Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du 12 janvier 2017 à 9h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Malgré la réforme de 2014 et les avancées gigantesques, reconnues par tous, qu’elle contient pour permettre aux victimes de porter plainte, pourquoi le résultat est-il toujours le même ? Nous en avons longuement débattu au sein de la Délégation aux droits des femmes où nous avons reçu quantité d’experts. Certes, nous manquons de recul pour évaluer les effets de la loi, et peut-être faut-il disposer de plus de temps, faire plus de communication et renforcer la formation des spécialistes qui accueillent les victimes dans le monde judiciaire ou médical.

Cependant, le résultat est là : notre société n’est pas encore prête à « changer de logiciel » sur ce sujet. Voilà pourquoi nous insistons sur la nécessité d’accorder une place particulière à ce type de délits et de crimes en matière de prescription. Une telle évolution contribuera à aider les victimes. Il faut reconnaître que les délais actuels sont tout de même importants, puisqu’ils courent jusqu’à vingt ans après la majorité, soit jusqu’à l’âge de 38 ans. Notre droit a donc reconnu une place particulière à ce type de crimes.

Pour autant, le texte que nous examinons aujourd’hui, dont je reconnais le caractère fondamental, est paradoxal car les délais de prescription des crimes de droit commun, portés de dix à vingt ans, seront identiques demain à ceux applicables aux crimes sexuels commis sur des mineurs. Nous avons du mal à concevoir que l’on puisse traiter de la même manière des crimes sexuels commis sur des adultes et des crimes sexuels commis sur des mineurs.

En outre, s’il est vrai que le délai actuel est déjà long, permettre que l’action publique puisse être enclenchée jusqu’à trente ans, et non pas seulement vingt ans après la majorité des victimes, soit jusqu’à l’âge de 48 et non plus de 38 ans, ne revient pour nous qu’à changer un chiffre, je l’avais souligné en première lecture. Les arguments relatifs à la disparition des preuves et aux risques encourus par la victime ne tiennent pas, car ces risques sont les mêmes, qu’elle porte plainte à 38 ou à 48 ans. En revanche, il existe bel et bien une différence pour elle, d’ailleurs démontrée par les études statistiques, selon qu’elle peut le faire jusqu’à 48 ans ou jusqu’à 38 ans seulement. Je sais que ce texte constitue une urgence absolue et que nous recherchons l’adoption d’un texte conforme. Mais aujourd’hui, nous devons trancher entre deux urgences : celle qu’il y a pour les victimes de faits aussi graves et celle de réformer notre droit.

Chacun d’entre nous devra faire un choix personnel. Quelle que soit l’issue de nos débats, le groupe UDI soutiendra l’adoption du texte. Que notre échange permette au moins d’ouvrir le débat et d’alerter les consciences ! Je ne doute pas que notre assemblée soit capable un jour d’avancer sur ce sujet. Je vous garantis que passer de 38 à 48 ans change énormément de choses pour les victimes, car, comme cela a été prouvé scientifiquement, les amnésies traumatiques sont souvent révélées à la suite de la fondation d’une famille. Or les femmes, qui représentent près de 90 % des victimes, fondent aujourd’hui leur famille plutôt après l’âge de 35 ans. C’est pour cela que souvent, elles ne se sentent assez mûres et suffisamment en confiance pour faire ce pas que dans la quarantaine.

Voilà les éléments que je souhaitais partager avec vous. Nous menons une action de fond et gardons l’espoir que ce message soit un jour entendu. Je suis pour ma part favorable à l’imprescriptibilité de ces crimes…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion