Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord d’excuser Marisol Touraine, dont M. Carvalho a souligné l’absence : la ministre se trouve actuellement aux urgences de l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne, pour faire le point sur l’accueil et la prise en charge des patients durant l’épidémie de grippe, et pour apporter le soutien du gouvernement aux personnels, très sollicités en ce moment.
Je voudrais commencer par remercier les membres de la commission d’enquête, particulièrement sa présidente, Sylviane Bulteau, et son rapporteur, Patrice Carvalho, pour la qualité de leur travail, des auditions menées et des propositions formulées pour mieux accompagner et mieux traiter les personnes souffrant de fibromyalgie dans notre pays.
Avant toute chose, j’aimerais faire le point sur l’état de nos connaissances sur ce syndrome au diagnostic complexe et aux causes encore inconnues, pour donner un cadre à notre débat.
Si leur nombre n’est pas connu avec précision, ni en France ni dans le reste du monde, nous savons que de nombreuses personnes souffrent de fibromyalgie. Les seules données disponibles estimaient à environ 600 000 et 680 000 le nombre de personnes touchées, respectivement en 1998 et 2006, ce chiffre étant plutôt stable sur presque dix ans, en France. Néanmoins, on estime que 2 à 5 % de la population pourrait être touchée par ce syndrome.
J’en viens à la question principale : que recouvre le syndrome fibromyalgique ? À ce jour, nous savons uniquement qu’il s’agit d’un ensemble de symptômes, dont le principal est une douleur chronique, majorée par les efforts, s’accompagnant de fatigue, de perturbations du sommeil et de troubles anxio-dépressifs. Au-delà de cette définition, nous ne connaissons par les causes du syndrome. Le diagnostic est posé devant la persistance des symptômes et l’absence d’autre maladie identifiée, d’anomalie biologique ou radiologique. À ce jour, il n’existe ni traitement spécifique, en particulier médicamenteux, ni prise en charge bien établie.
De nombreuses questions persistent : quelle définition précise donner à la fibromyalgie ? quels en sont les critères diagnostiques ? Face à ces questions sans réponse, mesdames et messieurs les députés, vous comprendrez que l’enjeu, aujourd’hui, est avant tout de mieux comprendre et de mieux préciser les causes et les conséquences de la maladie.
C’est pour répondre à ces questions que l’INSERM travaille actuellement à une expertise collective, financée par la direction générale de la santé, dont les résultats sont prévus pour le second semestre 2017. Ces travaux permettront de faire le point sur les données de prévalence, de compléter l’état des lieux des connaissances cliniques – portant tant sur le diagnostic que sur la prise en charge – et épidémiologiques. Cette expertise sera réalisée autour de cinq axes principaux : les enjeux sociétaux, économiques et individuels en France et à l’étranger ; les connaissances médicales actuelles ; la prise en charge médicale de la douleur chronique ; la physiopathologie de la douleur chronique ; la problématique spécifique en pédiatrie.
Cette grande expertise, menée par un institut renommé et des chercheurs de qualité, permettra d’améliorer les réponses apportées aux personnes qui souffrent de fibromyalgie, nous pouvons collectivement nous en réjouir. Autrement dit, à partir de nouvelles connaissances cliniques du syndrome fibromyalgique, il sera possible d’identifier les stratégies permettant de proposer un parcours de soins pour ces patients et une prise en charge adaptée, en tenant compte des retentissements de la fibromyalgie sur la vie sociale et professionnelle.
De plus, je veux vous annoncer aujourd’hui que la ministre des affaires sociales et de la santé a demandé l’inscription au programme de travail de la Haute autorité de santé de l’élaboration de recommandations relatives non seulement à la prise en charge des patients douloureux chroniques, pour une collaboration optimale entre la médecine de ville et les structures de prise en charge de la douleur, mais aussi au diagnostic et à la prise en charge médicale du syndrome fibromyalgique. Ces travaux devront prendre appui sur l’expertise conduite par l’INSERM.
L’errance des patients fibromyalgiques n’est cependant pas acceptable. C’est pourquoi le Gouvernement veut d’ores et déjà agir et apporter des réponses concrètes aux patients concernés. Le délai moyen entre le diagnostic et la prise en charge des patients atteints de fibromyalgie diminue au fil du temps – il est actuellement d’environ trois ans. Pour continuer de réduire ce délai, la sensibilisation des professionnels reste un élément majeur.
La journée mondiale de la fibromyalgie, manifestation annuelle qui a lieu le 12 mai, permet de sensibiliser les patients et les professionnels. Cette date a été choisie en hommage à Florence Nightingale : cette infirmière britannique née le 12 mai 1820, atteinte d’une forme grave de fatigue chronique, traduisant très probablement une fibromyalgie, fut à l’origine de la fondation du Comité international de la Croix-Rouge et de la première école d’infirmière.
En outre, nous savons que la relation étroite et la confiance réciproque entre le malade et le médecin sont la clé de la réussite de la prise en charge de ce syndrome. Le suivi de l’évolution des symptômes, notamment de la douleur, du retentissement sur la vie quotidienne et du maintien d’un programme personnalisé, doit être mis en place par le médecin traitant. À cet effet, celui-ci peut s’appuyer, en recours, sur les structures de prise en charge de la douleur chronique labellisées, et y recommander le patient douloureux.
C’est dans ce sens que le Gouvernement a soutenu un amendement parlementaire, lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 : l’article 94 de ce texte prévoit ainsi la mise en place, pour une durée de trois ans et à titre expérimental, de parcours de soins et de prise en charge des personnes souffrant de douleurs chroniques, financés par le fonds d’intervention régional. L’enjeu de cette expérimentation est d’élaborer un appel à projets à destination des médecins généralistes volontaires, pour coordonner le parcours de leurs patients douloureux, en relation avec les 219 SDC labellisées existantes.
Mesdames et messieurs les députés, vous le savez – les auditions menées par votre commission d’enquête l’ont montré –, une meilleure coordination des soins permettra d’améliorer la situation de nombreux malades souffrant de douleurs chroniques, dont ceux souffrant de fibromyalgie. Précisément, le cahier des charges de cette expérimentation définira les modalités du dépistage par les médecins généralistes, les modalités d’orientation vers les centres experts pour confirmation du diagnostic et la mise en place d’une prise en charge globale et multidisciplinaire. Ces projets devraient également comprendre un temps de formation des médecins généralistes ainsi qu’une rémunération spécifique des médecins pour le dépistage et la coordination du suivi.
Les résultats de cette expérimentation, qui devront être mis en perspective avec le travail de la Haute autorité de santé sur la prise en charge de la douleur chronique, feront l’objet d’un rapport, que le Gouvernement transmettra bien évidemment au Parlement.
Par ailleurs, le Gouvernement étudiera avec la plus grande attention les propositions du rapport de votre commission d’enquête. Il décidera notamment si certaines d’entre elles peuvent d’ores et déjà être mises en oeuvre, sans attendre les résultats définitifs de l’étude de l’INSERM.
Je pense notamment à la recommandation tendant à renforcer l’éducation thérapeutique du patient, ou ETP. En effet, celle-ci vise à aider les patients à gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique, en les rendant les plus autonomes possible. Le développement de programmes d’éducation thérapeutique est encouragé à travers les financements de projets en région. Des modules spécifiques, animés par des équipes pluriprofessionnelles, sont autorisés par les agences régionales de santé. Le centre d’étude et de traitement de la douleur de l’hôpital Cochin a ainsi développé un programme ETP, baptisé Fibroschool, et plusieurs établissements thermaux proposent aussi des modules concernant la fibromyalgie. Les résultats de l’expertise collective de l’INSERM permettront de clarifier la prise en charge de ce syndrome et ainsi de préciser la place de l’éducation thérapeutique dans le parcours de soins des personnes atteintes.
Mesdames et messieurs les députés, lever les zones d’ombres qui persistent sur le syndrome fibromyalgique est une priorité.