Intervention de Matthias Fekl

Séance en hémicycle du 11 janvier 2017 à 15h00
Débat sur les négociations internationales relatives au changement climatique

Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger :

Faisons les comparaisons entre les échéances de ces deux textes ! L’urgence à agir est illustrée régulièrement par les catastrophes climatiques qui n’épargnent plus aucun pays du monde, et s’appuie sur la conviction, aujourd’hui largement partagée, dans les milieux économiques comme dans l’opinion publique, que l’inaction coûte plus cher que l’action. L’Accord de Paris est désormais notre principal instrument pour préserver l’équilibre climatique de la planète. Il prépare l’avenir et contient des solutions pour le présent. Il est universel, ambitieux, équitable et juridiquement contraignant. Sur chacun des points clés des négociations, et en particulier sur le niveau d’ambition et de différenciation entre les pays développés et en développement, ainsi que le financement nécessaire, une approche d’écoute et de compromis par le haut a permis de trouver le juste équilibre entre ambition, solidarité et participation universelle.

C’est un accord ambitieux. Son objectif affirmé est de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 ° C, et de s’efforcer de la limiter à 1,5 ° C. Cette ambition est traduite concrètement dans une trajectoire mondiale d’émissions de gaz à effet de serre : passer le pic des émissions le plus tôt possible pour amorcer une décroissance rapide et parvenir à la neutralité des émissions dans la deuxième moitié du siècle.

La France vient de soumettre à la Convention climat sa stratégie nationale bas carbone, qui vise la division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050, et, lors de la COP22 à Marrakech,le Président de la République a annoncé notre volonté de viser la neutralité des émissions. Quatre autres grandes économies ont également présenté ces dernières semaines leurs plans stratégiques bas carbone de long terme : l’Allemagne, le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il s’agit d’États très importants, si l’on considère la place de leurs économies dans le monde, et donc leur contribution à la dégradation de l’environnement ; leur volonté de contribuer aux objectifs de l’Accord de Paris est donc tout aussi importante. Par ces stratégies, ces pays envisagent, d’ici au milieu de ce siècle, de réduire très fortement leurs émissions de gaz à effet de serre, engageant les grandes économies mondiales vers la société bas carbone que l’Accord de Paris rend nécessaire.

L’Accord de Paris est inclusif. Il reconnaît les engagements pris par les entreprises, les collectivités territoriales et la société civile, complémentaires et indissociables des objectifs inscrits par les États dans leurs contributions nationales, car rien ne peut se faire sans le terrain.

Ces acteurs sont associés à la mise en oeuvre concrète de l’Accord par de nombreuses alliances et coalitions sectorielles réunies au sein de l’Agenda de l’action. Ils apportent des solutions pour la réduction des émissions et incitent au développement des technologies nécessaires pour réussir la transition écologique et les transferts de technologies vers les pays en développement.

Plus de soixante-dix initiatives existent aujourd’hui, dans plusieurs secteurs clés pour la transition vers le bas carbone : les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la forêt, le bâtiment, le transport, l’agriculture durable, l’eau et les océans. La France est investie dans plusieurs de ces alliances et coalitions : l’initiative pour les énergies renouvelables en Afrique, dans laquelle la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, est totalement investie ; l’alliance mondiale pour les bâtiments et la construction, qui a publié sa feuille de route mondiale pour la décarbonation à long terme de l’immobilier ; l’initiative 4 pour 1000, portée par le ministre de l’agriculture, qui vise à renforcer le rôle des sols dans le stockage du carbone ; ou encore l’alliance solaire internationale, lancée par le Président de la République avec le Premier ministre indien à la COP21, pour n’en citer que quelques-unes, qui toutes bénéficient du plein soutien de la France.

Enfin, l’Accord de Paris est flexible. Il permet à chaque État de déterminer nationalement sa contribution à la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre. C’est un système qui respecte la souveraineté nationale et ouvre la voie à une participation universelle, dynamique et toujours plus ambitieuse.

Grâce à toutes ces composantes novatrices, une dynamique en faveur du climat a été lancée. La transition vers des économies résilientes et émettant peu de gaz carbonique est désormais résolument engagée à l’échelle mondiale : plusieurs nouvelles récentes confirment – je dirais même : prouvent – cette évolution.

Les financements – très attendus par les pays en développement, car ils constituent une garantie de mise en oeuvre de l’accord – sont au rendez-vous. Le désinvestissement dans les énergies fossiles n’a jamais été aussi important : les montants en cause ont doublé entre septembre 2015 et décembre 2016. Plus de 5 000 milliards de dollars d’actifs ont ainsi été désengagés dans les secteurs du gaz, du pétrole et du charbon. Les pays du G20 se sont en outre engagés depuis 2009 à supprimer les subventions inefficaces aux énergies fossiles, et, en mai dernier, les pays du G7 ont indiqué que cette suppression devrait être achevée en 2025.

Les flux financiers disponibles pour la lutte contre le changement climatique sont en augmentation dans tous les secteurs : comme le prévoyait l’accord de Paris, les pays développés ont publié une feuille de route concrète détaillant la façon dont ils entendent respecter l’engagement pris à Copenhague de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020.

Ces travaux ont aussi montré que les annonces faites avant la COP21 devraient permettre de mobiliser au moins 67 milliards de dollars de financements publics en 2020. C’est une augmentation significative par rapport au niveau de 41 milliards de dollars entre 2013 et 2014. Si l’effet d’entraînement de ces financements sur la mobilisation de financements privés joue dans la même proportion qu’au cours des années 2013 et 2014, alors plus de 90 milliards de dollars de financements – publics et privés – devraient être disponibles à partir de 2020 pour le climat.

C’est un progrès indéniable, qui prouve que nous sommes sur la bonne voie pour atteindre le montant de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 – mais nous ne devons pas relâcher nos efforts. La France y participe activement. Elle a pris des engagements considérables, qui ont été confirmés lors de la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement du 30 novembre 2016.

Comme l’a décidé le Président de la République à l’occasion de la COP21, nous porterons nos engagements financiers internationaux en faveur du climat à 5 milliards d’euros par an d’ici à 2020, dont 1 milliard sera exclusivement consacré à l’enjeu de l’adaptation. Ces engagements seront principalement destinés aux pays les plus vulnérables, notamment en Afrique, continent pour lequel nous nous engageons davantage : plus de 2 milliards d’euros seront ainsi destinés, d’ici à 2020, au développement des énergies renouvelables sur le continent africain.

La loi de transition énergétique pour la croissance verte, défendue au Parlement par Ségolène Royal, représente la contribution de la France aux objectifs climatiques inscrits dans l’Accord de Paris. Elle a inscrit dans le droit national – et ce dès avant la COP21 – les engagements de notre pays en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Elle comprend aussi des outils pour tenir ces engagements.

À titre d’exemple, Ségolène Royal et Michel Sapin viennent de lancer la première obligation verte de la France. Cette obligation favorisera le développement du marché des obligations vertes et ainsi la réorientation des flux financiers vers les activités utiles à la lutte contre le dérèglement climatique, tout en confirmant le rôle-clé de la France et de la place de Paris dans la finance verte. C’est un enjeu d’avenir.

Mesdames et messieurs les députés, voici quelques exemples de la force, de la dynamique entraînée par l’adoption et l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris. La liste pourrait être poursuivie, quasiment à l’infini ! La France peut être fière de sa contribution politique à ce processus qui remplit le monde d’espoir. Je souhaite, à cette occasion, vous remercier, mesdames et messieurs les députés, au nom du Gouvernement, pour votre soutien sans faille et votre contribution à l’action de la France au service du climat. Le débat d’aujourd’hui en fournit une nouvelle illustration.

C’est dans cet esprit positif que les discussions sur l’Accord de Paris sont entrées, à Marrakech, dans une nouvelle étape. Des avancées considérables ont été réalisées en 2016, mais nous avons encore beaucoup de travail pour finaliser le nouveau cadre international de lutte contre le changement climatique. Dans cette nouvelle phase, quatre priorités ont été définies et seront poursuivies simultanément. Je précise, pour répondre à des interrogations formulées il y a quelques instants, que ces priorités s’appliqueront tant en métropole que dans nos outre-mer – nous aurons tout à l’heure, lors de la phase de questions et de réponses, l’occasion d’approfondir plus spécifiquement la question des outre-mer.

Premièrement, notre priorité est de finaliser l’Accord de Paris. Il s’agit d’une part de garantir l’adhésion de tous les pays, en maintenant l’attention politique pour une ratification universelle. Il s’agit d’autre part de définir les règles et les mécanismes nécessaires à sa mise en oeuvre. En effet, il en est de l’Accord de Paris comme d’une loi nationale : après son adoption, il a besoin de décrets d’application. Ce travail a été entamé lors de la COP22 et sera finalisé l’an prochain, c’est-à-dire deux ans avant la date prévue. J’y insiste : il sera achevé plus tôt qu’initialement prévu !

Deuxième priorité : tous les pays doivent mettre en oeuvre les engagements concrets qu’ils se sont fixés pour la COP21, la crédibilité de l’Accord de Paris en dépend. D’où l’importance de préparer sans tarder la mise en place de politiques publiques précises qui permettront aux pays de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de s’adapter aux effets du changement climatique. En France, ce travail a déjà été engagé, notamment par la loi de transition énergétique que vous avez adoptée en août 2015. C’est, à cet égard, un texte majeur.

Au niveau européen ce travail avance également. Les États membres ont décidé il y a deux ans de réduire les émissions de l’Union européenne de 40 % en 2030. Avec nos partenaires européens, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, travaille maintenant à finaliser le paquet énergie-climat 2030, que nous espérons adopter dans le courant du premier semestre de cette année, si possible dès le mois de février. En prenant une décision rapide quant à la mise en oeuvre de notre contribution européenne, nous adresserons au reste du monde un signal politique : nous leur montrerons la détermination de l’Union européenne à porter haut et fort la cause du climat.

À un moment où les Européens ont besoin d’un nouveau souffle, c’est un projet mobilisateur qui permettra à l’Europe d’ancrer sa légitimité, en plaçant notre continent à l’avant-garde sur ce sujet majeur pour l’avenir.

Troisième priorité : préparer le relèvement de l’ambition. Tous les pays se retrouveront en 2018, dans le cadre d’un « dialogue facilitateur », pour dresser un premier bilan des émissions globales au regard des objectifs de long terme de l’Accord. Ce sera une étape essentielle pour relever l’ambition des engagements nationaux et nous rapprocher d’une trajectoire compatible avec la limite des 2 ° C.

Quatrième priorité : il nous faut continuer à soutenir les engagements portés par la société civile. Ce volet important de l’Accord de Paris est sorti renforcé de la COP22 – c’est une de ses nombreuses réalisations –à la fois parce que de nouvelles alliances politiques et de nouvelles coalitions y ont été formées, mais aussi parce qu’une nouvelle stratégie pour l’avenir de l’Agenda de l’action y a été dévoilée, sous le nouveau nom de « Partenariat de Marrakech pour l’action climatique mondiale ».

Le travail qu’il nous reste à faire pour concrétiser ces quatre priorités est complexe ; il nous faudra accomplir les mêmes efforts combinés – s’engager au plus haut niveau politique, tout en restant à l’écoute de tous les pays et de toutes les parties prenantes – qui ont fait de notre présidence de la COP un succès.

Même si la France ne préside plus la COP, elle doit continuer de jouer un rôle particulier d’ici à 2020, forte du succès obtenu à Paris, forte de sa singularité. Ce rôle est celui de gardien de l’Accord de Paris. Comme l’a indiqué le Président de la République lors de ses voeux pour 2017, la France ne laissera aucune personne, aucun pays, remettre en cause cet accord historique et crucial pour l’avenir de l’humanité.

Je sais que nombre d’entre vous ont à l’esprit les propos tenus par le futur Président des États-Unis.

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