Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 12 janvier 2017 à 9h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Ils sont indélébiles, dans la vie des gens. Il faut donc trouver le moyen de rendre justice aux victimes tout en adressant aux auteurs de ce genre d’actes le message qu’ils pourront être poursuivis tout au long de leur vie. À la fois pour des raisons de dissuasion et pour rendre justice aux enfants qui ont été victimes d’un viol et le paieront toute leur vie, il me semble nécessaire d’ouvrir ce débat.

Je connais l’argument reposant sur la Shoah et les crimes contre l’humanité, mais je tiens vraiment, monsieur le garde des sceaux, à ce que vous gardiez à l’esprit ces raisons à l’avenir. Le plus simple est peut-être de vous donner lecture d’un courrier reçu hier qui m’a été adressé par une résidente de ma circonscription. Elle est jeune, mais d’autres âgées de 60 ou 70 ans m’ont aussi écrit.

Voici ce qu’écrit cette femme : J’ai 35 ans. Je suis maman d’une petite fille de 7 ans. J’ai été victime, entre 4 et 9 ans, de viols commis par un grand cousin. Leur souvenir est remonté à ma mémoire par flashs dès mes 16 ans, mais il était trop difficile à accepter pour le conserver en conscience. Depuis presque vingt ans, malgré mes efforts pour effacer de ma mémoire cette période de ma vie, elle se rappelle à moi. J’ai eu la chance de me faire aider pour simplement fonctionner. J’ai bientôt 36 ans et cette histoire qui est la mienne, je l’accepte depuis seulement un an. J’en ai à peine parlé à ma famille. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela signifie. C’est très difficile. Je suis très loin de me sentir capable d’aller en justice. Je suis terrorisée à l’idée de le faire. Le déni a été mon bouclier : faut-il qu’il me tue à présent ? Il est aberrant de conserver un délai de prescription pour ce genre de crime.

Voilà ce que je voulais vous dire, mes chers collègues, monsieur le garde des sceaux. Le débat sur le délai de prescription des crimes commis sur des enfants est un vrai débat. Je me suis battu pour l’imposer à Mme Taubira, qui a botté en touche et l’a renvoyé au projet de loi DDADUE. Bref, on n’en sort pas et on s’entend toujours dire ce que j’ai été triste d’entendre aussi de la bouche de M. Tourret : non il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur, de banaliser la Shoah ni de mettre dans le même sac les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes commis sur les enfants ! Il s’agit d’un vrai sujet de société. Ces crimes existent et lèsent à vie des centaines de milliers de personnes. Il faut donc faire évoluer le droit sur ce point comme ce texte le fait évoluer sur d’autres. Il n’y a pas de raison d’être plus efficace en matière financière qu’en matière de droits des citoyens.

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