquates.
Enfin, il faudra apporter aux patients souffrant de fibromyalgie l’espoir de recevoir des réponses qui leur permettent de mieux appréhender leur avenir, tout en reconnaissant la fibromyalgie comme une maladie, non comme un syndrome, et en l’inscrivant sur la liste des affections de longue durée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord d’excuser Marisol Touraine, dont M. Carvalho a souligné l’absence : la ministre se trouve actuellement aux urgences de l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne, pour faire le point sur l’accueil et la prise en charge des patients durant l’épidémie de grippe, et pour apporter le soutien du gouvernement aux personnels, très sollicités en ce moment.
Je voudrais commencer par remercier les membres de la commission d’enquête, particulièrement sa présidente, Sylviane Bulteau, et son rapporteur, Patrice Carvalho, pour la qualité de leur travail, des auditions menées et des propositions formulées pour mieux accompagner et mieux traiter les personnes souffrant de fibromyalgie dans notre pays.
Avant toute chose, j’aimerais faire le point sur l’état de nos connaissances sur ce syndrome au diagnostic complexe et aux causes encore inconnues, pour donner un cadre à notre débat.
Si leur nombre n’est pas connu avec précision, ni en France ni dans le reste du monde, nous savons que de nombreuses personnes souffrent de fibromyalgie. Les seules données disponibles estimaient à environ 600 000 et 680 000 le nombre de personnes touchées, respectivement en 1998 et 2006, ce chiffre étant plutôt stable sur presque dix ans, en France. Néanmoins, on estime que 2 à 5 % de la population pourrait être touchée par ce syndrome.
J’en viens à la question principale : que recouvre le syndrome fibromyalgique ? À ce jour, nous savons uniquement qu’il s’agit d’un ensemble de symptômes, dont le principal est une douleur chronique, majorée par les efforts, s’accompagnant de fatigue, de perturbations du sommeil et de troubles anxio-dépressifs. Au-delà de cette définition, nous ne connaissons par les causes du syndrome. Le diagnostic est posé devant la persistance des symptômes et l’absence d’autre maladie identifiée, d’anomalie biologique ou radiologique. À ce jour, il n’existe ni traitement spécifique, en particulier médicamenteux, ni prise en charge bien établie.
De nombreuses questions persistent : quelle définition précise donner à la fibromyalgie ? quels en sont les critères diagnostiques ? Face à ces questions sans réponse, mesdames et messieurs les députés, vous comprendrez que l’enjeu, aujourd’hui, est avant tout de mieux comprendre et de mieux préciser les causes et les conséquences de la maladie.
C’est pour répondre à ces questions que l’INSERM travaille actuellement à une expertise collective, financée par la direction générale de la santé, dont les résultats sont prévus pour le second semestre 2017. Ces travaux permettront de faire le point sur les données de prévalence, de compléter l’état des lieux des connaissances cliniques – portant tant sur le diagnostic que sur la prise en charge – et épidémiologiques. Cette expertise sera réalisée autour de cinq axes principaux : les enjeux sociétaux, économiques et individuels en France et à l’étranger ; les connaissances médicales actuelles ; la prise en charge médicale de la douleur chronique ; la physiopathologie de la douleur chronique ; la problématique spécifique en pédiatrie.
Cette grande expertise, menée par un institut renommé et des chercheurs de qualité, permettra d’améliorer les réponses apportées aux personnes qui souffrent de fibromyalgie, nous pouvons collectivement nous en réjouir. Autrement dit, à partir de nouvelles connaissances cliniques du syndrome fibromyalgique, il sera possible d’identifier les stratégies permettant de proposer un parcours de soins pour ces patients et une prise en charge adaptée, en tenant compte des retentissements de la fibromyalgie sur la vie sociale et professionnelle.
De plus, je veux vous annoncer aujourd’hui que la ministre des affaires sociales et de la santé a demandé l’inscription au programme de travail de la Haute autorité de santé de l’élaboration de recommandations relatives non seulement à la prise en charge des patients douloureux chroniques, pour une collaboration optimale entre la médecine de ville et les structures de prise en charge de la douleur, mais aussi au diagnostic et à la prise en charge médicale du syndrome fibromyalgique. Ces travaux devront prendre appui sur l’expertise conduite par l’INSERM.
L’errance des patients fibromyalgiques n’est cependant pas acceptable. C’est pourquoi le Gouvernement veut d’ores et déjà agir et apporter des réponses concrètes aux patients concernés. Le délai moyen entre le diagnostic et la prise en charge des patients atteints de fibromyalgie diminue au fil du temps – il est actuellement d’environ trois ans. Pour continuer de réduire ce délai, la sensibilisation des professionnels reste un élément majeur.
La journée mondiale de la fibromyalgie, manifestation annuelle qui a lieu le 12 mai, permet de sensibiliser les patients et les professionnels. Cette date a été choisie en hommage à Florence Nightingale : cette infirmière britannique née le 12 mai 1820, atteinte d’une forme grave de fatigue chronique, traduisant très probablement une fibromyalgie, fut à l’origine de la fondation du Comité international de la Croix-Rouge et de la première école d’infirmière.
En outre, nous savons que la relation étroite et la confiance réciproque entre le malade et le médecin sont la clé de la réussite de la prise en charge de ce syndrome. Le suivi de l’évolution des symptômes, notamment de la douleur, du retentissement sur la vie quotidienne et du maintien d’un programme personnalisé, doit être mis en place par le médecin traitant. À cet effet, celui-ci peut s’appuyer, en recours, sur les structures de prise en charge de la douleur chronique labellisées, et y recommander le patient douloureux.
C’est dans ce sens que le Gouvernement a soutenu un amendement parlementaire, lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 : l’article 94 de ce texte prévoit ainsi la mise en place, pour une durée de trois ans et à titre expérimental, de parcours de soins et de prise en charge des personnes souffrant de douleurs chroniques, financés par le fonds d’intervention régional. L’enjeu de cette expérimentation est d’élaborer un appel à projets à destination des médecins généralistes volontaires, pour coordonner le parcours de leurs patients douloureux, en relation avec les 219 SDC labellisées existantes.
Mesdames et messieurs les députés, vous le savez – les auditions menées par votre commission d’enquête l’ont montré –, une meilleure coordination des soins permettra d’améliorer la situation de nombreux malades souffrant de douleurs chroniques, dont ceux souffrant de fibromyalgie. Précisément, le cahier des charges de cette expérimentation définira les modalités du dépistage par les médecins généralistes, les modalités d’orientation vers les centres experts pour confirmation du diagnostic et la mise en place d’une prise en charge globale et multidisciplinaire. Ces projets devraient également comprendre un temps de formation des médecins généralistes ainsi qu’une rémunération spécifique des médecins pour le dépistage et la coordination du suivi.
Les résultats de cette expérimentation, qui devront être mis en perspective avec le travail de la Haute autorité de santé sur la prise en charge de la douleur chronique, feront l’objet d’un rapport, que le Gouvernement transmettra bien évidemment au Parlement.
Par ailleurs, le Gouvernement étudiera avec la plus grande attention les propositions du rapport de votre commission d’enquête. Il décidera notamment si certaines d’entre elles peuvent d’ores et déjà être mises en oeuvre, sans attendre les résultats définitifs de l’étude de l’INSERM.
Je pense notamment à la recommandation tendant à renforcer l’éducation thérapeutique du patient, ou ETP. En effet, celle-ci vise à aider les patients à gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique, en les rendant les plus autonomes possible. Le développement de programmes d’éducation thérapeutique est encouragé à travers les financements de projets en région. Des modules spécifiques, animés par des équipes pluriprofessionnelles, sont autorisés par les agences régionales de santé. Le centre d’étude et de traitement de la douleur de l’hôpital Cochin a ainsi développé un programme ETP, baptisé Fibroschool, et plusieurs établissements thermaux proposent aussi des modules concernant la fibromyalgie. Les résultats de l’expertise collective de l’INSERM permettront de clarifier la prise en charge de ce syndrome et ainsi de préciser la place de l’éducation thérapeutique dans le parcours de soins des personnes atteintes.
Mesdames et messieurs les députés, lever les zones d’ombres qui persistent sur le syndrome fibromyalgique est une priorité.
Votre commission d’enquête insistait sur la nécessité d’approfondir nos connaissances et d’accentuer notre effort de recherche. C’est précisément en ce sens que l’INSERM a été mobilisé par la ministre des affaires sociales et de la santé. Il est aujourd’hui essentiel pour nous de définir des référentiels et des recommandations de bonnes pratiques pour structurer le parcours de santé des personnes souffrant de douleurs chroniques, de coordonner leur prise en charge et de mieux orienter les patients.
C’est tout l’objet des saisines de la Haute autorité de santé, que je vous ai annoncées aujourd’hui : elle travaillera précisément à nous permettre d’améliorer la prise en charge et la coordination des soins des patients douloureux chroniques, puis, dans un second temps, le diagnostic et la prise en charge médicale de la fibromyalgie dans notre pays.
Même si M. Vincent Ledoux est parti, je souhaite apporter un éclairage sur la situation concrète qu’il a décrite : celle d’une femme atteinte de cette pathologie qui est obligée, par exemple, d’avancer des frais médicaux malgré de faibles revenus. C’est aussi pour cela que le Gouvernement s’est engagé, dans le cadre de la loi santé, en faveur de la généralisation du tiers payant. Le syndrome dont nous parlons montre également combien il est utile, dans les textes de loi, de faire avancer les droits des patients, et aussi de préserver, bien entendu, notre système de santé et de solidarité.
Les questions qui vont suivre nous permettront, j’en suis sûre, de prolonger cette discussion et d’aborder plus précisément certaines recommandations du rapport de la commission d’enquête. Place au débat !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous en venons effectivement aux questions.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la secrétaire d’État, vous venez de répondre en partie à la question que j’allais poser mais vous n’avez pas été jusqu’au bout. Comme j’ai un peu l’habitude des grandes déclarations d’intention qui ne sont pas suivies d’effets, je souhaite tout de même que vous soyez plus précise.
J’ai rappelé tout à l’heure que l’Assemblée nationale avait adopté un amendement au PLFSS concernant les patients atteints de fibromyalgie. Son application constituerait un début de réponse à la détresse de ces malades, c’est un fait. Il dispose que l’État peut autoriser, pour une durée de trois ans et à titre expérimental, le financement, par le fonds d’intervention régional, des parcours de soins adaptés aux patients concernés ainsi que d’un forfait de coordinations par leur médecin traitant. Un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités de mise en oeuvre de ces expérimentations, notamment les caractéristiques de l’appel à projets national et les conditions d’évaluation de l’expérimentation en vue d’une éventuelle généralisation. Le contenu de chaque projet doit être défini par un cahier des charges arrêté par le ministre chargée de la santé et de la Sécurité sociale. Il lui revient également d’arrêter la liste des établissements retenus pour participer à l’expérimentation.
Tout cela, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État. Mais où en est vraiment la mise en oeuvre de ce dispositif, voté il y a déjà un certain temps ? Quel calendrier suivra-t-elle ? Voilà ce que les malades attendent vraiment.
Monsieur Carvalho, je tiens à nouveau à saluer votre travail comme rapporteur de la commission d’enquête mais aussi votre engagement en faveur des personnes atteintes de fibromyalgie dans notre pays.
Nous l’avons déjà rappelé à plusieurs reprises pendant le débat de cette après-midi, ce syndrome n’a pas de causes connues, le diagnostic étant posé face à la persistance des symptômes et en l’absence d’autres maladies identifiées et d’anomalies biologiques ou radiologiques. La souffrance des personnes pour lesquelles un diagnostic de fibromyalgie est suspecté constitue une réelle problématique, sur laquelle le Gouvernement est conscient qu’il est nécessaire d’avancer.
Ce n’est pas là une simple déclaration, puisque je viens à l’instant de détailler de nombreux engagements en cours de réalisation. La prise en charge de ce syndrome a d’ailleurs fait l’objet, en 2010, d’un rapport d’orientation de la Haute autorité de santé, proposant une prise en charge coordonnée entre professionnels de santé : médecins traitants, rhumatologues, structures de prise en charge de la douleur chronique.
La prise en charge de la douleur induite par la fibromyalgie doit s’appuyer sur les structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur chronique, au même titre que tous les syndromes induisant une douleur chronique. Le dispositif national de ces structures spécialisées sera, à cet égard, renouvelé en 2017, selon un cahier des charges rénové.
L’amendement que vous avez proposé lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 visait à financer, à titre expérimental, un panier de soins forfaitaire qui pourrait couvrir des formes de traitements actuellement non remboursées par l’assurance maladie.
Nous sommes encore face à de nombreuses questions s’agissant de la définition de la fibromyalgie, des critères diagnostiques et de la compréhension de l’évolution de la maladie. C’est pourquoi il reste nécessaire d’attendre les résultats des travaux de l’INSERM et de ceux qui seront conduits par la Haute autorité de santé, afin de mettre en place des mesures spécifiques pour venir en aide à ces patients.
Compte tenu de ces incertitudes, le Gouvernement a préféré soutenir un autre amendement, que vous avez aussi déposé, prévoyant l’expérimentation d’un financement via le fonds d’investissement régional, pour la coordination assurée par le médecin traitant dans le cadre de la prise en charge des patients douloureux chroniques, dont ceux souffrant de fibromyalgie.
Je peux vous dire que nous mettons évidemment tout en oeuvre pour que le cahier des charges soit élaboré avant l’été, afin que nous puissions progresser dans l’étude de ces pathologies et ainsi encore mieux venir en aide aux patients qui en sont atteints, encore mieux les accompagner.
Nous en arrivons maintenant aux questions du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Alain Ballay.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat concerne un véritable problème de santé qui constitue aussi un véritable enfer pour les personnes qui en souffrent. Sujet de débats et source de divisions au sein de la communauté médicale, la fibromyalgie est le syndrome douloureux chronique diffus le plus fréquent de tous. Il touche principalement les femmes et concerne tout de même 2 à 3 millions de Français.
On constate que ce syndrome est encore aujourd’hui insuffisamment pris au sérieux et en compte. Les patients sont parfois stigmatisés et leur état n’est pas reconnu. Pourtant, nous savons détecter les symptômes les plus fréquents. Le problème n’est donc pas dans la connaissance de ce syndrome mais dans sa perception et son diagnostic. La fibromyalgie demeure méconnue. Le corps médical reste insuffisamment formé en la matière. C’est donc sur ce point que nous devons travailler.
Je souhaite par conséquent appeler votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la proposition no 3 de la commission d’enquête, qui préconise : « reconnaître la médecine de la douleur comme spécialité universitaire ou instituer la médecine de la douleur comme formation transverse, commune à plusieurs diplômes d’études spécialisées (DES) ». La question de la formation des professionnels de santé sur la problématique de la fibromyalgie au cours de leurs études se pose donc, les personnes que nous avons auditionnées étaient d’accord sur ce point. L’un des enjeux de notre débat est bien de mieux former ces professionnels. Il est possible d’informer davantage les structures, d’accompagner les communautés professionnelles territoriales de santé et les groupements hospitaliers de territoires. Il ne s’agit pas de spécialiser des structures mais de les informer davantage car, malgré les progrès, les médecins sont encore peu au fait de cette maladie.
Il s’agit donc de coordonner les professionnels car un seul spécialiste ne suffit pas. Généralement, les patients ne se font dépister qu’après avoir été orientés par leur médecin généraliste. D’où l’intérêt de former les professionnels de santé et de mettre le médecin généraliste au coeur du dispositif.
Voici donc ma question, madame la secrétaire d’État : comment pourrions-nous parfaire la formation sur le plan de l’identification et de la prise en charge du diagnostic ?
Monsieur le député, vous avez raison de souligner l’importance de la formation et de la sensibilisation des médecins, d’une part, aux outils de repérage de la fibromyalgie afin de permettre un diagnostic précoce et, d’autre part, aux modalités de prise en charge les plus efficaces pour soulager les patients.
Il est vrai que cette pathologie, de manière générale, est encore mal connue des professionnels de santé. De surcroît, avant l’installation de la forme complète de la fibromyalgie, il existe souvent une période de signes précurseurs très peu spécifiques : fatigue anormale, inconfort musculaire, station debout pénible, intolérance au froid, etc. La complexité de ce diagnostic explique donc en grande partie l’errance médicale des patients ainsi que les retards de prise en charge.
S’agissant de la formation initiale des médecins, je tiens à rappeler que la médecine de la douleur fait l’objet – au-delà d’une unité d’enseignement du deuxième cycle portant en partie sur cette thématique – d’un diplôme d’études spécialisées complémentaires et d’une capacité correspondant à une spécialisation en douleur et médecine palliative. Il ne s’agit pas d’un diplôme d’études spécialisées complémentaires qualifiant – à ce jour, la médecine de la douleur ne correspond pas à une spécialité inscrite au tableau de l’Ordre des médecins. Toutefois, des évolutions en faveur de la médecine de la douleur sont envisagées dans le cadre de la réforme du troisième cycle des études de médecine, qui fait l’objet de concertations avec les professionnels : l’inscription de cette spécialisation dans un cursus spécifique est notamment envisagée.
La médecine de la douleur deviendrait ainsi une formation spécialisée transversale, accessible aux étudiants inscrits dans différentes spécialités et aux médecins en exercice autorisés à poursuivre une formation de troisième cycle. Cette formation transversale leur ouvrirait droit à l’exercice complémentaire de cette spécialisation au sein de leur spécialité. La médecine de la douleur bénéficierait ainsi d’une reconnaissance par l’Ordre des médecins.
La parole est à M. Gérard Bapt, pour poser la seconde question du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est bien clair que ma question résulte grandement de la préoccupation principale du rapport de la commission d’enquête que présida avec brio notre collègue Sylviane Bulteau et dont M. Carvalho fut le rapporteur.
Dans cet énorme travail, prévaut la symptomatologie algique ou même hyperalgique que présente ce syndrome. Cet environnement douloureux chronique peut entraîner des états anxio-dépressifs chez des patients désespérant de prescriptions antalgiques efficaces.
Le consensus, sur ce point, est général : tous nos collègues, comme le permet l’approche scientifique réduite que nous avons, ont défini la fibromyalgie comme une perturbation de la modulation des voies de la douleur, particulièrement complexes. Il faut espérer que l’expertise collective de l’INSERM, dont la publication est attendue pour cette année, fera un point actuel et exhaustif des connaissances scientifiques.
Il reste que ce syndrome, ou plutôt cette maladie est particulièrement invalidante ; sur tous les bancs, nous sommes sensibles à cet aspect. L’enjeu majeur, à l’heure actuelle, est donc la prise en charge, avant tout la prise en charge de la douleur, dont la résistance chronique altère profondément la vie des patients.
Le rapport prend la douleur en considération puisque quatre des recommandations qu’il formule sont consacrées à cet enjeu : réduction des délais d’attente pour la prise en charge ; définition d’un parcours de santé structuré ; reprise du quatrième programme national de lutte contre la douleur, qui semble s’être un peu essoufflé ; élaboration de référentiels de bonne pratique élaborés par la HAS, la Haute autorité de santé.
Vous nous avez déjà largement répondu sur ces points, madame la secrétaire d’État, en indiquant notamment que l’article 94 de la loi de financement de la Sécurité sociale offrira le cadre d’une meilleure prise en charge des patients souffrant de fibromyalgie. Pourriez-vous néanmoins nous donner des précisions sur les intentions du Gouvernement au sujet de ces quatre recommandations ?
Monsieur le député, vous avez raison d’évoquer, d’une manière générale, la question de la prise en charge de la douleur, car la souffrance physique ne doit pas être une préoccupation secondaire dans la prise en charge des malades chroniques. C’est pourquoi 259 SDC ont été créées ; elles prennent actuellement en charge 210 000 patients en file active. Leur mission principale est d’appréhender la douleur chronique, avec une prise en charge reposant d’abord sur une démarche évaluative puis sur un traitement.
Ces structures ont une organisation sur deux niveaux, avec des consultations, qui ont un rôle de proximité, mais aussi des fonctions d’expertise. L’organisation pluriprofessionnelle des SDC repose sur un trinôme composé d’un médecin, d’un infirmier et d’un psychologue. Ces professionnels de santé possèdent, outre leur qualification initiale, une formation universitaire spécifique à la prise en charge de la douleur. Par ailleurs, l’équipe reste en contact étroit avec le médecin traitant du patient, qui reste le pilier de la prise en charge, mais aussi avec des médecins spécialistes, selon les pathologies associées à la douleur.
La commission d’enquête a proposé de diffuser l’annuaire national recensant les structures de prise en charge de la douleur chronique sur le territoire. Le Gouvernement est favorable à cette diffusion auprès des médecins généralistes et des médecins spécialistes de second recours.
Enfin, vous l’avez rappelé et je l’ai déjà évoqué tout à l’heure, l’article 94 de la LFSS pour 2017 prévoit la mise en place, pour une durée de trois ans et à titre expérimental, de parcours de soins et de prise en charge des personnes souffrant de douleurs chroniques, financés par le fonds d’intervention régional. J’ai également déjà indiqué que le cahier des charges de cette expérimentation est en cours de finalisation. Nous avons vraiment à coeur de prendre en charge la dimension de la douleur, qui, je le répète, n’est pas secondaire.
Nous passons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, douleurs diffuses et chroniques, paresthésies des membres, perturbations psychiques, épuisement constant, les personnes atteintes de fibromyalgie évoquent de nombreux symptômes pour décrire le mal qui les ronge. Pourtant, les examens physiques, biologiques et radiologiques ne décèlent aucune anomalie, dans l’état actuel de nos connaissances. Malgré une apparente intégrité physique, les patients atteints de fibromyalgie souffrent réellement et décrivent un mal-être constant, qui impacte négativement leur vie personnelle et professionnelle. Beaucoup perdent en effet leur emploi et ne parviennent plus à se maintenir dans une vie sociale.
Le corps médical reste encore peu formé et informé sur la fibromyalgie, qui demeure difficile à diagnostiquer. Certains professionnels de santé la perçoivent comme une construction de l’esprit, une maladie psychosomatique. Le syndrome fibromyalgique pâtit d’un déficit évident de considération.
Les avancées que nous avons connues ces dernières années demeurent encore trop minimes à mon sens. Notre marge de progression est immense, notamment dans le cadre de la prise en charge de la fibromyalgie au titre d’affection de longue durée. En effet, comme l’a mis en évidence le rapport d’enquête parlementaire rendu le 12 octobre dernier, faute de doctrine précise élaborée par la Haute autorité de santé, « la prise en charge de la fibromyalgie au titre de l’ALD n’est pas satisfaisante car il existe de fortes présomptions d’un traitement différencié d’un point du territoire à l’autre ».
Il est anormal que la prise en charge du syndrome fibromyalgique diffère selon les départements. Dans un pays qui prône constamment l’égalité entre ses citoyens, cette situation ne peut perdurer. Y mettre fin est l’objet essentiel de la proposition de loi qu’Arnaud Viala et moi-même avons élaborée, et qui a déjà recueilli plus de quatre-vingts signatures.
Comment les autorités sanitaires peuvent-elles encore ignorer un syndrome touchant près de 2 millions de nos concitoyens ? Madame la secrétaire d’État, quelles mesures concrètes prendrez-vous d’ici la fin du quinquennat – vous en avez déjà évoqué certaines – afin d’améliorer et d’uniformiser, sur le territoire français, la prise en charge des patients atteints de fibromyalgie ?
Monsieur le député, je veux tout d’abord rappeler que, dans son rapport de 2007, l’Académie nationale de médecine avait considéré que la fibromyalgie ne correspondait pas aux critères de la définition médicale d’une maladie, et qu’elle l’avait qualifiée de syndrome.
Actuellement, des patients identifiés comme atteints du syndrome fibromyalgique peuvent être pris en charge dans le cadre de l’ALD 31, dite « hors liste ». Cette catégorie d’affections de longue durée a vocation à couvrir les patients atteints « d’une forme grave d’une maladie ou d’une forme évolutive ou invalidante d’une maladie grave ne figurant pas sur la liste des ALD 30 ». En effet, conformément à l’article L. 322-3 du code de la Sécurité sociale, l’admission en ALD 31 est appréciée par le médecin-conseil, sur la base des critères de gravité, d’évolutivité ou de caractère invalidant de la maladie, d’une part, et sur celle de la durée prévisible du traitement et de son caractère particulièrement coûteux, d’autre part. Ainsi, les formes sévères et invalidantes de fibromyalgie peuvent d’ores et déjà être exonérées du ticket modérateur au titre de l’ALD 31.
Environ 1 000 demandes sont examinées chaque année par les médecins-conseils de l’assurance maladie, dont 50 % recueillent un avis favorable. Votre commission d’enquête a mis l’accent sur les disparités observées, selon les territoires, en matière de taux de rejet de ces demandes. C’est pour cette raison que l’assurance maladie sensibilise régulièrement et outille son réseau médical en vue d’harmoniser les pratiques de prise en charge dans le cadre des ALD.
Les travaux de la Haute autorité de santé sur le diagnostic et la prise en charge médicale de la fibromyalgie, que j’ai évoqués dans ma première intervention, devraient permettre à l’assurance maladie de définir des outils pour harmoniser les avis rendus par les médecins-conseils sur les demandes de reconnaissance au titre de l’ALD 31 formulées par les patients.
Monsieur le député, ce sont les résultats de ces travaux qui nous permettront, de manière objective, d’aller plus loin, peut-être jusqu’à la reconnaissance de la fibromyalgie comme affection de longue durée.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour poser la seconde question du groupe les Républicains.
Madame la secrétaire d’État, nous venons de participer à une commission d’enquête sur la fibromyalgie, dont vous avez, à juste titre, salué la qualité du travail. Son objectif était d’apporter des solutions de prise en charge pour les personnes atteintes de ce syndrome.
Si nous en ignorons toujours les causes – vous l’avez également dit –, ses conséquences, elles, sont maintenant parfaitement identifiées. Nous connaissons aussi le nombre de patients fibromyalgiques : 2 millions de personnes seraient atteintes par cette pathologie. Toutes les catégories d’individus sont touchées : les femmes, très majoritairement, mais aussi les hommes ; les plus jeunes, également, parfois même des enfants en bas âge.
Ces patients sont en situation de détresse. Une détresse affective et psychologique d’abord, car l’absence de réponse à leur questionnement sur leur maladie accentue leur solitude et leur dépression. Une détresse professionnelle ensuite, car ils sont souvent contraints d’arrêter leur travail à cause d’un manque de sommeil ou du handicap provoqué par les douleurs qu’ils ressentent. Une détresse quotidienne également, car leur vie est lourdement affectée, s’agissant aussi bien des déplacements que des tâches ménagères ou des loirs. Une détresse financière enfin, car, faute d’un parcours de soins identifié, les patients s’engagent dans des thérapies qui, bien que leur efficacité soit parfois douteuse, sont coûteuses et non prises en charge par l’assurance maladie et les assurances complémentaires.
Et que dire des médecins, qui, eux aussi, se trouvent trop souvent désorientés face à ces patients ! Ils jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement de la souffrance mais sont, la plupart du temps, démunis de solutions. Ils consacrent en tout cas beaucoup de temps à ces patients, et notre devoir est aussi de les aider.
Alors, madame la secrétaire d’État, sur la base des conclusions du rapport de Mme Bulteau et de M. Carvalho, quelles mesures comptez-vous prendre pour mieux accompagner ces patients et leurs médecins, dont les attentes sont grandes ? Comment comptez-vous soutenir l’effort de recherche scientifique sur cette maladie ? Et surtout, comment comptez-vous concrétiser la prise en charge de la douleur de ces patients, sur la base des recommandations de la Haute autorité de santé ? Enfin, envisagez-vous d’inclure cette maladie parmi les affections de longue durée ? Je voulais vous poser toutes ces questions, auxquelles vous avez déjà partiellement répondu.
Monsieur Lurton, je l’ai dit en introduction, le Gouvernement s’est engagé à examiner avec la plus grande attention les recommandations qui ont été formulées par votre commission d’enquête, dans un climat de consensus qu’il convient également de saluer.
Concernant la prise en charge des patients, en plus des éléments de réponse que j’ai déjà donnés à vos collègues, je souhaite revenir sur une recommandation précise du rapport. Votre commission d’enquête avait souhaité que soient publiés les résultats de l’expérimentation « coupe-file de la douleur », menée dans certains centres de traitement de la douleur, et que soit évalué l’intérêt de sa généralisation. L’outil « coupe-file » a été réalisé et expérimenté par la Société française d’étude et de traitement de la douleur, avec l’implication de quinze centres et consultations antidouleur, répartis sur l’ensemble du territoire. Il constitue une aide à la priorisation des prises en charge et à la réduction des délais d’attente. Environ 900 patients ont été recrutés et suivis pendant six mois. L’évaluation est en train d’être finalisée et je veux vous indiquer aujourd’hui qu’elle sera rendue publique avant l’été.
Vous m’interrogez également à propos de l’effort de recherche sur cette maladie. Il importe en effet d’accentuer notre effort en la matière. En plus de l’expertise collective de l’INSERM, d’autres programmes de recherche ministériels sont en cours, à l’instar du programme de recherche médico-économique, du programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale ou du programme de recherche sur la performance du système des soins, qui vise l’innovation organisationnelle. Ces programmes pourraient en effet répondre à des questions spécifiques à la fibromyalgie, spécialement s’agissant du parcours de soins optimal ou de la réduction de l’errance diagnostique.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte également sur la formation des médecins au sujet de la fibromyalgie.
Cette maladie reste mal reconnue par le monde médical, d’abord parce qu’elle peut se trouver masquée par d’autres pathologies, ensuite parce que les praticiens ne la rencontrent qu’assez rarement. Le malade, quant à lui, est confronté à une multiplicité de symptômes ; il s’adresse donc d’abord à son médecin généraliste, puis à des médecins spécialisés dans la prise en charge de la douleur, comme les rhumatologues, les neurologues ou encore les psychiatres. Cette errance médicale peut parfois durer des années, vous l’avez dit. On observe alors une double souffrance des malades : non seulement ils ne trouvent pas de solutions thérapeutiques satisfaisantes mais, en plus, ils ont le sentiment que l’existence même de leur maladie est mise en doute par les professionnels de santé.
Pour pallier cette situation, la commission d’enquête suggère notamment que la maladie soit abordée dans le cadre de la formation initiale ou continue des médecins. Il s’agit donc d’intégrer son étude dans le cursus universitaire des études de médecine, pour qu’elle ne soit pas réservée aux étudiants choisissant de se spécialiser dans la prise en charge de la douleur. Il s’agit également de s’assurer que la fibromyalgie soit incluse dans le plan national de formation du développement professionnel continu – DPC – pour les médecins installés, notamment les généralistes.
Je souhaiterais donc connaître les mesures que prendra rapidement le Gouvernement afin de répondre à cet enjeu de santé publique et de mettre fin à l’errance médicale dont sont victimes les personnes atteintes de fibromyalgie.
Monsieur Vercamer, puisque vous m’interrogez à votre tour sur l’amélioration de la formation des professionnels de santé à la fibromyalgie, je vais compléter les éléments de réponse que j’ai précédemment apportés à votre collègue Alain Ballay.
Votre question concernant les professionnels de santé au sens large du terme, je souhaite insister sur l’importance de la formation des professions paramédicales, amenées à intervenir dans le parcours de soins des patients atteints de fibromyalgie. En effet, pour les professions paramédicales, la problématique de la douleur est prise en compte dans les programmes de formation, et les réingénieries visant à inscrire les formations dans le schéma licence-master-doctorat permettent d’approfondir ce domaine. S’agissant, par exemple, de la formation initiale des masseurs kinésithérapeutes, la fibromyalgie est abordée dans les unités d’enseignement relatives à la sémiologie, à la physiopathologie et à la pathologie dans le champ musculo-squelettique, à travers l’étude des pathologies et syndromes en rhumatologie.
J’en viens maintenant à la question essentielle de la formation professionnelle continue. L’arrêté du 8 décembre 2015 fixe la liste des orientations nationales du développement professionnel continu des professionnels de santé pour les années 2016 à 2018. L’on n’y trouve pas d’orientation spécifique sur la fibromyalgie en tant que telle ; cependant, dans le cadre de la politique nationale de santé, l’orientation no 17 sur la prise en charge de la douleur concerne la fibromyalgie. Actuellement, on recense cinq programmes de formation consacrés à la fibromyalgie sur le site de l’agence nationale du DPC. Toutefois, une fois encore, c’est sur la base des résultats de l’expertise collective menée par l’INSERM et des stratégies identifiées pour le diagnostic et la prise en charge qu’il nous sera possible de les décliner en modules au sein des formations initiales ou continues des médecins et des professionnels paramédicaux concernés par ce syndrome.
La dernière question sera posée par M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la secrétaire d’État, avec l’ensemble de mes collègues du groupe RRDP, je souhaite vous interroger sur la prise en charge de la fibromyalgie dans les départements et collectivités d’outre-mer.
En France métropolitaine, un réel problème de disparité de traitement selon les départements et des difficultés de parcours de soins sont constatés ; cette situation a légitimement motivé tant le présent débat que la commission d’enquête l’ayant précédé, ainsi que les propositions de loi déposées par différents parlementaires. Si ce problème est important en France métropolitaine, vous comprendrez qu’il le soit encore davantage en outre-mer, compte tenu de l’éloignement de ces parties du territoire national et des contraintes liées à des systèmes de santé particuliers.
Par exemple, la petitesse et l’isolement de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon imposent un parcours de soins comprenant des missions périodiques de spécialistes et un grand nombre d’évacuations sanitaires vers le Canada voisin ou la France métropolitaine. Dès lors que la fibromyalgie n’est pas reconnue en tant qu’affection de longue durée, les habitants de notre archipel touchés par cette maladie sont confrontés à des obstacles d’ordre administratif pour leur prise en charge, auxquels viennent s’ajouter des contraintes pratiques et financières découlant de leur éloignement, sans parler des souffrances qu’elles doivent endurer au quotidien.
Dès lors, comment des mesures d’accompagnement de la fibromyalgie, et plus largement des affections hors ALD, pourraient-elles être déclinées pour tenir compte des contraintes spécifiques des collectivités d’outre-mer isolées ?
Monsieur Claireaux, je comprends tout à fait le sens de votre question, tant il est vrai que les territoires ultramarins connaissent des problèmes spécifiques en matière de santé, compte tenu de l’insularité ou de l’éloignement du territoire métropolitain. C’est la raison pour laquelle, je veux le rappeler ici, la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a lancé, en mai 2016, avec la ministre des outre-mer, une stratégie de santé spécifique à ces territoires, comme le prévoyait la loi de modernisation de notre système de santé. L’objectif est d’apporter des réponses spécifiques et de construire une action publique adaptée à chaque territoire.
Concernant spécifiquement la fibromyalgie, nous ne disposons pas, à ce jour, d’éléments épidémiologiques nous permettant de répertorier le nombre de personnes atteintes dans les territoires ultramarins, et plus précisément dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Compte tenu des éléments de diagnostic de la maladie que nous connaissons, que j’ai précédemment rappelés, les patients peuvent consulter aussi bien chez leur médecin traitant qu’en gastro-entérologie, en rhumatologie ou en médecine interne. Les structures d’étude et de traitement de la douleur chronique ont également un rôle important à jouer ; on recense actuellement sept SDC dans les territoires ultramarins, et la labellisation des structures par les agences régionales de santé est en cours de renouvellement pour la période 2017-2021.
Vous évoquez également les enjeux financiers de prise en charge de ce syndrome. Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’admission en ALD 31 est appréciée par le médecin-conseil de l’assurance maladie, en tenant compte des critères de gravité, d’évolutivité ou de caractère invalidant de la maladie, mais aussi d’une durée prévisible supérieure à six mois et d’une thérapeutique particulièrement coûteuse en raison du prix ou de la fréquence des actes, prestations et traitements.
Enfin, s’agissant des évacuations sanitaires, fréquentes pour les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon, je veux rappeler que leur prise en charge n’est évidemment pas liée à la reconnaissance de la pathologie comme affection de longue durée.
Le débat sur le rapport de la commission d’enquête sur la fibromyalgie est clos.
Prochaine séance, à vingt et une heures trente :
Débat sur le rapport d’information de la commission des affaires européennes sur le socle européen des droits sociaux et la convergence sociale et salariale dans l’Union européenne.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly