Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 12 janvier 2017 à 9h30
Éthique du sport régulation et transparence du sport professionnel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste auquel j’appartiens a souhaité inscrire ce texte à l’ordre du jour de sa niche parlementaire, car nous pensons qu’il constitue l’un des textes les plus importants de la législature dans le domaine du sport. Il complète en cela deux textes que nous avons adoptés en 2015 et 2016, relatifs aux sportifs de haut niveau et aux supporters.

Cette proposition de loi de nos collègues sénateurs Dominique Bailly et Didier Guillaume a été largement inspirée des travaux de la Grande conférence sur le sport professionnel français, qui a rassemblé l’ensemble des acteurs du sport professionnel sous l’égide du secrétaire d’État chargé des sports, Thierry Braillard, que je remercie ici chaleureusement pour sa disponibilité et son écoute lors de nos réunions et échanges sur ce texte. Si ce texte n’a pas vocation à révolutionner le sport professionnel, il permet d’apporter une réponse à certains sujets identifiés lors de la Grande conférence sur le sport professionnel français, afin d’améliorer la compétitivité de nos clubs dans un environnement international très concurrentiel, tout en renforçant la régulation et la transparence du sport professionnel.

Il comporte également un important volet destiné à renforcer et préserver l’éthique du sport. En effet, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, les fédérations devront instituer des comités d’éthique et de déontologie. Les présidents de fédérations, de ligues, du comité olympique comme du comité paralympique devront adresser des déclarations de patrimoine et d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, mesure qui apparaît tout à fait naturelle au vu des missions de service public que remplissent ces organismes.

Les ligues pourront se constituer partie civile pour mieux lutter contre les atteintes directes et indirectes portées aux intérêts des associations et sociétés sportives et des sportifs professionnels. Les fédérations se verront reconnaître le droit d’organiser des contrôles et de prononcer des sanctions pour tous les faits qui relèveraient de la fraude technologique. Les interdictions de parier, applicables aux acteurs des compétitions sportives, seront étendues à l’ensemble des compétitions de la discipline concernée, pour éviter tout conflit d’intérêts. Les infractions de corruption active et passive dans le domaine du sport engloberont la totalité des comportements délictuels qui peuvent exister dans ce domaine. Enfin, les pouvoirs des directions nationales de contrôle de gestion – DNCG – seront considérablement renforcés : elles contrôleront désormais l’activité financière des agents sportifs, de même que les projets d’achat, de cession ou de changements d’actionnaires des clubs.

La commission a également adopté plusieurs amendements portant sur les éducateurs sportifs et les agents sportifs, qui visent à préserver autant que possible l’éthique de ces intervenants au rôle fondamental. Ainsi, s’agissant des éducateurs sportifs, les incompatibilités liées aux condamnations pénales ont été largement étendues, tandis qu’une incompatibilité de la profession d’agent sportif avec une condamnation pour fraude fiscale été explicitement inscrite dans la loi.

Toutes ces mesures concourent à préserver l’éthique du sport, mais elles ont aussi pour effet, notamment en ce qui concerne le contrôle opéré par les DNCG, de rassurer les investisseurs, ce qui ne peut que concourir activement à la compétitivité des clubs.

C’est là le second volet de ce texte, qui tend à répondre, par différents moyens, au moindre attrait des investisseurs pour les clubs français. L’article 6 concède ainsi à la société sportive un droit d’usage du numéro d’affiliation de l’association sportive. Ce numéro, qui lui est délivré par la fédération lors de son affiliation, lui appartient et lui permet notamment de s’inscrire à des compétitions sportives. Les sociétés sportives en ont donc besoin, elles aussi, pour les activités qui leur ont été confiées par l’association. Il s’agit ici de sécuriser les relations qui lient les associations à leurs sociétés sportives, pour rassurer les investisseurs sur le fait que le club dans lequel ils investissent pourra, sans obstacle, participer à des compétitions.

L’article 7, tel qu’il nous a été soumis, a fait l’objet d’un certain nombre d’interrogations de la part des clubs professionnels et des sportifs. La commission a donc entendu clarifier le message envoyé par cette disposition : il ne s’agit pas de diminuer les cotisations patronales payées par les clubs pour accroître la compétitivité de ces derniers, mais de remédier à une situation juridique qui n’est pas celle qu’elle devrait être.

Le revenu d’un sportif professionnel comprend, à mon sens, deux éléments distincts : d’une part le salaire, qui résulte de sa présence sur le terrain, aux entraînements, de ses performances sportives, et qui est sa rémunération, soumise à cotisations et ouvrant doit à des droits sociaux ; d’autre part la commercialisation de son droit à l’image, qui dépend de sa notoriété et des recettes commerciales générées lorsque le club utilise son nom, son image ou sa signature, par le biais de publicités, de ventes de maillots, etc. C’est sur ce point uniquement que s’applique la notion de redevance, qui ne doit pas être considérée comme un élément salarial. Le sportif peut être ainsi assimilé à un artiste du spectacle ou mannequin, qui touche une rémunération pour sa prestation physique, mais aussi des redevances pour les recettes générées ensuite par l’utilisation de son image.

Le dispositif proposé par nos collègues sénateurs faisait ainsi sens. Toutefois, la commission a adopté plusieurs amendements tendant à garantir sa cohérence, d’une part, et sa bonne utilisation d’autre part. Afin d’éviter tout risque d’optimisation sociale, il appartiendra aux partenaires sociaux de définir le plafond de la redevance susceptible d’être versée aux sportifs ainsi que le seuil de la rémunération versée au titre du contrat de travail à partir duquel un tel contrat peut être conclu. Pour conforter ce dispositif, je vous proposerai tout à l’heure un amendement prévoyant que ce contrat rappelle, sous peine de nullité, les conditions retenues par la convention ou l’accord collectif national en ce qui concerne le plafond de cette redevance et le seuil de rémunération.

L’article 7 bis B, quant à lui, ouvre la voie à une nouvelle piste de financement pour les associations ou les sociétés sportives, se fondant sur le constat largement partagé qu’il faut, partout où cette évolution est possible, responsabiliser davantage le monde sportif dans le financement de ses équipements et diminuer le poids des subventions dans les infrastructures. C’est pourquoi cet article rendra possible un mécanisme de garantie par les collectivités territoriales des emprunts contractés par les associations ou sociétés sportives qui souhaitent acquérir, réaliser ou rénover leurs équipements. Facultatif et strictement encadré par les dispositions du code général des collectivités territoriales, ce dispositif est très attendu par certains clubs, qui espèrent ainsi pouvoir plus facilement développer des projets économiques intéressants pour leurs territoires et pour les finances publiques des collectivités.

Les deux piliers de cette proposition de loi sont complétés par d’autres dispositions importantes, parmi lesquelles doit être notamment mentionné l’article 9, qui prévoit, conformément aux recommandations issues de la Grande conférence sur le sport professionnel français, une conférence permanente du sport féminin. Conçue comme un espace de dialogue associant les niveaux nationaux et territoriaux, elle doit accompagner les efforts nécessaires pour mieux reconnaître les sportives professionnelles dans notre pays. Dans le même esprit, l’article 9 ter adopté par la commission tend à lever certains freins juridiques aux financements des sociétés sportives gérant des activités sportives féminines.

Enfin, l’article 12, adopté à l’initiative de nos collègues sénateurs, s’inspire de modèles européens pour ouvrir la voie à un dialogue entre les différents acteurs de l’exploitation et de la diffusion du sport, afin de lutter contre le piratage. Les travaux de la commission ont permis d’en assurer la conformité avec le droit européen, tout en donnant plus de marge à ses acteurs, afin de parvenir à un accord sur ce sujet.

Vous l’aurez probablement compris, nous examinons aujourd’hui un texte équilibré, amélioré par les travaux de la commission et très attendu par les différents acteurs du monde du sport, que j’ai rencontrés. Aussi, mes chers collègues, avant de vous inviter à l’adopter, sous réserve des nouvelles améliorations que nous apporterons, je tiens à remercier les collègues de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et plus particulièrement le président Patrick Bloche, pour l’accueil qu’ils m’ont réservé dans cette commission et pour le travail qui a été mené dans le véritable esprit d’équipe que ce texte méritait.

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