Intervention de Chantal Guittet

Séance en hémicycle du 12 janvier 2017 à 9h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Guittet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dès 2007, trois sénateurs, Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung ont élaboré un rapport dans lequel ils appelaient déjà de leurs voeux un droit de la prescription « moderne et cohérent ». En 2008 est intervenue une loi pour réformer la prescription en matière civile, mais pour une raison qui ne m’est pas connue le chantier n’a pas été ouvert en matière pénale. C’est maintenant chose faite avec la présente proposition de loi, et je tiens à féliciter nos collègues Alain Tourret et Georges Fenech qui, avec ce texte, clarifient un système juridique qui avait grand besoin d’une intervention législative.

Les règles de prescription en matière pénale pouvaient paraître simples ; elles n’avaient pourtant que l’apparence de la simplicité. Ainsi que ma collègue Colette Capdevielle l’a rappelé, la loi est intervenue à plusieurs reprises pour établir des régimes dérogatoires. Quant aux juges, ils ont contribué à assouplir la jurisprudence sur les actes susceptibles d’interrompre le délai de prescription. Le droit de la prescription est par conséquent devenu assez illisible.

La présente proposition de loi vise à clarifier le droit de deux façons : d’une part, en renforçant les droits des parties civiles par un allongement, au moins partiel, des délais de prescription, et, d’autre part, en donnant des définitions claires des notions utilisées pour fixer le point de départ du délai ou de sa suspension. Comme beaucoup l’ont dit, ce texte renforce ainsi la sécurité juridique en retenant les définitions claires données par la Cour de cassation, qui auront désormais un fondement législatif incontestable.

Sécuriser les droits des victimes en leur donnant les moyens tangibles de les faire respecter était évidemment le souhait des associations d’aide aux victimes. Elles demandaient un allongement de la prescription des crimes. Elles demandaient des procédures plus simples, plus claires. En inscrivant ces avancées dans notre législation, nous répondons à cette demande sociale, sociétale, qui est très légitime.

Bien évidemment, la solution ne se trouve pas uniquement dans l’allongement ou l’harmonisation de la prescription. Elle réside également et surtout dans la prévention. Nous devons encore travailler sur l’accompagnement des victimes – Catherine Coutelle l’a très bien expliqué –, sur la formation et la sensibilisation du personnel qui les accueille dans les hôpitaux, dans les commissariats, dans les tribunaux pour leur faciliter le dépôt de plainte. Tous ces personnels doivent en effet connaître le système d’emprise dans lequel vivent ces victimes.

La prise en charge des victimes de viol en France reste très problématique. On le sait, peu de victimes osent porter plainte, souvent à cause de pressions, d’intimidations ou de chantage affectif dans le cadre familial, où ont très souvent lieu ces crimes. Avec l’allongement des délais de prescription, il conviendrait donc que le Gouvernement poursuive ce travail d’incitation au dépôt de plainte précoce, ainsi que la sensibilisation des victimes aux bons réflexes permettant aux services de police de constater l’infraction. C’est grâce à cette prévention, couplée à la mise en oeuvre de dispositifs justes et concrets, comme l’harmonisation des délais de prescription, que nous réussirons à aider ces victimes à dépasser leur traumatisme. Si celui-ci ne peut s’oublier, il peut être dépassé.

Avec ce texte, nous renforçons le respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles de sécurité juridique, nous renforçons l’accessibilité du droit et la confiance légitime que doivent avoir nos citoyens et nos citoyennes dans la justice.

Pour conclure, je reprendrai les mots du garde des sceaux, et ce ne sera pas un plagiat puisque je mentionne ma source. Celui-ci affirmait en première lecture que nous avions réussi avec cette proposition de loi à « proposer un équilibre entre l’effectivité de la peine et le souhait qu’a la société d’être certaine d’être défendue, un équilibre entre la proportionnalité et le sens éducatif de la peine et la prévention de la récidive. »

Pour toutes ces raisons, je voterai cette proposition de loi avec enthousiasme.

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