Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 12 janvier 2017 à 15h00
Respect de l'animal en abattoir — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni, rapporteur de la commission des affaires économiques :

À la suite de ces vidéos, le Gouvernement a ordonné des inspections spécifiques dans l’ensemble des abattoirs de boucherie en France, et l’Assemblée nationale a, sur proposition du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, auquel j’appartiens, constitué une commission d’enquête ayant l’ambition de faire la lumière sur les conditions d’abattage dans les abattoirs français. La commission d’enquête, que j’ai eu l’honneur de présider, dont Jean-Yves Caullet était le rapporteur et dont certains membres, que je tiens à saluer, sont aujourd’hui présents, a procédé à de très nombreuses auditions ou tables rondes. Toutes ces rencontres ont été publiques, ouvertes à la presse, et très largement suivies sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale. Les auditions ont été longues, riches, particulièrement complètes et menées, je le crois, sans esprit partisan. Les intervenants ont pu s’exprimer longuement et défendre, parfois avec passion, toujours avec respect, leurs positions et leurs propositions.

Parallèlement à ces auditions, la commission a procédé à des visites inopinées dans un certain nombre d’abattoirs représentatifs. Il s’agissait de voir sur le terrain comment fonctionnent concrètement ces établissements, afin de mieux comprendre ce qui était ensuite dit lors des auditions. Il fallait en effet éviter, à mes yeux, que cette commission soit une commission de salon, éloignée du terrain. À l’issue de ce travail approfondi, la commission a adopté à la quasi-unanimité un rapport, que j’espère complet, qui a été enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 20 septembre dernier. Ce rapport contient 65 propositions précises et concrètes, qui ont été rassemblées autour de cinq thématiques : Faire évoluer les règles ; accroître les contrôles et la transparence ; renforcer la formation ; améliorer les pratiques d’abattage ; moderniser les équipements.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est l’aboutissement de ce long travail parlementaire. En effet, si la grande majorité des propositions ne relève pas de la loi mais plutôt de la pratique ou du pouvoir réglementaire, un certain nombre d’entre elles supposent une modification législative. Après avoir exercé son pouvoir de contrôle, le Parlement se saisit donc de sa capacité d’initiative législative pour tirer les conséquences du contrôle effectué. Je souligne que la proposition de loi a été signée par des représentants de tous les groupes politiques, signe de la forte adhésion transpartisane à ces dispositions.

La proposition de loi s’articule autour de trois titres : le premier est consacré à la transparence, le deuxième au contrôle et le dernier aux sanctions.

Le titre Ier, consacré à la transparence, contient deux articles.

L’article 1er a pour objectif de mettre en place un Comité national d’éthique des abattoirs, ce qui constitue la première proposition du rapport de la commission d’enquête.

Le rapport constate en effet la nécessité – de même, d’ailleurs, que la volonté collective – de faire évoluer les règles, afin que celles-ci traduisent mieux l’acceptabilité sociale et sociétale des pratiques de production de viande, notamment l’activité en abattoir. Cette acceptabilité évolue, de la même manière que les connaissances scientifiques et les techniques. Il est donc nécessaire de confronter ces trois thématiques de façon organisée et continue pour permettre une évolution harmonieuse des règles applicables.

Pour ces raisons, nous proposons de mettre en place un Comité national d’éthique des abattoirs qui pourrait rassembler les professionnels du secteur, des représentants des éleveurs, les associations de protection animale, des vétérinaires, des chercheurs spécialisés dans le bien-être animal, des représentants des cultes, des associations de consommateurs, des chercheurs – sociologues, juristes, philosophes – et des parlementaires. La commission y a ajouté, ce qui me semble effectivement indispensable, les représentants des salariés.

Toujours dans la thématique de la transparence, l’article 2 propose d’instituer auprès de chaque abattoir un comité local de suivi de site, réunissant les élus locaux, les exploitants d’abattoirs, les éleveurs, les services vétérinaires, les bouchers, les associations de protection animale, les associations de consommateurs et les représentants religieux dans la mesure où il est pratiqué un abattage rituel. La création de telles instances à l’échelon local poursuit deux intérêts : rompre avec le manque de transparence des abattoirs, et favoriser l’échange entre les acteurs et les parties intéressées autour de la protection animale en abattoir.

Le titre II a pour objet le renforcement du contrôle dans les abattoirs. Si les services vétérinaires y sont déjà présents en permanence, les images révélées par les lanceurs d’alerte ont bien montré que ce contrôle était encore insuffisant.

L’article 3 propose donc, pour les abattoirs de boucherie de plus de cinquante salariés, de rendre obligatoire la présence permanente d’un agent des services vétérinaires aux postes d’étourdissement et de mise à mort et, en dessous de ce seuil, de renforcer leur présence à ces postes.

L’article 4 avait pour objectif de rendre obligatoire l’installation de caméras dans toutes les zones des abattoirs dans lesquelles des animaux vivants sont manipulés. Il s’agissait là d’une proposition fondamentale qui rencontre une très forte adhésion de nos concitoyens. Au terme d’une discussion riche mais parfois ardue, la commission a malheureusement supprimé cet article. Il n’est néanmoins pas possible d’en rester là, ce dont tout le monde convient.

C’est pourquoi je vous proposerai un amendement qui, je l’espère, dissipera les inquiétudes, exprimées par les uns et par les autres, et permettra de renouer avec l’unanimité qui a présidé aux travaux de la commission d’enquête. Nous en débattrons évidemment lors de l’examen des amendements, mais je souhaiterais d’ores et déjà en présenter les principales caractéristiques.

Le contrôle vidéo que je vous propose est un dispositif équilibré et efficace. D’abord, la date d’entrée en vigueur est désormais fixée au 1er janvier 2018 ; nous sommes tous d’accord pour dire qu’une expérimentation est nécessaire : profitons du temps incompressible de la navette parlementaire pour la mener à bien dans les établissements qui se porteraient volontaires ; nombre d’entre eux sont déjà équipés de caméras et certains ont récemment annoncé leur volonté de franchir ce pas. L’expérimentation peut donc être rapidement lancée, évidemment sous le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Je précise que si une loi est évidemment nécessaire pour généraliser à tous les abattoirs un contrôle vidéo obligatoire, cela n’est pas le cas pour une expérimentation, qui peut très bien commencer sur la base du dispositif juridique existant.

Ensuite, la liste des personnes ayant accès aux images a évolué par rapport au texte initial : n’y figure plus la direction de l’établissement, ce qui est de nature à rassurer les représentants du personnel qui craignaient que la direction n’utilise ces images à d’autres fins que celle prévue par la loi.

Le texte prévoit très clairement que la finalité exclusive est la protection animale. Y sont par contre ajoutés les responsables de la protection animale, dont le rôle est de plus en plus important dans les établissements : seuls les RPA et, surtout, les services vétérinaires auront donc accès aux images.

Enfin, le dispositif est clairement inscrit dans le régime de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en particulier en ce qui concerne les sanctions en cas de détournement de finalité ou de divulgation des images – cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende sont prévus. Les modalités d’application du dispositif sont renvoyées à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL, ce qui est de nature à renforcer les garanties en termes de protection de la vie privée.

L’article 5 prévoyait d’autoriser les parlementaires à visiter les établissements d’abattage français de façon inopinée. Il a également été supprimé par la commission : je vous proposerai une nouvelle version de ce droit de visite, placée après l’article 2 et dans le titre consacré à la transparence, et non plus dans celui consacré au contrôle.

Mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est aujourd’hui soumise constitue une avancée majeure, à condition de ne pas la vider de sa substance. Dans cet hémicycle, nous sommes sous l’oeil des caméras. Les Français nous regardent ; ils nous écoutent très nombreux ; ils attendent de nous du courage et non de l’hypocrisie.

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