La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des sports, madame la rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, le sport est au coeur de notre pacte républicain. Il est, sans conteste, un vecteur de cohésion sociale, d’union nationale, et c’est à ce titre qu’il importe d’inscrire dans la loi des règles essentielles pour assurer l’éthique et la transparence dans le sport professionnel. Ce sont précisément les deux fondements qui régissent la présente proposition de loi, que le groupe RRDP soumet aujourd’hui à l’Assemblée.
Les sportifs professionnels, de toutes disciplines, doivent se placer en fer de lance de valeurs d’intégrité. Adulés, admirés, pris en exemple, ils endossent une responsabilité à l’égard des supporters, en particulier des plus jeunes. Le rôle du législateur, notre rôle, est de prévoir les moyens de respecter éthique et transparence.
Permettez-moi d’emprunter à Confucius cette remarque : « Voir ce qui est juste et ne pas le faire est un manque de courage. » J’ajouterai modestement : L’éthique nous enseigne à considérer ce qui semble plus juste. Ayons le courage de bâtir les fondements de l’éthique du sport professionnel.
La proposition de loi vise, dans ce domaine, à faire reculer quelques tentations ou actes délictueux, en tout cas pour quelques-uns.
Le texte soumis au vote de notre assemblée résulte, rappelons-le, des conclusions rendues le 16 avril 2016 par la Grande conférence sur le sport professionnel français. Il découle d’un dialogue avec toutes les composantes du monde du sport professionnel et marque ainsi un progrès certain qui fera date dans le domaine. C’est la raison pour laquelle le groupe RRDP a souhaité défendre devant notre assemblée cette proposition de nos collègues sénateurs du groupe socialiste pour que les dispositions qu’elle contient soient adoptées dans les plus brefs délais.
Je voudrais, au passage, souligner à nouveau le travail remarquable de notre rapporteure, Jeanine Dubié, qui a mené de nombreuses auditions avec toutes les composantes du sport professionnel en un temps record. Il est ressorti de ces auditions que, s’il était nécessaire de mettre en place une politique volontariste en matière d’éthique, il l’était tout autant de prendre en compte la compétitivité des clubs français dans le sport professionnel, tant au plan national que sur la scène européenne.
Le texte que nous examinons a quatre objectifs principaux et pour le moins fondamentaux : préserver l’éthique du sport, contrôler les flux financiers du sport professionnel, améliorer la compétitivité des clubs professionnels et promouvoir le développement et la médiatisation du sport féminin.
Dès son article 1er, la proposition de loi impose aux fédérations sportives, en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées le cas échéant, d’établir une charte d’éthique et de déontologie avant le 31 décembre de cette année.
Les présidents de fédération, de ligue, du Comité olympique et du Comité paralympique devront adresser des déclarations de patrimoine et d’intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, mesure qui semble des plus naturelles au vu des missions de service public que remplissent ces organismes.
Par ailleurs, parce que le sport professionnel engendre d’importants flux financiers, la proposition de loi vise à réguler les paris sportifs en son article 3. Elle prévoit ainsi une nouvelle rédaction de deux articles du code pénal afin de sanctionner effectivement les pratiques délictuelles auxquelles certains peuvent être tentés d’avoir recours pour modifier l’issue d’une compétition.
Le titre V prévoit en son article 12, que j’estime protecteur, un accord professionnel pour lutter contre la diffusion sans droits des contenus sportifs sur internet, en concordance avec le droit européen.
Outre la préservation de l’éthique du sport professionnel et le souci de mieux contrôler ses flux financiers, la proposition de loi a également pour objet d’améliorer la compétitivité des clubs professionnels.
Ainsi l’article 6 vise-t-il à sécuriser les relations qui lient les associations à leurs sociétés sportives. Les investisseurs disposeront d’un cadre les rassurant sur le fait que le club dans lequel ils investissent pourra effectivement concourir à des compétitions. Notre rapporteure a, sur ce point, introduit un amendement précisant que la fédération délivre un numéro d’affiliation à l’association sportive, seule détentrice de ce numéro, sans que cette dernière soit exonérée d’un droit d’usage, par la société sportive, défini par convention entre les deux parties.
L’article 7, quant à lui, revêt une importance capitale en ce qu’il aborde le cas des sportifs qui jouissent d’une forte notoriété.
Ces sportifs sont peu nombreux. On sait que la majorité d’entre eux ne gagnent pas outrancièrement leur vie. Cela étant, on ne peut nier qu’une petite minorité bénéficie de revenus particulièrement élevés, auxquels peuvent s’ajouter des sommes perçues au titre de leur droit à l’image. Il était donc nécessaire de clarifier l’articulation entre ces revenus issus du droit à l’image et le salaire des sportifs stricto sensu, qui résulte de leur présence sur le terrain comme aux entraînements et de leurs performances sportives, ainsi que vous l’avez souligné, madame la rapporteure.
Les recettes commerciales issues du droit à l’image de certains sportifs professionnels ont indéniablement des retombées financières sur les clubs, qui profitent à tous leurs membres, y compris aux autres sportifs du club. Les revenus provenant du droit à l’image ne doivent donc pas être considérés comme un élément de rémunération.
Le texte propose ainsi que les sommes issues de l’exploitation du droit à l’image des sportifs prennent la forme d’une redevance. Ce complément donnera lieu à un contrat spécifique et les sportifs concernés auront à verser des contributions sociales sur les revenus de leur patrimoine à hauteur de 15,5 %. Ce dispositif, que l’on peut vous remercier d’avoir présenté, madame la rapporteure, paraît à la fois juste et équitable : juste, car il évitera l’évasion fiscale grâce à une clarification par le biais d’un contrat et une entrée dans l’assiette taxable de la contribution sur les revenus du patrimoine ; équitable, car ce cette somme sera distincte du salaire des sportifs.
En somme, l’article 7 pose un point d’équilibre. D’une part, il maintient la possibilité pour les sportifs de tirer profit de leur image. D’autre part, les clubs pourront proposer des rémunérations différentes et distinctes des revenus liés au contrat de travail, ce qui renforcera leur compétitivité, notamment sur la scène internationale.
Concernant le financement des infrastructures sportives, le texte initial prévoyait, dans un article 7 bis A, le plafonnement de la participation financière des collectivités territoriales à hauteur de 50 %. Ce plafond a fait l’objet de nombreux débats en commission, pour être finalement supprimé. Le Gouvernement a alors fort opportunément proposé un mécanisme de garantie d’emprunt permettant aux associations ou aux sociétés sportives qui en ont les moyens de prendre directement en charge leurs infrastructures. C’est l’objet de l’article 7 bis B.
La sécurité financière de toutes les composantes participant au développement du sport professionnel paraît nécessaire et doit être posée clairement. Pour cette raison il nous semble que l’article 9 quater ne va pas dans le bon sens. En effet, il fragiliserait le financement de la filière sportive, qui repose en grande partie sur les droits télévisuels. Nous ne souhaitons pas d’obstacles à l’accueil de grands événements sportifs en France où se dérouleront prochainement les championnats du monde de handball,…
…de hockey sur glace et de canoë-kayak. Et nul besoin d’évoquer les événements sportifs d’importance majeure à l’organisation desquels elle se porte candidate.
Enfin, le titre III, consacré à l’amélioration de la compétitivité des clubs professionnels et de la professionnalisation de leurs acteurs, répond à une attente des arbitres et des juges professionnels, qui pourront désormais être salariés par les fédérations sportives par le biais de CDD spécifiques.
Au-delà de ces avancées, il en est une que je veux souligner, c’est la promotion du développement et de la médiatisation du sport féminin.
Lors de nos travaux en commission, j’ai proposé un amendement tendant à permettre à une personne privée, dans des cas spécifiques, de détenir et de contrôler plusieurs sociétés sportives, masculines comme féminines, dont l’objet social porte sur une même discipline. Les équipes féminines ne doivent plus être maintenues dans l’ombre des équipes masculines. Elles méritent en effet la même considération et le même soutien, d’autant que leurs performances sportives sont tout aussi excellentes, notamment – et j’adresse là un clin d’oeil à nos équipes lyonnaises, monsieur le secrétaire d’État – le palmarès de l’équipe féminine de l’Olympique lyonnais, qui s’illustre à chaque saison, tant au niveau national qu’au niveau européen, et bien entendu celui du club Lyon Basket féminin.
Pour toutes ces raisons et au regard de la qualité de nos débats en commission, le groupe RRDP est confiant quant au soutien dont il bénéficiera sur l’ensemble des bancs de cette assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je tiens d’abord moi aussi à féliciter Jeanine Dubié, qui est une experte en sports et a beaucoup oeuvré, ainsi que vous, monsieur le secrétaire d’État, avec qui nous avons beaucoup travaillé sur le CICE du monde associatif. Quelle belle avancée ! Même sur les arts martiaux mixtes, si nous ne sommes pas tout à fait d’accord, nous le sommes tout de même à 90 %. Vous êtes un grand ministre. Avant vous, j’ai eu la chance de saluer Marie-George Buffet, qui était également une ministre des sports exceptionnelle.
Ce texte de loi est issu des nombreuses propositions faites par la Grande conférence sur le sport professionnel francais où plus de cinquante experts ont travaillé.
Partant du postulat que le sport est en grande difficulté, les différents articles soumis à notre examen tendent à répondre aux besoins du sport professionnel français.
Fondé sur deux axes forts, le présent texte veut garantir l’éthique du sport professionnel et améliorer la compétitivité des clubs français. Il faut impérativement renforcer la position des clubs français dans le sport professionnel mondial tout en assurant leur régulation comme la transparence de leur gestion afin de préserver l’éthique du sport.
L’éthique est constitutive du monde du sport, qu’il soit professionnel ou amateur. C’est l’une des valeurs fondamentales qui doit être respectée sur le terrain et en dehors. Elle doit être appliquée aux sportifs tout comme elle doit s’imposer aux représentants et dirigeants de fédérations sportives et de ligues professionnelles.
Préserver l’intégrité des compétitions sportives doit demeurer l’une de nos priorités quotidiennes.
L’éthique, parce qu’elle permet au sport de porter les valeurs positives qui en font l’essence et la richesse, est un fondement de la politique sportive.
Elle doit aussi être associée à une meilleure transparence, avec un renforcement des contrôles des flux financiers pour les clubs et pour les agents sportifs, afin d’éviter des montages frauduleux. De plus, les clubs professionnels, qui sont le socle de notre sport, connaissent en ce moment une fragilité financière. Ainsi, une plus grande sécurité juridique facilitera les investissements privés, renforcera leur compétitivité et créera les conditions d’un moindre financement par les pouvoirs publics. Ne dépensons pas doublement ce que l’on ne peut plus se payer.
Le principe d’une clarification du régime juridique de la rémunération de l’image du sportif permettra également de développer des ressources non exploitées pour les clubs et pour l’État. J’insiste, comme Mme Hobert, sur l’article 7 qui permettra un complément de salaire aux joueurs et aux entraîneurs qui auront accepté ce contrat spécifique. Cette disposition fait une distinction entre les deux aspects du métier de sportif ou d’entraîneur : d’une part, la participation à des compétitions sportives dans le cadre d’un contrat de travail bien précis et, d’autre part, une prise en compte de l’exploitation de l’image liée à des attributs de personnalité.
Il faut préciser que la rédaction de cet article n’oblige en rien le sportif ou l’entraîneur à contracter avec son club. Le seuil des 10 % initialement prévu a été supprimé – je vous remercie, madame la rapporteure –, afin que les syndicats puissent négocier du pourcentage opportun. Comme en témoigne l’affaire des « Football Leaks », il était nécessaire d’encadrer ce contrat, qui existe déjà pour les artistes ou les mannequins, tout en préservant le dialogue social. Ainsi, sans accord des deux parties, le club ne pourra pas exploiter leur image à des fins promotionnelles ou publicitaires. Les droits sociaux des sportifs et des entraîneurs seront préservés. Le salaire lié à leur activité principale demeurera prépondérant.
Il est aussi indispensable de répondre aux attentes des fédérations et des ligues professionnelles qui souhaitent accélérer le développement du sport professionnel. Il est essentiel d’accompagner la professionnalisation des sportifs avec des garde-fous éthiques, afin que ce surcroît de moyens ne conduise pas à des dérives comme en témoignent les différents scandales sportifs.
J’ai eu la chance d’être adjoint aux sports de la ville de Montpellier pendant quatorze ans. Le scandale des pieds nickelés, des sales gosses du Montpellier Handball, je l’ai vécu de près. Je me félicite, monsieur le secrétaire d’État, que l’on interdise à nos joueurs de parier non seulement sur un match, mais également dans leur discipline. Je pense qu’il faudra aller plus loin et réfléchir à la situation de leurs compagnes. Dans l’affaire de Montpellier, c’était elles qui avaient parié. Entre l’appât du gain et l’emballement médiatique, l’argent roi rend fou, comme le dénonçait François Mitterrand il y a plus de quarante ans : « l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, […] l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes ». Paroles, malheureusement, terriblement d’actualité !
Nous avons trop longtemps mésestimé le sport business, qui, j’ose le dire, n’est pas un gros mot. Combien il pourrait être bénéfique, s’il était rigoureusement encadré par des principes éthiques et des garanties de transparence.
Enfin, le développement d’internet et de sites sur le web a permis à certaines plateformes de diffuser des contenus audiovisuels sans droit internet. Il y a donc lieu de lutter non seulement contre la promotion et la mise à la disposition en ligne de façon illicite, mais également contre l’accès illicite à de tels contenus.
La conclusion d’un accord professionnel établissant les engagements respectifs des différentes parties pour lutter contre le piratage des compétitions sportives est une solution pragmatique, puisque les acteurs seront armés afin de lutter contre l’accès au sport diffusé en direct, et efficace, comme le montre l’exemple des pays ayant déjà mis en place ce type d’accords professionnels. Plusieurs accords pourront être conclus entre les acteurs, afin de tenir compte des différents niveaux d’engagements pris selon les intervenants et leurs prérogatives, et selon les règles européennes et de droit interne en vigueur en ce domaine.
Pour finir, je tiens à ajouter que, face au faible remplissage des stades ou des salles, il est nécessaire que le sport professionnel français se modernise et devienne plus attractif pour tous. Donnons les moyens aux mécènes, à des gens comme Louis Nicollin, patron du club de football de Montpellier, ou Mohed Altrad, qui investissent leur fortune personnelle dans le sport professionnel. In fine, le contribuable ne doit plus payer pour le sport professionnel. Il faut que les clubs puissent investir sur la durée dans des infrastructures innovantes, en créant des lieux de vie autour des stades, afin de générer une activité économique créatrice d’emplois.
Par exemple, la municipalité ou les collectivités pourraient mettre à disposition un terrain, des sorties d’autoroute, des tramways ou des gares, parce que la fluidité est indispensable, et que l’argent qui ne sera pas mis là soit mis au service de l’excellence pour tous du sport amateur. C’est bien la proposition faite avec la possibilité pour les collectivités territoriales de garantir les emprunts contractés en vue de l’acquisition, de la rénovation ou de la réalisation d’équipements sportifs par les sociétés sportives.
Je me félicite aussi que, d’un commun accord en commission, sous la présidence de Patrick Bloche, la disposition relative au plafond des investissements des collectivités locales à 50 % du montant total de la construction de nouvelles enceintes ait été supprimée.
En conclusion, je tiens à souligner que cette proposition de loi va dans le sens de l’évolution de notre société et pose les jalons du sport professionnel à venir. Ce texte a fait l’objet d’une très large consultation de tous les acteurs du sport professionnel : tous ont salué les avancées proposées qui étaient attendues. Il est équilibré entre mesures éthiques et transparence et mesures destinées à renforcer la compétitivité du sport professionnel français.
Il permettra de renforcer économiquement les clubs professionnels afin qu’ils soient en mesure de conserver leurs meilleurs sportifs et de mener des politiques sportives ambitieuses, dans un contexte de marché ouvert et très concurrentiel au plan européen. C’est une nécessité pour l’attractivité des championnats nationaux de nos différentes disciplines, qui doivent continuer à être composés de clubs issus de grandes villes et de villes moyennes, notamment de Lyon, monsieur le secrétaire d’État.
Comme mon collègue, le sénateur Bailly, auteur et rapporteur de la proposition de loi, je considère que ce texte sera réellement utile au développement du sport professionnel français.
Aussi, chers collègues de toutes obédiences et de tous bords, je vous encourage vraiment à soutenir et à voter ce texte à l’unanimité, afin qu’il puisse être adopté définitivement avant la fin de la législature. Et vive le sport !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la France a toujours été un modèle pour le développement du sport, tant au niveau national qu’international. De Pierre de Coubertin à la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, nous avons toujours su porter haut, fort et loin les valeurs du sport et les idéaux de l’olympisme. Notre nation a toujours été une nation sportive, prête à défendre sans cesse les valeurs du sport.
Mais le sport professionnel que nous connaissons aujourd’hui doit faire face à de nombreux enjeux. L’économie du sport professionnel n’est évidemment plus la même. Les flux financiers en présence ne sont plus les mêmes. La compétitivité est forte et grande. L’arrivée de l’argent dans le sport est une réalité, qui a modifié les équilibres en présence. Le sport est désormais une matière judiciaire à part entière et, souvent, c’est le juge qui a le dernier mot. Mais, pour autant, les valeurs du sport demeurent les mêmes. Plus que jamais, elles doivent être garanties et protégées.
Tel est l’objet de la proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs. Le texte propose trois séries de mesures sur lesquelles je vais revenir dans leur ordre de présentation.
Les mesures visant à renforcer l’éthique du sport sont celles qui soulèvent le moins de difficultés. Garantir l’éthique du sport et la transparence des compétitions doit être notre priorité. Nous devons, aujourd’hui plus que jamais, nous conformer aux exigences du Comité international olympique, dans le cadre de son agenda 2020. Nous avons un savoir-faire en matière d’organisation d’événements sportifs internationaux. La lutte contre la manipulation des compétitions sportives doit être affichée comme un élément indispensable. Il ne doit y avoir aucun doute quant à la transparence et à l’impartialité des compétitions. Pour cela, nous ne pouvons qu’être tous d’accord avec les dispositions en faveur de la lutte contre la fraude technologique, celles interdisant les paris au sein d’une même discipline, chères à mon collègue Guénaël Huet, ou encore celles visant à renforcer l’infraction de corruption sportive.
Sur le contrôle des flux financiers du sport professionnel, il y a également peu de difficultés, même si nous nous rendons compte que tous les problèmes ne sont pas complètement réglés. Je pense notamment à la profession d’agent sportif, au sujet de laquelle, comme Pénélope, il faut faire, défaire et refaire. L’article 5 élargit les pouvoirs de contrôle des directions nationales du contrôle de gestion. Nous pouvons nous en féliciter et espérer que le travail de ces organismes permettra de réguler la fonction d’agent sportif.
Quant à l’amélioration de la compétitivité des clubs professionnels et de la professionnalisation de leurs acteurs, c’est le coeur du sujet. Il faut tenir compte d’un élément propre au sport professionnel : l’aléa. Un match n’est jamais gagné ou perdu. Au tennis, c’est souvent au dernier moment que l’on sait si l’on gagne ou si l’on perd. Ce sont peut-être les tirs au but qui détermineront le gagnant… Cet aléa, il faut tenter de le maîtriser, afin de protéger ceux qui en participent. La carrière des sportifs est ainsi brève, trop, parfois, quand elle s’arrête en chemin. Les articles 6 et 7 de la proposition de loi répondent à cet objectif de protection des sportifs contre l’aléa.
Même si nous reviendrons dessus dans le cadre de la discussion des amendements, je voudrais d’ores et déjà évoquer deux points. S’agissant, d’abord, de la formation, nous savons tous ici que la France est connue et reconnue pour son système de formation.
Nos centres de formation, dont je parle depuis longtemps, ont cette formidable capacité à faire un sportif, à faire un homme qui sera suivi au niveau médical de manière parfaite. Il faut les aider. Il faudrait faire en sorte qu’ils puissent bénéficier de la taxe d’apprentissage. Il serait très opportun d’aider les clubs français qui disposent d’un savoir-faire méritant d’être reconnu et valorisé.
Ensuite, second sujet important : la télévision et le sport. L’article 9 quater vise à instaurer une obligation de retransmission audiovisuelle gratuite pour des événements sportifs internationaux organisés en France. Comme je l’ai déjà souligné en commission, les députés de toutes les tendances comme les différents acteurs du sport sont tous d’accord pour dire qu’il faut diffuser plus largement des sports peu télévisés, notamment le sport féminin et le handisport. Cependant le critère proposé dans ce texte ne me paraît pas le bon, car il risque de mettre en danger l’attractivité de la France pour l’organisation de futures grandes compétitions internationales. Je rappelle – c’est l’actualité des dernières vingt-quatre heures – que les droits de diffusion sont un réel facteur de développement économique pour notre pays. Une étude vient ainsi de confirmer que l’Euro 2016 a procuré à la France 1,2 milliard d’euros de retombées économiques. Le sport représente donc bien plus que le sport. J’espère que vous entendrez ce message, monsieur le secrétaire d’État, car si l’on retient ce critère, j’ai bien peur que l’on ne pénalise gravement la candidature de la France et de la ville de Paris aux Jeux olympiques.
Cette proposition de loi sera vraisemblablement la dernière de la législature pour ce qui est du domaine du sport. Aussi, je remercie à nouveau Mme la rapporteure pour ses excellents commentaires et le temps qu’elle a consacré à ce travail. Je crois que nous pouvons tous la féliciter.
Plus généralement, je tenais à saluer le travail qui a été réalisé au cours de ces dernières années pour renforcer la lutte contre le dopage, sécuriser la situation juridique et sociale des sportifs de haut niveau et, aujourd’hui, trouver cet équilibre parfois difficile entre le sport de compétition et les valeurs sportives qui nous sont si chères dans cette assemblée. Je voudrais citer Guénhaël Huet, mon compagnon dans le travail sur ces divers textes…
Le groupe Les Républicains a pris part à ces débats, de manière constructive, même si, monsieur le secrétaire d’État, nous n’avons pas toujours été pleinement entendus par votre majorité. Permettez-moi de le regretter. Pour autant, nous ne changerons pas notre position : comme vous l’avez compris, notre groupe votera ce texte.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure, mes chers collègues, vingt-deux ans passés au conseil général de la Loire, dont dix-sept en qualité de vice-président chargé de la jeunesse et des sports, m’ont conduit à lever bien des obstacles pour donner à ce secteur la place qu’il mérite. Aussi, c’est avec un réel plaisir que j’interviens sur un sujet qui malheureusement a été trop souvent négligé par la représentation nationale, sous tous les gouvernements. En vingt-neuf ans, j’ai dû voter le budget quatre ou cinq fois ; je suis donc très à l’aise pour en parler.
Je suis convaincu, monsieur le secrétaire d’État – et vous l’avez vous-même souligné –, que le sport n’est pas seulement une activité physique ; c’est aussi un domaine qui porte des valeurs essentielles à la vie en société. En ces temps où le vivre ensemble et le sentiment d’appartenance à la nation sont bousculés, le sport joue un rôle majeur d’intégration sociale et d’éducation de la jeunesse, et contribue au rayonnement de la France dans les compétitions internationales. Je regrette d’ailleurs que nous ne soyons aujourd’hui qu’une vingtaine pour débattre d’un sujet aussi important, qui touche des millions de licenciés et de sportifs.
Des sujets tels que celui-ci ne devraient peut-être pas être débattus le jeudi. Cela dit, même un jeudi, ils devraient nous réunir tous !
Le sport représente également un enjeu économique pour le territoire. En effet, les revenus et les emplois qu’il génère constituent un ensemble bien plus vaste que ceux liés aux seules entreprises du secteur sportif. Du BTP à l’environnement, en passant par la restauration collective et l’énergie, bien des secteurs tirent des bénéfices du développement du sport, et pas uniquement du sport professionnel.
Aujourd’hui, à l’occasion de l’ordre du jour réservé au groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, nous examinons un texte important pour le milieu sportif, et ce n’est pas peu de dire que cette proposition de loi est attendue par les acteurs concernés, dont certains sont présents dans les tribunes. Avant de commencer mes propos, je tiens à saluer l’esprit qui a présidé à l’élaboration de ce texte ; connaissant Mme la rapporteure depuis quatre ans, je n’en suis pas surpris. Il est important, à mon sens, de rappeler que les dispositions que nous nous apprêtons à adopter ont fait l’objet de multiples concertations. Comme Mme la rapporteure l’a souligné, la plupart des propositions s’inscrivent dans la continuité du rapport de la Grande conférence sur le sport, de rapports parlementaires, ou sont le fruit d’auditions. On pourra toujours regretter le caractère tardif de ce texte ou critiquer le fait que cette proposition se concentre sur des dispositions techniques sans impulser un véritable changement de gouvernance. Mais on peut également reconnaître – et je le fais volontiers – que dans un calendrier législatif contraint, les rapporteurs tant à l’Assemblée qu’au Sénat ont fait un choix pragmatique – qu’il serait nécessaire de privilégier dans bien d’autres domaines –, celui de ne retenir que des dispositions consensuelles.
J’y ai fait référence, le nombre élevé des travaux sur le sport révèle l’urgence de faire évoluer notre droit pour mieux protéger le sport et les compétitions sportives des risques auxquels ils sont exposés. Paré initialement de toutes les vertus, le sport est devenu progressivement le réceptacle des vices de notre société, à commencer par les violences dans les stades. Il faut saluer les présidents des clubs, responsables des stades, qui doivent gérer des situations difficiles. Je suis d’ailleurs surpris de la décision prise à l’encontre du football club de Metz, car là comme ailleurs, les présidents dénoncent les violences et font le maximum pour les éviter. À côté des violences, citons les conflits d’intérêts, les matchs truqués ou le dopage – autant de fléaux qui ruinent l’image du sport. Parce qu’elle tente d’enrayer ces pratiques délétères, cette proposition de loi est la bienvenue.
Dans chaque discipline sportive, le haut niveau représente une vitrine indispensable pour attirer de nouveaux licenciés et fidéliser le public. On le voit bien à l’occasion des Jeux olympiques : il suffit qu’une équipe de France brille pour que le nombre de licenciés de cette discipline augmente considérablement. Aussi, il est essentiel de veiller à l’intégrité et à la probité de nos grands champions. Le sport doit rester le lieu de l’humilité où les pratiques conduisant à fausser les résultats n’ont pas leur place. Pour ce qui est, plus précisément, des paris sportifs, nous soutenons l’élargissement du champ des interdictions de parier pour l’ensemble des compétitions de leur discipline, comme le prévoit l’article 3 – je n’irai pas jusqu’à parler des compagnes, comme l’a fait Patrick Vignal, car cela serait sans doute un peu difficile à gérer ! Il s’agit de poursuivre le travail d’encadrement des paris en ligne et de garantir la sincérité des opérations de jeu.
S’agissant à présent des dispositions visant à mieux contrôler les flux financiers du sport professionnel et à renforcer la compétitivité des clubs professionnels, l’orientation prise par cette proposition de loi était fortement attendue. En effet, l’élargissement des pouvoirs des directions nationales du contrôle de gestion – DNCG – est une garantie supplémentaire en faveur de la transparence. Notre seule réserve – nous avons déjà eu l’occasion de le dire en commission – réside dans la question des moyens : cette nouvelle mission confiée aux DNCG pourra nécessiter un investissement financier supplémentaire et il reviendra aux ligues professionnelles de pourvoir à ces besoins.
Dans le même esprit, l’extension, à l’article 1 bis, des principes de la loi sur la transparence de la vie publique aux présidents de fédérations et de ligues professionnelles constitue un signal bienvenu et attendu par ces dernières. Pour ce qui est de la compétitivité des clubs professionnels et de la professionnalisation des acteurs, nous pensons comme vous, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est nécessaire d’accompagner nos clubs professionnels pour qu’ils soient suffisamment compétitifs et rivalisent avec les grands clubs européens. À ce propos, compte tenu des sommes en jeu, on ne peut faire l’impasse sur le besoin de sécurité juridique. Nous espérons que la clarification du droit d’usage du numéro d’affiliation pour la société sportive, prévue à l’article 6, sera un facteur d’attractivité pour les investisseurs.
S’agissant toujours de la compétitivité de nos clubs, j’aimerais dire quelques mots sur la gestion de l’image des sportifs. La complexité du sujet, nous l’avons vu, réside dans la définition du dispositif juridique le plus adéquat. Pour autant, ces difficultés surmontées, il me semble que l’introduction d’un nouveau dispositif sécurisé permettrait de mieux distinguer ce qui relève de la prestation de travail et ce qui relève de l’exploitation de l’image, du nom ou de la voix du sportif, afin de coller au mieux à la réalité de son métier. Sur un sujet différent, mais tout aussi majeur, nous avons pu constater que la possibilité ouverte à l’article 8 pour les fédérations de salarier les arbitres et les juges professionnels répond à des attentes précises. Je pense en particulier à la fédération de basket-ball. Présents sur le terrain et garants du respect des règles, les arbitres n’avaient jusqu’à aujourd’hui de professionnel que le nom puisqu’ils n’avaient ni statut ni protection spécifique.
En matière de promotion du sport, je suis heureux de la place donnée dans ce texte au sport féminin, même si la création d’une nouvelle structure ne résoudra pas, je le crains, le sexisme, voire le dénigrement dont font parfois l’objet nos sportives. Je salue à cet égard les brillants résultats de l’Olympique Lyonnais, même si ses recrutements sont un peu éloignés de la France – mais cela fait partie du jeu.
Nous sommes enfin favorables à l’article 14 qui précise que les établissements du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ont pour mission de favoriser la pratique sportive de haut niveau. Cette disposition fait écho à une précédente mission à laquelle j’avais eu l’honneur de participer aux côtés de Valérie Fourneyron. La tenue de grands événements sportifs internationaux contribue au rayonnement et à l’attractivité de notre pays et recèle des potentiels énormes de développement économique, social et environnemental. Il est donc essentiel pour un pays comme le nôtre de dépasser les politiques ponctuelles pour structurer une diplomatie sportive complète et pérenne.
Mes chers collègues, notre principal motif de déception reste le financement, que ce texte n’évoque pas suffisamment, même si l’extension du dispositif des garanties d’emprunt représente une avancée louable. Vous le savez, à ce jour, les financements privés tirés non seulement des retransmissions des événements sportifs, mais également des partenariats, sont réservés à une minorité de disciplines fortement médiatisées et notamment au football – dont je suis un ardent supporter. Cette situation entraîne de fortes disparités entre les disciplines sportives. Parallèlement, les finances des collectivités sont de plus en plus contraintes, mais l’investissement attendu par certaines fédérations reste élevé. Malgré de récents progrès réalisés à l’occasion de l’Euro 2016, le sous-équipement du territoire national en enceintes sportives adaptées aux nouveaux standards européens reste important et interroge à terme le modèle économique du sport professionnel.
Malgré les quelques critiques que je viens d’exposer, les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants soutiendront bien évidemment ce texte. Je remercie enfin Mme la rapporteure Jeanine Dubié pour la qualité de son travail. Et comme il est encore temps, je présente mes voeux à l’ensemble du monde sportif, et en particulier à tous les bénévoles qui le font vivre.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui – et qui sera certainement le dernier du quinquennat consacré aux questions sportives – complète le dispositif législatif mis en place depuis 2012, non seulement pour rendre le sport accessible à tous, dans un souci de santé publique, mais aussi pour favoriser le sport professionnel, conformément aux engagements pris par le Président de la République pour ce quinquennat.
Cette proposition de loi vise à adapter le cadre législatif pour permettre au sport professionnel français de se développer de façon cohérente vis-à-vis de son environnement international – notamment nos voisins européens. Grâce à la Grande conférence sur le sport professionnel, ce texte a fait l’objet d’une large concertation préalable, et a recueilli l’unanimité chez les acteurs du monde du sport. Il a été adopté à l’unanimité par le Sénat, et par la commission des affaires culturelles de notre assemblée. Il semble bien que les questions relatives au sport soient propices à de tels états de grâce – qui sont si rares en politiques ! Je m’en réjouis donc.
Plus sérieusement, compte tenu des contraintes du calendrier parlementaire, nous sommes conscients qu’il est nécessaire, aujourd’hui, de préserver l’équilibre du texte, afin que celui-ci reste satisfaisant pour nos collègues sénateurs. C’est ainsi que les dispositions de cette proposition de loi seront appliquées le plus rapidement possible. Le sport professionnel en a besoin pour demeurer compétitif vis-à-vis de nos voisins européens.
Ce texte comprend en outre plusieurs avancées en matière de sécurisation et de clarification. La mise en place d’un mécanisme de légalisation des garanties d’emprunt par les collectivités locales, sur la base du volontariat, était ainsi très attendue, pour permettre aux clubs français de réaliser les investissements nécessaires à la réalisation ou à la rénovation d’équipements sportifs. Ces investissements sont nécessaires pour que les clubs français combattent à armes égales leurs homologues dans la compétition européenne.
Ce mécanisme présente de surcroît deux avantages : d’une part, de responsabiliser et d’autonomiser financièrement les clubs ; d’autre part, d’alléger la charge financière des collectivités. Celles-ci pourront plus librement choisir les relations qu’elles entendent nouer avec les clubs professionnels de leur territoire. Ce mode de soutien est en effet moins contraignant pour les finances publiques.
Cette proposition de loi vise à créer un contrat spécifique en matière de droit à l’image. Sur ce point, j’estime que nous sommes arrivés à une rédaction équilibrée, permettant de répondre aux attentes des clubs aussi bien que des sportifs, et d’encadrer juridiquement la rémunération des attributs de la personnalité. Cela permet de clarifier, en la rendant plus lisible et plus transparente, une réalité économique. Il faudra cependant vérifier, à l’usage, que le plafonnement de 10 % des recettes ainsi produites ne pénalise pas, in fine, les joueurs ayant de petits salaires, contrairement à la volonté du législateur.
Un autre article vise à instaurer un droit d’usage du numéro d’affiliation. Il s’agit, là encore, d’une mesure de sécurisation, qui fait l’objet d’un large consensus. L’allongement de la durée du conventionnement est essentiel pour que les investisseurs puissent se projeter dans la durée.
Je terminerai mon intervention, une fois n’est pas coutume, en profitant de cette séance consacrée au sport pour appeler votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur une question que j’ai rapidement évoquée au cours de nos débats en commission : celle des certificats médicaux – bien qu’elle ne relève pas, j’en suis consciente, de cette proposition de loi. Selon un certain nombre de fédérations, en effet, le législateur a involontairement, dans la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, imposé des contraintes nouvelles, qui pourraient constituer un frein au développement de la pratique sportive. La suppression de la distinction entre les licences non compétitives – qu’elles soient de loisir, d’enseignement ou temporaires – et les licences permettant l’accès à la compétition a conduit à imposer la présentation d’un certificat médical y compris pour les licences non compétitives, contrairement à ce que prévoyait le régime antérieur.
Il faut, à mon sens, réaliser rapidement un rapport d’évaluation sur cette question afin de rectifier les éventuels impacts négatifs, s’ils sont avérés. Ce rapport, très attendu par les fédérations confrontées à des difficultés juridiques, pratiques et financières, pourrait en outre évaluer la possibilité, pour les fédérations, de disposer de marges de manoeuvre plus importantes dans la définition des règles qui gouvernent l’obtention et le renouvellement des licences en fonction des disciplines.
Pour terminer, mes chers collègues, mais vous l’aurez compris dès le début de mon intervention, je souhaite que nous poursuivions cette tradition sportive du consensus en adoptant une nouvelle fois à l’unanimité ce texte, pour un sport tendant vers plus d’éthique, bref, pour le sport qu’on aime.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le sport, c’est le goût de l’effort, la capacité de dépassement de soi, le respect de l’adversaire et le respect des règles. En ce sens, le sport est une école de la vie ; il incarne des valeurs et une éthique.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui porte précisément sur l’éthique du sport, la régulation et la transparence du sport professionnel. Or nous savons qu’il y a souvent loin de la coupe aux lèvres, et loin de la pratique à l’éthique sportive. Le dopage, les rencontres et les paris truqués, le récent scandale du Football Leaks, montrent à l’envi que l’idéal sportif n’est pas toujours en phase avec l’actualité, loin s’en faut.
À cet égard, je souhaite préciser qu’il s’agit d’un texte qui concerne le sport professionnel dans son ensemble, et pas seulement une ou deux disciplines spécifiques. Le contrôle des flux financiers ne saurait ainsi concerner uniquement le football ; de même, la nécessaire lutte contre tout type de fraude de la part des athlètes ne saurait non plus se réduire à un ou deux sports. Cette vision monosportive serait tout à la fois inéquitable et improductive, dans la mesure où elle serait susceptible de laisser le champ libre à certaines pratiques au sein de certaines disciplines sportives peu médiatisées. C’est un texte global qui nous est aujourd’hui soumis : c’est là, à mes yeux, l’une de ses vertus.
Il appartient donc au législateur d’édicter des normes qui, sans verser dans l’idéalisme ou l’angélisme, permettront d’éviter, ou à tout le moins de canaliser, des pratiques qui écornent et gangrènent une activité, parfois même au point de remettre en cause sa légitimité, voire son existence. Cette proposition de loi, qui nous vient du Sénat, s’articule autour de quatre dispositions principales : préserver l’éthique du sport, contrôler les flux financiers du sport professionnel, améliorer la compétitivité des clubs professionnels, promouvoir le développement et la médiatisation du sport féminin.
Au cours de ces dernières années, de nombreux rapports et de nombreuses contributions ont formulé des propositions sur ces sujets. La Grande conférence du sport professionnel, souhaitée par M. le secrétaire d’État Thierry Braillard, a réuni 150 personnes, six groupes de travail ainsi qu’un comité de pilotage, et a présenté soixante-sept recommandations, dont certaines sont reprises dans cette proposition de loi.
La création d’une charte d’éthique, l’application aux dirigeants sportifs des dispositions de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, la lutte contre les manipulations des compétitions sportives, le contrôle des flux financiers du sport professionnel et de l’activité des agents sportifs, le développement et la promotion du sport féminin, constituent des avancées notables. On peut estimer que, sur ces sujets, il était à la fois légitime, possible et utile d’aller encore plus loin, mais les règles proposées tendent, cependant, vers un objectif que nous partageons tous, au-delà de nos sensibilités politiques respectives.
Je tiens à souligner l’utilité de l’article 4 bis de la présente proposition de loi, qui permet à des agents sportifs communautaires de conclure une convention de présentation avec un agent sportif licencié en France. Cette disposition permettra de rétablir l’égalité entre les agents sportifs communautaires et les agents sportifs ressortissants d’un État non membre de l’Union européenne. Elle permettra également de faciliter l’arrivée en France de vrais talents sportifs qui, en l’état actuel de la réglementation, peuvent plus facilement contracter avec des clubs étrangers. À cette fin, il serait d’ailleurs opportun d’autoriser à l’avenir la présentation de deux, voire trois, conventions annuelles.
Je m’arrêterai également sur l’article 7, qui permet à une association ou à une société sportive de conclure avec un sportif ou un entraîneur professionnel un contrat relatif à l’utilisation et à l’exploitation commerciale de son image, de son nom ou de sa voix. Ce droit à l’image individuel peut certes susciter quelques réserves ou quelques inquiétudes chez les sportifs soucieux de préserver la consistance de leur contrat de travail, mais l’amendement proposé par Mme la rapporteure permet, je le crois, de les rassurer, notamment en laissant une place importante à la convention collective.
Il apparaît en effet légitime que des sportifs réputés puissent tirer profit de leur image. Il apparaît en outre utile que les clubs puissent proposer, dans un objectif de compétitivité internationale, des rémunérations différentes de celles directement liées au contrat de travail. Il ne s’agit pas en l’occurrence de restaurer le droit à l’image collective, supprimé il y a quelques années, et qui présentait le double inconvénient de constituer une niche fiscale et d’être financé directement sur le budget des sports.
Chacun sait que le sport professionnel et le sport de haut niveau français rencontrent des problèmes de compétitivité, liés notamment à notre législation fiscale et sociale. Chacun sait que, malheureusement, bon nombre de nos meilleurs athlètes quittent le territoire français, attirés par des avantages financiers de tous ordres et par des avantages en nature qui ne donnent pas lieu, comme chez nous, à un quelconque prélèvement.
Le résultat ne se fait pas attendre, et l’on ne peut que constater les difficultés rencontrées par nos meilleurs clubs pour rivaliser avec leurs concurrents européens ou mondiaux. C’est une réaction en chaîne : le départ de nos meilleurs athlètes entraîne une baisse des résultats, un abaissement de la qualité du spectacle et une moindre fréquentation des enceintes sportives. Le cumul de ces éléments met notre sport professionnel et de haut niveau dans une double situation de précarité financière et de forte dépendance à l’égard des droits audiovisuels. Il convient donc de se doter de mécanismes juridiques permettant de rééquilibrer cette situation.
Je voudrais d’ailleurs – même si, je le répète, ce texte concerne tous les sports – saluer la position très constructive des instances dirigeantes du football français – tant la Fédération française de football que la Ligue de football professionnel – qui ont très vite compris l’utilité de cette proposition de loi et n’ont manifesté aucune exigence particulière en faveur de leur discipline.
Autre question importante : le rôle des collectivités locales dans le financement des enceintes sportives utilisées par des clubs professionnels. Je crois que, sur ce point, il faut respecter le principe de libre administration des collectivités locales, inscrit dans notre Constitution. Il n’y a en effet aucune raison de penser que ce principe ne s’accompagne pas d’un principe de responsabilité ; je rappelle en outre que l’encadrement et les contrôles financiers et budgétaires de ces collectivités sont déjà très importants. Au passage, je crois que l’État ferait d’ailleurs bien de s’inspirer de ces pratiques pour retrouver enfin les vertus de l’équilibre budgétaire.
Dans un souci de cohérence, il faut également autoriser les collectivités locales à apporter une garantie d’emprunt, notamment dans les cas où elles refuseraient, en toute liberté, de participer directement à des dépenses d’investissement.
En définitive, monsieur le secrétaire d’État, le texte qui nous est soumis aujourd’hui peut apparaître incomplet sur certains points, mais il présente un équilibre entre l’idéalisme et le réalisme. Il constitue une avancée notable en matière d’éthique, de transparence et de compétitivité pour le sport français. Je souhaite qu’il soit prolongé au cours des mois à venir, en étroite concertation avec le monde sportif.
Pour toutes ces raisons et ainsi que l’a indiqué il y a quelques instants ma collègue Sophie Dion, le groupe Les Républicains lui apportera son soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, cette proposition de loi relative à l’éthique du sport et à la régulation de son secteur professionnel nous donne l’occasion de compléter cinq années riches en matière de politique sportive. Ce bilan est d’autant plus précieux que si des divergences de vues demeurent, de nombreux textes auront été adoptés à l’unanimité par notre assemblée.
En cinq ans, un grand nombre de dispositifs ont ainsi été instaurés afin de développer ce secteur qui représente près de 2 % de notre PIB, et afin de mieux l’encadrer : création d’un statut juridique protecteur pour les sportifs de haut niveau ; modernisation de notre législation en matière de lutte contre le dopage ; accès au sport pour tous, par l’orientation des crédits du CNDS – le Centre national pour le développement du sport – et du ministère vers le développement de la pratique sportive dans les quartiers de la politique de la ville, ou à destination du public féminin ; développement de la pratique sportive comme prévention en matière de santé, par la prescription sur ordonnance d’activités physiques et sportives.
Enfin, pour favoriser l’organisation en France de grands événements sportifs internationaux, je rappelle que nous avons adopté des mesures budgétaires offensives. Nous serons dans la continuité de l’ensemble de ce travail en adoptant cette proposition de loi qui vise à réguler l’économie du sport professionnel et à moraliser le secteur tout en soutenant la compétitivité des clubs.
Mais ce texte fait également écho à l’actualité récente : détournement de flux financiers au sein de paradis fiscaux, mis en lumière à travers le scandale des Football Leaks ; menaces sur l’intégrité des compétitions ; exclusion progressive d’un public populaire des grands événements sportifs. Les menaces sur le sport sont aujourd’hui nombreuses et il nous faut impérativement répondre à ces défis et à l’attente des Français. Tel est l’objectif poursuivi par ce texte.
Aussi, je me félicite que le débat en commission ait permis d’enrichir la proposition de loi dans plusieurs domaines. Il convient maintenant de poursuivre ce travail et de préserver les acquis obtenus en commission.
En matière d’éthique du sport tout d’abord, la mise en place d’une charte d’éthique et de déontologie au sein des fédérations délégataires garantira le respect des missions de service public du mouvement sportif.
S’agissant du contrôle des flux financiers, en complément des dispositions importantes concernant les sociétés sportives, je me réjouis qu’un amendement sur l’activité des agents sportifs, que je soutenais avec plusieurs collègues, ait été adopté. Désormais, toute condamnation pour délit fiscal rendra incompatible la délivrance ou la possession d’une licence d’agent sportif. Par leur activité de conseil auprès des jeunes joueurs ainsi que par la valeur considérable des contrats pour lesquels ils interviennent, certains intermédiaires sportifs ont pu en effet jouer un rôle dans la constitution de délits fiscaux à travers le détournement des revenus du sport professionnel. Je souhaite que nous complétions cette disposition en inscrivant dans la loi le principe d’exemplarité non seulement des agents, mais aussi des mandataires sportifs, dont la place dans le sport est en constante progression. Je présenterai à cet effet un amendement dans le cadre de notre débat.
Enfin, le fait de garantir l’accès du grand public à la retransmission du spectacle sportif constitue un élément central de la régulation du sport professionnel. Cette retransmission audiovisuelle des grands événements nourrit la pratique sportive, mais constitue aussi un élément de partage et de célébration dans notre société. Pourtant, la diffusion gratuite de spectacles sportifs est en recul permanent du fait de l’inflation des droits de retransmission. Ainsi, alors qu’hier a été donné le coup d’envoi du championnat du monde de handball organisé en France, il est regrettable que seulement trois matchs soient diffusés en clair, donc uniquement trois matchs accessibles à tous. Je me félicite donc que la commission ait adopté l’amendement que je soutenais avec plusieurs de mes collègues afin d’inscrire dans la loi le principe d’une diffusion prioritairement en clair des grands événements sportifs organisés en France. Cet amendement vise à introduire une procédure d’attribution des droits équilibrée, sous l’égide du CSA, qui garantira la compétitivité des chaînes de télévision gratuite dans les appels d’offre et une juste rémunération pour les fédérations sportives internationales.
Je souhaite donc qu’à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi dans l’hémicycle, toutes ces avancées déjà obtenues dans le cadre du débat parlementaire soient préservées afin d’aboutir à l’adoption d’un texte de loi complet, ambitieux et responsable pour notre secteur sportif.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
« Le sport est important pour promouvoir les droits de l’homme partout dans le monde par l’interaction entre les peuples. » C’est ce que l’on peut lire dans le rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Si la pratique du sport est un droit de l’homme, ainsi que l’énonce la Charte Olympique, elle implique également des devoirs. L’éthique appliquée au sport, au-delà du respect des règles du jeu, entend ainsi faire observer un certain nombre d’exigences. Il s’agit non seulement de préserver l’esprit et les valeurs du sport, souvent mis à mal – je pense au dopage, à l’hooliganisme, à la tricherie –, mais aussi de promouvoir dans le sport les valeurs sociales contemporaines que sont le principe de dignité, le respect de l’égalité entre hommes et femmes ou encore la préservation de l’environnement.
Dans cette perspective, les instances sportives internationales et nationales, ainsi que les législateurs français, ont pris depuis 2012 un certain nombre de mesures visant à la promotion d’un sport éthique, telles que la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs qui oblige les fédérations à adopter une charte éthique, ou encore la charte d’éthique et de déontologie du Comité national olympique et sportif français du 10 mai 2012, le décret du 4 avril 2013 instaurant un Conseil national du sport, au sein duquel est créée une commission « Éthique et valeurs du sport ».
Cette proposition de loi s’inscrit dans cette dynamique et, surtout, va concrétiser la Grande conférence sur le sport professionnel français, laquelle a réuni l’ensemble des acteurs : fédérations, ligues, sportifs, pouvoirs publics. Cette conférence fut l’occasion de mettre en lumière les difficultés traversées par le sport professionnel. D’où le but de la proposition de loi, qui est de proposer davantage d’attractivité pour les investisseurs et de compétitivité pour les clubs. Aujourd’hui, la plupart des clubs sont dans une situation de fragilité. Si peu d’investisseurs s’engagent pour des clubs français, c’est parce qu’ils manquent souvent de visibilité. C’est pourquoi le texte prévoit de passer d’un modèle de financement public, assuré par les collectivités territoriales, à un modèle de financement privé afin d’accompagner les clubs vers un modèle économique plus tenable. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des valeurs fondamentales qui constituent le sport depuis Coubertin.
Le texte prévoit donc davantage d’éthique, de transparence et de contrôle. L’éthique, au-delà du concept philosophique, doit être renforcée notamment pour éviter la fraude. À l’heure du « sport business » où la compétitivité internationale est de plus en plus présente, le sport en France a besoin de s’armer contre la manipulation des compétitions sportives, notamment contre la fraude technologique.
C’est le but poursuivi par l’article 2 de cette proposition, qui vise à mettre en place au sein des fédérations délégataires des procédures de contrôle plus poussées. Et puis la fraude est également à combattre en ligne. La proposition de loi s’inscrit dans la lutte contre la diffusion illégale des matchs et autres compétitions sportives sur le Net. Par ailleurs, les grands événements sportifs doivent passer de façon gratuite, en clair, et ne doivent pas être privatisés. Il y a donc un équilibre à trouver : il s’agit de lutter contre la diffusion illégale sur internet et, en parallèle, de diffuser en clair pour que les compétitions soient visibles par le plus grand nombre.
Nous devons également promouvoir la diffusion des petites disciplines, notamment des compétitions féminines. C’est un autre point de cette proposition de loi qui me semble fondamental : il faut étendre ces dispositions au sport féminin. Le titre IV prévoit ainsi le développement et la médiatisation du sport féminin et institue dans le code du sport une conférence permanente, juste reconnaissance pour nos championnes. Nous avons encore beaucoup d’avancées à faire en ce domaine. Pour preuve, les sportives de l’équipe de France de rugby n’ont pas de statut de professionnelles ni de primes de match pendant les tournois – hors coupe du monde : qu’elles gagnent ou qu’elles perdent, elles sont rémunérées avec des indemnités journalières. Au football, l’égalité salariale n’existe pas ! En France, on justifie ces différences de traitement en parlant de différences en termes de performance et en disant que les joueuses rapportent moins d’argent. Aujourd’hui encore, les clubs qui participent à des compétitions où la pratique féminine est fortement développée ont des personnalités juridiques distinctes des clubs masculins. L’objectif de notre texte est de lever ce frein en autorisant qu’une même personne privée, dans une même discipline, puisse investir à la fois dans une équipe féminine et dans une équipe masculine.
Dans l’ensemble, cette proposition de loi met pleinement en lumière la nécessité de préserver l’éthique dans le sport, renforce les valeurs et le dynamisme du sport, et présente des dispositions consensuelles qui, à mes yeux, sont des initiatives tout à fait fair play. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce texte est positif, consensuel. Il constitue un progrès ; il a le mérite de traiter de front des problèmes qui se posaient depuis longtemps au sport professionnel, notamment au football, et cela n’a rien d’illégitime puisque ce sport comporte des enjeux considérables, y compris économiques. Notre groupe votera donc cette proposition de loi sans hésitation, comme l’ont dit Sophie Dion et Guénhaël Huet.
Au coeur de ce texte, il y a la question de l’éthique sportive, et c’est bien normal. Il s’agit de la lutte contre la triche sous toutes ses formes. Dans le domaine du cyclisme, notre pays a su lutter contre bien des formes de triche, en particulier celles liées au dopage : depuis les années 60-65, puis durant les années 80 et plus récemment encore, on a su prendre un certain nombre de dispositions qui font désormais de la France une référence, un exemple dans ce domaine, qui a inspiré d’autres législations.
Aujourd’hui, une nouvelle forme de tricherie nous menace : l’utilisation, avec les progrès de la miniaturisation, par certains cyclistes, professionnels ou non, de dispositifs d’aide mécanique dissimulés dans le cadre de leur vélo. Autant d’éléments qui rendent assez difficile leur détection. Un premier cas de triche a été détecté en janvier 2016, lors d’une course de cyclo-cross en Belgique, grâce au nouveau test par résonance magnétique déployé par l’Union cycliste internationale. La Fédération française de cyclisme a également utilisé une caméra thermique et fait démonter des vélos à l’arrivée des championnats de France 2016, à l’issue des épreuves féminines, amateurs ou Élite. Plus récemment, le 8 juillet dernier à Lisle-Jourdain – vous y étiez, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure –, nous avons pu voir la mise en oeuvre de ce type de contrôle à l’occasion du départ d’une étape du Tour de France. Cette mesure existe donc et a le mérite d’appréhender un sujet réel.
Comme pour la lutte contre le dopage, notre pays peut être à l’avant-garde en créant un délit pénal de manière à ce que, comme dans d’autres matières, les services de la gendarmerie et de la police puissent être saisis pour mener à bien des investigations et éventuellement déférer des affaires de ce type. Aujourd’hui, ce n’est pas de l’ordre du possible. Dans votre rapport, madame Dubié, vous écrivez : « La fraude technologique constitue également l’un des nombreux défis auxquels la présente proposition de loi entend répondre. » Et je vous remercie de mentionner cet élément qui nous engage en termes d’ambition. Vous indiquez également que l’article 2 confie aux fédérations délégataires « le soin de fixer les règles permettant de contrôler l’application des règles techniques de leur discipline et d’en sanctionner le non-respect ». J’en conviens : les fédérations ont un rôle à jouer en ce domaine. Mais cela ne suffira pas. Permettez-moi de considérer que ce texte ne va pas assez loin et qu’il conviendrait d’édicter contre la fraude technologique un dispositif complet, coercitif, inspiré de celui existant pour le dopage.
C’est pourquoi, avec un certain nombre de spécialistes et avec la Fédération de cyclisme, dont son président, David Lappartient, je me suis efforcé de rédiger un texte qui a donné lieu à une proposition de loi, déposée le 20 juillet dernier et cosignée par bon nombre de nos collègues. Celle-ci entend nous donner les moyens de lutter contre ce dispositif non seulement par l’action des fédérations – elles agiront d’elles-mêmes, il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur ce point –, mais aussi d’une manière plus large en créant une incrimination et en mettant en place des sanctions.
Il me semble indispensable que nous profitions de l’examen du texte qui nous est soumis aujourd’hui pour définir une incrimination de fraude mécanique et technologique. Si nous restions inertes, la crédibilité de nombreuses compétitions serait en effet susceptible d’être menacée ; je pense en particulier à nos compétitions cyclistes car elles ne sont pas comme les autres, elles font partie de notre patrimoine, à commencer par le Tour de France. Je rappelle à ceux qui l’auraient oublié qu’il s’agit aujourd’hui de l’épreuve sportive la plus regardée et la plus médiatisée, tout au moins s’agissant d’une épreuve annuelle – la comparer avec la Coupe du monde de football ou avec les Jeux Olympiques n’aurait guère de sens puisque ces manifestations n’ont lieu que tous les quatre ans. C’est un patrimoine qu’il nous faut préserver. Pour toutes ces raisons, en accord avec la Fédération et après avoir échangé avec vous, monsieur le secrétaire d’État, je propose d’introduire dans notre débat cette question de façon à ne pas être demain en réaction, mais à être dès aujourd’hui proactifs pour que l’éthique sportive soit au coeur de votre dispositif. Je suis convaincu qu’il l’est déjà, mais je vous propose de faire preuve ici, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, d’une petite ambition supplémentaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Christophe Premat, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, engager une nouvelle démarche, à la fois exigeante et responsable, en vue d’offrir davantage d’attractivité aux investisseurs et d’améliorer la compétitivité des clubs, tout en garantissant et en améliorant les règles d’éthique, de transparence et de contrôle : ainsi pourraient être résumés les principaux objectifs de cette proposition de loi qui vise à accompagner le mouvement de professionnalisation du sport tout en en renforçant les nécessaires garde-fous déontologiques.
La déontologie constitue un enjeu essentiel : les sportifs doivent évoluer dans un cadre serein et indépendant des rapports de force extérieurs. Ce texte renforce par conséquent la culture de la déontologie et améliore l’encadrement de la professionnalisation de l’activité sportive.
Les amendements portant sur le cadre fiscal adoptés en commission me paraissent, à ce titre, essentiels. Nous en sommes tous conscients, les flux financiers participent à la professionnalisation du sport. Cependant, nous devons impérativement avoir le souci d’une juste régulation qui place les sportifs professionnels uniquement dans une situation de concurrence sportive.
S’il existe aujourd’hui un consensus sur cette proposition de loi, cela ne signifie pas que celle-ci soit anodine, bien au contraire. Elle s’inscrit dans une cohérence politique forte, puisqu’il s’agit de garantir davantage de transparence dans l’activité sportive comme dans le fonctionnement du monde sportif en général, y compris dans le sport féminin.
Les questions de discrimination dans l’accès aux sports et de harcèlement sexuel dans le sport doivent être prises en compte, notamment au regard de leurs répercussions sur l’image du sport en général et sur celle des sportifs en particulier, mais également en raison de l’image véhiculée en matière de parité dans la pratique sportive.
Au sein de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous n’avons, au cours de cette législature, eu de cesse de rappeler les inégalités liées au sexe dans l’accès à la pratique sportive. Il est donc important, dans une proposition de loi relative à la préservation de l’éthique sportive, que non seulement nous réaffirmions le principe de lutte contre le harcèlement sexuel, mais que nous portions une attention particulière à la valorisation du sport féminin.
En effet, à l’occasion d’une série d’auditions menées par la même délégation et portant sur les manières de monter des budgets genrés, nous avons constaté que les équipements sportifs, ou tout simplement l’accès à la pratique sportive, étaient conçus selon des normes masculines, c’est-à-dire en fonction d’utilisateurs potentiels masculins. Une culture déontologique renforcée aurait le mérite de replacer la question du genre au sein de l’éthique du sport.
Saluons les nouvelles dispositions introduites dans cette proposition de loi. Je pense notamment à l’article 1er quater qui permet de mieux protéger ceux qui agissent au quotidien dans l’univers du sport en renforçant l’éthique de ceux qui enseignent, animent ou encadrent une activité physique et sportive à titre bénévole ou rémunéré.
Je pense également à l’extension de l’interdiction pour des sportifs professionnels – prévue à l’article 3 – de réaliser des pronostics sportifs sur l’une des compétitions de leur discipline. Nous avons tous en mémoire, en ce début de mondial de handball en France, l’affaire des paris suspects qui ont entaché le championnat de France de ce même sport.
Dans le même esprit de renforcement de l’éthique dans le sport, saluons le fait que la délivrance d’une licence d’agent sportif sera interdite à toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation pour fraude ou évasion fiscale. Je tenais à ce sujet à remercier ma collègue Valérie Corre, grâce à laquelle une nouvelle règle sera introduite. Elle permettra aux grands événements sportifs internationaux organisés sur le territoire national avec le soutien financier de l’État – et ayant nécessité une contribution financière directe des pouvoirs publics, donc des Français, aux frais d’organisation – de faire prioritairement l’objet d’une retransmission audiovisuelle en clair. Même si je comprends les arguments et les motivations avancées en vue de supprimer l’article concerné, il s’agit d’une mesure d’équité et de justice non négligeable non seulement pour nombre de nos concitoyens qui n’ont pas toujours la chance d’avoir accès aux chaînes payantes, mais également pour nos compatriotes habitant hors de France qui n’ont, eux, accès qu’aux chaînes françaises du service public uniquement depuis leur pays de résidence.
Et puisque j’aborde la situation de nos compatriotes Français de l’étranger, je pense important de ne pas oublier que de nombreux talents sportifs français peuvent être également détectés hors de nos frontières. C’est l’objet d’un amendement que je défendrai visant à favoriser la détection de talents parmi les jeunes athlètes français vivant hors de France et à leur permettre d’accéder au sport de haut niveau. Un tel amendement permettrait de rassurer notre collègue Guénhaël Huet sur la question du départ de sportifs Français à l’étranger, en favorisant un rayonnement et une reconnaissance auxquels oeuvre notre diplomatie sportive qui en sortirait renforcée. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes sensible à cette mesure qui concourrait à améliorer les programmes de sélection de ces talents au sein des fédérations sportives et permettrait de répondre à l’ambition de notre pays d’augmenter le nombre de médailles françaises obtenues dans les compétitions internationales.
Je tenais à remercier tout particulièrement Mme la rapporteure pour son engagement et son écoute, ainsi que pour l’excellente séance de commission du 21 décembre dernier. Cette proposition de loi vient couronner un engagement réel pour l’amélioration de la situation des sportifs. Je tiens aussi à saluer le travail effectué au cours de cette législature par mes collègues Brigitte Bourguignon, Pascal Deguilhem et Régis Juanico sur d’autres textes qui entrent en résonance avec celui que nous examinons.
Pour ces raisons, je vous invite à adopter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, écologiste et républicain.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Cet article est très important en matière d’éthique et de responsabilités des fédérations. Le texte dont nous débattons est très attendu par les acteurs du mouvement sportif qui font vivre le sport au quotidien sur les territoires, qu’il s’agisse des clubs, des associations sportives ou des éducateurs.
Si notre majorité a, tout au long du quinquennat, adopté des mesures en faveur des sportifs, ce texte vise à renforcer les valeurs universelles du sport, et tout d’abord son éthique, par le biais de chartes d’éthique et de déontologie qui uniront les fédérations, ainsi que, lorsqu’elles existent, les ligues, et, par ricochet, les clubs et les associations sportives.
Ce texte vise également à améliorer la transparence en renforçant les contrôles portant sur les flux financiers des sociétés sportives et des acteurs qui font le sport. Le sport a en effet été trop souvent dévoyé et instrumentalisé à des fins d’enrichissement ou de détournement, parfois au détriment de l’intégrité des compétitions. Cette proposition de loi répond donc à nombre d’inquiétudes exprimées par les acteurs de terrain.
Le sport a une dimension universelle dans sa pratique dans les territoires : c’est pour cette raison qu’une attention toute particulière a été portée au sport féminin ainsi qu’à son développement. Le sport joue en effet dans notre société un rôle fédérateur essentiel.
Pour conclure, l’article 1er constitue un véritable progrès en matière de renforcement des valeurs du sport : il apporte au texte toute sa cohérence en matière d’éthique et de responsabilité. Aux acteurs sportifs de se saisir des outils que constitueront ces chartes d’éthique et de déontologie afin de faire vivre les valeurs du sport partout en France.
L’article 1er est adopté.
L’article 1er bis est adopté.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour soutenir l’amendement no 37 .
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des sports, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
L’amendement no 37 est adopté.
L’article 1er ter, amendé, est adopté.
L’article 1er quater est adopté.
Cet amendement est extrêmement important, car il a pour objet d’ajouter les ligues professionnelles parmi les personnes pouvant se porter partie civile en matière d’infractions relatives à l’organisation et au déroulement des compétitions sportives et aux violences commises au cours de celles-ci. Il s’inscrit dans le même esprit que l’article 1er ter.
Avis favorable à cet amendement qui s’inscrit dans la droite ligne de l’article 1er ter permettant aux ligues professionnelles de se constituer partie civile. Cela permettra d’assurer une meilleure répression des infractions en matière de sécurité des manifestations sportives.
L’amendement no 22 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet article a trait au contrôle des compétitions sportives : il fait notamment obligation aux fédérations sportives de contrôler le respect des règles et de sanctionner d’éventuelles infractions à celles-ci.
Il s’agit d’un sujet bien connu, et qui va de soi. Il y a bien entendu lieu de soutenir cette disposition. Je précise un point que j’ai évoqué lors de la discussion générale : cet article ne peut s’entendre comme s’appliquant uniquement à un ou deux sports qui seraient cités à chaque fois et joueraient le rôle de victimes expiatoires.
J’indique très clairement que le problème de la fraude mécanique ou technologique concerne potentiellement plusieurs sports. Je le dis dès le début de la discussion des articles afin que, comme je l’espère, la suite de nos débats nous permette de faire prévaloir l’équité entre les différentes disciplines sportives. Il faut que nous ayons bien en tête que cette proposition de loi porte sur l’ensemble de ces disciplines, et pas seulement sur deux ou trois d’entre elles.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 42 .
L’amendement no 42 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement no 11 rectifié .
Cet amendement porte sur les normes édictées par les fédérations sportives, qui sont opposées notamment aux collectivités territoriales et posent un véritable problème.
En effet, ces normes changent souvent et les collectivités locales propriétaires des enceintes sportives doivent constamment s’adapter, ce qui est coûteux pour elles. Je propose donc, en application d’ailleurs d’une jurisprudence administrative, qu’une norme fédérale, c’est-à-dire émise par une fédération sportive, ne puisse être opposable aux tiers, c’est-à-dire aux collectivités territoriales et aux associations sportives, que dans la mesure où elle a fait l’objet d’une transcription réglementaire. Il s’agit de protéger les clubs sportifs et les collectivités locales.
Monsieur Huet, je comprends votre préoccupation quant au fait que les collectivités territoriales puissent être indirectement sanctionnées lorsque l’équipement qu’elles mettent à la disposition d’un club sportif ne respecte plus les normes techniques édictées par la fédération sportive concernée.
Toutefois, votre amendement me paraît en partie satisfait par les dispositions réglementaires du code du sport, qui prévoient la saisine de la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs – CERFRES. Celle-ci, qui comprend notamment des représentants des collectivités territoriales, rend un avis sur les projets de règlements fédéraux relatifs à ces mêmes équipements. Ces règlements n’entrent en vigueur que deux mois après la publication de l’avis de ladite commission au Bulletin officiel du ministère des sports.
Par ailleurs, le pouvoir normatif des fédérations en matière d’équipements est déjà encadré par l’article R. 131-3 du code du sport qui dispose notamment que les fédérations « ne peuvent imposer, en matière d’équipements sportifs, des règles dictées par des impératifs d’ordre commercial, tels que la définition du nombre de places et des espaces affectés à l’accueil du public ou la détermination de dispositifs et d’installation ayant pour seul objet de permettre la retransmission audiovisuelle des compétitions. »
Si des modifications doivent intervenir en vue de renforcer l’encadrement du pouvoir des fédérations en matière de normes techniques, elles doivent donc intervenir au niveau réglementaire.
Je comprends votre préoccupation, mais l’amendement no 42 que nous venons d’adopter devrait permettre de dissiper votre inquiétude et celle des collectivités locales. Avis défavorable à l’amendement no 11 rectifié .
Ce sera la même explication que donnée par Mme la rapporteure – et que j’avais déjà eu l’occasion de présenter à M. le député Huet en commission. Des instances travaillent d’ores et déjà sur ces normes. Mme la rapporteure a évoqué la CERFRES, on peut aussi citer le Conseil national d’évaluation des normes, qui s’est engagé auprès des collectivités territoriales, notamment pour responsabiliser les fédérations lorsque celles-ci édictent des règlements.
Tout en ayant conscience du problème soulevé, et dans la mesure où l’amendement no 42 de la rapporteure est venu préciser les choses, je vous demande, monsieur Huet, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Sur ce sujet, je crois que nous sommes tous d’accord. Je comprends les inquiétudes de notre collègue Huet, mais le problème ne concerne pas seulement l’échelon national, il regarde aussi l’échelon européen, et international.
On l’a vu, dans le cas du basket-ball, lorsque l’on a modifié la zone… pour entrer… pardon, le terme exact m’échappe…
La raquette, c’est cela. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de venir à mon secours !
Cela a posé des problèmes, car il a fallu modifier les terrains, ce qui a eu un coût. Mais on ne peut pas faire abstraction des normes – en tout cas des normes européennes !
Je voudrais insister sur l’extrême sensibilité de la question soulevée par notre collègue Huet. Dans les collectivités locales, l’argent manque et nombre d’élus, notamment de maires, redoutent paradoxalement la promotion de leur club dans la division supérieure, car ils se verraient alors imposer des contraintes que leur collectivité territoriale serait incapable d’assumer, ou qu’elle assumerait avec difficulté. M. l’ancien ministre Alain Lambert a beaucoup insisté là-dessus dans le cadre de ses travaux sur la réglementation. Je ne doute pas qu’il existe déjà des choses et qu’il y ait des éléments de concertation, mais, en tout état de cause, il y a aujourd’hui deux instances bien distinctes, l’une qui établit la norme et l’autre qui paie : objectivement, cela est très malsain. L’instance qui établit la norme, la fédération, ne paie pas ; et celle qui subit la norme est obligée de payer. Elle le faisait en grognant hier, quand il y avait quelque argent dans les caisses des collectivités, mais elle le fera désormais de plus en plus difficilement. Je crois donc que nous devons impérativement nous atteler à cette question.
L’amendement no 11 rectifié n’est pas adopté.
L’article 2, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 2.
La parole est à M. Patrick Vignal, pour soutenir l’amendement no 32 .
Cet amendement vise à introduire dans la loi du 12 mai 2010 le concept de manipulation sportive, qui n’y figurait pas jusqu’à présent. Il s’inscrit ainsi dans la logique de la signature par la France, le 2 octobre 2014, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, ainsi que dans la continuité de la politique que vous, monsieur le secrétaire d’État, avez engagée il y a un an, avec l’installation de la plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives, qui regroupe, entre autres, l’Autorité de la régulation des jeux en ligne – l’ARJEL –, le Comité national olympique et sportif français, le Service central des courses et jeux et La Française des jeux. Vous aviez fait cela pour que l’Euro 2016, organisé en France, se déroule dans les meilleures conditions. Les chiffres vous ont donné raison : l’UEFA – Union des associations européennes de football – estime que 62 milliards d’euros ont été pariés dans le monde à l’occasion des cinquante et un matchs de la compétition. L’amendement tend à encadrer le pouvoir réglementaire de l’ARJEL, en prévoyant que celle-ci doit, lorsqu’elle détermine la liste des supports de paris autorisés, apprécier les risques de manipulation sportive qui s’y attachent.
Monsieur le député, je comprends le sens de votre amendement, qui vise à mieux définir les pouvoirs de l’ARJEL. Celle-ci pourrait ainsi établir clairement la liste des compétitions sur lesquelles les paris sont autorisés, au lieu de fixer, comme aujourd’hui, seulement des catégories. Elle le ferait à l’aune d’un nouveau critère, introduit par votre amendement : celui des « risques de manipulation ».
Même si l’on peut craindre que la façon dont ces risques seront évalués provoque quelques contentieux, je suis favorable à cet amendement qui permettrait de clarifier les termes de la loi.
Le Gouvernement est extrêmement favorable à l’amendement déposé par M. Vignal. J’ai eu l’honneur de signer la convention du Conseil de l’Europe dite « de Macolin ». Il faut savoir que cette convention rencontre, pour l’heure, des problèmes de transposition, certains États membres rechignant à la signer pour des raisons qui sont non seulement liées à leur emplacement géographique, mais aussi, et peut-être surtout, à l’implantation sur leur territoire de certaines sociétés. C’est la raison pour laquelle intégrer dans notre législation le concept de manipulation sportive permettrait de montrer que la France reste à l’avant-garde de la lutte contre les manipulations sportives, contre le dopage et pour l’éthique dans le sport. Avis très favorable, donc.
L’amendement no 32 est adopté.
Cet amendement vise à confier au président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, éventuellement à la demande de l’organisateur de la compétition ou de la manifestation sportive, un pouvoir de police administrative lui permettant d’interdire tout pari portant sur une compétition dont des indices graves et concordants laissent à penser qu’elle est manipulée. La sauvegarde de l’ordre public ainsi que la protection des parieurs exigent que, dans de tels cas, l’autorité administrative puisse rapidement intervenir, notamment lorsque la manipulation se déroule à l’étranger et que les mécanismes répressifs ont peu de chance d’aboutir. Si la plateforme nationale est alertée d’un risque fort de manipulation par un de ses partenaires qui aurait enregistré la chute inexpliquée d’une cote, par un lanceur d’alerte ou par une information policière, il convient de tout mettre en oeuvre pour que les parieurs et les opérateurs français puissent mettre fin à la manoeuvre.
Saluons le travail, dans le cadre du combat commun contre les réseaux criminels, de la plateforme française, qui s’est fortement mobilisée durant les Jeux olympiques, ceux-ci ayant été l’occasion d’une surveillance accrue du marché des paris sportifs. Cette année, avec le championnat du monde de handball et le championnat du monde de hockey sur glace, elle restera très mobilisée, de même que les plateformes nationales créées dans les autres pays européens.
Je précise que la décision du président de l’ARJEL pourra être contestée suivant les règles du droit commun du contentieux administratif, notamment par voie de référé.
Cet amendement tend à donner au président de l’ARJEL un pouvoir d’interdiction en cas de manipulation d’une compétition. Cela permettrait une intervention rapide. J’y suis donc favorable.
L’amendement no 33 est adopté.
L’article 3 est adopté.
Je me suis largement exprimé sur le sujet dans le cadre de la discussion générale. Il existe un risque de fraude mécanique. Ces dispositifs sont très astucieux et peuvent être facilement dissimulés ; il faut que nous puissions y remédier. Le présent texte peut y concourir, puisque son objet central est l’éthique sportive, qui recouvre la lutte contre toute forme de triche.
Ce que je propose, par cet amendement, c’est de donner des moyens d’agir dans ce domaine non seulement aux fédérations – ce qui, je pense, ne pose pas de problème –, mais aussi aux forces de police et de gendarmerie : que celles-ci aient la possibilité d’investiguer, de déférer au parquet et que la justice puisse sanctionner ces actes grâce à la création d’une incrimination spécifique. Voilà l’objet de l’amendement no 10 .
Puis-je défendre les amendements suivants, madame la présidente ?
Laissons de côté l’amendement no 18 , qui n’est pas dans la discussion commune.
Fort bien, madame la présidente.
Pour le moment, les cas sont limités – j’en conviens, monsieur le secrétaire d’État.
Il n’y en a pas !
Il y en a à l’étranger, et il y a quelques suspicions sur notre territoire. Soit l’on est proactif, soit l’on attend que le phénomène se développe. Ce que je vous propose, c’est d’être proactif, car les occasions de légiférer seront rares, surtout dans les mois à venir. D’où l’idée d’agir relativement vite, pour que nous ayons une réponse non seulement sportive, mais aussi judiciaire.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Par les amendements nos 10 et 28 , qui sont presque identiques, vous entendez, monsieur Le Fur, faire de la fraude technologique ou mécanique une infraction pénale, sur le modèle de ce qui est prévu pour le dopage.
Sur le fond, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle pénalisation, alors qu’aucun cas de fraude technologique n’a été recensé en France. J’estime que l’article 2 de la proposition de loi permettra aux fédérations d’anticiper les problèmes : c’est à elles que revient en premier lieu la lutte contre la fraude technologique.
Les pouvoirs publics doivent-ils intervenir directement dans ce domaine ? C’est en réalité la question que soulèvent vos amendements – et qui doit être creusée. S’il n’y a pas dans ce domaine d’enjeux de santé publique, comme dans le cas du dopage, il est possible qu’à l’avenir des fraudes de grande envergure apparaissent et mettent en cause l’intégrité du sport. Je vous rejoins donc sur la nécessité d’engager une réflexion approfondie sur le principe d’une pénalisation de la fraude mécanique ou technologique.
Toutefois, si l’on examine le dispositif que vous proposez, on peut s’interroger sur la proportionnalité des délits et des peines envisagées – principe qui est de nature constitutionnelle. Il me paraît notamment problématique de pénaliser la fabrication d’un matériel prohibé : au nom de quoi pourrait-on justifier l’interdiction de la fabrication de combinaisons en polyuréthane, alors que celles-ci peuvent être utilisées par tout un chacun, y compris par des sportifs ? Comment justifier la pénalisation de la détention d’une telle combinaison par un sportif qui l’utiliserait en dehors des compétitions ?
Le dispositif mériterait donc d’être affiné, si d’aventure le principe d’une pénalisation était retenu. En d’autres termes, le sujet ne me paraît pas assez mûr pour donner un avis favorable à vos amendements, même si je partage votre préoccupation – comme vous pourrez le vérifier lorsque nous examinerons l’amendement no 18 .
Quant à l’amendement no 27 , il est satisfait en pratique. Le cyclisme a ainsi pris des mesures dans ce domaine. En outre, c’est l’objet même de l’article 2 de la présente proposition de loi que d’inscrire dans la loi la responsabilité des fédérations – quoiqu’en des termes plus généraux que ceux que vous proposez. Votre amendement est donc non seulement satisfait en pratique, mais il sera, après l’adoption de ce texte, satisfait en droit.
Il y a deux façons de réagir à la « triche » : la prévention et la répression. Or j’ai le sentiment que vous mettez un peu la charrue avant les boeufs en proposant, à travers ces amendements, la répression sans réflexion préalable sur la prévention.
Le Gouvernement doit être proactif, dites-vous : il l’a été, dès que des signaux et des preuves d’une fraude technologique sont apparus. Nous sommes intervenus avec les outils à notre disposition, en lien avec le secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui a mobilisé les pôles nationaux de recherche. Au mois de mai 2016, le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, nous a ainsi proposé une caméra thermique de très haute définition pour détecter ces fraudes.
Vous rappellerez à M. Lappartient que les fédérations sportives françaises ont une délégation de service public : ce n’est donc pas la fédération qui, en l’espèce, a procédé aux contrôles lors des championnats de France de cyclisme amateur, féminin et professionnel, mais le Gouvernement, avec l’appui du Commissariat à l’énergie atomique. Rien n’a été détecté de suspect.
Nous avons d’autre part contracté avec Amaury sport organisation – ASO –, la société organisatrice du Tour de France, et l’Union cycliste internationale – UCI –, dont le président Cookson était présent, pour que la société du Tour de France puisse organiser des contrôles quand elle le souhaite, sans que personne ne soit informé de l’étape et du lieu où ils interviennent.
C’est seulement lors de mes deux déplacements, pour deux étapes de montagne, que j’ai bien voulu faire savoir que des contrôles avaient lieu dans les vingt derniers kilomètres ; mais Christian Prudhomme était le seul, avec les responsables du CEA, à savoir où ils avaient lieu. Je puis d’ores et déjà vous annoncer que, pour l’édition 2017 du Tour de France, ASO a souhaité renouveler son contrat avec le Commissariat à l’énergie atomique : il y aura donc de nouveaux contrôles pour éviter toute fraude technologique sur les routes du Tour, voire sur d’autres courses organisées en France si les organisateurs français le veulent bien. L’UCI relève, elle, d’un autre niveau de pouvoir : nous ne sommes pas ici au Conseil de l’Europe, mais au Parlement français.
Aussi je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements. J’ajoute que, comme vient de le souligner Mme la rapporteure, l’article 2 permettrait à la Fédération française de cyclisme d’organiser des contrôles, assortis le cas échéant de sanctions, sur la fraude technologique.
Faute de retrait, l’avis serait défavorable, étant entendu que nous pourrions faire droit – je vous l’ai dit tout à l’heure hors de l’hémicycle, et je le redis publiquement – à votre amendement no 18 , relatif à la remise d’un rapport sur l’évolution de ce phénomène qu’il nous faut combattre.
Merci, madame la rapporteure : je sens, de votre part, une volonté de traiter le sujet. L’article 2 constitue à cet égard, je l’ai bien compris, une avancée s’agissant de la capacité de réponse qui sera donnée aux fédérations. Toutefois, si la sanction doit être sportive, elle ne peut pas être que sportive. Si le phénomène dont nous parlons se développe, ce que nul ne souhaite, il faudra donner aux forces de police et de gendarmerie et, éventuellement, au parquet la possibilité d’agir, et au juge celle de sanctionner s’il y a lieu.
J’espère que ce phénomène ne se développera pas : pour l’heure, nous parlons plus d’une crainte que d’une réalité, c’est vrai, mais un certain nombre d’investigations journalistiques, par exemple, sont objectivement inquiétantes.
Je ne suis pas tout à fait de votre avis sur un point, cependant. Il n’y a rien d’illégal à utiliser de telles techniques hors des compétitions sportives, dites-vous. Nous sommes bien d’accord : l’utilisation d’un petit moteur sur son vélo n’a rien d’illégal en dehors de ce contexte… Mais le même raisonnement vaut pour l’utilisation d’un certain nombre de produits, illicites pour les sportifs et autorisés pour les autres. Je ne suis donc pas convaincu de la pertinence de l’argument, même si je ne remets pas en cause vos propos sur le fond.
Je n’ai pas dit que le Gouvernement n’avait pas réagi, monsieur le secrétaire d’État : j’ai seulement dit que le Parlement, s’il se veut réactif, peut légiférer. J’ai bien noté les travaux du Commissariat à l’énergie atomique et la clarté de Christian Prudhomme sur le sujet : nous en avons tous été les témoins au départ d’une étape du Tour.
Un rapport n’est jamais une solution en soi ; mais au moins celui que je propose offrira-t-il des éléments documentés à une future majorité.
C’est justement ce que je fais, madame la présidente, pour vous être agréable.
Au vu des propos qui viennent d’être tenus et de l’accord donné à l’amendement no 18 , je retire donc les trois amendements en discussion.
Cet amendement tend à creuser le sujet, de façon que notre pays se dote au plus tôt – même si cela ne sera pas au cours de la présente législature, chacun l’a bien compris – d’un dispositif, des problèmes pouvant malheureusement survenir, on le sait, lors de la saison cycliste.
Ce dispositif, au reste, ne sera peut-être pas celui que je propose – encore que les juristes de la fédération et un certain nombre d’interlocuteurs y ont travaillé –, mais je remercie Mme la rapporteure et M. le secrétaire d’État d’accepter le présent amendement.
Je vous remercie, cher collègue, d’avoir retiré les trois amendements précédents. Vous avez raison, le phénomène dont nous parlons peut être un vrai sujet demain. Aussi j’émets un avis favorable à cette demande de rapport : celui-ci permettra d’évaluer l’opportunité de créer un délit de fraude technologique, mais aussi d’étudier les conséquences, notamment financières, d’un rattachement de la compétence afférente à l’Agence française de lutte contre le dopage ou à une autre instance.
L’article 2, je vous remercie de l’avoir souligné, constitue en tout cas une première étape, que le rapport pourra faire suivre d’une seconde plus élaborée.
Favorable également.
Je prends acte du retrait par M. Le Fur des amendements précédents, comme je prends acte des explications fournies par M. le secrétaire d’État. Une action déterminée a en effet été menée, dans le courant de l’année 2016, contre la fraude technologique. En ce domaine, il ne faut pas attendre – mais ce n’est pas là un grief que j’adresse au Gouvernement, qui, de fait, n’a pas attendu.
Dans beaucoup de disciplines sportives, en revanche, on a trop attendu pour lutter contre le dopage. Ne commettons pas la même erreur avec la fraude technologique ou mécanique, qui, je le répète, concerne potentiellement plusieurs sports et non un seul : gardons-nous, en la matière, de toute discrimination aux dépens d’un sport.
Je veux rendre hommage aux fédérations de cyclisme et d’athlétisme. On parle beaucoup de dopage, et les différentes disciplines agissent pour lutter contre ce phénomène, mais, dans les deux sports que j’ai cités, il y a longtemps que des décisions ont été prises, que l’on peut saluer.
Mon intervention est donc un peu un témoignage, car j’en ai assez de voir le moindre problème étalé à longueur de pages dans la presse, alors qu’un non-lieu est toujours mentionné en deux lignes. De telles pratiques peuvent tuer des carrières sportives, ce qui est tout de même regrettable.
J’ai bien entendu les explications de chacun, mais je regrette un peu que M. Le Fur ait retiré les trois amendements précédents, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, la France a toujours été un pays précurseur dans la lutte contre les manipulations ; elle a toujours été aux avant-postes dans le domaine de l’éthique sportive. Une belle occasion nous était donnée ici, une fois encore, de prendre un temps d’avance sur la fraude. L’imagination des fraudeurs dépasse souvent celle du législateur, certes, mais il s’agit sans doute d’une occasion manquée.
D’autre part, le législateur n’est-il là que pour traiter des situations existantes ? Ne doit-il pas aussi avoir un rôle d’incitation et de dissuasion à l’égard de certaines pratiques ? Là encore, l’occasion était belle de rappeler que nous sommes là pour prévenir et dissuader. De ce point de vue, on est malheureusement passé un peu à côté du sujet. Cela dit, je fais miens les avis de Mme la rapporteure, de M. le secrétaire d’État et de M. Le Fur.
L’amendement no 18 est adopté.
L’article 3 bis est adopté.
Article 4
À travers cet amendement, nous souhaitons que les agents sportifs ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen et autorisés à exercer puissent bénéficier d’une convention. La mesure vaudrait, entre autres, pour la nouvelle réglementation de la FIFA, la Fédération internationale de football association.
Favorable : l’amendement, utile, restreint l’article 4 bis au strict nécessaire, et il permettra d’empêcher que des agents sportifs qui n’exercent pas dans leur pays d’établissement puissent bénéficier de la disposition visée.
L’amendement no 36 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement, qui complète l’article L. 222-19 du code du sport, tend à donner la possibilité aux fédérations sportives de sanctionner les agents licenciés en France s’ils ne communiquent pas les conventions de présentation pouvant être conclues avec des ressortissants non français.
L’amendement no 35 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 4 bis, amendé, est adopté.
L’amendement vise à donner aux directions nationales du contrôle de gestion la possibilité de saisir les organes disciplinaires compétents, en particulier la commission des agents sportifs, en vue d’éventuelles sanctions.
L’amendement no 23 est adopté.
Même si ce n’est sans doute pas l’objectif poursuivi, l’amendement abolirait, en supprimant l’alinéa 7, le droit de communication des directions nationales du contrôle de gestion. Cela réduirait à néant la portée de cet article adopté en commission. Je ne puis donc qu’émettre un avis défavorable.
Cet amendement va à l’encontre de la transparence que nous souhaitons : je suggère donc le retrait ; faute de quoi l’avis serait bien entendu très défavorable.
L’amendement no 2 est retiré.
L’article 5, amendé, est adopté.
La parole est à M. Christophe Premat, pour soutenir l’amendement no 24 , portant article additionnel après l’article 5.
Cet amendement, déjà présenté en commission, vise à compléter certaines dispositions, notamment du code du sport, en matière de description législative de l’activité d’agent ou de mandataire sportif.
Sans revenir sur la présentation détaillée de la mesure, j’insisterai sur quelques éléments de nature à la justifier. Depuis plusieurs années, le cadre de l’activité de la profession d’agent sportif s’est considérablement enrichi. Un intermédiaire sportif exerce aujourd’hui une mission de conseil et d’accompagnement qui peut avoir trait au management de la carrière, au droit à l’image ou à l’optimisation du patrimoine – autant d’aspects clairement exposés sur le site internet de l’École des agents de joueurs de football.
Selon le code du sport, l’activité de l’agent sportif se borne pourtant à servir d’intermédiaire lors de la conclusion d’un contrat. Il faut donc adapter la législation, non seulement pour reconnaître le rôle de conseil joué par l’agent, mais aussi pour affirmer la mission d’exemplarité d’un intermédiaire sportif sur le plan des pratiques fiscales.
Cet amendement n’introduit aucune disposition contraignante sur le plan pénal : aucun intermédiaire sportif ne peut être tenu responsable des dérives fiscales du sportif qu’il représente. Nous devons l’adopter, notamment pour renverser l’idée selon laquelle un bon agent sportif est celui qui fait échapper son client à l’impôt, plutôt que celui qui respecte la législation fiscale en vigueur.
Bien que l’on puisse comprendre le sens de cet amendement et en partager l’objectif, ses dispositions sont bien trop imprécises pour être appliquées. Comment apprécier si un agent sportif a concouru à la bonne connaissance et au respect des dispositions fiscales applicables au sportif représenté ? Le droit actuellement applicable semble suffisant, puisque la responsabilité, notamment pénale, des agents est engagée s’ils concourent à faciliter ou à encourager l’évasion fiscale du joueur.
La commission ayant rejeté votre amendement, je vous encourage, monsieur Prémat, à le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
Cet amendement pose quelques difficultés, s’agissant tout d’abord des articles – notamment du code du sport – auxquels il se réfère. Ensuite, il est redondant de prévoir que l’avocat doit faire connaître la législation fiscale à la partie représentée, car chacun sait qu’il a un devoir de conseil et engage sa responsabilité civile professionnelle en cas de manquement.
Aussi, monsieur Premat, tout en ayant compris les intentions de votre amendement, que l’on peut partager, je vous demanderai de le retirer. À défaut, le Gouvernement donnera également un avis défavorable.
Le respect des dispositions fiscales pose une vraie question. Le terme « fiscal » effraie, alors qu’il ne s’agit que de réguler l’activité d’agent. Cependant, au vu des éléments fournis, si le Gouvernement s’engage à approfondir sa réflexion sur le sujet, comme nous aurions intérêt à le faire, je retire l’amendement.
L’amendement no 24 est retiré.
L’amendement no 38 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 5 bis, amendé, est adopté.
Je suis saisie d’un amendement, no 25 , portant article additionnel après l’article 5 bis.
La parole est à M. Christophe Premat, pour le soutenir.
Cet amendement vise à échelonner la rémunération d’un agent sportif pendant les deux premiers tiers de la durée du contrat conclu entre le sportif représenté et le club professionnel.
L’objectif est simple, mais essentiel : il s’agit d’une part de favoriser le respect, par les sportifs, de la durée des contrats signés, pour offrir davantage de visibilité aux clubs ; et, d’autre part, de mettre un terme à un effet pervers du système des transferts, par lequel un agent a un intérêt financier direct à multiplier la signature de contrats pour le sportif avec lequel il est engagé, afin de maximiser les indemnités de transfert, parfois au détriment de l’intérêt sportif du joueur lui-même.
Cet amendement a été retiré en commission afin de répondre, en séance, à deux objections.
La première est le caractère redondant d’une telle disposition avec les règlements de certaines ligues. Mais s’il est vrai que la Ligue nationale de rugby a pris une disposition similaire pour les clubs, prouvant la pertinence de l’échelonnement, d’autres ligues professionnelles ne peuvent conclure un tel accord, le rapport de forces avec les acteurs concernés leur étant moins favorable. Il revient donc au législateur d’intervenir pour réglementer ces relations.
La deuxième objection est que la liberté contractuelle est un principe à valeur constitutionnelle. Cependant, cet amendement est conforme à l’article 1102 du code civil selon lequel la liberté contractuelle ne permet pas de déroger à l’ordre public. Le législateur peut ainsi encadrer certaines relations commerciales, notamment dans un souci de transparence : de telles dispositions existent ainsi par exemple dans le secteur assurantiel.
Cet amendement a pour objet de limiter l’intérêt financier des transferts de joueurs pour les agents sportifs. Cependant, les clauses évoquées existent déjà – ou peuvent du moins être prévues – dans les contrats signés par les agents sportifs avec les clubs ou les joueurs. Le contrat-type de la Fédération française de rugby précise ainsi que la rémunération de l’agent est assise sur la partie exécutée du contrat de travail signé avec le joueur.
Par ailleurs, il paraît difficile de limiter ainsi la liberté contractuelle et de voir dans la limitation des transferts un motif d’intérêt général susceptible de justifier une atteinte à cette liberté, qui a valeur constitutionnelle. À mon sens, il revient aux sportifs et aux clubs, mais aussi aux fédérations, par le biais des modèles de contrat qu’elles proposent, de prévoir des clauses de remboursement en cas de rupture anticipée de l’engagement du joueur.
À l’issue du débat en commission, l’amendement, qui faisait l’objet d’un avis défavorable, avait été retiré. Aussi, je vous propose, monsieur Premat, de faire de même. Dans le cas contraire, la commission maintiendra son avis défavorable.
Avis défavorable. Aux deux objections que vous avez citées, monsieur Premat, j’en ajouterai une troisième, qui a trait à l’exécution du contrat.
Dès lors qu’un contrat a été exécuté, la rémunération de l’agent est due, qu’elle soit payée immédiatement, par semestre ou par an. Aussi, l’argument selon lequel l’adoption de cet amendement permettrait d’éviter la reconduction des contrats tombe. Seules les modalités de paiement pourraient éventuellement varier, selon les dispositions que vous proposez.
Pour autant, comme je l’ai indiqué en commission – le président Bloche peut en témoigner –, il conviendra de mener, peut-être au cours de la prochaine législature, une véritable réflexion pour aboutir à une loi relative aux agents sportifs. Pascal Deguilhem, absent aujourd’hui, en est d’ailleurs également convaincu.
Outre la rémunération, de très nombreux sujets devront être évoqués, dont l’un concerne particulièrement l’éthique : les rétrocommissions, c’est-à-dire la redistribution, via des réseaux non légaux, de l’argent perçu par les agents. Dans la présente proposition de loi, nous avons seulement pu introduire un contrôle de ces derniers par la direction nationale du contrôle de gestion.
C’est pourquoi l’adoption de cet amendement conduirait à créer en France une relation contractuelle d’agent à client, inexistante dans les autres pays européens et qui irait à l’encontre de l’esprit même du texte que nous souhaitons.
Aussi, connaissant votre sens du consensus, monsieur Premat, je vous demanderai de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Non, madame la présidente, bien que j’entende l’argumentation de M. le secrétaire d’État.
Dans son autobiographie, écrite avec David Lagercrantz, Zlatan Ibrahimovi rapporte que, malgré ses efforts, il n’a jamais pu connaître le mécanisme contractuel ayant conduit à son transfert du Malmö FF à l’Ajax d’Amsterdam. Cet exemple montre que l’exécution d’un contrat peut être particulièrement opaque.
Par ailleurs, j’entends la demande d’une loi sur les agents sportifs. À l’étranger, les conventions bilatérales abordent d’ailleurs de nombreuses questions relatives à la fiscalité, l’échange ou le transfert de joueurs. Cet amendement me semble donc faire pleinement sens dans une proposition de loi visant notamment à préserver l’éthique du sport et à renforcer sa transparence. C’est pourquoi je me permets de le maintenir.
L’amendement no 25 n’est pas adopté.
Cet article introduit une disposition importante de cette proposition de loi dont l’intitulé, je le rappelle, évoque la compétitivité des clubs, à laquelle participe le numéro d’affiliation, propriété des associations sportives, qui peuvent en concéder l’usage aux clubs professionnels.
En France, une personne physique ou une société souhaitant acheter un club professionnel est confronté à deux incertitudes : d’une part, l’association sportive n’est pas obligée de lui concéder le numéro d’affiliation qu’elle possède ; d’autre part, les collectivités locales, qui, dans la très grande majorité des cas, sont propriétaires des stades, peuvent lui refuser l’autorisation de les utiliser. Il y a là de quoi décourager son investissement !
Comme cela a été dit et répété, les clubs professionnels français sont moins compétitifs que leurs homologues européens. La possibilité donnée aux associations sportives de concéder l’usage du numéro d’affiliation pour dix à quinze ans, tout en en restant propriétaire, est un élément qui permettra aux clubs professionnels de retrouver une part de compétitivité dans le concert européen.
Cet article vise à reconnaître un droit d’usage de la société sportive sur le numéro d’affiliation délivré par les fédérations. Concrètement, il sécurise juridiquement et dans le temps le principe du numéro d’affiliation, lequel, cela vient d’être dit, permet aux clubs professionnels d’être plus attractifs pour de nouveaux investisseurs, dès lors que ceux-ci peuvent inscrire ce numéro à l’actif de leur bilan, à titre d’immobilisation incorporelle.
Dans la mesure où l’association sportive et la société qu’elle a constituée définissent leurs relations par une convention, la première ne court aucun risque. Par ailleurs, le droit d’usage est limité aux activités confiées par l’association sportive à la société.
Les acteurs ayant demandé une évolution des relations, nous sommes favorables à la consécration du principe de solidarité de la société à l’association. Pour ces différentes raisons, nous nous opposerions à l’amendement de suppression de Mme Buffet, s’il était présenté.
L’amendement de suppression de l’article n’est pas défendu.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 31 .
Si je souscris tout à fait aux propos tenus, j’observe cependant qu’à la fin de la saison, des négociations compliquées devront être menées, dans la mesure où l’usage du numéro d’affiliation sera accordé pour une période plus longue. Cet amendement vise donc à prolonger les conventions actuelles de deux ans.
Cet amendement vise à insérer dans le code du sport une disposition prolongeant de deux ans les conventions existantes. Il ne me semble cependant pas répondre entièrement au souci – compréhensible – d’assurer une continuité entre celles de ces conventions qui viendront bientôt à leur terme et les nouvelles conventions, lesquelles nécessiteront peut-être des négociations un peu plus poussées.
Sur le fond, le problème se pose uniquement pour les conventions qui arriveraient bientôt à leur terme et pour lesquelles les acteurs ne seraient pas parvenus à anticiper la loi future. Or cet amendement tend à repousser de deux ans la durée de l’ensemble des conventions, y compris dans les cas où ne serait pas nécessaire, soit parce que les acteurs disposeraient de temps pour négocier, soit parce qu’ils seraient susceptibles de parvenir rapidement à un accord. Dans de telles situations, il ne paraît pas utile de retarder l’entrée en vigueur de la loi.
Sur la forme, il ne semble pas opportun de codifier une disposition qui devrait figurer uniquement dans le texte de la loi, en tant que disposition transitoire, ou permettant une entrée en vigueur différée. Plus encore, votre rédaction, en l’absence de date de référence, conduirait à repousser perpétuellement de deux ans la durée des conventions existantes.
Je vous suggère donc, monsieur Le Fur, de retirer votre amendement. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le rejeter.
La démonstration de Mme la rapporteure est d’une efficacité remarquable. J’ajoute, monsieur Le Fur, que votre amendement se limite aux SASP – sociétés anonymes sportives professionnelles. Or aujourd’hui, les clubs sont gérés par différentes formes de sociétés commerciales.
Ne serait-ce que pour cette raison, je vous demande de retirer cet amendement, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Nous risquons pourtant de rencontrer des difficultés au terme de la saison puisque les conventions en cours sont brèves. Ce que je propose, c’est simplement que les conventions existantes puissent être prolongées.
Cela concerne les SASP !
Toute nouvelle convention qui serait signée entre les mêmes parties se substituerait à l’existante. Cela ne pose pas de problème.
Il me semble qu’une telle précision contribuerait à améliorer le droit et à faire en sorte que les choses se passent un peu mieux. Je veux bien retirer l’amendement, mais j’insiste sur le fait que nous allons peut-être rencontrer un certain nombre de difficultés au terme de la saison, c’est-à-dire dès l’été prochain.
L’amendement no 31 est retiré.
L’article 6 est adopté.
Article 6
L’article 6 bis est adopté.
La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement no 1 portant article additionnel après l’article 6 bis.
Nous avions déposé un amendement visant à considérer les centres de formation comme des centres d’apprentissage, mais il a été déclaré irrecevable. Celui-ci, qui est donc de repli, proposeque dans les six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport permettant d’évaluer l’opportunité, pour les centres de formation, de bénéficier du statut de centre de formation des apprentis afin que leurs élèves aient eux-mêmes le statut d’apprenti.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, il s’agit simplement de soutenir l’offre de formation française, dont la qualité est reconnue, et en particulier les clubs professionnels qui ont la charge des centres de formation. Ce serait une bonne solution, pour les clubs comme pour les élèves.
Il s’agit d’un vrai sujet, madame la députée, qui mérite qu’un rapport soit établi afin d’en apprécier les tenants et les aboutissants. Sur le plan financier, en particulier, il serait souhaitable d’évaluer le coût des modifications que vous proposiez dans l’amendement qui a été déclaré irrecevable, et qui, pour cette raison, n’a pu être examiné par la commission. Avis favorable, donc.
Il s’agit en effet d’un sujet important sur lequel le Gouvernement mène actuellement une réflexion. Le problème est que, lorsque nous parlons du financement des centres de formation, il s’agit généralement de ceux qui proposent un diplôme « jeunesse et sport ». Or, pour l’instant, les centres de formation des clubs professionnels ne dispensent pas de tels diplômes. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 1 est adopté.
Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Guénhaël Huet.
Cet article 7 est un article important, peut-être même l’article central de cette proposition de loi, puisqu’il institue un droit à l’image individuelle pour les sportifs et les entraîneurs.
Cette disposition revêt un caractère de justice. Il me semble en effet juste qu’un sportif puisse utiliser son nom, voire son renom, pour bénéficier d’une rémunération supplémentaire.
En plus d’être juste, cet article tend à l’efficacité : il y va de la compétitivité des clubs professionnels. Or nous connaissons le défaut de compétitivité d’un certain nombre de nos clubs professionnels par rapport à leurs concurrents européens, en raison notamment – et c’est une responsabilité collective – d’une législation fiscale et sociale drastique. La possibilité offerte à des joueurs professionnels d’utiliser leur nom et leur renom pour bénéficier d’une rétribution supplémentaire permettra de résorber une partie de ce décalage entre nos sportifs et les sportifs européens.
J’ajoute qu’il ne s’agit pas d’instituer à nouveau le droit à l’image collective, supprimé il y a quelques années, et qui présentait le double inconvénient de constituer une niche fiscale et d’imputer les sommes afférentes sur le budget des sports.
Le dispositif auquel nous sommes parvenus est équilibré et sera utile pour la compétitivité de nos clubs professionnels.
Il s’agit en effet d’un sujet central, mais complexe, comme en témoignent les multiples réécritures de l’article. Aussi je souhaite rappeler que l’adoption de ce dernier devra bénéficier à de multiples disciplines, et pas seulement au football. En effet, les clubs qui ont développé des partenariats et utilisent l’image des joueurs via des produits dérivés sont également nombreux dans le cyclisme, le handball ou le basket.
Les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants estiment que cet article va dans le sens d’une clarification et d’une plus grande transparence. Il permet d’inscrire dans la loi la réalité de l’exploitation commerciale de l’image des sportifs.
S’agissant du pourcentage des revenus qui sera accordé aux sportifs sur la base des recettes commerciales, nous sommes attachés à ce les partenaires sociaux, dans le cadre du dialogue social et par discipline, puissent fixer un seuil et un plafond dans la convention ou l’accord collectif national.
Plus largement, il est aujourd’hui indispensable que soient mieux encadrés les régimes juridiques applicables à la rémunération de l’image des joueurs, comme nous l’a récemment rappelé l’affaire des FootLeaks.
Nous insistons sur un point : cette disposition n’a pas vocation à remplacer le salaire par une redevance qui n’est pas soumise aux droits sociaux. S’il s’avère que le droit à l’image pose des problèmes et crée de nouveaux risques d’évasion fiscale, viendra le temps de le modifier.
À l’heure actuelle, la transmission de l’ensemble de ces contrats à la direction nationale du contrôle de gestion nous paraît suffisante. Il n’y a donc pas lieu de supprimer cet article. Aussi, si Mme Buffet défendait son amendement de suppression, nous nous y opposerions.
Je voudrais dire ceci à mon collègue et ami Guénhaël Huet : on critique aujourd’hui le droit à l’image collective, mais je crois que nous avons fait oeuvre utile en obtenant ce droit il y a quelques années, mon collègue Édouard Landrain et moi-même, dans cette assemblée. En effet, si les personnalités de la culture pouvaient bénéficier du droit à l’image, ce n’était pas le cas des sportifs. J’ai toutefois regretté qu’un engagement pris quant à la durée de ce droit n’ait pas, à l’époque, été respecté.
Je ferai deux remarques en soutien de cet amendement qui se trouve au coeur du dispositif relatif à la compétitivité des clubs.
La première, c’est que les sportifs peuvent être considérés comme des artistes. Ils sont capables d’inventer des gestes extraordinaires, de faire des choses que personne ne fait. L’exemple de Jean Vuarnet, l’inventeur de la position de l’oeuf, qui fait partie de ma famille, en est l’illustration : les sportifs sont des artistes. Et à l’instar des artistes, les sportifs ont une image, qui doit être évaluée et dont nous devons tenir compte.
Ma deuxième observation concerne la compétitivité des clubs. On sait que les charges sociales et fiscales des clubs sont considérables et que, de ce fait, nous ne sommes pas compétitifs au niveau européen et mondial. Il est très important d’adresser ce signe aux clubs professionnels et de leur dire qu’une partie du salaire bénéficiera d’une optimisation sociale.
Je présenterai en effet cette série d’amendements qui portent respectivement sur les alinéas 2, 3, 4, 5 et 7 de l’article – ainsi que l’alinéa 11, s’agissant de l’amendement no 8 .
Ces amendements ont pour objet d’élargir le dispositif à d’autres personnes que les seuls entraîneurs, à savoir les membres des staffs techniques et médicaux. Ils bénéficient d’une notoriété propre, et il serait donc intéressant de leur donner la possibilité de bénéficier d’un tel conventionnement.
Monsieur le député, je ne conteste pas le fait qu’un kiné, par exemple, puisse avoir une certaine notoriété, mais il ne génère pas pour autant des recettes commerciales à ce titre. Ce dont nous débattons, c’est de la situation dans laquelle un sportif ou un entraîneur, de par sa notoriété, son image, sa signature ou sa voix, génère des recettes commerciales à titre individuel. C’est ce caractère individuel qui permet d’introduire la notion de redevance et de lui faire bénéficier d’une petite participation dont le montant sera défini par contrat.
La notoriété n’est pas suffisante, il faut qu’elle génère des recettes. Dans le cas que vous exposez, cela me paraît bien peu probable. Je n’ai jamais vu de mugs à l’effigie d’un kiné…
La commission émettra donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements s’ils ne sont pas retirés.
Avis défavorable. Comme l’a expliqué Mme la rapporteure, tel que le texte est actuellement rédigé, la notoriété d’un membre du staff technique ou médical ne peut en aucun cas laisser entrevoir la possibilité d’un contrat d’exploitation de l’image individuelle. Avis défavorable.
Vous êtes trop exhaustifs dans vos raisonnements. De plus en plus de clubs meublent leur staff technique avec d’anciens grands joueurs ou d’anciennes vedettes qui occupent des rôles de coordonnateur ou d’ambassadeur. Ils ne sont pas entraîneurs, mais leur notoriété constitue une valeur ajoutée pour le club. C’est en ce sens que je maintiens ces amendements.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 43 .
Cet amendement vient compléter la rédaction de l’article 7. Tout le monde a compris que la redevance venait s’ajouter au salaire que percevra le sportif. Ce salaire est soumis aux cotisations sociales, lesquelles ouvrent droit aux prestations afférentes. La redevance, elle, sera calculée à partir de certaines catégories de recettes commerciales, déterminées par décret.
Il est par ailleurs prévu d’encadrer la redevance par un accord collectif national ou une convention collective et de fixer ainsi, dans le cadre du dialogue social, les seuils et les plafonds. Dès lors, il est important d’assurer aux sportifs salariés qu’aucun contrat de redevance ne sera imposé par un club à défaut d’un tel accord ou d’une telle convention. Sur ce point, il restait un petit doute.
L’objet de l’amendement est donc de préciser que le contrat, sous peine de nullité, doit préciser les conditions retenues par la convention ou l’accord collectif national en ce qui concerne le plafond de la redevance et le seuil de rémunération versée au titre du contrat de travail à partir duquel il peut être conclu. Ainsi, les choses seront claires et transparentes pour tout le monde.
J’ai eu l’occasion d’exprimer devant la commission la position du Gouvernement sur l’article 7. L’amendement vise à renforcer, à sécuriser et à introduire encore plus de transparence dans le contrat. Je m’en remets donc à la sagesse de l’assemblée.
L’amendement no 43 est adopté.
L’amendement no 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 7, amendé, est adopté.
L’article 7 bis B fait référence au rôle des collectivités territoriales dans le financement des enceintes sportives. Puisque la Constitution affirme le principe de libre administration des collectivités territoriales, auquel il ne faut pas déroger, on doit leur laisser la possibilité, toujours encadrée par la loi, de procéder aux investissements qu’elles souhaitent, en liberté comme en responsabilité. Il convient que les collectivités qui le souhaitent puissent participer directement aux investissements sportifs, et que les collectivités qui le souhaitent puissent garantir l’emprunt souscrit par les sociétés sportives qui se lancent dans la réalisation de l’investissement.
Puisque mon collègue Frédéric Reiss, qui s’était inscrit sur l’article, ne peut pas être présent cet après-midi, j’indique en son nom qu’un nouveau modèle lui semble nécessaire, lequel ne peut être bâti qu’avec des enceintes modernes, capables d’accueillir plus de spectateurs et de sponsors dans de bonnes conditions.
Il importe donc que l’article 7 bis B permette l’éclosion de nouveaux partenariats, prenant la forme de garantie d’emprunt, afin de favoriser la compétitivité des clubs français, ce qui aura des retombées positives sur les territoires.
L’article 7 bis B est adopté.
L’article 8 est adopté.
Article 8
L’article 8 bis est adopté.
La parole est à M. Christophe Premat, pour soutenir l’amendement no 26 .
L’amendement tend à modifier l’intitulé du titre IV, en cohérence avec les modifications adoptées à l’article 9 quater lors de l’examen du texte par la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je reviendrai sur le contenu de l’article 9 quater, quand nous l’examinerons. Quoi qu’il en soit, nous avons souhaité retirer cet amendement rédactionnel lors du débat en commission, tout en précisant que nous le déposerions à nouveau, une fois la nouvelle rédaction de l’article 9 quater adoptée.
Il convient de respecter le texte voté en commission et d’enrichir l’intitulé du titre IV en ajoutant : « du sport féminin et la médiatisation des disciplines sportives ».
L’amendement est directement lié aux dispositions relatives à la retransmission gratuite des événements sportifs internationaux. C’est un débat que nous avons eu. Par souci de cohérence, je vous demande de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, puisqu’à titre personnel, je suis opposée à ces dispositions.
Avis défavorable. Dans la vie publique, il faut faire attention à certaines choses, en particulier il ne faut pas créer l’illusion dans l’esprit de nos compatriotes qu’une mesure inspirée par une bonne pensée – l’amendement repose manifestement sur l’une d’elles, que l’on peut tous partager – sera nécessairement applicable.
Certes, nous pouvons donner l’illusion qu’une fois loi votée, on pourra suivre toutes les compétitions en gratuit ; mais la mesure sera inapplicable. J’y reviendrai. En attendant, j’émets un avis défavorable aux dispositions que vous proposez sur le titre, compte tenu de la position que je défendrai sur le fond.
Je vous démontrerai très précisément que l’amendement voté en commission est non seulement inapplicable mais contraire au droit européen. Il suffira que n’importe qui saisisse la Commission au titre de la clause de non-concurrence et tout tombera. Autant dire que l’amendement fait courir risque considérable à l’ensemble du texte.
Je le retire, madame la présidente, compte tenu de la discussion que nous aurons plus tard. J’entends les arguments qui m’ont été opposés. Nous avons travaillé ce thème avec la délégation aux droits des femmes, afin de susciter, par la médiatisation, un intérêt pour la pratique sportive. Nous y reviendrons.
L’amendement no 26 est retiré.
L’article 9 est adopté.
Article 9
L’article 9 ter est adopté.
Article 9
L’amendement de ma collègue Valérie Corre adopté en commission est certes louable, puisqu’il vise à permettre à tous de regarder des événements majeurs et des rencontres par élimination directe qui ont fait l’objet de financements publics. Néanmoins, il pose des problèmes au modèle économique et à sa lisibilité.
Premièrement, cette disposition, qui permet une révision de fait de la liste des événements visés sans concertation risque de fragiliser les offres payantes qui soutiennent le financement du sport et de la création. Une telle voie remettrait en cause l’attractivité de ces offres en imposant des diffusions en clair, sans tenir compte des conditions de marché et des enjeux pour les diffuseurs et les ayants droit.
Elle créerait une absence de rentabilité des cases dédiées au sport, porterait atteinte à la liberté contractuelle des organisateurs de compétitions, et nuirait à la stabilité financière des grands événements. Elle serait ainsi contre-productive, puisqu’elle risquerait de rendre massif le piratage qui fragilise déjà le secteur.
Deuxièmement, en l’état actuel de la rédaction, certains termes ne permettent pas une compréhension claire de la disposition. Les termes d’« importance majeure » et de « rencontres à élimination » sont trop flous, car ils englobent de nombreuses compétitions. Le critère de contribution financière directe des pouvoirs publics aux frais d’organisation constituera à coup sûr un obstacle à l’accueil de grands événements sportifs en France.
C’est pourquoi je souhaite la suppression de l’article, et je voterai l’amendement no 44 du Gouvernement.
J’interviens sur l’article afin de saluer le travail réalisé par notre commission. Celle-ci a adopté un amendement qui permet d’avancer sur une question que j’ai posée de manière réitérée depuis des années, à l’occasion de la Coupe du monde de football, puis de l’Euro de foot, que nous avons accueilli en France, puis du Championnat du monde de handball, dont les matchs d’ouverture viennent d’avoir lieu. Il s’agit de permettre un accès gratuit à un plus grand nombre de compétitions sportives marquantes.
La commission a adopté un amendement, grâce à Mme Corre. Je m’en félicite. Je plaide pour son maintien dans le texte, d’autant que le Gouvernement a déposé un amendement tendant à supprimer l’article, qui est par conséquent en danger. Nous sommes de plus en plus nombreux, chers collègues, à alerter le Gouvernement sur la nécessité de revoir notre législation en vue d’assurer la visibilité de certains événements sportifs, comme le font d’autres pays européens voisins, lesquels se sont affranchis de règles trop contraignantes, qui avaient été fixées auparavant.
L’Union européenne a adopté une directive, mais nous pouvons agir. La France s’honorerait en développant l’accès gratuit permettant de voir, sans passer par des chaînes privées, sinon toutes les compétitions sportives, du moins davantage de matchs.
Je serai brève sur ce texte qui soulève un problème majeur – nous l’avons évoqué lors de la discussion générale. Qui est défavorable à ce que le plus grand nombre puisse regarder en clair les spectacles sportifs ? Personne. Nous avons tous envie de créer ce droit pour tous.
Reste que le marché considérable des droits télévisés fait vivre nombre d’institutions sportives. Il serait très mal venu, alors que la France est candidate à l’organisation des Jeux olympiques de 2024 de maintenir, comme critère de gratuité, l’organisation territoriale en France de grandes compétitions sportives. Ce serait un signal extrêmement négatif.
On ne peut donc pas maintenir le dispositif. Même si je conviens que le sujet mérite réflexion, il n’est pas possible de conserver le texte en l’état.
Je partage pleinement l’avis de Mme Dion, bien que les droits de télévision soient bien moins importants en France qu’en Allemagne, en Italie ou en Angleterre. Tout le monde peut suivre le Tour de France, ainsi que d’autres épreuves des Jeux olympiques. Ce n’est pas rien. Il serait bon de faire plus, mais on ne peut pas s’exonérer du reste.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 44 , qui tend à supprimer l’article.
Le texte de l’amendement voté en commission est lourd de conséquences. Il pose certains problèmes, comme celui de la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, en ce qu’il est contraire à la mondialisation du sport.
En premier lieu, il me semble critiquable sur le plan sémantique. Qu’est-ce qu’un « grand événement sportif » ? Qu’entend-on par « contribution directe des pouvoirs publics » ? Il faut savoir que le tournoi de Roland-Garros n’est pas soutenu directement par les pouvoirs publics. Il n’est donc pas concerné par l’amendement, ne vous en déplaise. Quels sont les grands événements sportifs soutenus par les pouvoirs publics via le CNDS, le Centre national pour le développement du sport ? Ce sont principalement des championnats du monde ou des coupes du monde.
Deuxièmement, monsieur Laurent, j’ai répondu vingt fois à vos interpellations ! Je sais que le public aime entendre, parce que ce message est populaire, que nous devrions tous pouvoir suivre de façon gratuite les événements. C’est facile à dire, mais infaisable. Qui détient les droits ? Qui va lancer l’appel d’offres ? Si c’était une structure nationale, on pourrait accepter l’amendement. Mais il se trouve que ce seront des structures européennes ou mondiales. L’appel d’offres sera donc européen ou mondial, de sorte qu’une législation française ne pourra rien imposer.
Troisièmement, vous avez cité l’Union européenne. Il existe effectivement une directive qui protège les événements sportifs, mais, tel qu’il est rédigé, l’amendement de Mme Corre n’entre pas dans ce cadre.
Quatrièmement, on ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif ! Nous pouvons certes parler de retransmission gratuite. Encore faut-il que les groupes de télévision qui recevront l’autorisation de retransmettre gratuitement certains événements aient envie de le faire. Nul n’a jamais empêché le groupe France Télévisions d’être candidat à la retransmission du championnat du monde de handball, mais on ne peut lui imposer par la loi aucune candidature à la retransmission et aux droits afférents…
C’est la raison pour laquelle, même si je comprends et je soutiens votre idée, je la juge inapplicable.
Enfin, monsieur Laurent, monsieur Premat, vous croyez tous les deux, comme moi, à la richesse des débats et des rapports parlementaires. Tous les députés présents ont eu au cours de leur mandat la possibilité de rédiger un rapport.
On ne fait pas des rapports pour qu’ils prennent la poussière sur une étagère.
Il se trouve qu’un rapport du sénateur David Assouline porte précisément sur cette question et fait des propositions. Comme vous le savez, il existe un décret fixant une vingtaine de manifestations qui doivent être diffusées en clair. Un groupe de travail doit en rediscuter les modalités : faisons donc confiance à ce groupe, dont les travaux aboutiront peut-être à un texte législatif. Le présent article ne me paraît pas aujourd’hui adapté à la situation, raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement de suppression.
J’avais promis d’intervenir sur ce débat. J’entends vos arguments : il ne s’agit pas de contribuer à une illusion ou à une certaine forme de « belle âme », comme le disait Hegel, mais plutôt de comprendre le processus d’attribution des droits sportifs. Celui-ci est en fait beaucoup plus souple que le décret de 2004 que vous venez d’évoquer, lequel imposait une diffusion en clair, beaucoup plus contraignante. Cela explique d’ailleurs que la liste soit insuffisante et que l’éventuel élargissement envisagé, promis depuis des années, sera fait a minima. Je vois là deux procédures complémentaires.
Par rapport au droit européen et à la reconnaissance de la notion d’événement d’importance majeure pour la société, contrairement à ce qui est dit, la législation française est loin d’être la plus avancée sur ce sujet. Certains pays ont été évoqués ; je pourrais citer l’exemple de la Grande-Bretagne, qui imposait la diffusion en clair de l’intégralité des coupes du monde et d’Europe de football – domaine d’ailleurs bien plus large que celui auquel renvoie l’article 9 quater. La Cour de justice de l’Union européenne a reconnu ce bon droit. Une jurisprudence est donc en cours d’élaboration.
C’est une question de volonté politique, et non une question simplement utopique. Même si j’entends tout à fait cet argument, la proposition de loi propose paradoxalement plusieurs dispositions pour lutter contre le phénomène de diffusion illégale des événements sportifs en streaming sur internet. Il est possible d’être cohérent et équilibré en matière de retransmission du sport. S’il est normal qu’un grand nombre d’événements soient diffusés de manière payante – il ne s’agit pas de dire que tout est gratuit –, il est difficile de jeter la pierre à un citoyen qui participe au financement d’un grand événement international mais se retrouve exclu de sa diffusion.
Je suis très étonné de la présentation faite par le secrétaire d’État. Je suis intervenu à plusieurs reprises et je regrette de donner le sentiment de lasser, mais il est important d’assouplir les règles de retransmission pour rendre les événements sportifs plus visibles. Je regrette que le secrétaire d’État me réponde en quelque sorte : « Circulez, il n’y a rien à voir ». Eh bien si, il y a quelque chose à voir : les enjeux financiers, les recettes pour les fédérations – bien sûr, chers collègues ! Pour autant, il ne faut pas oublier que nous avons intérêt à ce que le public s’approprie les événements sportifs : tout ne peut pas être diffusé sur des chaînes payantes cryptées ! Ce n’est pas possible !
Par ailleurs, vous indiquez qu’il peut y avoir une difficulté pour les Jeux olympiques : les bras m’en tombent ! C’est protégé par le décret ! J’espère donc que vous n’allez pas revenir sur le décret pour reculer sur les Jeux olympiques ! Je suis très étonné que vous abordiez cette question. D’autres pays européens ont montré la voie : l’Angleterre, certes, mais aussi la Belgique. Il ne s’agit pas de demander que tout soit accessible et retransmis gratuitement, mais qu’un plus grand nombre d’événements sportifs le soit.
En tant que député du Val-de-Marne, j’ai la chance de compter dans ma circonscription la Fédération française de hand-ball, qui participe à l’organisation du championnat que nous accueillons en France depuis hier. Le constat est fort simple : hier soir, pour regarder le match d’ouverture, il fallait aller sur BeIN Sports ! C’est totalement anormal ! Nous devons donc rejeter cet amendement.
Je souhaite vraiment venir au secours du secrétaire d’État en expliquant comment les choses se passent. Nous nous en sommes expliqués en commission : nous voulons évidemment que tous les Français puissent avoir accès aux grands événements sportifs – personne ne peut être contre, c’est évident !
Mais il y a un autre sujet, une autre préoccupation : la chaîne du sport est totale. Pour que le jeune licencié, le petit de cinq ou six ans qui a le poster du grand champion dans sa chambre, puisse avoir envie de devenir le grand…
Il n’y a pas que le foot ! Le hand-ball est un bon exemple en ce moment !
Je n’ai pas parlé de foot, mais de tous les sports !
Pour cela, il faut de grands événements sportifs afin qu’ils puissent voir ces champions au plus près. Cela signifie que la France doit pouvoir organiser de grandes manifestations sportives sur son territoire ; dans ce but, il faut appliquer les règles des grandes fédérations internationales, qui décident ou pas de nous attribuer de grands événements sportifs – on peut le regretter, mais cela s’appelle la lex sportiva : cela veut dire que, malheureusement, on n’a pas totalement la main sur l’organisation des grandes manifestations sportives internationales. Ce sont les fédérations internationales qui décident de leur attribution.
Dès lors, nous devons composer, même si nous avons évidemment tous envie que le plus grand nombre ait accès au sport et aux grands événements sportifs. Cela fait partie des valeurs du sport que nous défendons tous ici dans cet hémicycle.
L’amendement no 44 est adopté et l’article 9 quater est supprimé.
C’est du populisme !
La commission a maintenu la suppression par le Sénat des articles 10 et 11.
Il s’agit d’amendements d’appel, qui ont déjà été déposés au Sénat. Comme vous le savez, la loi de modernisation de notre système de santé a modifié les règles applicables à l’obtention d’une licence sportive après présentation d’un certificat médical. Dans les faits, ce souhait de simplification a apporté plus de contraintes que le système antérieur. La suppression de la distinction entre les licences non compétitives, qu’elles soient de loisir, d’enseignement ou temporaires, et les licences permettant l’accès à la compétition, a conduit à imposer la présentation d’un certificat médical pour les licences non compétitives, contrairement à ce que prévoyait le précédent régime.
Ainsi, de nombreux acteurs associatifs ou commerciaux proposent des activités sportives non soumises à la présentation d’un certificat médical, hors du cadre fédéral, offrant des garanties d’encadrement de qualité, dans le respect des règles de sécurité. À titre d’exemple, pour effectuer un stage de découverte de la voile de deux matinées sur son lieu de vacances, mieux vaut passer par un club de voile non affilié à la fédération pour éviter d’avoir à prendre un rendez-vous préalable chez le médecin.
L’objectif de ces deux amendements est ainsi d’ouvrir le sujet et d’établir un vrai bilan du dispositif existant. In fine, les fédérations agréées et délégataires souhaiteraient disposer de davantage d’autonomie dans le choix des modalités d’obtention d’une licence sportive, afin de concilier les besoins de tous les acteurs du monde sportif.
En première lecture au Sénat, vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, qu’une concertation avait été ouverte sur le sujet. Il serait donc intéressant pour la représentation nationale de savoir où en sont ces discussions. Encore une fois, je rappelle qu’il s’agit de deux amendements d’appel.
Ces amendements posent une question intéressante, et que je comprends parfaitement, sur les freins que peut constituer l’exigence d’un certificat médical pour une pratique ponctuelle du sport, par exemple dans le cadre de stages de vacances. Je m’en suis entretenue avec la Fédération française de tennis, qui a évoqué ce même sujet lors des auditions que j’ai conduites.
Cependant, comme je l’ai dit à cette fédération, de tels amendements ne relèvent pas de notre proposition de loi, qui porte sur l’éthique et la compétitivité du sport professionnel, alors que votre question ne concerne manifestement que le sport amateur.
Nous prenons donc le risque d’un cavalier législatif.
Par ailleurs, sur le fond, je m’interroge sur la rédaction de vos amendements : en effet, le droit en vigueur oblige à fournir un certificat médical pour l’obtention d’une licence et en aucun cas pour la pratique occasionnelle.
Le certificat médical est lié à la licence et non à la pratique occasionnelle du sport. Vos amendements ne modifiant pas l’état du droit, je vous demande donc de bien vouloir les retirer, faute de quoi je serai obligée d’émettre un avis défavorable.
En complément des explications fournies par Mme la rapporteure, cette disposition relative au certificat médical ne trouvera pleine et entière application qu’à compter du 1er juillet 2017. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de fédérations n’appliquaient pas la loi auparavant : c’est ce texte qui a rendu légale l’exigence des certificats médicaux. Nombre de fédérations se sont finalement rendu compte que cela leur posait problème.
J’ai bien entendu ce matin Mme Bourguignon exprimer des inquiétudes. Nous allons tout d’abord laisser la loi s’appliquer. Avec Patrick Kanner, nous avons convenu de demander à l’Inspection générale de la jeunesse et des sports un rapport très précis sur cette question : cela permettra, j’en suis sûr, d’en tirer des conséquences juridiques avec sans doute une adaptation ou une modification législative ou réglementaire.
Si vous posez une vraie question, nous ne pouvons pas encore y apporter les réponses satisfaisantes. Il faut donc du temps sans laisser perdurer certaines situations. C’est la raison pour laquelle nous demanderons ce rapport à l’Inspection générale. Si vous pouviez retirer ces amendements, monsieur le député, cela nous permettrait d’avancer dans le débat.
Ainsi que je l’ai indiqué, il s’agit d’amendements d’appel. Les précisions qui nous ont été apportées par le secrétaire d’État me donnent totalement satisfaction. Et je ne voudrais pas faire de la peine à Mme Dubié : je retire donc mes amendements.
L’article 11 bis est adopté.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 46 .
Cet amendement vise à clarifier la portée consensuelle de cet article en substituant au mot « concluent » les mots « peuvent conclure ». Je souhaitais lever toute ambiguïté quant à la nature de ces dispositions : il s’agit bien d’un droit souple, comme en témoignait déjà l’absence de sanction en cas d’absence d’accord.
L’amendement no 46 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour soutenir l’amendement no 34 .
Cet amendement a pour objet de préciser qu’il y a lieu de lutter, non seulement contre la promotion et la mise à la disposition du public en ligne de façon illicite de contenus sportifs, mais également contre l’accès illicite à de tels contenus. Cela impliquera, le cas échéant, que plusieurs accords soient conclus entre les acteurs afin de tenir compte des différents niveaux d’engagements pouvant être pris selon les intervenants et leurs prérogatives, et selon les règles européennes et le droit interne en vigueur en ce domaine.
Ce choix de promouvoir un accord professionnel est une solution à la fois pragmatique et efficace : pragmatique, car les acteurs sont mieux à même que les autorités de trouver des solutions plus adaptées pour lutter contre la mise à disposition de contenus illicites, et notamment contre l’accès à ce produit éphémère qu’est le sport diffusé en direct. Les autorités doivent engager les acteurs diffusant du sport sur la voie d’un tel accord.
Elle est de plus efficace, comme le démontre l’exemple des pays ayant mis en place des accords professionnels de ce type, aboutissant à un blocage ou à un déréférencement des sites illicites. Ils ont vu, en quelques mois, la fréquentation des sites pirates diminuer des deux tiers, voire des trois quarts, comme ce fut le cas au Royaume-Uni et surtout au Portugal.
Enfin, il est important que ces engagements s’inscrivent dans un droit souple, qui respecte les réglementations européennes en la matière.
Madame la députée, je donnerai un avis favorable à cet amendement, tout en rappelant que l’accord devra évidemment respecter le droit européen et national actuel, et ne pourra, en conséquence, traiter du recours au juge en matière de filtrage, ni la neutralité des fournisseurs d’accès au regard du contenu. C’est, de fait, un sujet important.
L’amendement no 34 est adopté.
L’article 12, amendé, est adopté.
L’amendement no 39 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 13, amendé, est adopté.
La parole est à M. Christophe Premat, pour soutenir l’amendement no 19 , portant article additionnel après l’article 13.
Je souhaite associer à cet amendement mon collègue Philip Cordery, qui n’a pu le cosigner. Cet amendement a également reçu le soutien du groupe socialiste de l’Assemblée des Français de l’étranger. J’avais pris acte, lors du débat en commission des affaires culturelles, de la nécessité d’en reformuler le contenu. À cet égard, je veux vous remercier, monsieur le secrétaire d’état, ainsi que vos services, pour la qualité du dialogue que nous avons engagé.
En ce qui concerne la détection des talents des jeunes athlètes français vivant hors de France, il y a un point sur lequel on a évolué : le rôle de la Commission nationale du sport de haut niveau. C’est un sujet important – je me tourne vers notre collègue Rochebloine, qui parlait tout à l’heure de « diplomatie sportive », et notre collègue Huet qui, dans la discussion générale, s’inquiétait du fait que l’on perdait parfois des sportifs. Dans le cadre d’un mouvement inverse, on arrive, notamment grâce aux binationaux, à détecter des talents, des personnes qui ont envie de mettre leurs « dons artistiques », pour parler comme Sophie Dion, au service de la France.
Vous proposez une disposition qui tend à favoriser la détection des jeunes talents français vivant hors de France. Je crois que c’est un amendement important, qui va permettre de sensibiliser les fédérations, notamment à partir de leurs projets de performance fédéral, en veillant à ce qu’ils n’oublient pas nos jeunes pépites établies à l’étranger. L’avis du Gouvernement est donc très favorable.
L’amendement no 19 est adopté.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 40 .
L’amendement no 40 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 14, amendé, est adopté.
L’article 15 est adopté.
Dans les explications de vote, la parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je serai bref, pour m’être exprimé clairement lors de mon intervention liminaire. Je suis très favorable à cette proposition de loi, comme je l’ai déjà indiqué. En conséquence, je souhaiterais que ce texte parvienne très rapidement au Sénat, et que celui-ci fasse preuve de la même sagesse que celle qui s’est manifestée aujourd’hui, en le votant en l’état : c’est ce qu’attendent les fédérations, pour que la proposition de loi puisse prendre effet très rapidement.
Je voulais saluer la qualité des débats et les avancées qui ont été accomplies aujourd’hui. C’est très important, et chacun semble en être satisfait, même si certains ont manifesté leur incompréhension s’agissant de la question des droits de télévision. Malgré tout, je crois que chacun peut avoir une appréciation favorable. On a réussi à concilier les valeurs du sport et la compétitivité du sport professionnel. Il me semble que, sur tous les bancs de cette assemblée, on ne peut que s’en réjouir. Encore une fois, je voulais me féliciter que le groupe Les Républicains ait pu travailler dans de bonnes conditions avec Mme la rapporteure, M. le président de la commission, M. le secrétaire d’état et chacun d’entre vous.
La parole est à Mme Gilda Hobert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je veux évidemment me réjouir, comme mes collègues, que cette proposition de loi soit en passe d’être adoptée. Décidément, tout ce qui concerne le sport est très consensuel, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Je réitère ma fierté que le groupe RRDP ait porté cette proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Olivier Falorni et plusieurs de ses collègues relative au respect de l’animal en abattoir (nos 4203, 4312).
Avant de donner la parole au rapporteur, je vous informe qu’à la demande de la commission des affaires économiques, la discussion des amendements portant article additionnel avant l’article 1er est réservée ; ils seront examinés après l’article 7.
La parole est à M. Olivier Falorni, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le débat que nous entamons ce soir est, en quelque sorte, historique, car c’est la première fois que la question des abattoirs fait l’objet d’un débat spécifique dans cet hémicycle, ce qui est déjà, en soi, une première avancée. Les abattoirs, ces lieux cachés dans lesquels on abat quotidiennement des animaux, se sont rappelés, hélas, à notre souvenir, avec la diffusion, depuis maintenant deux ans, par l’association L214 Éthique et animaux, de vidéos montrant des comportements scandaleux de maltraitance animale, vidéos qui ont profondément choqué chacun de nous, ici présents.
À la suite de ces vidéos, le Gouvernement a ordonné des inspections spécifiques dans l’ensemble des abattoirs de boucherie en France, et l’Assemblée nationale a, sur proposition du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, auquel j’appartiens, constitué une commission d’enquête ayant l’ambition de faire la lumière sur les conditions d’abattage dans les abattoirs français. La commission d’enquête, que j’ai eu l’honneur de présider, dont Jean-Yves Caullet était le rapporteur et dont certains membres, que je tiens à saluer, sont aujourd’hui présents, a procédé à de très nombreuses auditions ou tables rondes. Toutes ces rencontres ont été publiques, ouvertes à la presse, et très largement suivies sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale. Les auditions ont été longues, riches, particulièrement complètes et menées, je le crois, sans esprit partisan. Les intervenants ont pu s’exprimer longuement et défendre, parfois avec passion, toujours avec respect, leurs positions et leurs propositions.
Parallèlement à ces auditions, la commission a procédé à des visites inopinées dans un certain nombre d’abattoirs représentatifs. Il s’agissait de voir sur le terrain comment fonctionnent concrètement ces établissements, afin de mieux comprendre ce qui était ensuite dit lors des auditions. Il fallait en effet éviter, à mes yeux, que cette commission soit une commission de salon, éloignée du terrain. À l’issue de ce travail approfondi, la commission a adopté à la quasi-unanimité un rapport, que j’espère complet, qui a été enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 20 septembre dernier. Ce rapport contient 65 propositions précises et concrètes, qui ont été rassemblées autour de cinq thématiques : Faire évoluer les règles ; accroître les contrôles et la transparence ; renforcer la formation ; améliorer les pratiques d’abattage ; moderniser les équipements.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est l’aboutissement de ce long travail parlementaire. En effet, si la grande majorité des propositions ne relève pas de la loi mais plutôt de la pratique ou du pouvoir réglementaire, un certain nombre d’entre elles supposent une modification législative. Après avoir exercé son pouvoir de contrôle, le Parlement se saisit donc de sa capacité d’initiative législative pour tirer les conséquences du contrôle effectué. Je souligne que la proposition de loi a été signée par des représentants de tous les groupes politiques, signe de la forte adhésion transpartisane à ces dispositions.
La proposition de loi s’articule autour de trois titres : le premier est consacré à la transparence, le deuxième au contrôle et le dernier aux sanctions.
Le titre Ier, consacré à la transparence, contient deux articles.
L’article 1er a pour objectif de mettre en place un Comité national d’éthique des abattoirs, ce qui constitue la première proposition du rapport de la commission d’enquête.
Le rapport constate en effet la nécessité – de même, d’ailleurs, que la volonté collective – de faire évoluer les règles, afin que celles-ci traduisent mieux l’acceptabilité sociale et sociétale des pratiques de production de viande, notamment l’activité en abattoir. Cette acceptabilité évolue, de la même manière que les connaissances scientifiques et les techniques. Il est donc nécessaire de confronter ces trois thématiques de façon organisée et continue pour permettre une évolution harmonieuse des règles applicables.
Pour ces raisons, nous proposons de mettre en place un Comité national d’éthique des abattoirs qui pourrait rassembler les professionnels du secteur, des représentants des éleveurs, les associations de protection animale, des vétérinaires, des chercheurs spécialisés dans le bien-être animal, des représentants des cultes, des associations de consommateurs, des chercheurs – sociologues, juristes, philosophes – et des parlementaires. La commission y a ajouté, ce qui me semble effectivement indispensable, les représentants des salariés.
Toujours dans la thématique de la transparence, l’article 2 propose d’instituer auprès de chaque abattoir un comité local de suivi de site, réunissant les élus locaux, les exploitants d’abattoirs, les éleveurs, les services vétérinaires, les bouchers, les associations de protection animale, les associations de consommateurs et les représentants religieux dans la mesure où il est pratiqué un abattage rituel. La création de telles instances à l’échelon local poursuit deux intérêts : rompre avec le manque de transparence des abattoirs, et favoriser l’échange entre les acteurs et les parties intéressées autour de la protection animale en abattoir.
Le titre II a pour objet le renforcement du contrôle dans les abattoirs. Si les services vétérinaires y sont déjà présents en permanence, les images révélées par les lanceurs d’alerte ont bien montré que ce contrôle était encore insuffisant.
L’article 3 propose donc, pour les abattoirs de boucherie de plus de cinquante salariés, de rendre obligatoire la présence permanente d’un agent des services vétérinaires aux postes d’étourdissement et de mise à mort et, en dessous de ce seuil, de renforcer leur présence à ces postes.
L’article 4 avait pour objectif de rendre obligatoire l’installation de caméras dans toutes les zones des abattoirs dans lesquelles des animaux vivants sont manipulés. Il s’agissait là d’une proposition fondamentale qui rencontre une très forte adhésion de nos concitoyens. Au terme d’une discussion riche mais parfois ardue, la commission a malheureusement supprimé cet article. Il n’est néanmoins pas possible d’en rester là, ce dont tout le monde convient.
C’est pourquoi je vous proposerai un amendement qui, je l’espère, dissipera les inquiétudes, exprimées par les uns et par les autres, et permettra de renouer avec l’unanimité qui a présidé aux travaux de la commission d’enquête. Nous en débattrons évidemment lors de l’examen des amendements, mais je souhaiterais d’ores et déjà en présenter les principales caractéristiques.
Le contrôle vidéo que je vous propose est un dispositif équilibré et efficace. D’abord, la date d’entrée en vigueur est désormais fixée au 1er janvier 2018 ; nous sommes tous d’accord pour dire qu’une expérimentation est nécessaire : profitons du temps incompressible de la navette parlementaire pour la mener à bien dans les établissements qui se porteraient volontaires ; nombre d’entre eux sont déjà équipés de caméras et certains ont récemment annoncé leur volonté de franchir ce pas. L’expérimentation peut donc être rapidement lancée, évidemment sous le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Je précise que si une loi est évidemment nécessaire pour généraliser à tous les abattoirs un contrôle vidéo obligatoire, cela n’est pas le cas pour une expérimentation, qui peut très bien commencer sur la base du dispositif juridique existant.
Ensuite, la liste des personnes ayant accès aux images a évolué par rapport au texte initial : n’y figure plus la direction de l’établissement, ce qui est de nature à rassurer les représentants du personnel qui craignaient que la direction n’utilise ces images à d’autres fins que celle prévue par la loi.
Le texte prévoit très clairement que la finalité exclusive est la protection animale. Y sont par contre ajoutés les responsables de la protection animale, dont le rôle est de plus en plus important dans les établissements : seuls les RPA et, surtout, les services vétérinaires auront donc accès aux images.
Enfin, le dispositif est clairement inscrit dans le régime de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en particulier en ce qui concerne les sanctions en cas de détournement de finalité ou de divulgation des images – cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende sont prévus. Les modalités d’application du dispositif sont renvoyées à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL, ce qui est de nature à renforcer les garanties en termes de protection de la vie privée.
L’article 5 prévoyait d’autoriser les parlementaires à visiter les établissements d’abattage français de façon inopinée. Il a également été supprimé par la commission : je vous proposerai une nouvelle version de ce droit de visite, placée après l’article 2 et dans le titre consacré à la transparence, et non plus dans celui consacré au contrôle.
Mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est aujourd’hui soumise constitue une avancée majeure, à condition de ne pas la vider de sa substance. Dans cet hémicycle, nous sommes sous l’oeil des caméras. Les Français nous regardent ; ils nous écoutent très nombreux ; ils attendent de nous du courage et non de l’hypocrisie.
Ils attendent de nous que nous fassions avancer concrètement la protection animale. Je souhaite que notre débat et le vote de cette proposition de loi répondent à leurs attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur certains bancs du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mesdames et messieurs les députés, nous sommes rassemblés pour débattre d’un sujet qui suscite énormément de mobilisations, comme l’a rappelé le rapporteur. Certaines images ont également suscité des émotions.
Je voudrais d’emblée clarifier un point : il n’y a pas d’un côté ceux qui seraient sensibles et, de l’autre, ceux qui ne le seraient pas. Ce débat doit avoir de la tenue, et nous devons ne faire preuve d’aucune hypocrisie. Nous devons faire progresser la cause du bien-être animal. Encore faut-il, pour cela, prendre des mesures dont la mise en oeuvre nous permettra d’atteindre notre objectif.
Dès la fin de l’année 2014, j’avais décidé, dans le cadre du plan sur l’agro-écologie, de mettre en place un plan sur le bien-être animal. Celui-ci a nécessité deux ans de travail et a été présenté le 16 avril 2016 ; j’ai donc considéré que cette question était importante bien avant la diffusion des vidéos.
Dans le contexte de la crise de l’élevage, des débats citoyens sont lancés par des associations qui exercent leur droit légitime de rendre publiques un certain nombre de choses. Ces débats politiques concernent des enjeux importants pour l’avenir de l’agriculture, ce dont chacun doit avoir conscience. Le ministre de l’agriculture représente l’agriculture et l’État, et doit chercher à trouver les voies et les moyens d’améliorer le bien-être animal. Il y va de l’image que renvoie l’agriculture, et nous devons répondre à la demande de la société et des citoyens ; il n’y a pas là-dessus de discussion.
Le plan sur le bien-être animal, qui doit se déployer entre 2016 et 2020, est le premier du genre : il n’existait pas, jusqu’à présent, de stratégie en la matière.
Le débat doit permettre de progresser dans la connaissance de la souffrance animale et, donc, dans l’amélioration du bien-être animal. Cela nécessite, vous l’avez rappelé monsieur le rapporteur, d’effectuer des recherches pour mieux connaître les éléments sur lesquels il convient de travailler. Voilà pourquoi nous avons créé le Centre national de référence français, le CNR, qui doit nous permettre d’approfondir ces questions importantes. Des évolutions techniques et technologiques, et des innovations changeront, comme vous l’avez rappelé monsieur le rapporteur, les conditions actuelles, et il faut accélérer ces évolutions, notamment pour les conditions d’abattage.
Monsieur le rapporteur, vous voulez qu’un vétérinaire soit présent à plein temps pour contrôler la chaîne d’abattage et qu’il y ait en plus la vidéo. Selon moi, il faut choisir : c’est soit l’un, soit l’autre. Pour avoir créé 160 postes de vétérinaire alors que 440 avaient été supprimés auparavant,…
…je connais le coût budgétaire que cela représente.
Je vous appelle donc à rationaliser votre proposition. L’État et les vétérinaires auront directement accès aux vidéos pour contrôler la conformité des pratiques.
Dans le débat sur le projet de loi Sapin 2, le Parlement a créé, à ma demande, un délit de manquement aux règles du bien-être animal, alors que, jusqu’ici, la responsabilité était diluée : seuls les salariés pouvaient être rattrapés pour les mauvais traitements imposés aux animaux. La responsabilité des directeurs et de ceux qui assument la gestion des abattoirs devait pouvoir être engagée, mais le Conseil constitutionnel a remis en cause cette disposition de la loi Sapin 2. Vous proposez de la reprendre dans votre texte, et j’en suis parfaitement d’accord. Si nous voulons faire progresser l’application des règles de bien-être, leur non-respect doit être considéré comme un délit.
Après la diffusion des vidéos, nous avons contrôlé 250 établissements : 5 % des chaînes d’abattage ont été arrêtées compte tenu des mauvaises conditions d’application des règles et 30 % d’entre elles ont dû améliorer leurs conditions de fonctionnement – nous avons transmis les résultats de ces opérations à la mission parlementaire. Nous devons maintenir notre effort. Vous avez raison, monsieur le rapporteur : dans ce domaine, ce qui était caché doit devenir transparent. On doit débattre de ces questions à partir d’éléments clairs, afin de faire progresser la cause – tout à fait essentielle – du bien-être animal.
J’ai proposé d’intégrer le Comité national d’éthique des abattoirs, que propose de créer votre texte, au Conseil national de l’alimentation, et cela sera fait dès la semaine prochaine. Il faudra instaurer des déclinaisons locales de cette structure, afin d’organiser des débats transparents avec les professionnels et surtout avec les associations dans les départements comprenant des abattoirs. C’est comme cela que nous pourrons faire progresser la transparence et la discussion sur ces points extrêmement importants.
Je suis favorable à la mise en place d’une expérimentation de contrôle par vidéo, ainsi que je l’avais indiqué à Olivier Falorni, alors président de la commission d’enquête, et à Jean-Yves Caullet, son rapporteur, à la condition que l’on se mette d’accord sur la nécessité de choisir entre la présence d’un vétérinaire à plein temps dans chaque chaîne d’abattage et la vidéo. La superposition de ces deux modes de contrôle n’est en effet pas utile. J’ai saisi la CNIL, et nous rencontrerons les organisations syndicales, comme vous l’avez fait, ainsi que l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail des salariés. Nous devons prendre toutes les précautions nécessaires, car les salariés ne travaillent pas toujours dans des conditions faciles dans les abattoirs, et nous devons avoir le souci du respect de ces travailleurs. L’expérimentation de la vidéosurveillance est donc un point que j’ai acté. Je demande que nous prenions bien en compte le fait que, si nous choisissons la vidéosurveillance, nous ne pouvons pas demander à l’État de placer un vétérinaire dans chaque chaîne d’abattage – ce doit être l’un ou l’autre. C’est un point très important à mes yeux.
Voilà ce que je voulais vous dire concernant ce débat et les enjeux éthiques et moraux dont, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, nous aurons absolument à tenir compte.
L’abattage rituel a également suscité un débat ; j’ai fait établir un rapport sur le sujet. Nous travaillons actuellement avec les représentants des cultes pour que ces pratiques évoluent dans un sens qui soit davantage en phase avec ce que la société demande, car cela me paraît important. Nos interlocuteurs étant des religieux, il n’appartient cependant pas au ministre de l’agriculture que je suis de discuter en quoi que ce soit leur lecture de la religion. Ce débat doit donc également être mené avec la volonté d’améliorer les choses, en discutant et en dialoguant avec les représentants de toutes les religions.
Telles étaient les positions que je voulais exprimer devant vous.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je voudrais tout d’abord saluer très amicalement l’implication du rapporteur Olivier Falorni. La cause animale tient là un avocat déterminé et responsable.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi est le prolongement d’un consciencieux travail parlementaire qui a débuté au moment où des associations de défense du bien-être animal ont publié des vidéos insupportables montrant les conditions d’abattage indignes pratiquées dans plusieurs abattoirs français, images qui ont légitimement ému et scandalisé l’opinion publique.
Dans les jours qui ont suivi ce scandale, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur l’initiative d’Olivier Falorni, a permis la création d’une commission d’enquête rassemblant des députés de tous les groupes politiques. Cette commission d’enquête a formulé plusieurs recommandations visant à garantir le respect de l’animal dans chaque abattoir français. Ces recommandations ont été ensuite retranscrites dans une proposition de loi transpartisane en novembre dernier. Celle-ci comporte plusieurs exigences et dispositions.
L’exigence de transparence, tout d’abord, se traduit par la création d’un Comité national d’éthique des abattoirs, regroupant toutes les parties prenantes du secteur : élus locaux, exploitants d’abattoirs, éleveurs, vétérinaires et associations de protection animale et de consommateurs. Ce comité national serait également décliné à l’échelle locale. Tout cela permettrait de mettre fin à l’opacité qui règne aujourd’hui dans ce secteur.
Ne soyons pas naïfs : en plus de cette transparence, il nous faut renforcer les contrôles afin de faire évoluer concrètement les pratiques. Dans cet esprit, l’article 3 vise donc à rendre obligatoire la présence d’un agent des services vétérinaires aux postes les plus sensibles que sont l’étourdissement et la mise à mort de l’animal. Ces actes doivent se faire sans douleur pour l’animal. Malheureusement, cette présence ne peut suffire, monsieur le ministre. C’est pour cette raison que, reprenant les conclusions de la commission d’enquête, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité instituer un contrôle vidéo obligatoire dans les abattoirs. Et je le dis clairement : ces vidéos n’ont pas vocation à contrôler les salariés ; elles visent uniquement à s’assurer que les pratiques d’abattage respectent la réglementation et l’éthique.
En décembre dernier, cependant, patatras ! Cette disposition de contrôle vidéo obligatoire a été rejetée par la commission des affaires économiques. Cela a pour conséquence, mes chers collègues, de diminuer, et même de dénaturer totalement la proposition de loi originelle.
Les arguments des opposants du contrôle vidéo obligatoire sont divers et variés. En vérité, beaucoup sont de mauvaise foi, et je ne peux que constater leur cousinage avec ceux de l’industrie agroalimentaire.
C’est incompréhensible ! Cette industrie n’a pourtant rien à craindre d’une amélioration législative qui empêchera des pratiques minoritaires intolérables dans certains abattoirs. Aussi, je le dis à ceux de mes collègues qui se sont opposés à cette disposition en commission des affaires économiques : ne cédez pas aux lobbies ! Notre mission de législateur est de veiller à l’intérêt général.
Pour ma part, avec le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je défends ardemment l’amendement du rapporteur Falorni, le seul qui soit vraiment efficace pour installer le contrôle vidéo dans les abattoirs. Les autres amendements sur ce sujet ont été déposés à la va-vite et ne sont qu’un écran de fumée. Ils n’apportent aucune réponse, aucune solution, aucune avancée. Ils visent seulement, et je le déplore, à compromettre purement et simplement l’objectif principal de cette loi.
Mes chers collègues, la version initial de ce texte, déposée il y a plusieurs mois, était pragmatique et concrète. Elle était soutenue par l’ensemble des associations de défense des droits des animaux. Elle ne devait en aucun cas provoquer polémiques ou faux débats. Elle ne concerne que les conditions d’abattage des animaux dans les abattoirs et ne porte en aucun cas sur nos habitudes de consommation. Elle n’avait qu’un objectif : faire avancer le respect de l’animal.
Depuis janvier 2015, monsieur le ministre, nous pouvons être fiers que les animaux soient considérés par notre législation non plus comme des choses, mais bien comme des êtres vivants doués de sensibilité. C’est une vieille revendication de l’association 30 millions d’amis,…
…soutenue par l’immense majorité de nos concitoyens. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de donner corps à ce beau principe. Pour cela, il nous faut voter cette proposition de loi, en y incluant la disposition introduisant le contrôle vidéo obligatoire. C’est le seul moyen de mettre enfin un terme aux pratiques choquantes dont sont victimes les animaux dans certains abattoirs.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, au cours des deux dernières années, l’opinion publique s’est largement saisie de la question des pratiques et des méthodes qui ont cours dans certains abattoirs de notre pays. Nous devons en partie cette prise de conscience aux actions et aux vidéos réalisées par l’association L214. Bien que les méthodes employées par celle-ci soient peu orthodoxes, il est indéniable qu’elles ont comme résultat positif de mettre en lumière des abus illégaux et des pratiques qui, bien que légales, sont largement contestables.
On peut constater l’évolution majeure et récente de certaines sociétés de la grande distribution, de l’industrie, de la restauration collective ou de l’hôtellerie quant à la provenance des oeufs commercialisés ou consommés. Ces sociétés s’engagent désormais à s’acheminer progressivement vers un abandon total en 2025 de l’approvisionnement en oeufs de catégorie 3, c’est-à-dire pondus par des poules élevées en batterie. Ce mouvement d’ampleur va dans le sens d’un plus grand bien-être des animaux mais induit également et évidemment une profonde mutation de cette filière, que nous devons observer et accompagner dans les années à venir.
La finalité que porte l’association L214 est celle d’une société se passant de produits d’origine animale, reposant donc sur l’alimentation dite « végane ». Bien qu’une telle vision de la société soit défendable et respectable, ce n’est pas la position de la majorité du groupe socialiste, écologiste et républicain, que je représente aujourd’hui.
Notre position n’est pas non plus celle d’une vision industrielle de l’élevage fondée sur un productivisme débridé niant aux animaux le moindre degré de sensibilité.
Nous pensons qu’il existe un chemin entre ces extrêmes, qu’on peut pratiquer un élevage respectueux des animaux et de leur bien-être et avoir une alimentation reposant en partie sur des produits d’origine animale.
C’est cette politique conciliant au mieux économie, écologie, protection des consommateurs et respect des animaux que notre majorité s’efforce de promouvoir depuis maintenant quatre ans. C’est dans cette perspective, et le ministre l’a rappelé, qu’un plan pour le bien-être animal a été mis en place pour les années 2016 à 2020.
Aujourd’hui, nous débattons de l’un des chaînons de cette filière : les abattoirs. Pour mémoire, la production de viande de notre pays recouvre une grande diversité : près de 3,5 millions de tonnes de viande sont produites chaque année, dans des abattoirs de taille très variable dont la production va de 10 à 220 000 tonnes par an. Cette diversité est également accentuée par le type de viande produite – ovins, bovins, caprins, porcins ou volailles. Cette production est largement excédentaire par rapport à notre consommation et constitue donc une part non négligeable de nos exportations.
Les abattoirs sont aussi la réalité de femmes et d’hommes, ouvriers et salariés. Nous souhaitons dès à présent leur dire notre soutien et la reconnaissance de la pénibilité de leur travail. Ils sont trop souvent oubliés ou montrés du doigt. Leur expérience est tout autre, ainsi que le raconte si bien Stéphane Geffroy, employé depuis plus de vingt-six ans dans un abattoir breton, dans le témoignage qu’il a publié récemment aux éditions du Seuil. Dans cet ouvrage, il raconte, par-delà les fantasmes, le quotidien du travail à la chaîne, les conditions difficiles et la nécessité de prendre du recul par rapport à son métier lorsqu’on côtoie chaque jour l’abattage. Vous l’aurez compris : la dimension sociale et les conditions de travail des salariés ne doivent pas être absentes de nos débats.
Nous nous intéressons aujourd’hui à une troisième priorité : limiter autant que possible la maltraitance animale. Le travail dans ce domaine ne date pas d’aujourd’hui et nous tenons à saluer les actions du Gouvernement en la matière. Il en va de même pour le travail de la commission d’enquête parlementaire menée par Olivier Falorni et Jean-Yves Caullet, qui nous donne aujourd’hui une vision précise de l’état actuel de la situation et de ce qui peut être fait. C’est l’objet de cette proposition de loi.
Disons-le immédiatement : elle va dans le bon sens, y compris dans sa version amendée par la commission des affaires économiques.
La constitution du Comité national d’éthique et de comités locaux de suivi des abattoirs constituera indéniablement un outil précieux pour accroître la vigilance sur les pratiques et les méthodes en vigueur au sein des abattoirs.
Se pose toutefois, aujourd’hui, la question de la rationalisation de cette proposition. Il nous faut en effet prendre en compte l’objectif plus général que nous nous sommes fixé de simplification administrative et de réduction du nombre de comités consultatifs, ainsi que la très grande diversité des abattoirs. Plusieurs amendements allant dans ce sens, nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la discussion.
L’avancée du texte qui aura le plus d’impact est sans nul doute la possibilité ouverte aux associations concernées de se constituer partie civile dans les cas de maltraitance animale. Cette mesure dépasse largement la question des seuls abattoirs. De même, l’extension du délit de mauvais traitement aux animaux dans les situations de transport et d’abattage est une mesure importante. Déjà votée lors de la discussion de la loi Sapin 2, cette extension avait été censurée par le Conseil constitutionnel pour son absence de lien avec le projet de loi initial. Outre le fait de faire rentrer dans le champ de la répression pénale les maltraitances ayant lieu en abattoir, la seconde conséquence de cette mesure est de permettre une protection des éventuels lanceurs d’alerte concernés par ces sujets.
S’agissant de la proposition d’un droit de visite inopiné des parlementaires au sein des abattoirs sur le modèle de ce qui est déjà possible dans les prisons françaises, elle se heurte au respect de la Constitution. Cette proposition figurait dans le texte initial et a été supprimée lors de l’examen en commission. Elle nous sera à nouveau proposée à travers un amendement. Je tiens à préciser que le groupe socialiste, écologiste et républicain n’y est pas opposé. Toutefois, les abattoirs étant majoritairement des lieux privés, l’introduction d’une telle mesure nous assurerait une censure au moins partielle du texte par le Conseil constitutionnel sur la base de la protection de la propriété privée.
Enfin, la question de la généralisation de la vidéo dans les abattoirs a provoqué le débat lors de l’examen du texte par la commission des affaires économiques. Plusieurs amendements portant sur ce point, nous aurons l’occasion d’y revenir. La position du groupe socialiste, écologiste et républicain est claire : nous y sommes favorables. Cette mesure est fortement intrusive pour les salariés et les ouvriers des abattoirs, mais elle peut se justifier au regard de la lutte contre les maltraitances animales. Sa mise en place pose un grand nombre de questions pratiques auxquelles il convient de répondre avant de procéder à une généralisation. Nous proposons donc d’opter pour une expérimentation d’un an, qui devra être suivie d’une évaluation. Si les résultats sont positifs, si l’utilité de la mesure est démontrée, le dispositif sera alors progressivement généralisé de façon encadrée.
Mes chers collègues, je conclurai en insistant sur un point. Le débat public sur ce sujet apparaît très manichéen. Plus que jamais, l’Assemblée nationale doit donc être le lieu où les problèmes sont examinés dans toute leur complexité. Si l’émotion doit être entendue, elle ne peut être le seul moteur du débat. Il nous revient de construire des propositions équilibrées. C’est non seulement souhaitable, mais aussi absolument nécessaire aujourd’hui.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons amène à débattre du respect de l’animal d’élevage à toutes les étapes de sa vie. Les vidéos diffusées par l’association L214 ont favorisé la mobilisation de nos concitoyens en vue d’un renforcement de notre législation. Cette mobilisation a suscité la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Pendant six mois, cette commission a beaucoup travaillé, auditionnant tous les acteurs concernés.
J’y ai participé avec un grand intérêt, étant élu de la Mayenne, grand département agricole où la filière de l’élevage occupe une place importante et où les abattoirs sont nombreux. J’en ai d’ailleurs visité beaucoup. La commission a rendu un rapport volumineux préconisant 65 mesures. J’ai fait entendre ma différence sur quelques-unes de ses conclusions, car la réponse au problème posé ne fait pas l’unanimité, comme l’a d’ailleurs démontré l’examen de ce texte en commission.
Je suis porte-parole d’un groupe dont la position, comme celle des autres, n’est pas unanime à propos des dispositions de cette proposition de loi. Certains membres de notre groupe l’ont cosignée, d’autres estiment qu’il faut aller plus loin, d’autres encore sont très circonspects au sujet de l’intérêt et des conséquences réelles des articles proposés. En revanche, nous dénonçons unanimement les mauvais traitements infligés aux animaux dans certains abattoirs. Comment ne pas être choqué par les images diffusées ? Il est inadmissible que de tels comportements perdurent. Sur ce constat, nous sommes d’accord, monsieur le ministre.
Si la situation actuelle peut être améliorée, il faut bien retenir que les abattoirs ayant commis des abus sont peu nombreux. Vous-même estimez à 5 % la proportion d’abattoirs où des abus ont été commis. Il convient donc de doser les mesures envisagées et de ne pas infliger à toute une filière des mesures trop lourdes de conséquences.
Dans le panel des mesures proposées, le renforcement de la transparence, des contrôles et des sanctions est pertinent. Au demeurant, la décision de renforcer les contrôles a déjà été prise. Ainsi, les effectifs des personnels chargés de la sécurité sanitaire déployés en priorité dans les abattoirs ont été augmentés en 2015 puis en 2016 et le seront à nouveau en 2017. En outre, un plan d’action spécifique, portant sur la responsabilité de l’exploitant de l’abattoir et sur l’optimisation des contrôles, est en cours d’élaboration. L’article 3 de la proposition de loi prévoit un renforcement des contrôles. Si nous sommes favorables au principe, le seuil qui a été retenu, à savoir les abattoirs de plus de cinquante salariés, est discutable, comme l’a bien montré l’examen en commission.
Quant aux sanctions, il est nécessaire de réprimer plus fortement les détournements et les abus. Des mesures adoptées à l’unanimité dans le cadre de la loi Sapin 2 visaient à renforcer les sanctions pénales en cas de mauvais traitements exercés sur les animaux en abattoir, mais elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Nous soutenons leur retour dans ce texte. Au demeurant, cette proposition de loi est loin d’être à la hauteur. Il s’agit essentiellement d’un outil de communication forgé à la veille des élections. Ce texte comporte des lacunes notables et ne reprend pas certaines propositions intéressantes de la commission d’enquête, notamment le renforcement de la formation des salariés ou la modernisation des équipements.
Ces mesures auraient pourtant l’intérêt complémentaire d’accroître la compétitivité des abattoirs. La proposition de loi n’aborde pas non plus l’abattage rituel, qui est pourtant un sujet sensible.
Elle impose en revanche des mesures controversées. Ainsi, est-il nécessaire de créer un Comité national d’éthique des abattoirs, qui sera un nouveau comité Théodule, dont le rôle sera uniquement consultatif, alors que l’Observatoire national des abattoirs existe déjà et qu’il suffirait de le faire évoluer ? Est-il nécessaire d’imposer un comité local de suivi à chaque abattoir et non aux seuls abattoirs contrevenant à la réglementation ? Cette mesure lourde et contraignante sera-t-elle efficace ? Je ne le crois pas ; je crois même que les comités locaux induiront un surcroît de complexité dans la gestion des abattoirs.
Le Gouvernement semble faire la même analyse, si j’en crois l’amendement no 45 qui vise à supprimer l’article 2 au motif que la « création de nouveaux comités locaux de suivi des abattoirs va à rencontre de la politique de simplification administrative et de réduction du nombre de commissions consultatives ». La possibilité de visites inopinées menées par des parlementaires et des journalistes, initialement prévue à l’article 5 et heureusement supprimée en commission, est tout à fait inappropriée.
En tout état de cause, de telles ingérences dans des entreprises privées seraient inconstitutionnelles. En effet, les abattoirs sont des entreprises privées, protégées en tant que telles par notre Constitution. Je n’ose pas même imaginer l’utilisation dont ces visites inopinées pourraient faire l’objet à des fins strictement politiciennes, afin de créer un buzz médiatique ! J’espère que nous retrouverons, lors de la discussion des amendements, la sagesse dont la commission des affaires économiques a fait preuve en supprimant l’article 5.
J’en viens à présent au point dur du texte, qui suscite un vif intérêt si j’en crois le grand nombre de pétitions qui nous ont été adressées au cours des derniers jours. Dans le texte initial, l’article 4 prévoyait l’installation de caméras dans les abattoirs. Est-il nécessaire d’imposer cette installation à tous les abattoirs et non uniquement à ceux qui ont failli ? Pourquoi leur imposer cette nouvelle charge alors que le texte prévoit déjà un renforcement des contrôles ?
Cet article a fait l’objet de longs débats en commission transcendant les clivages partisans et a d’ailleurs été supprimé par l’amendement d’une députée écologiste, essentiellement au nom de la liberté des salariés. Cette considération est légitime. Les abattoirs sont des entreprises privées dans lesquelles il est difficile d’imaginer le moindre flicage des salariés. Il faut raison garder et prendre des mesures adéquates. La majorité socialiste imposera-t-elle un tel flicage ? Dès lors, certains se demandent pourquoi ne pas étendre la vidéosurveillance à tous les lieux où des maltraitances sont susceptibles de se produire. Pourquoi ne pas l’étendre aux EPAHD, aux crèches ou aux écoles ?
Mes chers collègues, nous ne devons pas nous laisser influencer par la forte médiatisation de cette mesure et la forte mobilisation qui en découle. Il faut expliquer à nos concitoyens que cette mesure n’est pas la panacée, tant s’en faut. Certains d’entre nous proposent de remplacer l’installation automatique et obligatoire de caméras par une expérimentation permettant de mesurer les conséquences pratiques et juridiques de l’installation de caméras. Comme cet amendement a été déposé une deuxième fois, nous aurons à nouveau ce débat. Pour autant, cette expérimentation ne doit pas préjuger d’une généralisation du dispositif à terme, qui ne saurait être entreprise sans une concertation exhaustive avec les professionnels de la filière.
Je profite de ma présence à cette tribune pour rappeler que les pratiques dénoncées au cours des derniers mois ne doivent pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des professionnels de l’abattage ni, plus largement, sur les filières d’élevage et l’industrie agroalimentaire. Ces professionnels se battent chaque jour pour vivre de leur activité. Lors des visites d’abattoirs que j’ai effectuées dans mon département, j’ai uniquement été témoin de bonnes pratiques professionnelles, rassurantes en matière de bien-être animal. De nombreux collègues ont également visité des abattoirs et dressé le même constat, comme notre collègue de Vendée Alain Leboeuf.
En revanche, je peux témoigner que les attaques que constituent la diffusion de vidéos sont très mal vécues par les professionnels, tant les dirigeants d’abattoirs que le personnel, qui vivent mal ce climat de suspicion. Ne participons pas au discrédit injuste d’une profession. Ne pénalisons pas toute une filière qui souffre déjà et connaît des problèmes de compétitivité en raison des obligations, sociales en particulier, qui leur sont déjà imposées dans notre pays. Ne renforçons pas les normes et les contraintes, déjà trop envahissantes, pour quelques abattoirs qui contreviennent à leurs obligations et dont je répète qu’ils sont minoritaires.
Nous risquerions, ce faisant, de provoquer un phénomène préoccupant : la fermeture des abattoirs de proximité. Or nous devons maintenir le maillage de ces abattoirs afin de ne pas allonger les temps de transport. Nos collègues frontaliers soulignent à bon escient notre manque de compétitivité en raison duquel des animaux élevés sur le territoire national sont tués dans des abattoirs étrangers, en Allemagne par exemple. Enfin et surtout, ne rentrons pas dans le jeu de l’association L214, dont chacun doit savoir qu’elle a pour objectif le retrait de tout produit animal de notre consommation. D’ailleurs, leurs actions ne cesseront guère tant que ce but ne sera pas atteint.
La ligne que nous devons adopter consiste certes à lutter contre tous les faits de maltraitance animale, qui sont répréhensibles, mais aussi à préserver un secteur essentiel dans nos territoires ruraux, celui de l’élevage et de la viande. Face aux campagnes d’opinion et leurs conséquences, nous devons valoriser cette filière et la soutenir. En commission des affaires économiques, les députés du groupe Les Républicains ont choisi de s’abstenir. Nous déciderons de notre position à l’issue de ce débat, tout en rappelant que chaque député membre de notre groupe est libre de son vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, créée sur l’initiative du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste – en clair, le groupe radical de gauche.
Les auditions ont été nombreuses et ont permis d’entendre toutes les parties : éleveurs, directeurs d’abattoirs, représentants d’associations, syndicats de salariés, consommateurs, universitaires et pouvoirs publics. Ces travaux ont abouti à la publication d’un rapport comportant une soixantaine de propositions organisées autour de plusieurs thématiques telles que l’évolution des règles existantes, le renforcement de la formation et des contrôles ou encore la modernisation des équipements. Certaines d’entre elles figurent d’ailleurs dans la présente proposition de loi.
Selon les chiffres de 2016, les abattoirs français sont répartis en 960 sites industriels dont 263 sites de boucherie chargés d’abattre 3,5 millions de tonnes de bovins et 670 millions de tonnes de volaille. Les abattoirs, ce sont aussi et surtout des femmes et des hommes, car ils comptent près de 80 000 salariés. La profession connaît de réelles difficultés, découlant notamment des cadences et de la dureté du métier. Loin d’être un métier facile, l’abattage est souvent décrié comme une activité ingrate. C’est oublier qu’une majorité d’abatteurs exercent leur métier avec sérieux et professionnalisme.
Surtout, face à une concurrence internationale de plus en plus exacerbée, il importe de soutenir une filière française à 100 %. Ce maillage territorial des abattoirs est essentiel pour des raisons d’emploi mais aussi de transport et de proximité. Or, si ces outils d’abattage disparaissaient demain, les filières seraient contraintes d’envoyer leurs animaux dans des abattoirs étrangers sur lesquels nous n’avons aucune prise ni aucun contrôle. Dans un tel contexte, il nous serait impossible d’exiger la moindre norme en matière d’éthique, de transparence et de traçabilité. Il faut conserver cette réalité à l’esprit.
Pour autant, les dérives constatées au cours des derniers mois dans certains établissements nous obligent à agir. Il faut agir afin que le bien-être animal soit mieux pris en considération et que tout acte de maltraitance à leur encontre expose à des sanctions suffisamment dissuasives. Tel est le sens d’un amendement que le groupe UDI a proposé et fait adopter en commission. Il faut aussi agir pour accroître la fréquence des contrôles, mais en les confiant à des professionnels et des services dont c’est le métier, notamment les services vétérinaires, et non à des parlementaires s’érigeant soudainement en journalistes d’investigation. Il faut enfin agir en vue de l’adoption de nouvelles mesures de protection renforçant la transparence et le contrôle.
S’agissant des mesures de transparence, les mesures prévues au titre Ier de cette proposition de loi sont intéressantes. Ainsi, le groupe UDI soutient la création d’un Comité national d’éthique des abattoirs prévue à l’article 1er. Cette nouvelle enceinte devrait permettre à tous les acteurs de la filière ainsi qu’aux représentants d’associations et aux consommateurs de dialoguer et de donner leur avis sur les conditions dans lesquelles est organisée et effectuée la mise à mort des animaux.
L’évolution des pratiques au sein des abattoirs français relève assurément de dispositions législatives et réglementaires, mais surtout de l’échange de bonnes pratiques au sein de ce comité ainsi qu’au niveau local. Ainsi, la présence de représentants des salariés au sein de cette instance nous semble constituer un ajout appréciable découlant de l’examen du texte en commission. Les résultats seront au rendez-vous seulement si la profession est associée à cet effort de dialogue et de transparence. Nous approuvons également la création des comités locaux de suivi, prévue à l’article 2. Sous l’autorité des préfets, ces structures auront vocation à rassembler autour des réalités locales tous les acteurs : les exploitants, les services vétérinaires, les bouchers, les associations de protection animale, les associations de consommateurs et les élus.
S’agissant des mesures de contrôle, le groupe UDI peut soutenir la présence obligatoire d’agents des services vétérinaires aux postes d’étourdissement et de mise à mort dans les abattoirs de plus de cinquante salariés, prévue à l’article 3. Le rapport de la commission d’enquête a montré le retard qu’accuse la France sur ses voisins européens dans ce domaine : notre pays compte 2 511 agents chargés des contrôles vétérinaires, contre 4 500 en Allemagne et 6 000 en Italie. En revanche, au lieu de procéder dès aujourd’hui à une généralisation obligatoire de la vidéosurveillance dans tous les abattoirs, nous proposons d’expérimenter au préalable ce dispositif. Tel est le sens d’un amendement que nous avons déposé et que nous examinerons tout à l’heure. L’enjeu est d’évaluer l’efficacité et la pertinence d’un tel dispositif, avant tout projet de généralisation.
Je rappelle que, lors de son audition par la commission d’enquête, la responsable du service des questions sociales de la Commission nationale de l’informatique et des libertés – la CNIL – avait émis des réserves sérieuses sur la légitimité d’un tel procédé. Il serait préférable de trouver une solution moins intrusive pour des salariés dont les conditions de travail sont déjà relativement compliquées.
Enfin, ce projet pourrait ouvrir la voie à une surveillance de tous ceux qui, de près ou de loin, travaillent avec des animaux : éleveurs, transporteurs, ou encore bouchers – où sera la limite ? Nous devons rester pragmatiques et expérimenter ce dispositif au préalable, tout en restant fermes sur les contrôles et les sanctions.
La priorité est aussi d’oeuvrer pour une responsabilisation et une meilleure formation des salariés. À cet égard, j’ai été sensible à la proposition de Laurent Furst consistant à créer un « droit à abattre », afin de mieux encadrer les pratiques. En revanche, la proposition initiale du rapporteur, visant à autoriser les élus à effectuer des visites inopinées des abattoirs, accompagnés de journalistes, me semble totalement inappropriée. Ce droit de visite constituerait une évolution surprenante de notre droit et sa constitutionnalité pose question. Faut-il rappeler que les abattoirs sont des espaces privés ? Nous nous félicitons que cette disposition ait été supprimée en commission.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pensons pas qu’il faille organiser un système fondé sur la défiance généralisée, le soupçon et le procès d’intention. L’objectif est d’organiser une société fondée sur la responsabilité ; le but est de sévir contre tous ceux qui, par des comportements indignes, ternissent l’image de leur profession et trahissent le code de l’honneur.
C’est pourquoi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants accueille favorablement les dispositions prévues à l’article 6, notamment l’extension de la possibilité pour les associations de protection des animaux de se constituer partie civile pour les infractions pénales relevant du code rural et de la pêche maritime.
La commission a également prévu une harmonisation des sanctions pénales. Je me félicite surtout qu’elle ait adopté mon amendement visant à renforcer de manière drastique les sanctions prévues en cas de maltraitance avérée. Avec mes collègues du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, j’ai proposé de multiplier par deux les sanctions pénales – de six mois à un an d’emprisonnement – et par quatre les sanctions financières – l’amende minimum étant portée à 20 000 euros.
Mes chers collègues, la majorité du groupe de l’Union des démocrates et indépendants pourrait voter cette proposition de loi à condition qu’elle privilégie une approche équilibrée, responsable, sans pour autant perdre sa visée initiale, à savoir améliorer le traitement des animaux, responsabiliser la profession et non stigmatiser l’ensemble des salariés.
Nous pouvons agir collectivement pour obtenir un texte mesuré. Avec les députés de l’Union des démocrates et indépendants, nous disons oui à la transparence, oui à la création du Comité national d’éthique des abattoirs, oui aux comités locaux de suivi, oui au renforcement des contrôles et des pénalités – sur notre initiative –, oui à l’expérimentation de la vidéosurveillance et oui aux actions de groupe ! Loin d’être anecdotiques, ces mesures pourraient permettre, j’en suis convaincu, d’améliorer les conditions d’abattage au bénéfice de tous, des hommes comme des animaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
« Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es » : ce célèbre aphorisme de Brillat-Savarin, qui interroge nos origines sociales, notre culture et nos pratiques alimentaires en société, pose la question de notre rapport individuel et collectif à l’alimentation.
Cette relation, voire cette ambivalence, vis-à-vis des aliments est plus forte que jamais. Il en découle un lien de plus en plus problématique et complexe à la nourriture, qui s’explique sans doute par l’abandon des normes et des valeurs collectives issues du milieu social d’origine au profit de valeurs individuelles. Le mode d’alimentation et les choix symboliques et affectifs qu’il implique sont, comme nombre de nos comportements sociaux et sociétaux, en libre-service. Dans son livre Les Radis d’Ouzbékistan. Tour du monde des habitudes alimentaires, le géographe Gilles Fumey montre que notre assiette s’est mondialisée, mais que de plus en plus de contestations touchent au comportement alimentaire. Si bien qu’en choisissant nos aliments et la façon dont nous les consommons, nous devons répondre aux interrogations : « Qui suis-je ? » et « Qu’ai-je envie de devenir ? »
Nous souhaitons promouvoir un label pour la viande afin de soutenir l’exportation de cette filière mais, dans le même temps, nous ne sommes pas à l’abri d’un scandale qui porte atteinte à l’ensemble de la filière. Depuis le 1er janvier 2017, l’étiquetage de l’origine des viandes dans les plats préparés, du lait dans les produits laitiers, dans les bouteilles et les briques de lait est devenu obligatoire. Cette mesure est mise en place à titre expérimental pour deux ans, à la suite des discussions que le ministre de l’agriculture a conduites avec succès avec la Commission européenne.
Tout au long de ce quinquennat, une politique volontariste a été menée pour rapprocher les producteurs des consommateurs. À cette même date l’an dernier, nous nous félicitions d’avoir adopté une proposition de loi sur les circuits alimentaires courts. Nos concitoyens ne savent plus vraiment comment la viande est conçue et ils sont de plus en plus sensibles au bien-être des animaux d’élevage et ce, à tous les stades de la filière, qu’il s’agisse de l’élevage, du transport ou, évidemment, de l’abattage.
Alors que Fernand Braudel montrait dans L’Identité de la France que l’évolution française a longtemps reposé sur une diversité agricole et sur l’élevage, le secteur dit « primaire » a quasiment disparu de nos sociétés, cédant le pas à une industrie agroalimentaire. Souvenons-nous que le ministre de l’agriculture, comme d’autres avant lui, à l’image de Jean Glavany, n’a pas ménagé sa peine lorsque les crises agricoles sont survenues ces dernières années.
Cette exigence de respect du bien-être animal dans la production des denrées alimentaires se traduit aussi bien par un engagement citoyen plus fort – nous avons pu le constater ces dernières années au travers des nombreux ouvrages, documentaires et reportages sur la question – que par des comportements de consommation qui évoluent à mesure que les modes de production semblent nous échapper. Nous ne sommes pas loin de toucher au débat philosophique de l’animalité, celui d’un droit des animaux avec une humanité élargie, parce que solidaire. Il s’agit de respecter l’écosystème qui est le socle de notre « Terre-matrie », comme le dirait le sociologue Edgar Morin.
Il s’agit non pas de glisser vers ce débat, mais de souligner que l’éthique intervient dans la normalisation d’un comportement alimentaire. Il s’agit de respecter la mort de l’animal, de lui éviter des souffrances inutiles et de ne pas se livrer à un massacre, ainsi que l’ont révélé les vidéos. Il est évident que nos modes de vie au sein d’une surconsommation n’en sortent pas indemnes ; la remise en question doit être possible.
S’agissant de la production de viande, la situation des abattoirs français a été dénoncée par des associations de protection animale qui, en médiatisant les atteintes au bien-être animal, ont joué le rôle de lanceurs d’alerte auprès de l’opinion publique. Cette proposition de loi répond à ces préoccupations.
Permettez-moi de saluer, dans un premier temps, le travail mené par Jean-Yves Caullet et Olivier Falorni, ainsi que par l’ensemble des collègues qui ont participé à l’élaboration du rapport de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.
Ce texte reprend certaines des propositions de la commission d’enquête. Je pense bien sûr à la mise en place du Comité national d’éthique des abattoirs, qui sera chargé d’assurer le suivi des règles et de proposer des évolutions. Ce besoin fondamental de transparence doit évidemment associer l’ensemble des acteurs concernés : éleveurs, associations de protection animale, vétérinaires, chercheurs, représentants des cultes, élus et, tout naturellement, les représentants des associations de consommateurs.
Deux amendements adoptés en commission permettent de renforcer les sanctions prévues contre la maltraitance animale dans les lieux de commerce en lien avec les animaux de compagnie, les fourrières, refuges ou élevages ainsi que dans les abattoirs et lors des transports d’animaux.
Monsieur le ministre, chers collègues, je conclurai mon propos en évoquant à nouveau Brillat-Savarin, pour qui la destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent. Si, comme nous nous en persuadons aujourd’hui, nous sommes ce que nous décidons d’être, totalement responsables de nous-mêmes et du bien-être animal, il nous faut alors produire notre alimentation de façon adéquate.
Le repas à la française fait partie du patrimoine de l’UNESCO. Faisons en sorte que les circuits alimentaires ne soient entachés d’aucun acte barbare. Les travaux de Catherine Rémy, qui a publié Des Bêtes et des Tueurs. Ethnographies de la mise à mort des animaux, mettent en évidence une autre problématique, celle du partage des rôles entre tueurs et non-tueurs. Comment insensibiliser la mort de l’animal, comment éviter une mort mécanisée, elle-même insupportable ?
L’abattoir n’est-il pas l’envers du décor que nous ne voulons pas voir, un miroir de notre condition humaine – ou plutôt, de notre condition animale, au sens où l’entendait Franz Kafka dans son chef-d’oeuvre,La Métamorphose ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, il y a dix mois, le 11 mars 2016, après avoir visionné les enregistrements vidéo de l’association L214, j’ai pris la décision de déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Elle a été cosignée par 39 de mes collègues des groupes Les Républicains et de l’Union des démocrates et indépendants. D’autres collègues, appartenant à d’autres groupes, ont eu la même démarche. La commission d’enquête a été créée le 22 mars, avec pour président Olivier Falorni et pour rapporteur Jean-Yves Caullet. J’ai eu l’honneur d’en occuper la vice-présidence.
Le 20 septembre, nous avons examiné puis adopté le rapport d’enquête, qui propose un ensemble de 65 recommandations visant à garantir dans les 263 abattoirs français de boucherie le respect des règles élémentaires en matière d’hygiène, de sécurité et de bien-être animal.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et dont j’ai accepté d’être cosignataire, s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission d’enquête. Au fils de ses sept articles, elle reprend les mesures proposées par cette dernière et qui nécessitent, pour être mises en oeuvre, une traduction législative.
Or la commission a profondément modifié et, par là même, totalement dénaturé ce texte. J’émets le voeu que les débats de cet après-midi débouchent sur un consensus le plus large possible. En effet, l’attente de nos compatriotes est très forte, après les terribles révélations qui ont choqué nos consciences.
Permettez-moi d’insister sur deux points particuliers qui ont motivé la rédaction de mes amendements. Je propose que l’installation de caméras, plébiscitée par 85 % des Français, soit mise en oeuvre à partir du 1er juillet 2017, après concertation avec les acteurs des filières concernées, et à titre expérimental pour une durée minimale d’une année. Je propose que les caméras soient placées dans tous les lieux d’acheminement, d’hébergement, d’immobilisation, d’étourdissement, d’abattage et de mise à mort des animaux.
Cette expérimentation fera l’objet d’un bilan transmis au Parlement, évaluant l’opportunité d’une généralisation de ce dispositif, dont les modalités seraient alors fixées par un décret en Conseil d’État. Elle permettra, je crois, de clarifier l’impact positif du contrôle vidéo sur la protection animale et sa pertinence, au regard notamment des autres outils humains déjà mis en oeuvre dans les abattoirs pour assurer la protection animale. Cette expérimentation permettrait aussi de s’assurer de la bonne installation et du bon usage du dispositif.
La question de la formation du personnel a souvent été évoquée lors des nombreuses auditions que nous avons menées, et doit figurer dans la loi que nous allons voter cet après-midi. Je propose ainsi qu’un rapport gouvernemental étudie les moyens d’améliorer la formation professionnelle des salariés des abattoirs.
Par ailleurs, je suis assez réservé sur l’installation d’un droit de visite inopiné par les parlementaires, accompagnés, s’ils le souhaitent, de journalistes. Il ne me semble pas adapté à des établissements privés et me paraît par ailleurs totalement inutile, dès lors que l’expérimentation de la vidéo sera mise en oeuvre.
Enfin, je suis partisan d’étendre à l’ensemble des abattoirs la présence d’un agent des services vétérinaires aux postes d’étourdissement et de mise à mort des animaux – mesure réservée, dans ce texte, aux établissements de plus de cinquante salariés. Toutefois, j’ai bien entendu vos arguments, monsieur le ministre et je dois aussi reconnaître que cette mesure serait bien évidemment inutile si le contrôle vidéo était généralisé.
Avant de terminer mon propos, je tiens à remercier les administrateurs qui ont permis que les travaux de la commission d’enquête se déroulent dans les meilleures conditions, et dans une ambiance à tous les instants constructive. J’émets le voeu que cela débouche sur un texte qui satisfera tous ceux qui considèrent que le bien-être des animaux doit être garanti tout au long de leur vie, y compris au moment de l’abattage.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce texte présente au moins le mérite de proposer des mesures dans un domaine où l’inaction fait perdurer, qu’on le veuille ou non, la souffrance.
Nous avons vu les images de ces animaux brutalisés, mal étourdis, écorchés vivants. Il s’agit non pas de sacrifier à une quelconque sensiblerie médiatique mais de regarder la réalité en face. Pour chacun d’entre nous, de tels comportements sont intolérables, inacceptables.
La présente proposition de loi est bonne car elle a pris en compte l’horreur pour essayer d’y remédier. Je regrette cependant que l’effort n’ait pas été fait d’interdire l’abattage rituel sans étourdissement préalable.
Nous y viendrons peut-être.
Je regrette qu’il n’ait pas été exigé, pour les viandes importées, un étiquetage obligatoire, fiable et clair, qui précise les méthodes d’abattage.
Je regrette que l’article 3 ne concerne que les abattoirs de boucherie de plus de cinquante salariés, ce qui exclut, en droit comme en fait, les lieux d’abattage temporaires, hélas.
Je regrette que les consommateurs ne soient pas informés clairement des méthodes d’abattage des viandes importées.
Même si j’approuve ce texte, même si j’en soutiens sans réserve la démarche, il me semble, si je puis me permettre de vous le dire, qu’il souffre d’une lacune car il ne prend pas en compte la concurrence économique des abattoirs étrangers lesquels, n’étant pas soumis aux mêmes règles que les nôtres, pourraient faire fi de la souffrance animale et se moquer de nos émotions légitimes.
Les dispositions relatives à la vidéosurveillance sont particulièrement intéressants. La crainte d’une atteinte à la vie privée des entreprises n’est pas fondée car, si j’ai bien compris, les amendements qui nous sont proposés encadrent cette pratique. Soyons lucides : c’est bel et bien une sorte de vidéosurveillance – en l’espèce, un film de l’association L214 – qui nous a alertés ! C’est dire à quel point le regard de la caméra peut être utile, à condition que son usage ne soit pas détourné pour porter atteinte aux droits des salariés. Mais l’oeil qui observe sera soumis à un cadre réglementé, ce qui offre une garantie contre les abus. C’est une nécessité et l’on ne doit pas se priver de cette méthode de contrôle encadrée et pointilleuse.
S’agissant du droit de visite des parlementaires, il me semble que le parlementaire est le défenseur naturel des droits. J’irai même jusqu’à dire qu’il pourrait l’être à la place du Défenseur des droits, dès lors qu’il intervient seul, sans les médias, car je crains l’exploitation médiatique, les règlements de compte, l’instauration d’une espèce de société du spectacle. Nous y sommes déjà suffisamment ! En revanche, je ne vois pas en quoi porterait atteinte à un quelconque droit le fait qu’un parlementaire, qui représente tout de même le peuple, même si nous avons tendance à l’oublier aujourd’hui, se rende sur place pour constater les faits par lui-même et s’informer. Nous sommes légitimes à agir ainsi, comme nous devrions l’être à intervenir dans bien d’autres domaines. Notre fonction est de représenter le peuple partout où il souhaite nous voir. Je crois vraiment que l’on nous demande d’exercer ce contrôle. Ces deux amendements sont recevables et nous devrions les accepter.
Je pense, comme Emmanuel Kant, que « nous pouvons juger le coeur d’un homme par son comportement envers les animaux ». Je vous dirai pour conclure : « À chacun son coeur, à chacun son vote ».
Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, à laquelle nombre d’entre nous avons participé, a fait un bon travail. Le rapport qui en est issu rend compte fidèlement des auditions réalisées. Les personnes interrogées ont été choisies avec pertinence et aucun des domaines qui nécessitaient des informations précises n’a été négligé. Merci, monsieur le président Falorni.
Mais alors, pourquoi cette proposition de loi n’est-elle pas à la hauteur du problème ? Pourquoi tant de timidité puisque, vous l’avez dit, tous les groupes vous soutiennent ?
Les conclusions de la commission d’enquête dégagent sans ambiguïté quatre priorités : veiller à la qualité et à la durée du transport des animaux, imposer la formation initiale et continue des personnels, mettre en place une procédure d’enregistrement vidéo et, surtout, imposer l’étourdissement obligatoire des animaux.
Or ce texte, pour le moment du moins, reste muet sur ces sujets qui seuls comptent vraiment. Il se limite à proposer la création d’un Comité national d’éthique des abattoirs, d’un comité local de suivi – autant de lieux où l’on parle pour ne rien faire –, la création de postes d’inspecteurs avec de l’argent qu’on n’a pas – M. le ministre l’a souligné –, et l’instauration de sanctions pour des faits bien difficiles à mettre en évidence en l’absence d’enregistrement vidéo. Autant dire rien.
J’ai cosigné votre proposition de loi, monsieur Falorni, ce que n’a pas fait le rapporteur de la commission d’enquête, M. Caullet – à moins qu’il ne s’agisse d’un bug informatique…
Je l’ai cosignée pour une seule raison : l’obligation, prévue initialement à l’article 4, d’installer un dispositif d’enregistrement vidéo dans chaque abattoir. Cette mesure, la seule qui était efficace, a été supprimée par la commission des affaires économiques, ce qui est extravagant.
J’ai moi-même déposé en juillet dernier une proposition de loi, rédigée en toute confraternité avec ma consoeur de la majorité Geneviève Gaillard et soixante et onze députés, dont une vingtaine de la majorité. Bien avant la commission d’enquête, nous préconisions les dispositions qu’elle a jugées ensuite essentielles : l’étourdissement obligatoire des animaux, la formation initiale et continue des personnels, et la vidéosurveillance.
Aussi souhaitons-nous aujourd’hui améliorer votre texte par voie d’amendement, afin de rétablir les dispositions supprimées par la commission des affaires économiques, et ainsi le rapprocher de notre proposition. C’est une volonté de participation qui nous anime.
J’espère que nous y parviendrons. En effet, de plus en plus sensibles à la cause animale, nos concitoyens, qu’ils soient agents économiques de la filière, éleveurs, professionnels de la santé animale ou responsables administratifs et sanitaires, attendent que le problème soit définitivement réglé. Or ce n’est pas la voie qu’emprunte ce texte.
Pour qu’il soit efficace, ce texte devrait tout d’abord imposer l’étourdissement des animaux au moment de l’abattage. L’étourdissement préalable, qui est une attente majeure, doit être obligatoire, mais il faut ouvrir, pour les abattages rituels, la possibilité de choisir l’étourdissement préalable dit réversible, ou l’étourdissement immédiatement après l’incision. Ce dernier, dit « post-cut », permet d’abréger la douleur de l’animal, voire de ne pas laisser à celle-ci le temps de naître.
La vidéosurveillance doit également être imposée, ne serait-ce que pour permettre aux abattoirs, en cas d’accusations médiatisées, de démontrer immédiatement, enregistrements archivés à l’appui, qu’ils ont respecté les procédures.
Je reste convaincu, à la lumière de mon expérience, que les enregistrements diffusés par L214 jettent un coup de projecteur sur des actes certes inacceptables, mais absolument marginaux.
Je n’avais pas fini. Vous êtes beaucoup plus rigoureuse avec moi qu’avec d’autres, madame la présidente.
Absolument pas, monsieur le député, et je vous demande de ne pas remettre en cause la présidence.
La parole est à M. Antoine Herth.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, je veux d’abord saluer le travail réalisé par la commission d’enquête présidée par M. Falorni à la suite de l’émotion légitime qu’ont suscitée les mauvais traitements infligés aux animaux dans certains abattoirs.
Les Français ont été choqués – je l’ai été également, en tant que citoyen et consommateur, mais aussi en tant qu’ancien éleveur. À cet égard, je ne connais aucun éleveur que ces images ont pu réjouir.
Face à de tels dysfonctionnements, il est légitime que la représentation nationale tente d’améliorer le cadre juridique des pratiques d’abattage, en renforçant notamment les règles de transparence. C’est l’objet de la présente proposition de loi – et c’est là que les difficultés commencent. De fait, il est bien difficile d’instaurer des dispositifs à la fois simples, efficaces et porteurs d’un message politique fort, témoignant de notre prise de conscience du problème, sans pour autant entraver le fonctionnement de ces outils industriels aussi indispensables que fragiles que sont les quelque 260 abattoirs français.
Aussi le texte qui nous est soumis reste-t-il prudent et mérite-t-il encore d’être amélioré. Le comité local de suivi de site, créé dans chaque département et pour chaque abattoir, me semble ainsi un dispositif particulièrement lourd alors qu’à aucun moment le texte ne précise ses missions, ses moyens ni la taille des abattoirs concernés.
Le titre II a été substantiellement allégé par les travaux en commission, ce qui a amené notre rapporteur à voter contre son propre texte. Il conviendrait dès lors de réexaminer la question des seuils et celle des enregistrements vidéo.
À ce sujet, si je suis a priori favorable à la suppression du seuil de cinquante salariés, je suis également sensible, monsieur le ministre, à l’argument que vous avez développé, selon lequel une telle mesure nécessiterait le recrutement d’un nombre important de vétérinaires fonctionnaires.
Je suis en revanche moins sensible à l’argument développé contre les enregistrements vidéo. De tels systèmes d’enregistrement existent dans certains abattoirs. Ils sont utilisés comme un outil de la traçabilité du processus d’abattage, permettant de garantir non seulement le respect des animaux, mais aussi, pour les clients, l’origine de la viande. Cependant, je mesure la difficulté de généraliser cette technique sans étude d’impact sérieuse ni surtout sans une étroite concertation avec les gestionnaires des abattoirs et les représentants des salariés. Aussi la voie expérimentale me semble-t-elle être indispensable pour avancer sur ce sujet.
Enfin, le renforcement des sanctions prévues par le texte se veut un signal fort quant à notre volonté de lutter contre toute forme d’abus.
Je reste cependant opposé à l’extension du champ d’application des dispositions du code pénal afin d’éviter des recours abusifs.
Enfin, permettez-moi de rappeler avec gravité que la préoccupation du bien-être animal, que nous partageons tous, ne doit pas nous faire oublier la violence inouïe de la crise économique que subissent nos éleveurs depuis de nombreux mois.
Reconnaissons que nos éleveurs, malgré cette situation tendue, font preuve d’un grand professionnalisme en soignant jour après jour leurs animaux dans le respect des règlements et des traditions.
Je n’accepterai pas qu’en marge de ce débat soit ouvert un procès à charge contre l’élevage français. L’élevage est une composante historique de l’agriculture française. Il façonne nos paysages, il s’inscrit dans notre culture alimentaire – n’en déplaise à ceux qui font des choix différents, que je respecte par ailleurs –, il est un pilier de l’économie rurale tout comme il est une composante indissociable de l’agro-écologie.
Aussi je souhaite que nous légiférions, non pour affaiblir davantage notre filière d’élevage, mais au contraire pour la renforcer et lui permettre d’être mieux protégée face aux difficultés qu’elle traverse.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Je rappelle que les amendements portant article additionnel avant l’article 1er sont réservés à la demande de la commission.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
La parole est à M. Thierry Lazaro.
Permettez-moi tout d’abord de remercier Olivier Falorni et l’ensemble des membres de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie. Ce sujet sensible nécessitait quelque capacité d’écoute et de dialogue, et le résultat est assurément à la hauteur de ce que nos compatriotes sont en droit d’attendre de nous.
Certaines des dispositions préconisées dans le rapport se retrouvent devant nous ce soir dans cette proposition de loi que j’ai cosignée avec intérêt, et même une certaine fierté. Ayant participé en son temps à la commission d’enquête dite d’Outreau, passionnante mais qui n’aura abouti à absolument rien, je peux espérer aujourd’hui une avancée réelle sur le sujet que nous examinons.
L’Observatoire national des abattoirs a été instauré en 2012. À ma connaissance, il a dû se réunir deux fois depuis sa création. L’arrêté stipulait qu’il avait, entre autres, un rôle d’« expertise sur des questions sociales, sociétales et éthiques concernant l’activité d’abattage ». Ce ne fut assurément pas le cas !
Un comité Théodule de plus, donc. Or quand un machin ne fonctionne pas, on ne bidouille pas, on change. C’est pourquoi je suis favorable à la création d’un Comité national d’éthique des abattoirs. La couleur est annoncée dans le libellé : « éthique » – éthique pour tous, éthique pour tout le monde. Ce comité sera le lieu d’échange où l’on aura la réelle possibilité d’aborder les sujets relatifs à la bientraitance ou la maltraitance des animaux destinés à la boucherie, et singulièrement le seul lieu d’échange où l’on pourra évoquer l’abattage rituel, en respectant les cultes, tous les cultes – juif, musulman, catholique, orthodoxe, protestant –, qu’ils pratiquent ou non l’abattage rituel, et en respectant aussi ceux qui ne croient pas mais qui ont envie et qui ont le droit de savoir dans quelles conditions un animal destiné à la boucherie aura terminé sa vie. Il s’agit là d’un simple devoir de transparence.
J’ai participé aussi assidûment que possible à la commission d’enquête et j’ai fait des visites sur le terrain dans des abattoirs de mon département de l’Aveyron et en Lozère avec mon collègue Pierre Morel-A-L’Huissier. Je voudrais à ce titre délivrer trois messages qui me paraissent importants.
Premièrement, nous partageons tous la volonté de corriger les excès révélés de manière très forte et très choquante, non seulement pour le bien-être animal mais aussi pour le bien-être des acteurs de la filière. Il s’agit également de rassurer le consommateur et, comme l’a dit très justement M. Herth, de conforter la filière agroalimentaire et l’élevage de notre pays.
Le deuxième message est que nous ne devons pas tomber dans l’excès de la stigmatisation en généralisant à outrance des exemples aussi choquants qu’isolés, par des sous-entendus idéologiques qui, à mon sens, n’ont pas leur place dans ce débat, par une différence de traitement entre petits abattoirs et grosses structures – je le dis ici haut et fort : il se fait du très bon travail dans les petits abattoirs – et par des mesures qui procéderaient d’une vision morcelée du territoire et conduiraient immanquablement à un manque d’équité.
Troisièmement, je pense qu’il faut éviter toute communication politique inutile sur ce sujet. Je suis favorable à l’expérimentation de la vidéosurveillance, pas à sa généralisation. Des abattoirs ont du reste déjà fait le choix de placer des caméras avant même que l’on ne les y incite ou qu’on ne le leur impose. Je préfère quelques mesures efficaces à une liste infinie de mesures qui ne seraient pas applicables. C’est ainsi que je suis également favorable au renforcement des sanctions infligées aux contrevenants une fois que les faits sont avérés. Enfin, j’estime que la proposition de loi est très en retrait par rapport aux travaux de la commission dans deux domaines : la formation des acteurs de la filière, d’une part, le tabou maintenu des conditions d’abattage rituel, d’autre part.
Oui, il y a des scandales ; oui, il y a des choses à faire ; oui, nous devons progresser, même si paradoxalement il reste des domaines où nous ne progresserons pas – j’y reviendrai lors de l’examen d’autres articles.
Il n’empêche que nous agissons dans un contexte. Ce contexte, Antoine Herth l’a dit à sa façon et je veux le redire, c’est celui d’une crise agricole considérable. J’entends déjà nos agriculteurs : que nous nous occupions du bien-être animal, c’est très bien, mais notre ultime acte législatif dans le domaine agricole et para-agricole aura été, on le voit, pour le bien-être animal et non pas dicté par l’attention au monde agricole.
Le deuxième élément de contexte est celui du monde des abattoirs. Permettez-moi de vous dire, je connais un peu le sujet, et je crois que le ministre le sait : j’ai chez moi deux abattoirs qui emploient chacun plus de 2 000 salariés. Ces salariés, qui sont des gens modestes, des gens qui travaillent, des gens qui se lèvent tôt, ont le sentiment d’être déjà très contrôlés. Autour d’eux, pour le moindre de leurs gestes, ils ont en permanence des fonctionnaires – dont c’est bien sûr le métier, et je ne leur en fais pas reproche – qui les contrôlent. Les préoccupations qu’ils nous rapportent, ce sont avant tout les troubles musculo-squelettiques. À quarante, quarante-cinq, cinquante-cinq ans, certains sont déjà cassés, parce qu’ils ont travaillé dans le froid et dans l’humidité en effectuant des gestes durs. Ils trouvent eux aussi que c’est très bien que nous nous occupions du bien-être animal, mais que faisons-nous pour eux ? Que faisons-nous pour les salariés de l’agroalimentaire ?
Le troisième élément de contexte, c’est que l’on est dans une logique de l’« anti-viande ».
Cette logique existe, ne le nions pas. L’association L214 en est un élément. Et c’est une logique qui s’étend : la consommation de viande, en particulier de viande rouge, décline en France. Tout un mouvement veut rompre avec certaines de nos traditions.
Je reprendrai en préambule une phrase prononcée par Mme Florence Burgat, philosophe et directrice de recherche, devant la commission d’enquête : « de quel droit, en l’absence de nécessité, assimilons-nous les animaux à des ressources transformables ou à des biens dont l’usage implique la destruction ? […] jamais nous n’avons fait souffrir et tué autant d’animaux qu’aujourd’hui alors que jamais nous n’avons eu moins besoin des animaux pour notre survie ou pour notre développement. »
À peu près 1 milliard d’animaux sont abattus chaque année dans notre pays, en très grande majorité des volailles. Nous avons travaillé au sein de la commission d’enquête avec sérieux et détermination pour que, dans ce contexte d’abattage massif, l’on essaie au moins de rendre la souffrance la moins forte possible pour ces animaux tués sans nécessité…
…parce que la « tradition », encore aujourd’hui, veut que nous en consommions.
La question de la souffrance animale, tel était bien l’objet de la commission d’enquête. Je crois que nous avons émis des recommandations intéressantes, audacieuses, ambitieuses, mais en même temps raisonnables. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et qui en reprend certains éléments, va dans le bon sens, même si je regrette que nos conclusions n’aient pas rencontré davantage d’écho alors qu’elles remontent au mois de septembre. Elle comporte des mesures essentielles. La question de la vidéo, par exemple, est centrale. Certains pays européens, comme le Royaume-Uni, l’utilisent déjà dans les abattoirs.
Je ne vois pas pourquoi nous devrions en rester à une expérimentation. Allons jusqu’au bout de ce que nous devons faire aujourd’hui !
Après avoir écouté avec beaucoup d’intérêt tous les intervenants, je voudrais dire ma surprise : j’entends presque tout le monde parler de bien-être animal, jamais de souffrance animale. Certes, nous sommes sensibles au bien-être animal, mais je regrette que les amendements portant article additionnel avant l’article 1er aient été réservés car ils nous auraient donné l’occasion d’avoir un débat très important sur la souffrance animale et sur ce que nous voulons vraiment faire.
Les avis des experts sont unanimes : au moment de l’abattage, les animaux ressentent de la douleur, de la détresse et de la peur, d’autant que de nombreuses espèces sont capables d’anticipation. La jugulation constitue en soi une atteinte majeure à leur intégrité et un stimulus nociceptif important. Le niveau de vigilance des animaux dépend de leur capacité à ressentir comme une douleur le stimulus nociceptif de la jugulation ou de la saignée. Il est donc nécessaire de les priver préalablement de conscience, et ainsi de sensibilité, de telle sorte que l’animal ne se réveille pas avant l’exsanguination complète.
Je voulais rappeler ces éléments parce que l’on prend le problème à l’envers en reportant l’examen de certains à la fin du débat. Il faut savoir de quoi l’on parle ! Pour ma part, je veux bien parler du bien-être animal, mais je souhaite que l’on parle aussi de la souffrance animale.
Nous en venons aux amendements.
L’amendement no 8 tend à supprimer l’article 1er. Vous avez la parole, monsieur Viala, pour le soutenir.
Il s’agit en effet d’un amendement de suppression de cet article qui prévoit la création d’un Comité national d’éthique des abattoirs. Je pense qu’il arrive à point nommé après les deux précédentes interventions. En effet, cette création donne l’impression que l’on aborde le sujet pour la première fois aujourd’hui. Ce n’est nullement le cas : il existe des structures qui peuvent très bien s’acquitter des missions qu’il est envisagé de confier à ce comité, à supposer qu’on les leur confie et qu’on leur donne les moyens de les exécuter. Pourquoi laisser accroire à nos concitoyens que nous prenons le problème à bras-le-corps pour la première fois alors que nous disposons déjà des outils nécessaires pour s’acquitter des tâches que l’on voudrait assigner à cette nouvelle structure ?
Elle a émis un avis défavorable. Je vous rappelle, monsieur Viala, que la mise en place d’un Comité national d’éthique était la première proposition du rapport de la commission d’enquête parlementaire à laquelle vous avez participé, et même, je dois le dire, largement participé. Pour nous, c’est un lieu d’échange important où tous les acteurs se retrouveront et se parleront pour faire évoluer, en tant que de besoin, les règles et les pratiques.
Le plan en faveur du bien-être animal consiste bien, madame Gaillard, à lutter contre la souffrance animale.
Il ne s’agit pas de bien-être dans l’absolu. L’une et l’autre notions sont liées : si le bien-être animal progresse, cela signifie, vous en conviendrez, que la souffrance animale recule.
À cet effet, nous ferons en sorte dès la semaine prochaine d’associer le Comité national d’éthique des abattoirs au Conseil national de l’alimentation, qui doit se réunir. Cela permettra, en relation avec le thème de l’alimentation, un travail sur la question de la souffrance et du bien-être animal.
Je souhaite donc que l’on en vienne plutôt à l’amendement no 43 , qui vient en discussion juste après. Vous l’avez compris, c’est une demande de retrait, faute de quoi je donnerai un avis défavorable.
Je veux réagir à vos propos, monsieur le rapporteur. Que M. Viala et moi-même ayons été membres de la commission d’enquête ne signifie nullement que nous sommes solidaires de toutes les propositions qui en ont émané.
Vous sous-entendez pourtant dans votre intervention que nous devons forcément les suivre.
L’amendement no 8 n’est pas adopté.
Cet amendement tend à mettre en place le nouveau comité au sein du Conseil national de l’alimentation, qui aura en charge d’en définir les contours. L’objectif est de traiter de manière spécifique la question des abattoirs, mais sans multiplier le nombre de structures existantes.
La commission a donné un avis favorable à cet amendement, qui permet d’insérer le Comité national d’éthique des abattoirs dans le Conseil national de l’alimentation. Cela me semble être une bonne solution, à condition que les spécificités liées à l’abattage rituel puissent être prises en compte car c’est une dimension importante de la réflexion de ce comité. Cela me semble d’ailleurs être le cas, monsieur le ministre.
Par contre, il manque dans ce comité un acteur important que sont les représentants des salariés. Je présente donc à titre personnel un sous-amendement qui les ajoute.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?
Favorable.
Qu’en pensent les salariés ? J’ai reçu un certain nombre de documents syndicaux, et je m’adresse à la partie gauche de l’hémicycle, toujours très sensible à ce qu’expriment les organisations syndicales.
Dans le genre soft, il y a la CFDT, qui « s’inquiète de la mesure-phare du rapport qui consisterait à rendre obligatoire le contrôle "vidéo" dans les abattoirs. En effet, cette mesure pose la question de l’autorité chargée du contrôle : l’employeur ? L’État ? » Ou bien encore je ne sais quelle association ?
Autre commentaire de la CFDT : « la voie à suivre est celle d’une formation des salariés (notamment à la production animale) et d’une amélioration de leurs conditions de travail ».
Voilà autant de sujets, qui, sauf erreur de ma part, ne sont pas abordés dans le texte.
Je vais vous citer maintenant un document de la CGT, qui est on ne peut plus clair : « La stigmatisation des ouvriers est la pierre angulaire du rapport. » Il est naturellement question, je le précise, du rapport de la commission d’enquête, dont le président – M. Falorni – est parmi nous aujourd’hui, mais pas le rapporteur.
Les salariés se sentent piégés, exagérément observés. Pourquoi seraient-ils mis à ce point en difficulté ? À partir du moment où l’on filme les gens, la responsabilité passe de l’entreprise aux personnes. Qu’il y ait une responsabilité de l’entreprise, c’est bien normal, elle doit respecter des règles, mais, à partir du moment où l’on filme, cela signifie que l’on contrôle chaque salarié individuellement et que l’on met à la disposition de tiers à l’entreprise des images où l’on voit apparaître les salariés. Cela, les salariés n’en veulent pas.
Le sous-amendement no 70 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Je ne nie pas les difficultés qui existent dans le domaine de la protection animale, du bien-être animal, et je suis surpris que vous n’abordiez pas du tout la question de l’abattage rituel, alors que celle-ci se pose bel et bien, dans la mesure où l’on saigne l’animal avant qu’il ne meure en quelque sorte. C’est une vraie difficulté de fond.
Il y a une autre difficulté avec l’abattage rituel, ne nous leurrons pas : on voit arriver dans les abattoirs des gens représentant différentes mosquées, chacun ayant des exigences diverses. Les chefs d’entreprise sont bien embarrassés et se doivent de respecter qui la mosquée de Paris, qui la mosquée d’Évry, qui la mosquée de Lyon. On aurait pu y voir un peu plus clair grâce à un texte comme le vôtre. Ce sujet est important, y compris en termes économiques, parce que nous exportons dans un certain nombre de pays de tradition musulmane. Tout cela ne doit pas être abordé de manière caricaturale mais doit être pris en compte.
Il y a un autre sujet sur lequel vous auriez pu progresser et sur lequel je ne vois rien, c’est l’abattage des animaux gestants – les juments, mais aussi les vaches – qui, il est vrai, pose un problème important sur le plan éthique.
Par contre, vous mettez en cause les salariés, les opérateurs. Ils font un métier dur ; il convient de les respecter. Il faut certes les soumettre à des contrôles – c’est normal, tout un chacun doit l’être soumis, même si, en l’occurrence, ils le sont déjà –, mais aussi prendre acte des difficultés de leur métier. Chacun sait que sont largement présents dans les abattoirs des représentants des services vétérinaires.
Je ne peux pas laisser dire que la commission d’enquête a voulu stigmatiser les salariés des abattoirs.
Si vous avez lu son rapport ou interrogé les parlementaires de votre groupe qui y ont participé, vous savez que nous avons travaillé en lien avec les salariés, que nous avons auditionnés.
Plusieurs éléments posent d’importants problèmes : je pense à la façon d’amener les animaux à l’abattage, ou encore à la vétusté des matériels. Les salariés travaillent dans des conditions qui ne sont pas appropriées – c’est ce qu’ont permis de révéler aussi les vidéos. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas dire que le travail que nous avons réalisé a pour objectif de stigmatiser ces gens.
Comme je l’ai indiqué en commission des affaires économiques, je suis très réservé à l’idée d’intégrer des représentants des cultes dans le Comité national comme dans les comités locaux, pour une raison très simple : attaché à la distinction entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, je pense qu’il convient de laisser les cultes à la place où ils méritent d’être et qu’il y a d’autres moyens de les associer, en dehors des comités – lesquels doivent effectivement être mis en place.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 45 , qui tend à supprimer l’article 2.
Une instruction très claire a été envoyée par voie réglementaire, qui faisait référence au rapport de la commission en soulignant que la recommandation no 61 – la création d’un comité local de suivi – avait tout particulièrement attiré l’attention du ministre.
L’instruction de créer des comités locaux a donc déjà été donnée par voie réglementaire.
Il n’y a aucun intérêt à le faire par voie législative. C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de l’article 2.
Pour les salariés, monsieur Le Fur, l’une des solutions, je l’espère, et vous avez voté bien sûr en ce sens, est de prendre en compte la pénibilité dans le travail. C’est un vrai sujet. Je connais bien les abattoirs, en tout cas aussi bien que vous, et je sais ce qu’est le travail en abattoir. La pénibilité du travail doit être intégrée dans le fameux compte personnel d’activité. C’est l’une des réponses, la meilleure d’ailleurs.
Vous avez évoqué les abattages rituels. Il y a des représentants des religions qui nous disent comment doit se passer l’abattage rituel. Nous avons commencé un travail avec l’ensemble des cultes et nous avons des marges de discussion pour améliorer les choses. Mais, je le dis de la manière la plus claire qui soit, si le législateur décidait, lui, de ce qui est un abattage rituel à la place des représentants des religions, cela irait à l’encontre de la conception de la République et de la laïcité qui doit rester la nôtre.
Mme Gaillard a dit ce qu’elle pensait, et je le respecte, des règles de l’abattage rituel. J’ai été député européen, je suis ministre aujourd’hui. Dans les discussions que j’ai avec les représentants des cultes, je cherche à faire évoluer les choses pour améliorer la situation, mais les règles de l’abattage rituel, c’est un autre sujet.
J’entendais tout à l’heure parler d’étourdissement post-jugulatoire, d’étourdissement réversible. C’est un sujet que, bien sûr, nous évoquons et dont nous discutons, mais légiférer en ce domaine, c’est aller à l’encontre de ce qu’est encore le fondement de la République française.
Il faut d’abord que vous lisiez le rapport de la commission d’enquête, monsieur Le Fur. Il fait 320 pages, ce sera peut-être un peu long. Il est composé de trois grandes parties. La troisième partie s’intitule tout simplement « Mettre les salariés au centre des préoccupations » et le I porte sur la pénibilité au quotidien.
Je vous le dis très sincèrement : on ne peut donc pas prétendre que la commission d’enquête ne s’est pas préoccupée de la condition des salariés. Je l’ai dit, je le répète, et je ne cesserai de le rappeler, le bien-être des salariés est intimement lié au bien-être des animaux – et inversement.
La commission a accepté l’amendement proposé par le Gouvernement. À titre personnel, je le regrette car la rédaction proposée par Mme Daniel à travers l’amendement no 42 me semblait beaucoup plus adaptée. Si nous adoptons l’amendement du Gouvernement, celui de Mme Daniel ne sera pas discuté, à mon grand regret, car il me paraissait beaucoup plus pertinent.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 2.
Nous commençons par les amendements nos 63 et 23 rectifié , qui peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 63 .
Il s’agit une nouvelle fois de réinsérer des éléments qui n’ont pas été retenus par la commission des affaires économiques, en l’occurrence la possibilité pour les parlementaires de visiter de façon inopinée et à tout moment les abattoirs situés sur le territoire français, accompagnés de journalistes s’ils le souhaitent, titulaires de la carte d’identité professionnelle.
Pourquoi la commission d’enquête a-t-elle adopté un tel dispositif, dont je me félicitais vraiment qu’il figure dans la proposition de loi ? Il ne s’agit pas pour le parlementaire de s’ériger en contrôleur vétérinaire ou d’exercer des fonctions qui ne sont pas les siennes. En revanche, comme il peut le faire d’ailleurs dans les lieux de détention, et j’ai utilisé récemment encore cette possibilité à la prison de Fresnes, cela lui permet d’entrer, de discuter avec les gens, de voir comment les choses se passent, et ce sans que tout soit organisé.
En effet, il s’agit là de véritables boîtes noires, de lieux fermés. Il a d’ailleurs été rappelé tout au long des travaux de la commission d’enquête à quel point les abattoirs, depuis leur création, il y a environ un siècle, étaient devenus des lieux de mystère, où existait effectivement la souffrance – souffrance des animaux bien sûr, mais également des salariés. Des visites inopinées peuvent permettre d’améliorer la transparence, l’information, la communication. Nous jouerons notre rôle en exerçant une telle mission.
Sur l’amendement no 23 rectifié , je suis saisie par le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Olivier Falorni, pour le défendre et pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements.
Cet amendement a été remanié par rapport à ma proposition initiale, qui s’inscrivait dans le prolongement du rapport de la commission d’enquête. Il a toujours pour objet de réintroduire la possibilité pour les parlementaires de visiter les abattoirs situés sur le territoire français ; mais, parce que j’ai entendu un certain nombre de remarques, j’ai souhaité y apporter plusieurs modifications.
D’un point de vue formel d’abord, la disposition s’insérerait non plus dans le titre II de la proposition de loi, relatif au contrôle, mais dans le titre Ier, relatif à la transparence. Son rattachement au titre II pouvait laisser entendre que les parlementaires allaient procéder à des opérations de contrôle et donc se substituer aux services de l’État. Or l’objectif n’est bien entendu pas celui-là, car nous n’en avons ni la légitimité ni les compétences. Il s’agit de favoriser la transparence et de permettre aux parlementaires de connaître la réalité des pratiques dans les abattoirs.
Par ailleurs, s’agissant de la possibilité pour les parlementaires de se faire accompagner de journalistes, je l’ai écartée en raison de l’inquiétude que cela avait suscité chez les professionnels. J’ai entendu leur inquiétude. Enfin, la nouvelle rédaction précise bien que les parlementaires peuvent visiter à tout moment les abattoirs, mais en étant accompagnés des services vétérinaires compétents pour disposer d’une expertise précise, en raison de leur mission de contrôle de l’action du Gouvernement, prévue à l’article 24 de la Constitution.
J’ai entendu parler de structures privées. Rappelons tout de même qu’il y a aussi des abattoirs publics. En outre, dans tous les abattoirs, qu’ils soient privés ou publics, l’État est présent en permanence ; un abattoir ne fonctionne pas s’il n’y a pas un fonctionnaire à l’intérieur.
En ce qui concerne l’amendement de Mme Abeille, la commission a émis un avis défavorable, tout comme moi. Pour ce qui est de l’amendement que je défends, la commission a également émis un avis défavorable – vous vous douterez bien de ma position personnelle… C’est la raison pour laquelle le groupe auquel j’appartiens a demandé un scrutin public sur cet amendement.
Permettre à des parlementaires d’effectuer des visites, de manière inopinée et, qui plus est, accompagnés de journalistes, pourrait avoir des conséquences assez lourdes. Imaginez-vous arriver avec des caméras ! Je sais que cela ne pose aucun problème à certains. Cependant, le jour où il y aurait un problème, cela aurait des conséquences. Je considère que, eu égard au droit des établissements privés et à la Constitution, il est difficile d’accepter une telle proposition. En tant que membre du Gouvernement, je ne peux pas être favorable à ces amendements.
Même dans le cas de visites inopinées de parlementaires sans accompagnement, il n’en demeure pas moins que nous traitons de lieux privés d’activité économique et que, par conséquent, le droit privé s’applique.
Au contraire, les missions parlementaires ont, quant à elles, toute légitimité pour effectuer de telles visites, que vous avez d’ailleurs faites. Mais, hors de ce contexte, une telle proposition n’est pas, à mon avis, conforme à la Constitution.
Je suis très gêné par ces amendements, pour ne pas dire pire. Je remercie donc le Gouvernement d’avoir arrêté la position qu’il vient d’énoncer par la voix du ministre. À titre de comparaison, le seul cas dans lequel les parlementaires sont habilités à visiter de manière inopinée quelque lieu que ce soit concerne des lieux publics, en l’occurrence les lieux de privation de liberté. Au début de la législature précédente, nous avions également – soit dit en passant – adopté un texte instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il y a longtemps que, dans le droit français, des parlementaires peuvent visiter les prisons, soit des lieux où sont détenus des personnes humaines dans lesquels on peut imaginer qu’existent des atteintes aux libertés fondamentales et à l’intégrité desdites personnes.
Mettre ainsi sur le même plan, monsieur le rapporteur, le droit applicable aux personnes et celui applicable aux animaux, même si l’on peut être sensible à la cause que vous défendez, me paraît parfaitement exagéré et risque d’entraîner une forme de déséquilibre dans notre droit qui ne me semble absolument pas compatible avec ce qui doit rester l’architecture des normes juridiques.
Je suis contente de participer à ce débat, parce que le sujet est important et il est bien de pouvoir avancer. Toutefois, les lieux de privation de liberté sont sous la responsabilité directe de l’État ; même quand il y a une délégation de service public à des entreprises privées, cela reste une mission régalienne. C’est au titre des fonctions de contrôle des parlementaires que la visite de ces lieux a pu être acceptée. Si nous décidions aujourd’hui d’ouvrir ce droit pour les abattoirs, cela devrait aussi valoir pour toutes les situations où la loi n’est pas appliquée. Je pense, par exemple, aux travailleurs détachés ou aux conditions de travail difficiles – dans l’agroalimentaire, des gens travaillent avec un taux d’hygrométrie de 60 % ou 80 % et par 30 degrés.
Nous ne pouvons donc pas accepter cette proposition car, je le répète, cela ne se ferait pas au titre de la fonction de contrôle de l’État. N’oublions pas que celui-ci sera présent soit par le biais des caméras de surveillance – ce que j’espère – soit sous une autre forme. En adoptant l’un de ces amendements, nous serions non seulement « borderline », mais aussi certains de nous voir retoquer par le Conseil constitutionnel. Qui plus est, ce serait une erreur par rapport aux lieux de privation de liberté.
Nous ferons sans doute évoluer un jour la Constitution. Nous avons déjà considéré, dans le code civil – et c’est heureux – que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité – disposition qui, il est vrai, existait déjà dans le code rural. Les animaux, qui sont des êtres dotés de sensibilité, qui ressentent la souffrance, qui sont intelligents et comprennent ce qui est en train de leur arriver, ne s’expriment pas. C’est la raison pour laquelle nous avons considéré, au cours de la commission d’enquête, qu’il fallait un dispositif particulier pour permettre de mieux savoir ce qui se passe dans les abattoirs où, nous le savons, des actes de maltraitance ont malheureusement été commis – l’objet de la commission d’enquête et l’objectif d’un certain nombre d’associations de protection animale est bien de nous alerter sur ce qui se passe.
La transparence et l’information, dans ce domaine, sont essentielles. Si l’on continue à vouloir faire des abattoirs des lieux totalement fermés, dans lesquels il est extrêmement compliqué d’entrer, la filière économique de l’élevage et de l’abattage risque de s’effondrer, parce que la perte de confiance est totale.
Je suis de l’avis de M. le ministre en ce qui concerne l’amendement de Mme Abeille : des visites inopinées avec la presse, cela me paraît un peu étonnant. En revanche, je suis assez d’accord avec l’amendement de M. Falorni, puisque ce sont des visites non plus inopinées, mais organisées avec les services vétérinaires, qui connaissent le problème. Une telle disposition peut avoir une utilité. Je ne suis pas sûre que, sur les 577 députés que nous sommes, beaucoup sachent réellement ce qu’est un abattoir. Il serait utile de faire savoir à la population que les abattoirs, dans l’ensemble, fonctionnent bien – car, comme cela a été dit, les vidéos que l’on a vues ne concernent qu’un très petit nombre d’entre eux. Cela dit, même si les dysfonctionnements sont marginaux, ce n’est pas pour autant qu’ils sont acceptables. Autoriser de telles visites pourrait montrer la réalité des choses ; je n’y suis donc pas opposée.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Je vous rappelle tout de même, mes chers collègues, qu’il nous reste près de soixante amendements à examiner et qu’il est déjà vingt heures dix…
Je ne suis pas favorable à cette disposition. Il y a le respect du bien-être animal, mais aussi celui des professionnels et des entreprises. On ne peut pas se présenter comme cela pour faire des contrôles inopinés. Tout parlementaire, dans sa circonscription, peut aller à la rencontre des professionnels et se voir ouvrir les portes des entreprises pour prendre connaissance de ces réalités,…
…sans l’inscrire dans la loi, laquelle est toujours trop bavarde dans cette maison. La disposition n’est pas adaptée.
L’amendement no 63 n’est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 34 Nombre de suffrages exprimés: 34 Majorité absolue: 18 Pour l’adoption: 14 contre: 20 (L’amendement no 23 rectifié n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 7 .
Nous proposons d’introduire un article ainsi libellé : « À compter du 1er juillet 2017, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, l’État peut autoriser un ou plusieurs abattoirs mobiles, en lien avec un abattoir public, à circuler sur le territoire français. »
Cette question a fait l’objet de débats nombreux et très intéressants au sein de la commission d’enquête. Il me semblait vraiment utile d’avancer sur ce sujet, d’autant que cela existe ailleurs en Europe et que cela fonctionne. Cela pourrait être une façon intelligente d’éviter les transports inutiles d’animaux, lesquels sont sources de souffrance pour eux.
La commission a émis un avis défavorable, même si je précise pour ma part que nous avons effectivement beaucoup travaillé, dans le cadre de la commission d’enquête, sur les abattoirs mobiles et que le sujet est particulièrement intéressant car ce dispositif peut, dans un certain nombre de cas, pallier les fermetures d’abattoirs ou encore un maillage territorial insuffisant.
L’abattoir mobile n’est rien d’autre qu’une technique d’abattage qui, en tant que telle, doit respecter les règles posées par la loi en matière d’abattage. Lorsqu’il y aura un projet d’abattoir mobile, comme c’est d’ailleurs le cas en ce moment même, on l’étudiera. Si les règles – en matière d’hygiène, de bien-être et de lutte contre la souffrance – qui s’appliquent à l’abattage sont respectées, il n’y a aucune raison de refuser l’abattage mobile.
Mais, si l’on inscrit certaines techniques d’abattage dans la loi, on va devoir en faire de même pour d’autres. La loi fixe les règles, lesquelles s’appliquent à des techniques qui peuvent être extrêmement variées – l’abattage mobile est l’une d’entre elles. Nous sommes en train d’examiner la question, pour trouver l’équilibre économique qui convient et pour veiller au respect du bien-être et des normes sanitaires. Avis défavorable.
Pour compléter ce que vient de dire M. le ministre, je précise qu’aujourd’hui même, quiconque veut ouvrir un abattoir mobile peut le faire.
Je vous invite, ma chère collègue, à venir chaque année à Sarcelles. Un exploitant qui décide d’ouvrir un abattoir mobile demande l’autorisation aux services vétérinaires de la préfecture, l’obtient et peut procéder à l’abattage. Ainsi, depuis deux ans, il y a un abattage rituel dans le cadre de la fête de l’Aïd el-Kebir dans un abattoir mobile validé par la préfecture. Cela ne pose aucun problème. La loi l’autorise.
L’amendement no 7 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 57 .
Les vidéos et les témoignages des spécialistes auditionnés nous ont permis de constater que l’usage du dioxyde de carbone dans les établissements d’abattage pour les cochons était particulièrement douloureux. Cette méthode doit être revue. Nous demandons la rédaction d’un rapport pour étudier les enjeux – en termes de bien-être animal mais aussi d’économie – du remplacement de cet usage dans les abattoirs.
La nécessité d’une étude plus approfondie sur le gazage au CO2 est une question intéressante, qui a animé nos travaux dans le cadre de la commission d’enquête. La commission a accepté cet amendement. La filière porcine travaille sur le sujet depuis plusieurs mois ; il serait bon de savoir où on en est. Avis favorable.
Vu la période où l’on se trouve, cela ne me coûtera pas trop cher d’accepter un rapport du Gouvernement…
Sourires.
Les études sont d’ores et déjà commencées, et les alternatives techniques au CO2, en cours d’examen. Je ne voudrais pas laisser croire que je m’oppose à la rédaction d’un tel rapport ; je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 57 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.
La parole est à M. Paul Giacobbi.
Je veux m’exprimer sur l’article 3 parce qu’à ma grande surprise, l’article 4 a été supprimé. Il représentait pourtant le coeur de la proposition, l’intérêt central de la commission d’enquête et la priorité pour les associations.
De quoi s’agit-il ? L’abattage est la plus vieille activité industrielle au monde ; c’est l’abattoir de Chicago qui a inspiré les chaînes industrielles automobiles ! Elle a récemment donné lieu à des mises en cause tenant à la dignité animale. Le scandale est d’ailleurs venu de la diffusion de vidéos clandestines. La commission d’enquête a proposé l’institution d’un contrôle vidéo – une pratique courante et logique. En effet, si l’activité d’abattage est placée sous le contrôle d’un service public vétérinaire, il n’est pas possible d’assurer la présence permanente d’un agent du service sur les lieux et au moment de l’abattage et de l’étourdissement.
Contrairement à ce qui a été dit, la CNIL est d’accord avec cette proposition. C’est d’ailleurs elle qui a recommandé l’adoption d’une disposition législative en ce sens et qui en a guidé la rédaction. Un agent de la CNIL a donné son avis personnel, mais chacun – y compris le portier de la CNIL – est libre d’avoir le sien ! Pour éviter tout abus ou mauvaise interprétation, voire une utilisation des vidéos par la hiérarchie, l’amendement proposé par le rapporteur en réserve le visionnage au service vétérinaire. C’est la maltraitance et non le flicage des salariés qui est ici visée. Les salariés bénéficieraient au contraire de ces dispositions car les vidéos officielles feraient preuve en cas de contestation ou de scandale. En tout état de cause, les vidéos clandestines, faciles à effectuer, ne manqueront pas. Si l’on supprime cet article, on supprime la loi.
Je voudrais interroger le ministre sur cet article. À quelles évolutions doivent s’attendre les services vétérinaires si cet article est voté ? Quels effectifs cela représente-t-il ? Quel coût pour les dépenses publiques ? Avant qu’on se prononce, je voudrais des précisions objectives.
Après passage en commission, cet article prévoit de faire peser des contrôles vétérinaires sur les plus gros abattoirs, là où ces contrôles sont déjà les plus importants. Rien n’est prévu pour les plus petits, où ont pourtant été révélés les scandales que nous connaissons. Les animaux méritent autant d’intérêt, qu’ils soient abattus dans des gros ou des petits abattoirs. Dans ce titre II, je préférerais, comme le veut le Gouvernement, supprimer l’article 3 qui n’instaure des contrôles par des vétérinaires que pour les établissements de plus de cinquante salariés, tout en rétablissant l’article 4 qui institue une surveillance par enregistrement vidéo. Ce serait plus égalitaire, moins cher et plus cohérent. L’égalité doit être respectée non seulement entre salariés, mais aussi entre animaux. Il faut être réaliste et pragmatique ; je serai d’accord avec le Gouvernement pour supprimer l’article 3, mais à condition que l’on rétablisse l’article 4 et que l’enregistrement vidéo ne soit pas expérimental.
Monsieur le ministre, je voterai votre amendement de suppression, car c’est un article absurde, qui propose de contrôler uniquement les abattoirs de plus de cinquante salariés, en mettant un inspecteur derrière leur dos. Pour résumer, premièrement, on aura un type assis qui regardera les gens travailler ; et le type assis sera mieux payé que ceux qui s’épuisent à la tâche. C’est insensé. Deuxièmement, on créera une discrimination entre les établissements de plus et de moins de cinquante salariés. Or – je suis désolé de le dire – les dernières vidéos de L214 ont toutes été réalisées dans des abattoirs de moins de cinquante salariés. On va donc surcontrôler les abattoirs où il n’y a pas de problèmes, et « renforcer » simplement les contrôles là où il y en a eu – qu’est-ce que cela veut dire, d’ailleurs ? On ne peut même pas le mettre dans un texte de loi !
Il faut absolument abandonner cet article. On l’a introduit car on ne veut pas entendre parler de l’enregistrement vidéo, alors que c’est à l’évidence la meilleure solution. L’enregistrement vidéo doit être considéré non pas comme à charge, mais comme à décharge pour les établissements, qui auront des milliers d’heures d’enregistrement prouvant que tout se passe bien. C’est utile à la cause des abattoirs de disposer d’une banque de données vidéo enregistrées, y compris pour les salariés, si l’on veut étudier, par exemple, leurs postures et les troubles musculo-squelettiques qui en découlent.
Je voudrais dire quelques mots sur les contrôles. Dans une autre vie professionnelle, je me suis occupé, pendant vingt ans, d’un petit abattoir de vingt-cinq salariés. Dans les établissements de cette taille, les services vétérinaires sont quotidiennement présents pour exercer leur mission de contrôle, mais surtout d’assistance. C’est un travail très positif car il permet, depuis de nombreuses années, de faire évoluer la question du bien-être animal, notamment en matière de transport des animaux.
Je m’associe à ceux qui ont défendu l’élevage, mais si le fait d’avoir des éleveurs est bénéfique pour l’aménagement du territoire, disposer d’abattoirs de proximité l’est tout autant. En effet, ces outils garantissent la sécurité alimentaire, permettent d’améliorer la traçabilité des animaux et d’assurer une veille sanitaire par l’intermédiaire des contrôles.
Ce qui contribue à la clarté a toujours renforcé les filières viande. Nous allons tous dans ce sens et bon nombre d’abattoirs commencent à installer des caméras. Si les images que nous avons vues sont inacceptables et inadmissibles, le contrôle par vidéosurveillance doit permettre non seulement de détecter des transgressions, mais aussi d’améliorer les pratiques. Si le contrôle vidéo est bien encadré, il garantira la transparence, mais ouvrira également une marge de progression pour les différents acteurs de la filière, au premier rang desquels les salariés, comme le souligne l’excellent rapport de la commission d’enquête. La formation représente aussi un outil essentiel, qui doit permettre de faire avancer les choses.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt heures trente.
La séance est reprise.
Nous reprenons la liste des orateurs inscrits sur l’article.
La parole est à M. Pierre Lellouche.
Monsieur le ministre, comme M. Lamblin, je soutiendrai votre amendement visant à supprimer cet article. Je voudrais aborder une perspective que j’ai bien connue en tant que secrétaire d’État aux affaires européennes : celle de la compétitivité de la filière. En effet, notre rôle ce soir est à la fois d’introduire la protection animale dans l’activité économique – et je suis, comme nous tous, très sensible à cet élément –, et de faire en sorte de ne pas désavantager plus encore une filière qui subit de plein fouet la compétition des autres pays européens, notamment de l’Allemagne.
Monsieur le ministre, vous devez le savoir encore mieux que moi : l’essentiel du business de l’abattage en Europe est situé en Allemagne, car ce pays a réalisé dans ce domaine des économies d’échelle ; en outre il n’y a pas en Allemagne de salaire minimum en matière agricole…
Cela vient d’arriver !
C’est tout récent, cela ne fait que commencer. Surtout, les Allemands utilisent massivement la main-d’oeuvre étrangère des pays de l’Est, notamment l’Ukraine. C’est pourquoi alourdir les coûts qui pèsent sur la filière française, en imposant la présence d’un vétérinaire, n’est pas une bonne idée. La bonne solution, c’est l’expérimentation de la vidéo, que nous soutiendrons tout à l’heure.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 46 , tendant à supprimer l’article 3.
Cet amendement vise en effet à supprimer l’article 3 qui, comme on l’a dit, impose un contrôle vétérinaire permanent. Imaginez un vétérinaire, ayant fait six ans d’études,…
…bien payé, assis derrière une chaîne d’abattage pour la surveiller, comme un gendarme ! Cela poserait des problèmes importants. Certains évoquent le sentiment de suspicion que les salariés pourraient ressentir s’ils étaient filmés. Combien plus se sentiront-ils épiés si une sorte de gendarme se tient en permanence dans leur dos !
Si nous voulons instituer un contrôle dans les abattoirs, il faut le faire en ayant recours à une technique plus moderne : la vidéo. On ne peut pas le faire en plaçant un vétérinaire derrière tout le monde ! Tout cela, sans parler du problème de seuil : pourquoi seuls les abattoirs de plus de cinquante salariés seraient-ils concernés ? Cette façon de discriminer les abattoirs selon leur taille n’est pas pertinente au regard de la question dont nous débattons.
Je souhaite donc que cet article soit supprimé, non pour amoindrir le contrôle des abattoirs, mais pour favoriser un système de vidéo, à condition qu’il soit bien encadré et mis en place après une vraie négociation. Nous devrons mettre les choses au point afin que cette nouvelle exigence soit acceptable – elle peut l’être, nous le savons, car nous avons déjà commencé à travailler sur ce sujet.
Compte tenu de ces explications, je vous demande d’adopter cet amendement de suppression.
Comme l’a indiqué M. le ministre, la présence obligatoire d’un vétérinaire aux postes d’étourdissement et de mise à mort aura un impact budgétaire certain. C’est évident : personne ne peut le contester. J’admets donc les arguments avancés par M. le ministre.
Cependant la suppression de cet article n’aurait de sens que si nous dotions, en contrepartie, les services vétérinaires d’un véritable outil de contrôle : la vidéo. Sans cela, il s’agirait d’un marché de dupes.
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure à la tribune qu’il vous serait difficile de recruter des vétérinaires en nombre suffisant pour organiser le contrôle obligatoire prévu à l’article 3. Je salue la politique volontariste de recrutement dans ces services, que vous avez engagée il y a plusieurs années, après des années de baisse continue des effectifs. C’est important : j’espère que cela continuera.
Pour prendre le problème dans l’autre sens : si un contrôle vidéo est véritablement mis en place dans les abattoirs, alors la présence obligatoire des services vétérinaires dans les abattoirs ne s’impose plus. La commission – et moi-même, à titre personnel – est donc favorable à cet amendement.
Je l’ai dit tout à l’heure, et je le répète : comme l’a dit mon collègue Jacques Lamblin, comme l’a rappelé M. le ministre, imposer la présence d’un vétérinaire, assis toute la journée derrière les agents des abattoirs, serait contreproductif.
Par ailleurs, même si des efforts de recrutement ont été faits, nous savons très bien que nous ne disposons pas d’assez de vétérinaires pour assurer cette tâche en plus des missions qui leur sont déjà attribuées. Il serait dommage de les contraindre à de telles activités – qui sont d’ailleurs bien peu actives !
Je le répète : je suis tout à fait favorable à la suppression de cet article, à condition de rétablir l’article prévoyant un contrôle vidéo dans tous les abattoirs. C’est une question d’égalité pour les salariés comme pour les animaux, et une question de moyens.
L’amendement no 46 est adopté et l’article 3 est supprimé.
La commission a supprimé l’article 4.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 61 , 50 , 62 , 22 , 18 , 5 , 41 , 13 , 21 et 24 , pouvant être soumis à une discussion commune, tendant à le rétablir.
Les amendements nos 50 et 62 , d’une part, et les amendements nos 13 , 21 et 24 , d’autre part, sont identiques.
L’amendement no 22 fait l’objet d’un sous-amendement no 72
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 61 .
Cet amendement vise à rétablir les dispositions concernant les caméras, qui figuraient dans la rédaction initiale de ce texte. Il vise ainsi à imposer la présence de caméras « dans tous les lieux d’acheminement, d’hébergement, d’immobilisation, d’étourdissement, d’abattage et de mise à mort des animaux », en précisant que la « finalité exclusive de cette installation est la protection animale ».
Par cet amendement, je propose d’en revenir au dispositif initial sur un autre point : « si un accord collectif le prévoit, les images peuvent être utilisées à des fins de formation des salariés.
« Seuls ont accès aux images les services de contrôle vétérinaire, la direction de l’établissement et les représentants du personnel. »
Je propose enfin que les images ne puissent être conservées plus de trois mois. Dans la proposition de loi initiale, cette durée maximale de conservation était d’un mois, ce qui me semble très insuffisant.
Le dispositif imposant la présence de caméras a en effet été supprimé en commission. Il s’agissait pourtant d’une proposition importante de la commission d’enquête. Je comprends les préoccupations qui se font jour quant à la vidéosurveillance, mais il ne faut pas la prendre comme une intrusion ; c’est un moyen de contrôle, certes, mais c’est surtout un moyen de lever les doutes, ce qui est utile pour les salariés eux-mêmes s’il y a des mises en cause.
Je plaide donc fortement pour le rétablissement des dispositions relatives aux caméras. Il s’agira sans doute, dans un premier temps, d’une expérimentation, mais cela devra ensuite être généralisé à tous les abattoirs, qu’ils soient publics ou privés.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 62 .
C’est un amendement de repli par rapport à celui que j’ai soutenu il y a quelques instants. La seule différence tient à la durée de conservation des images, que cet amendement tend à fixer à un mois. Je rappelle que cette durée me semble insuffisante.
Nous en arrivons à l’amendement no 22 , qui fait l’objet d’un sous-amendement no 72 .
Avant de donner la parole à M. Olivier Falorni, pour soutenir l’amendement no 22 , je précise que je suis saisie, sur cet amendement, d’une demande de scrutin public par le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
C’est un amendement très important : nous touchons là au coeur du problème. Si, comme je le souhaite, ainsi que beaucoup de nos collègues, nous adoptons un dispositif permettant de mettre en place un contrôle vidéo dans les abattoirs, nous aurons fait un grand pas ce soir.
Cet amendement vise à rétablir, dans le texte de la proposition de loi, les dispositions relatives au contrôle vidéo obligatoire qui avaient été supprimées lors de l’examen en commission. Il diffère toutefois des amendements identiques que viennent de soutenir M. Laurent et Mme Abeille , qui tendent à rétablir l’article dans sa rédaction première. En effet j’ai tenu compte des interrogations et des inquiétudes – parfois légitimes – qui ont été exprimées.
D’abord, cet amendement tend à fixer la date d’entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2018, pour qu’il soit possible, d’ici là, de réaliser une expérimentation dans les établissements qui se porteront volontaires. Nombre d’entre eux – cela a été dit – sont déjà équipés de caméras, et d’autres ont récemment annoncé leur volonté de franchir le pas. Je rappelle, d’ailleurs, que lors des auditions que nous avons menées, certains directeurs d’abattoirs nous ont dit qu’ils envisageaient d’installer des caméras afin de gagner des marchés à l’étranger, notamment au Royaume-Uni, où ce dispositif est quasiment généralisé.
L’expérimentation peut donc être lancée sans tarder – sous le contrôle de la CNIL, bien évidemment. Précisons qu’il est nécessaire de passer par la loi pour généraliser à tous les abattoirs un contrôle vidéo obligatoire ; quant à l’expérimentation, elle pourra être menée dans le cadre juridique actuel.
Compte tenu des craintes qui ont été exprimées par les salariés, j’insiste sur un deuxième point : la liste des personnes qui auront accès aux images a évolué par rapport à la rédaction initiale. La direction de l’établissement ne figure plus dans cette liste : cette modification devrait rassurer les représentants du personnel, qui craignaient que la direction n’utilisât ces images à d’autres fins que celles prévues par la proposition de loi. Celle-ci dispose en effet très clairement que « la finalité exclusive de cette installation est la protection animale ».
Par ailleurs, sont ajoutés à cette liste les responsables de la protection animale, dont le rôle est de plus en plus important dans les établissements. Hormis le cas où un accord collectif est signé pour autoriser l’emploi des images à des fins de formation, les RPA et les services vétérinaires sont les seuls à avoir accès aux images.
Enfin – et j’en terminerai par là, madame la présidente : j’ai décidé de consacrer un peu plus de temps à cet amendement décisif – le dispositif est clairement inscrit dans le régime fixé par la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés », en particulier en ce qui concerne les sanctions en cas de détournement de finalité ou divulgation des images : les peines sont de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Enfin, cet amendement renvoie, pour les modalités d’utilisation des données collectées, à un décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ce qui tend à renforcer les garanties en termes de protection de la vie privée.
J’insiste, mes chers collègues : nous sommes à un moment important de l’examen de ce texte. Je ne doute pas que nous saurons, tous ensemble, faire avancer la protection animale. C’est un moment important pour notre Parlement.
La parole est à Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, pour soutenir le sous-amendement no 72 .
Comme l’a expliqué M. le rapporteur, l’amendement no 22 tend à rétablir l’article 4, mais dans une rédaction différente de celle que nous avons supprimée en commission des affaires économiques. Nous sommes tous à la recherche d’un consensus sur ce dispositif. C’est pourquoi j’ai déposé ce sous-amendement visant à rendre explicite ce que nous a dit M. le rapporteur : il s’agit de mentionner, dans cet article, l’expérimentation, et de préciser que celle-ci doit permettre d’évaluer l’opportunité et les conditions de la mise en place des caméras.
Cette mention serait insérée au troisième alinéa de l’amendement no 22 , après les mots : « à compter du 1er janvier 2018 ».
À mon tour de proposer de rétablir l’article 4 ! Il faut absolument le faire : nous avons déjà supprimé les articles 2, 3 et 5 : si nous ne rétablissons pas celui-ci, il ne restera plus rien.
Sourires.
Je suis partisan de rétablir l’installation des caméras de manière non pas expérimentale, mais universelle et obligatoire. Vous venez de dire, monsieur Falorni, que cela se fait déjà en Grande-Bretagne – donc, d’une certaine manière, l’expérimentation a déjà été menée ailleurs. En outre cela se pratique déjà en France, et ceux qui ont recours à ce système sont décidés à le conserver. Pourquoi donc perdre une année ?
L’argument du coût est, à mon sens, ridicule : un abattoir, cela peut coûter une vingtaine de millions d’euros. Dans ces conditions, dépenser 1 000 ou 2 000 euros pour l’installation de caméras vidéo, ce n’est pas un problème.
Il faut ensuite bien déterminer les conditions d’utilisation des enregistrements. Certains les interprètent comme des pièces à charge pour les salariés, mais c’est tout l’inverse : il faut considérer que ces enregistrements les protégeront avant tout. Cela préservera la qualité de leur poste de travail, et surtout, cela permettra de démontrer que pratiquement partout, l’abattage des animaux a lieu dans des conditions normales.
Il faut le faire : en renforçant immédiatement les contrôles, nous éviterons les dérives et les comportements inappropriés ; nous inciterons les agents à faire preuve d’auto-discipline ; enfin, nous dissiperons les accusations. Nous montrerons ainsi que l’association L214 exagère, monte en épingle quelques comportements rarissimes. Nous empêcherons les scandales. En somme, c’est une arme pour protéger les producteurs et les éleveurs contre les militants du type de l’association L214. Je le répète : il s’agit de les protéger, pas de les handicaper.
Cela permettrait tout à la fois de mettre fin à la souffrance animale et aux scandales causés par les vidéos tournées clandestinement dans les abattoirs. De grâce, avançons !
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 5 .
Toutes les explications qui éclairent notre débat sur le rétablissement de l’article 4 viennent d’être données. Je m’interroge surtout sur le sous-amendement de la présidente de la commission parce que si certains abattoirs sont déjà équipés, est-ce la peine de faire une expérimentation ? Pour ma part, je ne le pense pas. Et puis, l’expérimentation en question permettrait d’évaluer l’opportunité de la généralisation, mais comment et sur quels critères ? Le système de surveillance servira non seulement aux salariés, mais à toute la filière viande. Je rappelle, à cet égard, qu’il ne faut pas laisser s’installer l’amalgame entre ceux qui mangent de la viande et les abattoirs dans lesquels se pose le problème de la souffrance animale.
Je suis donc défavorable aux amendements qui…
Je vous rappelle que vous êtes censée défendre votre amendement, ma chère collègue.
Cet amendement vise à procéder à une phase d’expérimentation avant de passer éventuellement à la généralisation car il faut une phase d’évaluation et il est nécessaire de prendre le temps de la concertation.
Comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, je propose une expérimentation, pour une durée minimale d’un an à compter du 1er juillet prochain. J’ai bien sûr lu, monsieur le rapporteur, votre amendement, et je vous ai d’ailleurs écouté ce matin sur une radio ayant un lien avec une principauté à propos de l’expérimentation. Or celle-ci ne figure absolument pas dans votre amendement. Elle y est insérée par le sous-amendement de Mme Massat. Mais la rédaction de celui-ci me paraît totalement floue…
…parce qu’on ne sait pas qui va expérimenter ces mesures et où on va le faire. Il est seulement écrit que la généralisation des caméras aurait lieu « à l’issue d’une expérimentation permettant d’évaluer l’opportunité et les conditions de leur mise en place ».
Toutefois, monsieur le rapporteur, dans votre exposé sommaire, je lis que la « date d’entrée en vigueur est […] fixée au 1er janvier 2018 : cela doit permettre de lancer auparavant une expérimentation dans les établissements qui se porteront volontaires ». Peut-être y aurait-il, sur ce point, un consensus possible si le sous-amendement de Mme Massat mentionnait qu’il s’agit uniquement des établissements volontaires, afin de mieux préciser où devra se dérouler cette expérimentation. Je pourrais alors envisager, monsieur le rapporteur, de soutenir votre amendement, à condition, je le répète, qu’il y ait des précisions beaucoup claires sur les lieux d’expérimentation.
Tout d’abord, monsieur le rapporteur, je considère que la commission a bien fait de supprimer votre disposition initiale visant à la généralisation de la vidéosurveillance dans les abattoirs puisqu’elle vous a ainsi conduit à revoir votre copie.
Ensuite, je suis favorable à l’expérimentation. Généraliser l’implantation de caméras dans les abattoirs est un sujet sérieux, qui mérite une réelle évaluation. Ce qui m’ennuie dans votre amendement, même ainsi sous-amendé, c’est qu’il ne s’agirait aujourd’hui, donc avec ce gouvernement, que d’une expérimentation, la généralisation ne devant pour sa part être mise en place qu’en 2018.
Il faut prendre les choses par étapes, de manière pragmatique, monsieur le ministre. Je suis favorable, je le répète, à l’expérimentation, avec des abattoirs qui de toute façon seront volontaires. Je tiens à dire ici, parce que je sais qu’on nous écoute, qu’aucun abattoir ni aucun collectif du secteur ne m’a sollicité pour s’y opposer. Alors qu’on a eu, de l’autre côté, beaucoup de pressions pour généraliser le plus vite possible, au motif que, si on ne le faisait pas, cela prouverait qu’on n’aime pas les animaux. Il y aurait, d’un côté, les bons, qui veulent les caméras et, de l’autre, les méchants, qui n’en veulent pas et préfèrent les mauvais traitements infligés aux animaux.
Encore une fois, je pense qu’il faut être pragmatique, précautionneux et travailler par étapes. Je suis, aujourd’hui, favorable à l’expérimentation et, ensuite, on évaluera, on définira une méthode et un calendrier. Au demeurant, même sans la loi, la généralisation de la vidéosurveillance se mettra en place parce que c’est l’intérêt des abattoirs et que ceux qui n’en seront pas dotés devront y venir avec le temps, tranquillement. Aujourd’hui, restons-en à l’expérimentation.
Le coeur de cet amendement, c’est bien entendu l’expérimentation, avec en particulier la nécessité d’y associer les professionnels. J’ai découvert qu’il existait déjà des abattoirs mobiles, mais aussi des abattoirs spécialisés dans une espèce – à l’image de certains outils industriels –, des abattoirs régionaux ou locaux multi-espèces. Bref, les situations sont extrêmement diverses. Le fait d’introduire une surveillance vidéo va donc immanquablement poser des difficultés d’ordre technique : il faut approfondir la question afin de les éviter. Je pense que c’est en procédant par étapes et par expérimentation qu’on pourra avancer sur ce sujet.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements et sur le sous-amendement ?
La commission s’est prononcée contre l’ensemble des amendements, à l’exception de celui de Mme Daniel. Elle n’a pas examiné, en revanche, le sous-amendement déposé à titre personnel par Mme Massat sur mon amendement no 22 , mais j’ose espérer qu’elle aurait émis un avis favorable si elle l’avait pu. C’est donc avec un très grand plaisir que je me déclare bien sûr totalement favorable à titre personnel à son sous-amendement. Je crois que nous vivons un beau moment de travail parlementaire pour l’intérêt général et qui améliorera la protection animale.
Tout d’abord, pour que les choses soient bien claires, à ceux qui se demandent qui va mener l’expérimentation, je précise que ce sont les services de l’État, avec les abattoirs eux-mêmes. Mais ce n’est pas dans la loi que vous pouvez indiquer, mesdames, messieurs les députés, que ce sera tel et tel abattoir, dans telle et telle circonscription.
Nous sommes déjà en discussion pour des expérimentations. Je ne peux donc pas vous dire autre chose à ce stade, mais c’est le fruit de la rencontre que j’ai eue avec les membres de la commission d’enquête et j’ai pris à cet égard un engagement devant son président et son rapporteur. Et quand je prends un engagement, je le mets en oeuvre.
Second point : à propos de l’expérimentation, monsieur Benoit, vous dites vous-même que des abattoirs y procèdent déjà et que cela se fera de toute façon tout seul.
Il n’y a pas plus de contraintes, monsieur Benoit, puisque vous dites vous-même que le processus est engagé, ce dont je suis moi aussi convaincu. Certains semblent vouloir l’expérimentation tout en laissant penser qu’elle ne se fera pas ou qu’elle ne se généralisera pas, alors que ce sera de toute façon le cas : actons-le et préparons tout cela avec sérieux – mon ministère s’y attelle déjà. L’objectif, monsieur Benoit, est bien la généralisation.
On ne va pas imposer à certains abattoirs des règles que d’autres n’auraient pas à appliquer. Je vous le répète : je suis favorable à la généralisation à la condition qu’il y ait au préalable une évaluation, au travers de l’expérimentation, comme le propose le sous-amendement de Mme Massat, avant de généraliser le dispositif, ce qui est tout de même bien l’objectif final.
La généralisation en début d’année prochaine laisse un an pour mener des expérimentations, travailler sur le fond, mettre au point un dispositif qui respecte aussi bien les salariés que les établissements eux-mêmes – car il ne s’agit pas de mettre des caméras partout : on va cibler sur le coeur du sujet, c’est-à-dire la zone d’étourdissement et d’abattage.
Votre collègue vétérinaire a très bien expliqué que ce sera en plus une manière d’envoyer à tout le monde le message suivant : on vous a entendus et, cette fois-ci, on a pris des mesures car on ne peut pas tout le temps être sous la pression de ceux qui viennent nous voir ; le Parlement et le Gouvernement s’engagent, on a envie de réussir et l’on y parviendra avec le sérieux que je viens de rappeler ici même.
Je suis favorable à l’amendement no 22 modifié par le sous-amendement no72 . À défaut de leur adoption, je serais favorable à l’amendement no 41 , sinon aux amendements identiques nos 13 , 21 et 24 . Quant aux autres, j’y serais défavorable.
J’invite les uns et les autres à la plus grande prudence sur cette question. On aurait pu expérimenter en se donnant le temps, et après seulement envisager ou non une généralisation en fonction des résultats. Mais ici, monsieur le ministre, vous allez beaucoup plus loin. Vous nous dites qu’il n’y aura pas tant de caméras que cela, qu’elles seront présentes au moment de l’acheminement, de l’hébergement, de l’immobilisation, de l’étourdissement et de l’abattage. Cela veut dire qu’il y en aura beaucoup dans un abattoir.
Cela posera un problème financier : les gros abattoirs tiendront sans difficulté, mais les petits disparaîtront.
Autre problème : comme les caméras seront nombreuses, il faudra s’attendre à des pannes, à diverses difficultés techniques. L’abattoir sera tout de suite mis en cause : il sera accusé d’avoir voulu dissimuler à un moment quelque chose parce que c’était gênant.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Il y a encore une autre difficulté à prendre en compte : la spécificité du monde avicole. Vous le savez, monsieur le ministre, pour vous être déjà rendu dans des abattoirs de volaille : on n’y voit rien, l’air est saturé de vapeur d’eau. On ne peut, de fait, rien filmer. Or, je le rappelle, le secteur de la volaille est considérable, avec de multiples enjeux, et il est l’un des plus inquiets à l’égard de ce dispositif.
Pour toutes ces raisons, si j’aurais pu admettre que l’on expérimente, qu’on se donne le temps, comme l’a dit notre collègue Thierry Benoit, pour en tirer après les conclusions, mais je vois que vous allez installer des caméras dans tout l’abattoir.
Je prends un exemple : une bouverie, c’est-à-dire un lieu où sont réceptionnés des bovins, occupe l’équivalent d’un demi-hectare dans certains grands abattoirs. Imaginez qu’il faudra filmer une surface d’une telle ampleur !
Mais non ! Il faut se calmer !
Les difficultés techniques, les moments non filmés seront autant d’occasions pour certaines associations dont l’objectif est de nous mettre en difficulté de dire : « Attention, ça ne marche pas, on nous dissimule quelque chose. »
Je voterai contre ces différents amendements pour plusieurs raisons.
La première est que, tant que je n’aurai pas la conviction, appuyée par des amendements, que les droits des salariés seront intégralement protégés par ce qui nous est proposé, je considérerai toujours que les droits des salariés sont supérieurs à ceux des animaux. Je ne me rangerai donc pas du côté de ce qui ferait peser une incertitude sur les droits fondamentaux des salariés garantis par la Constitution, par la jurisprudence, par la CNIL et je ne sais combien d’autres textes encore qui sont à votre disposition.
La seconde, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, est que vous proposez en fait une généralisation automatique par la loi.
Je comprends mieux ceux de mes collègues qui proposent d’expérimenter d’abord, puis d’en tirer des conclusions. C’est d’ailleurs bien le texte de l’amendement ainsi sous-amendé mais, en fait, vous allez généraliser sans le dire, ce qui est un procédé rhétorique quelque peu douteux.
Troisièmement, je n’oublie pas – même si les coûts sont peut-être marginaux, je ne sais pas à combien revient un système vidéosurveillance, mais il y aura beaucoup de caméras et à tous les endroits,…
Je ne vais pas en mettre partout ! Et puis, en quoi le nombre de caméras regarde-t-il la loi ?
Ce n’est pas vous qui décidez, c’est la loi. Or c’est indiqué dans le texte : il en faudra partout pour surveiller toutes les opérations, sinon cela ne servira à rien. Ne nous dites donc pas le contraire ; ce serait incohérent. Ce secteur d’activité a déjà des taux de marges extrêmement faibles et j’aurais préféré, monsieur le ministre, entendre de votre part qu’un effort particulier de formation et d’information à destination des filières, des chefs d’entreprise et des personnels a été mené. Cela aurait pu nous dispenser de ce genre de débats. Je regrette que, dans l’esprit du Gouvernement, une fois de plus, la contrainte l’emporte sur le sens.
Applaudissements sur certains bancs du groupe Les Républicains.
Au risque de faire un peu de peine aux collègues de mon groupe, je suis en désaccord avec ce que vient de dire M. Poisson tout autant qu’avec les propos tenus par un certain nombre de nos collègues qui sont intervenus précédemment.
Notre rôle ici, à l’Assemblée nationale, est tout de même de refléter l’évolution de notre société. Or il y a incontestablement, dans notre pays – partout, et non pas seulement en milieu urbain –, une prise de conscience du fait qu’un animal n’est pas une chose.
Laissez-moi terminer. J’essaie de m’exprimer avec sérénité.
Dans la mesure où ce sentiment existe, il nous appartient, dans le souci de l’intérêt général ainsi que de celui d’une filière économique qui est très importante pour notre pays, de réconcilier cet impératif de respect de l’animal et de sa souffrance avec la viabilité de cette industrie.
L’équilibre qui a été trouvé, après la première version proposée par M. Falorni, le travail du Gouvernement et le sous-amendement no 72 , tient à peu près la route. Certes, le dispositif n’est pas parfait, mais il tient à peu près la route : c’est pour cette raison que je le voterai.
J’ajoute pour conclure – comment prétendre le faire sur un sujet aussi fondamental ? – que nous vivons dans un pays laïc, qui a des valeurs républicaines et sociétales mais aussi des traditions religieuses. Or cette affaire nous mène droit à la jonction douloureuse entre ce que je viens d’évoquer, c’est-à-dire la prise de conscience dans notre société d’une nouvelle relation à l’animal, et la dimension sacrificielle du même animal telle qu’elle est reconnue par certaines religions. Cette dimension induit des modes d’abattage qui, il faut le dire franchement, lorsque l’on regarde les vidéos, sont difficilement soutenables.
Certes, mais les inscrits sont nombreux et vous ne disposez, comme vos collègues, que de deux minutes. Vous me faites chaque fois la même demande !
La parole est donc à M. Paul Giacobbi.
Sourires
je résumerai notre débat en citant un auteur britannique : Much ado about nothing. Nous avons fait beaucoup de bruit pour rien parce qu’en définitive nous arrivons, grosso modo, et même s’il est important que nous y arrivions ensemble – même si ce n’est pas tout à fait tous ensemble – à un résultat extrêmement logique.
Je rappelle qu’on prévoit d’installer dans les abattoirs, afin d’éviter les difficultés, les malentendus, les interprétations erronées tout autant que les vidéos clandestines, des caméras de vidéosurveillance.
La loi permet déjà, aujourd’hui, de poster des vétérinaires là où le souhaitent les services vétérinaires de l’État, quand ils veulent et comme ils veulent. Et si un service en avait les moyens et décidait d’être présent en permanence dans un abattoir, il pourrait l’être. Comme c’est impossible pour des raisons matérielles – aussi bien budgétaires que pratiques – qui ont d’ailleurs été évoquées ici ou là, on installe des caméras de contrôle.
À qui sont-elles destinées ? Exclusivement aux services vétérinaires, c’est-à-dire à ceux qui, de toute façon, pourraient être présents en permanence et exercer un contrôle qui relève du pouvoir régalien, puisque tel est bien le cas. Il n’y a donc pas de problème.
Qui plus est, une telle installation est dans l’intérêt des salariés. En effet, si les choses n’évoluaient pas de cette façon, il y aurait encore, à l’avenir, d’autres histoires, d’autres rumeurs et d’autres enregistrements clandestins. Quant au coût des caméras, mes chers collègues, la technique a évolué depuis les frères Lumière : elles coûtent infiniment moins cher qu’auparavant – je dirais même que leur prix est dérisoire. Quant à la place qu’elles occuperaient, certaines caméras, grandes comme des têtes d’épingle, fonctionnent extrêmement bien. Par conséquent, c’est cette solution qu’il faut adopter.
Du reste, c’est ce qui a été fait en Grande-Bretagne. Que je sache, ce pays est très grand consommateur de viande, en particulier de boeuf et mouton. D’ailleurs, la plupart des morceaux ou des plats sont nommés d’après la langue anglaise – je pense aux steaks, rumstecks et autres beefsteaks. Il faut donc croire qu’on mange de la viande – quoique parfois bouillie (Sourires) – en Grande-Bretagne.
Par conséquent, il faut aller dans cette voie sans faire d’histoires. Le Gouvernement est responsable et devra traiter ce problème.
À ce stade du débat, je me réjouis de la proposition qui a été faite par M. Falorni, car elle a permis d’avancer à la suite de la discussion que nous avons eue en commission et qui nous a amenés à supprimer l’article 4. On observe ainsi des convergences, notamment entre le sous-amendement no 72 de Mme Massat et l’amendement no 41 que j’ai déposé.
À mon tour également de me féliciter de l’accord que nous sommes en train de bâtir ensemble, n’en déplaise à MM. Poisson et Le Fur, sur lesquels, visiblement, la pression lobbyiste a laissé son empreinte.
Exclamations sur certains bancs du groupe Les Républicains.
Ce qui nous est proposé ici est extrêmement raisonnable, utile et tout à fait logique au regard des décisions que nous avons prises début 2015, lorsque nous avons inscrit dans notre législation le fait que les animaux sont doués de sensibilité. C’est une suite logique qui permet en outre de répondre à la situation dans les abattoirs ; on peut donc s’en réjouir. Je félicite le rapporteur, M. Falorni, et remercie également M. le ministre d’avoir accompagné ces évolutions.
Je résume : les scandales révélés au cours des derniers mois ont considérablement marqué nos concitoyens et beaucoup heurté leur sensibilité.
La première conséquence en a été l’effondrement de la consommation de viande. Les premières victimes sont donc bien les producteurs et les éleveurs, car ils ne parviennent plus à vendre leurs produits et voient les cours s’effondrer. Il ne faut pas que de tels scandales se reproduisent. Nous devons être certains d’y mettre fin.
Pour ce faire, il faut prendre des mesures pour empêcher les rares fautes qui peuvent être commises. En effet, la généralisation induite par le système médiatique est particulièrement préjudiciable à la filière de l’élevage. La meilleure façon d’aider les éleveurs, et la plus rapide, est d’être le plus efficace possible car, je le répète, les éleveurs, tout autant que les producteurs, sont les véritables et les premières victimes de tout ce processus.
Par conséquent, si vous voulez, mes chers collègues, aider les producteurs et les éleveurs – je crois que nous le voulons tous –, il faut être immédiatement le plus efficace possible.
Mettons en place, en quelques mois ou en un an, l’enregistrement vidéo : ce délai nous permettra d’étudier les choses, y compris en nous appuyant sur les expériences menées ailleurs, afin de construire un dispositif qui ne soit pas surdimensionné – il doit être suffisant, mais surtout efficace.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Effectivement, le sous-amendement no 72 a été déposé en séance. Si la commission des affaires économiques n’a pas pu statuer à son sujet, je me permets, en tant que présidente de cette commission, de m’y déclarer favorable. Il en va naturellement de même pour l’amendement no 22 de M. Falorni, dès lors que ce sous-amendement aura été adopté.
L’amendement no 61 n’est pas adopté.
Le sous-amendement no 72 est adopté.
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 22 , tel qu’il a été sous-amendé.
Il est procédé au scrutin.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Sourires.
L’article 6 vise, si je ne m’abuse, à modifier un article du code de procédure pénale de façon à permettre à des associations, par exemple de protection des animaux, de se porter partie civile lorsque des infractions sont constatées en matière de souffrance animale.
C’est une bonne chose, mais dans la mesure où il n’existe pas d’enregistrement vidéo, comment pourra-t-on objectiver de telles infractions ? Voilà une raison supplémentaire de recourir à cette technique.
L’objectif visé par cet article 6 est d’accroître la possibilité pour des associations de se porter partie civile. On sort par conséquent de la question stricte des abattoirs pour toucher à celle des éleveurs. Le risque est que, demain, ceux-ci se voient contrôlés dans leur activité par un certain nombre d’associations. Elles peuvent déjà se constituer partie civile, mais cette faculté serait élargie en particulier à l’ensemble de ce qui touche au bien-être animal.
Je considère qu’un tel dispositif présente un risque important pour notre élevage : j’invite par conséquent les uns et les autres à voter cet amendement de suppression de l’alinéa 1er de l’article 6.
La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement identique no 53 .
J’ai été très choqué, monsieur le ministre, par ce qui s’est récemment passé dans un élevage situé sur le plateau de Millevaches, où des destructions ont été opérées. Vous avez vous-même, comme le Premier ministre, dû prendre très fermement position afin de condamner de telles dérives.
Cet événement fait partie d’un ensemble de faits qui me laissent penser qu’il existe dans notre pays des gens qui veulent dénoncer et stigmatiser les techniques d’élevage. Or nos agriculteurs ne doivent pas être soumis à une telle pression. Je crains que les dispositions prévues dans la proposition de loi n’occasionnent encore davantage de dérives et de dénonciations parfois calomnieuses.
Pour cette raison, je propose moi aussi de supprimer l’alinéa 1er de l’article 6.
Également défavorable, mais pas parce qu’il ne faudrait pas protéger l’élevage. En donnant la possibilité de se constituer partie civile, on pénètre dans le domaine de la justice et du droit en évitant précisément ce qui peut être tentant pour certains : aller régler seuls, et parfois de manière violente, les problèmes qui se posent.
Je suis donc défavorable à ces deux amendements identiques pour cette seule raison, et pour aucune autre : il nous faut, dans le domaine du droit, nous sécuriser.
J’avoue être très surpris de la réponse du ministre, car on va multiplier les contentieux. Certaines associations vont agir en procureurs et, au nom d’un supposé intérêt de l’animal, pénétrer dans les élevages, dénoncer et mettre en cause.
Peut-être, en dernière analyse, le jugement rendu ne sera-t-il pas défavorable à l’éleveur, mais imaginez les conséquences – je pense à la durée des procédures, au coût, au fait d’être mis en cause et aux caricatures qui auront été faites. Au final, toutes les formes d’élevage risquent d’être montrées du doigt.
Monsieur le ministre, autant je comprends l’attitude de notre collègue Mme Abeille sur ce sujet – elle a le droit de défendre ses idées, et il me semble tout à fait logique qu’elle le fasse –, autant je comprends mal la vôtre : vous êtes ministre de l’agriculture, et donc des éleveurs. Comment pouvez-vous donc tenir une telle position ?
Entendons-nous bien, monsieur Le Fur : ce sont l’État et ses services qui ouvrent des procédures dans le cadre desquelles une ou plusieurs associations peuvent se constituer partie civile : il ne s’agit pas de permettre à n’importe quelle association d’engager une procédure judiciaire sur tel ou tel sujet, selon ses envies. Je comprends que l’on débatte de cette question, mais il ne faut pas céder à la caricature. L’article 6 cadre les choses et protège, me semble-t-il, tout le monde.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 65 .
Cet amendement vise à permettre aux associations de se constituer partie civile et de faire valoir devant les tribunaux les souffrances subies par les animaux en cas d’infractions prévues par le code rural et de la pêche maritime, par le code de l’environnement et par le code de la consommation. Les associations peuvent déjà se porter partie civile en cas d’actes de cruauté prévus par le code pénal, mais elles ne peuvent pas le faire pour les infractions sur les animaux prévues par les autres codes. Il s’agit d’étendre cette possibilité et d’adapter le droit aux diverses situations de souffrance subies par les animaux, qu’elles aient trait aux conditions de vie, au transport ou au traitement dans les abattoirs.
Cet amendement a été repoussé par la commission car il conduirait à élargir de façon radicale
Rires sur plusieurs bancs
la possibilité pour les associations de se constituer partie civile, y compris sur des sujets qui n’ont rien à voir avec les abattoirs.
Bien qu’il s’agisse d’une niche radicale et d’un texte présenté par les radicaux, nous fixons une limite à la radicalité !
Sourires.
Même avis.
L’amendement no 65 n’est pas adopté.
L’article 6 est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 6.
La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement no 66 .
Avant de présenter l’amendement no 66 , je veux dire à M. Le Fur que ce n’est pas la peine de jeter l’opprobre sur des associations comme L214 ; nous savons tous que sans leur action, nous ne serions pas en train de débattre de ce sujet ce soir. Il convient donc de remettre les choses à leur juste place. Nous ne sommes pas là pour parler des éleveurs et de la manière dont ils élèvent leur bétail, nous sommes là pour parler des abattoirs.
Pour en revenir à l’amendement no 66 , il s’agit de réintroduire un peu d’humanité dans le traitement que nous faisons subir aux animaux, en particulier s’agissant des bêtes qui ne sont pas abattues dans les douze heures suivant leur arrivée dans le lieu d’abattage, en veillant à ce qu’elles soient au moins nourries et traitées correctement. À défaut, cela constituerait un mauvais traitement, au sens du premier alinéa de l’article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime.
Cet amendement n’a pas été accepté par la commission, car il nous semble relever du domaine réglementaire. Sur le fond, on ne peut être que d’accord avec ce qui est dit dans l’exposé des motifs, mais, selon la commission, cela ne relève pas de la loi – à moins que le ministre n’infirme cette position.
Je n’infirmerai pas cette position, monsieur le rapporteur, puisque c’est celle du Gouvernement ! La loi ne peut pas définir ce qui relève du domaine réglementaire – sinon, on fait la loi et le règlement en même temps. Il y aurait trop de choses à mettre dans le texte, et à chaque fois qu’il y aurait à changer la moindre chose, il faudrait refaire la loi : ce n’est pas possible.
Je ne suis donc pas favorable à l’amendement.
Je veux bien entendre qu’il s’agit d’un dispositif réglementaire plutôt que législatif. Cela étant, si cet amendement a été déposé, c’est qu’au cours des auditions réalisées par la commission d’enquête il a été à plusieurs reprises fait mention d’un défaut d’abreuvement et de nourrissage des animaux, qui pouvaient rester dans des conditions pénibles durant un temps trop long avant d’être menés à l’abattoir. Il faudrait prévoir une disposition pour y remédier ou, au cas où celle-ci existerait déjà, veiller à ce qu’elle soit bien appliquée.
L’amendement no 66 n’est pas adopté.
Mes chers collègues, l’amendement que je vous propose vise à interdire l’abattage des femelles en gestation, quelle que soit l’espèce animale concernée.
À la suite de ce que l’on a pu voir et entendre, le Gouvernement a pris des dispositions et nous légiférons ce soir sur les conditions d’abattage des animaux ; mais, au-delà, il y a un scandale de plus : celui des vaches gestantes, qui a été récemment révélé au grand public. À mes yeux, aucun argument ne peut justifier une telle horreur ; il convient de bannir purement et simplement de telles pratiques. Le respect des animaux, le respect des salariés des abattoirs exigent une telle interdiction. Il est nécessaire de le dire – et de le faire.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 64 .
L’objet de cet amendement est le même que celui de l’amendement de Jean-Luc Laurent : il s’agit d’interdire l’abattage de femelles en gestation ayant dépassé les deux tiers de la période de gestation. C’est encore une fois l’association L214 qui nous a alertés sur ce sujet, sur lequel je n’ai pas le souvenir que nous ayons travaillé dans le cadre de la commission d’enquête – ce qui montre bien que nous manquons d’informations sur ce qui se passe dans les abattoirs.
Madame Abeille, je vous laisse la parole pour soutenir l’amendement no 59 .
À défaut de l’adoption de l’amendement précédent, il s’agit de demander au Gouvernement un rapport examinant les enjeux en termes de bien-être animal de l’interdiction de l’abattage à des fins alimentaires des animaux gestants à partir du dernier tiers du développement normal du foetus. C’est donc un amendement de repli.
Monsieur Laurent, je comprends votre amendement. Comme vous, j’ai été choqué par les images qui ont été récemment diffusées par L214.
En revanche, j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement, d’abord parce que celui-ci me semble relever – le ministre le confirmera ou non – du domaine réglementaire à l’échelon européen. En outre, le taux que vous avez retenu pour la période de gestation, qui est de 30 %, me semble particulièrement bas et difficilement opérationnel.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement – même si, je le répète, il s’agit d’une question importante et que j’ai été, comme beaucoup d’entre vous, choqué par ces images difficiles à regarder.
Et sur les deux autres amendements en discussion commune, quel est l’avis de la commission ?
Ce qui motive ces amendements, ce sont encore une fois des images diffusées par L214, avec un objectif très clair. Or il s’agit là d’un sujet qui relève de règlements européens. Après la diffusion de ces images, nous avons saisi la Commission européenne, qui a elle-même saisi l’Autorité européenne de sécurité des aliments – European Food Safety Authority, ou EFSA –, pour qu’à l’échelon européen, on réexamine les conditions actuelles d’abattage des vaches gestantes. Si l’Assemblée nationale française légiférait sur ce sujet, qui relève de l’ordre réglementaire européen, cela mettrait la France dans une situation qui la handicaperait, alors même qu’elle a engagé une démarche à l’échelon européen. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à ces amendements – et non parce que je serais, à la différence d’autres, insensible à ce qui s’est passé. Chacun doit comprendre que nous nous inscrivons dans des cadres, au sein desquels nous essayons de faire avancer les choses. On est là dans le domaine du règlement, au niveau européen.
J’abonderai dans le sens du ministre et du rapporteur.
Je connais assez bien le sujet. Premièrement, quand il arrive que des vaches gestantes se retrouvent à l’abattoir, ce n’est pas à la suite d’une spéculation volontaire de la part de l’éleveur, c’est plutôt par accident : il l’ignorait. Il est parfaitement possible qu’un éleveur possède une vache dont il ignore qu’elle est gestante et qu’en toute bonne foi il l’amène à l’abattoir.
Deuxièmement – je le dis au passage –, une vache porte neuf mois : vous édicteriez donc des règles du jeu plus sévères pour les vaches que pour les femmes.
Moi aussi, bien évidemment, j’ai été choquée par ces images ; mais il faut être pragmatique. Comme vient de le dire mon confrère Lamblin, un éleveur ne peut pas savoir si une vache qui était aux champs a été saillie ou non – car toutes les vaches ne subissent pas des inséminations artificielles.
D’autre part, la réglementation européenne interdit le transport des vaches gestantes ayant dépassé 90 % de la période de gestation. Comme le ministre l’a signalé, l’EFSA est en train d’examiner s’il convient de réduire ce taux ; elle donnera le résultat de son étude en mai 2017. Je pense donc qu’il est nécessaire d’attendre, au moins pour ce qui concerne les bovins. S’agissant des petits mammifères qui produisent de la peau ou de la fourrure, je l’ignore – de toute façon, je ne suis pas favorable à leur élevage.
Il faut donc raison garder, afin que nous puissions avancer et que nous soyons capables de nous doter demain de règles précises, qui soient correctement appliquées.
Un mot sur ce dernier amendement, qui est de repli. Je pense que, dans le cadre des discussions qui ont lieu à l’échelon européen, un tel rapport serait utile. Un certain nombre de pays européens travaillent déjà sur le sujet. Certains doutes ont été émis, s’agissant des aspects économiques de la question. Il a été dit par certains chercheurs, notamment par une professeure de l’université de Hambourg, que les vaches arrivant gestantes à l’abattoir étant plus lourdes, elles étaient vendues plus cher. Je pense que tout cela mériterait une étude approfondie, de façon à ce que les discussions européennes sur le sujet puissent progresser.
Nous passons maintenant au vote.
Je vais mettre aux voix l’amendement no 49 , qui a recueilli un avis défavorable du Gouvernement et du rapporteur.
L’amendement no 49 n’est pas adopté.
L’amendement no 64 , de même, a recueilli un avis défavorable du Gouvernement et du rapporteur.
L’amendement no 64 n’est pas adopté.
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 59 , qui a recueilli un avis favorable de la commission, un avis défavorable du rapporteur et un avis défavorable du Gouvernement.
Permettez-moi de rectifier, madame la présidente : avis favorable de la commission – et du rapporteur.
Et avis de sagesse du Gouvernement.
L’amendement no 59 est adopté.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 73 , tendant à supprimer l’article.
Il s’agit pour le Gouvernement de lever le gage.
L’amendement no 73 est adopté et l’article 7 est supprimé.
amendements précédemment réservés
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.
J’appelle les amendements nos 1 , 14 , 2 , 15 et 56 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir les amendements nos 1 et 2 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Je souhaite tout d’abord défendre, brièvement, l’amendement no 1 , qui tend à insérer un titre préliminaire.
La proposition de loi prétend traiter du respect de l’animal en abattoir. Or, de mon point de vue, deux points cruciaux font défaut pour atteindre cet objectif et améliorer la dignité, celle de l’animal – en lui épargnant les souffrances évitables, quel que soit le mode d’abattage – et celle de l’homme, aujourd’hui abandonné à son sort de tueur, en l’absence de toute formation et de tout accompagnement psychologique : on l’a vu en commission, ces personnes souffrent aussi.
Une éthique est donc nécessaire : parler de transparence, de contrôle et de sanctions, c’est bien, mais secondaire par rapport à l’objectif premier, celui de l’éthique, donc. Aussi je propose un titre préliminaire, dans l’esprit de la Convention européenne de 1982, aux termes de laquelle « les procédés d’étourdissement autorisés par les parties contractantes doivent plonger l’animal dans un état d’inconscience où il est maintenu jusqu’à l’abattage, lui épargnant en tout état de cause toute souffrance évitable ».
L’objet de cet amendement est donc de rappeler que, quelle que soit la pratique d’abattage – traditionnel ou rituel –, une marge demeure pour éviter les souffrances évitables.
On vient d’avancer, en ce qui concerne l’abattage traditionnel, pour éviter les souffrances excessives ; s’agissant de l’abattage rituel, rien dans les textes sacrés – le rapport de l’INRA nous le rappelle – n’interdit un étourdissement préalable dès lors qu’il est réversible. Ce que souhaitent les cultes, c’est un animal intègre et totalement saigné. On sait aussi qu’il n’est pas nécessaire que l’animal soit conscient pour obtenir une saignée totale, donc une viande propre à la consommation humaine. De nombreux pays ont d’ailleurs rendu l’étourdissement obligatoire : la Suède, la Norvège, l’Islande, la Suisse ou, surtout, la Malaisie, exemple éloquent puisqu’elle est un pays musulman.
Faire évoluer les règles de l’abattage rituel laisserait donc la porte ouverte aux exportations tout en fermant celle du possible amalgame entre abattage rituel et cruauté envers les animaux. Au vu des chiffres qui nous ont été transmis, au moins la moitié des animaux abattus rituellement sont en effet destinés à l’exportation.
Je veux aussi répondre à M. le ministre, qui tout à l’heure m’a prise à partie sur la laïcité. Je ne prétends pas diriger les cultes à la place de ceux qui en ont la charge, loin de là ; mais, je veux le souligner devant la représentation nationale, je suis laïque moi aussi, et, à ce titre, je n’ai pas envie de consommer, tous les jours, la viande d’animaux abattus dans des conditions qui ne sont pas celles que je souhaite, comme la jugulation directe. Personne ne veut étiqueter les carcasses…
Il est donc important de mettre un terme à l’abattage cultuel, tout en reconnaissant les possibilités que je signalais. J’ai ainsi défendu, madame la présidente, l’amendement no 1 .
Non, madame Gaillard, vous avez déjà défendu l’amendement no 2 et votre temps de parole est épuisé.
Non, madame la présidente, je n’ai évoqué que l’amendement no 1 . Le no 2 est différent.
Laissez-la parler ! Ce que dit Mme Gaillard est essentiel et courageux !
La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement no 14 . Pouvez-vous en profiter pour défendre le no 15, monsieur Lamblin ?
Bien volontiers : j’entendais en effet les défendre en même temps, madame la présidente.
L’étourdissement préalable est un sujet au moins aussi important que celui des caméras. Il est néanmoins difficile, car l’attente générale est que tous les animaux destinés à l’abattage soient étourdis avant d’être saignés. Comment concilier cette attente avec les exigences rituelles musulmanes et juives, qui veulent que l’animal, au moment où il est sacrifié, soit conscient, vigile, apparemment en bonne santé ?
Selon ces mêmes cultes, l’animal doit être paisible, non effrayé ; or on n’est pas sûr qu’il le soit, dans la mesure où, n’ayant pas été assommé, il peut être abattu après avoir vu son prédécesseur subir le sort qui l’attend. De surcroît, s’il est vigile, l’animal peut avoir des réactions de défense.
Des solutions permettraient pourtant de concilier les exigences des cultes et celles des personnes soucieuses du bien-être animal. La première est l’étourdissement préalable réversible : l’animal subit un étourdissement mais, si on ne lui fait rien d’autre, il revient à lui au bout de quelques minutes, intègre et en bonne santé au moment de subir la jugulation.
L’autre solution est celle d’un abattage selon le rite, mais dans lequel le geste sacrificiel de la jugulation est immédiatement suivi par l’étourdissement de l’animal : si l’étourdissement suit la jugulation de deux ou trois secondes seulement, la douleur du coup de couteau n’a pas le temps de se faire sentir. Cette opération est techniquement possible, et elle est d’ailleurs pratiquée.
On peut donc très bien, pour les différents cultes, laisser le choix entre ces deux options, sans en imposer une plutôt qu’une autre.
Une telle ouverture me semble préférable à un rejet global inspiré par un « politiquement correct » dans l’air du temps.
Le sujet, en effet difficile et important, a été abordé au sein de la commission d’enquête, où nous avons auditionné les responsables des cultes. La société s’est aussi emparée du débat, notamment à travers les associations qui se préoccupent de la souffrance animale.
Je veux rappeler, en préambule, que la mise à mort d’un animal est toujours une terrible souffrance ; mais, dès lors qu’on l’on décide de tuer des animaux à des fins de consommation, on peut, à tout le moins, tenter de diminuer cette souffrance autant qu’il est possible.
Mon amendement est de repli par rapport à ceux de Mme Gaillard et de M. Lamblin, que je soutiens par ailleurs : il prévoit en effet la remise d’un rapport « sur les possibilités de mise en oeuvre de l’arrêt de l’abattage des animaux sans étourdissement, de façon à évaluer la faisabilité de l’introduction de méthodes d’étourdissement réversibles sans contrevenir aux exigences des cultes ». Cette rédaction a été définie avec des associations afin d’être aussi précise que possible, l’objectif étant de sortir par le haut d’une situation intolérable.
Je veux aussi préciser, monsieur le ministre, que le problème est bel et bien d’ordre législatif, dès lors que le législateur peut revenir sur la dérogation aux règles européennes dont bénéficie la France. Nous sommes donc bien dans notre rôle en évoquant ce sujet ici.
Sur l’amendement no 1 de Mme Gaillard et l’amendement nos 14 de M. Lamblin, qui sont très proches, la commission a émis un avis défavorable, pour plusieurs raisons. La première est que les dispositions visées relèvent du niveau réglementaire. De fait, les dispositions relatives à l’abattage rituel figurent dans la partie réglementaire du code, en particulier aux articles R. 214-73 et suivants. Une inscription dans la loi ne nous semble donc pas utile.
Plus fondamentalement, ces amendements nous semblent inconstitutionnels : en l’état actuel des positions des autorités religieuses, imposer un étourdissement systématique reviendrait à interdire l’abattage rituel, ce que ne manquerait pas, très probablement, de censurer le Conseil constitutionnel, qui veille à la liberté de nos concitoyens de pratiquer leur religion.
Enfin, ces amendements nous semblent contre-productifs car ils figent les positions de façon antagonique. La solution préconisée par la commission d’enquête dans son rapport, et reprise par la proposition de loi, me semble plus pertinente : elle consiste à réunir tous les acteurs autour de la même table, celle du comité national d’éthique des abattoirs qui sera installé très prochainement, afin d’étudier les moyens de progresser sur le sujet.
Les consommateurs de confession juive ou musulmane ne sont pas moins sensibles à la question de la souffrance animale : c’est d’eux que viendra le changement, et la réflexion menée au sein du comité national d’éthique des abattoirs y contribuera, puisque les représentants des cultes y seront associés. Avis défavorable, donc, aux amendements nos 1 et 14 .
S’agissant de l’amendement no 2 de Mme Gaillard, l’idée de l’étourdissement post-jugulation est particulièrement intéressante ; elle a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses réflexions au sein de la commission d’enquête, dont Jacques Lamblin a été l’un des membres les plus actifs : je veux donc saluer son travail, car il a beaucoup apporté, en tant que parlementaire mais aussi en tant que professionnel vétérinaire. L’une des préconisations de la commission d’enquête, dans son rapport, est justement de modifier le dispositif réglementaire pour rendre possible une telle solution. Celle-ci est d’ailleurs déjà pratiquée, dans le cadre d’abattages rituels, avec l’accord des autorités religieuses ; mais la rendre obligatoire se heurterait, hélas, aux objections précédemment signalées. L’avis est donc défavorable.
L’argument est le même, donc l’avis aussi, sur l’amendement no 15 de M. Lamblin.
L’avis est également défavorable sur l’amendement no 56 , madame Abeille, puisque nous disposons déjà du rapport de la commission d’enquête, aux travaux de laquelle vous avez d’ailleurs participé – et je salue aussi votre implication. Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux – CGAAER – remettra lui aussi prochainement son rapport, et nous sommes impatients, monsieur le ministre, d’en prendre connaissance.
Il sera le même que celui exprimé par le rapporteur. Je veux néanmoins préciser deux choses.
Tout d’abord, le Gouvernement s’est préoccupé de ces questions à travers un rapport, commandé par le ministre au CGAAER, lequel a formulé un certain nombre de préconisations, qui se subdivisent en deux parties. La première a trait à la contention, sujet sur lequel nous pouvons avancer – en concertation, bien sûr, avec les représentants des cultes. La contention est l’un des éléments d’une bonne pratique du sacrifice par le sacrificateur.
Puis viennent les deux sujets évoqués, l’étourdissement réversible, pratiqué aujourd’hui sur les volailles, notamment, et l’étourdissement post-jugulation, qui intervient après l’égorgement de l’animal, en particulier s’agissant des bovins.
J’essaie d’avancer sur ces questions, mais je ne peux le faire qu’en discutant avec les représentants des cultes. Or la majorité des représentants du culte musulman, y compris au sein du Conseil français du culte musulman, sont opposés à un étourdissement post-jugulation. Il en va de même pour les représentants du culte juif, s’agissant de l’abattage casher.
Je suis bien placé pour connaître leur opposition, malgré mes explications : j’ai passé suffisamment de temps à discuter, en personne, avec les représentants des différents cultes, sans laisser mes services le faire à ma place.
Sur la question européenne aussi, je m’étais mobilisé, il y a bien longtemps, car, contrairement à ce qui a été dit, la dérogation est obtenue à ce niveau. Je m’étais battu pour éviter qu’elle ne revienne aux États, ce qui aurait conduit chaque pays à introduire une demande de dérogation, en fonction des religions de sa population. L’étourdissement est aujourd’hui le droit dans l’Union européenne ; les dérogations sont liées aux rites cultuels – à l’époque, certaines régions d’Europe posaient également la question des pratiques culturelles.
Je suis donc bien placé pour connaître les oppositions. J’entends vos arguments, mais s’il est possible d’organiser, sur ce sujet, une discussion laïque avec les représentants des cultes – et c’est d’ailleurs ce que nous faisons –, vouloir que la loi décide à leur place nous entraînerait dans un tout autre registre.
M. le ministre désigne les tribunes réservées au public.
Cette caméra, là-haut, est-elle autorisée ? Disposez-vous d’une autorisation, monsieur ? Je m’interroge.
C’est désagréable d’être filmé : c’est ce que doivent se dire les ouvriers des abattoirs…
Monsieur le ministre, ce journaliste, je le confirme, a bien l’autorisation de filmer : son badge en fait foi.
Je poursuis donc, madame la présidente.
S’agissant de l’étourdissement post-jugulatoire, tel est bien le sens dans lequel s’oriente la discussion que j’ai engagée. J’essaie de convaincre mes interlocuteurs de l’intérêt de cette technique.
De la même manière, l’électronarcose préjugulatoire est déjà pratiquée, en particulier dans les abattoirs bretons, pour des produits destinés à l’exportation, et j’en maintiendrai l’usage. L’étourdissement est bien réversible : à un certain ampérage, on peut voir une volaille se redresser après avoir été étourdie.
Mais engager des discussions est une chose, et légiférer en est une autre. Si nous avons mis en place des représentations des cultes, n’est-ce pas précisément pour disposer d’interlocuteurs sur de tels sujets ? Je ne peux donc pas être favorable à ces amendements, même si j’en comprends la logique.
Je le répète, des discussions sont en cours avec les représentants des cultes. J’essaie de répondre à l’intérêt commun conciliant le respect des rites musulmans et juifs avec la nécessité de progresser sur le bien-être animal, qu’il s’agisse des questions que vous avez évoquées ou d’autres aspects comme la contention, par exemple – une mauvaise tenue de l’animal peut en effet avoir des conséquences très graves lors de l’abattage.
Nous évoquons en fait deux sujets. Le premier est la laïcité et la liberté absolue de conscience reconnue dans notre pays. Nos concitoyens de confession juive et musulmane ont le droit de manger casher ou halal. Une loi qui les empêcherait d’acheter des viandes halal ou casher, produites en France, poserait un problème constitutionnel.
Or les représentants de ces deux religions, que j’ai pu également rencontrer à de nombreuses reprises, l’ont dit et redit : l’étourdissement, qu’il soit préalable ou postérieur à la jugulation, n’est pas casher ou halal. Que l’on soit ou non d’accord avec cette position, ils restent tout de même les mieux placés pour dire ce qui est conforme à leur religion ! Dans un pays laïque, il faut respecter la séparation entre la sphère publique et la sphère privée. Si les députés de la République se mettent à indiquer aux plus hautes autorités religieuses ce qui figure dans leurs livres sacrés, il ne s’agit plus d’une république laïque. Nous n’avons pas à nous en mêler : cela relève de la sphère privée, et il appartient donc aux responsables religieux concernés de préciser ce qui est casher ou halal.
Le second sujet a notamment été abordé par Mme Gaillard : il concerne les abattoirs qui, pour des raisons économiques, ne pratiquent que l’abattage rituel. C’est leur problème !
Pourquoi les abattoirs ne généralisent-ils pas l’étourdissement, alors qu’ils pourraient le faire ? Parce qu’il est plus rentable pour eux, de vendre une viande halal ou casher.
Enfin, que deviendrait la filière agricole française si la production de viande casher et halal était compromise par les dispositions proposées ? L’ensemble de la filière bovine, par exemple, réclame la possibilité de produire des viandes halal et casher, notamment pour les exporter.
C’est donc aussi un problème économique.
Il faut donc en rester à l’état actuel du droit. Surtout, n’ introduisons pas dans la loi l’étourdissement obligatoire !
En matière de souffrance animale, les vrais sujets sont celui des femelles gestantes et, en partie du moins, de l’abattage rituel. C’est pourquoi je regrette que nous ayons focalisé notre attention sur une question aussi secondaire que l’installation de caméras dans les abattoirs.
Je note au passage l’absence dans l’hémicycle de nos collègues du Front national : alors que nous les entendons bien souvent tenir des propos abrupts ou polémiques sur ce sujet, ils ne participent pas au débat.
Sourires.
Je souhaite par ailleurs rappeler l’importance économique d’un tel sujet. Dans certaines de nos régions, des entreprises exportent l’intégralité de leur production avicole, laquelle est abattue selon le rite musulman.
C’était le cas, hier, de l’abattoir Tilly-Sabco, dont l’activité, vous le savez, monsieur le ministre, s’est arrêtée, ce que nous regrettons tous.
Enfin, deux difficultés se présentent. Premièrement, le culte musulman n’est pas organisé comme le culte catholique. Il n’a ni hiérarchie, ni règle unique, mais autant de règles que de mosquées.
C’est exact !
Les responsables des abattoirs nous indiquent donc qu’ils reçoivent un représentant tantôt de la mosquée de Paris, tantôt de celle d’Évry ou de Lyon, chacun demandant de respecter des règles distinctes, plus ou moins exigeantes. Comment s’y retrouver ? Le Conseil français du culte musulman, qui prétend se faire le représentant de cette religion, est resté muet sur le sujet. Nous aurions pu au moins recevoir une règle, définie en accord avec les religions concernées. Nous n’en avons toujours pas. Si vous battez des records de longévité au ministère, monsieur le ministre, en cinq ans, cette question, elle, n’a pas progressé.
Deuxièmement, dans une usine destinant ses produits à la fois à une clientèle musulmane et à une clientèle « ordinaire », si j’ose dire, la procédure d’abattage ne change pas. On vend donc de la viande halal pour de la viande ordinaire. Il faut le dire, pour que nos concitoyens ne découvrent pas cette réalité par hasard.
Sur ce sujet, monsieur le ministre, des évolutions positives pourraient voir le jour, de façon à prévenir une réaction hostile à la viande chez nos compatriotes qui ne relèvent pas du culte musulman.
Mes amendements, ainsi que ceux de Mme Gaillard, n’ont pas pour but d’interdire ni d’empêcher la production de viande halal ou casher, mais, au contraire, de trouver une solution.
Certaines des mesures que nous proposons, M. Le Fur vient de l’évoquer, sont déjà appliquées en France. Ainsi, certaines mosquées acceptent l’étourdissement préalable réversible. Si des règles figurent dans le Coran, pourquoi sont-elles interprétées différemment selon les responsables religieux ? Cela est tout de même un peu curieux.
Circonstance aggravante, chacun doit savoir qu’en Malaisie, l’étourdissement préalable des animaux est de règle. Or ce pays exporte l’essentiel de ses viandes en Arabie Saoudite. La viande de boeuf consommée en Arabie Saoudite provient donc d’animaux qui ont été étourdis. Telle est la réalité !
Nos propositions ne sont donc pas formulées dans l’intention de compromettre les exportations françaises mais, au contraire, de les favoriser. Actuellement, comme vous le savez, monsieur le ministre, la dérogation européenne vaut pour la consommation intérieure. Exporter la viande issue de bêtes non étourdies nous place donc en infraction avec la règle européenne. Les mesures que nous proposons sont donc aussi, sur le moyen et peut-être le court terme, une façon de consolider la filière d’exportation française, halal et casher.
Il est difficile de traiter une question aussi fondamentale en deux minutes.
Cette discussion naît d’une contradiction entre une évolution sociétale sur la question de la souffrance animale, à l’origine de la loi que nous sommes en train d’écrire, et une position religieuse affirmant que l’animal ne souffre pas quand il est abattu selon les règles fixées par l’Ancien testament ou le Coran. Selon les docteurs de la loi, en effet, l’abattage rituel est neutre sur le plan de la souffrance animale. Monsieur le rabbin
Rires sur plusieurs bancs
– pardon, monsieur le ministre, vous qui avez rencontré les rabbins et les imams, vous avez dû entendre de tels propos. Vous n’êtes pas encore rabbin mais, à l’issue de ces conversations, vous y parviendrez certainement.
Sourires.
Vos interlocuteurs religieux sont donc convaincus de ne pas faire souffrir l’animal. De son côté, la proposition de loi que nous examinons est destinée à éviter la souffrance animale. Or la laïcité, en France, nous interdit d’intervenir dans les rites religieux. Nous n’avons pas le droit de déterminer ce qu’est prier dans une église, dans une mosquée ou dans une synagogue : là s’arrête la République.
Devons-nous considérer que les règles d’abattage sont strictement religieuses ? Dans ce cas, tous ces amendements n’ont pas lieu d’être. Devons-nous considérer qu’elles s’imposent au-dessus de la loi de la République ? Un véritable problème politique se poserait alors.
Ne pouvant intervenir que pour deux minutes, je ne répondrai pas aux questions que je viens de soulever.
Ces amendements, je le redis, ont pour seul objectif de trouver des solutions, non d’empêcher les cultes d’être pratiqués. Ces solutions existent : mon collègue, Jacques Lamblin, les a énoncées.
Je souhaiterais que nos débats ne conduisent pas à faire l’amalgame entre abattage rituel et cruauté envers les animaux. Or cela risque d’arriver si nous ne prenons pas de précaution. Nous avons vu ce qui s’est passé avec l’abattage traditionnel ; si nous n’avançons pas sur ces sujets, nous risquons, demain, de connaître de dramatiques déconvenues.
Par ailleurs, l’Allemagne, à la différence de la France, a introduit des quotas pour l’abattage des animaux en fonction des différents cultes. En Angleterre, la filière ovine est abattue sans précaution. D’autres solutions existent, que nous venons de présenter.
En outre, je rejoins les propos de M. Le Fur, d’autant que je m’étais déjà exprimée dans le même sens. Bien que n’étant ni musulmane, ni juive, ni catholique, mais simplement laïque,…
…je sais, malheureusement, que je mange, quasiment tous les jours, de la viande qui a été tuée dans des conditions qui ne me conviennent pas. Cela, nous devons le dire aux Français, pour qu’ils se rendent compte que la souffrance animale, est également extrêmement forte lors d’un abattage rituel, alors que nous pourrions l’éviter.
Je suis saisie de trois amendements, nos 3 , 16 et 40 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 3 .
Cet amendement, dont le contenu est proche de celui déposé par mon confrère Lamblin, vise à proposer une formation complémentaire aux salariés des abattoirs. Les travaux de la commission d’enquête ont en effet révélé l’insuffisance de la formation qui leur est actuellement demandée : les agents, malheureusement, n’ont pas exemple par reçu d’informations sur la souffrance animale et sur d’autres sujets similaires.
Cet amendement vise donc à faire en sorte que les agents opérant la mise à mort disposent d’un niveau de compétence approprié.
Je regrette que nous n’ayons pas pu avancer sur le problème posé par l’abattage rituel. Nous avions une occasion de le faire dans une ambiance constructive et consensuelle ; de telles conditions ne se retrouveront peut-être pas avant longtemps.
J’en viens à l’amendement, qui répond, lui aussi, au souci d’améliorer le niveau de formation des ouvriers qui travaillent dans les abattoirs.
Ces personnels doivent en effet mettre à jour leurs compétences en fonction de l’évolution des connaissance. S’il existe des gestes répétitifs, c’est bien ceux pratiqués par ces ouvriers ! Or la répétition, au millimètre près, du même geste pendant des années peut avoir des conséquences néfastes sur la qualité du travail, voire contribuer au développement de troubles musculo-squelettiques. Pourtant, les connaissances évoluent et on peut toujours améliorer les techniques.
En outre, la participation à une formation continue et un effort de remise à niveau sont valorisants pour les personnels concernés. C’est une donnée non négligeable quand on sait à quel point le recrutement des personnels des abattoirs est difficile. Toute mesure permettant de mettre en valeur le travail de ces ouvriers, qui accomplissent une tâche difficile, est donc intéressante et positive.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 40 rectifié .
Mon intervention va dans le même sens que celles de mes deux collègues. Nous avons beaucoup parlé de formation dans le cadre de la commission d’enquête mais, paradoxalement, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui ne contient aucune disposition en ce sens.
J’ai conscience que la demande de rapport est un procédé rebattu, mais il me paraît important d’évaluer l’offre existante en matière de formation, qu’elle soit initiale ou continue, et de formuler des propositions pour l’améliorer. Un tel travail aurait un sens et ne pourrait que bénéficier aux salariés des abattoirs et donc, indirectement, au bien-être animal.
C’est donc une démarche gagnant-gagnant qu’il s’agit de mettre en place. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour nous donner satisfaction.
La commission a émis un avis défavorable à l’amendement no 3 présenté par Mme Gaillard, et cela pour plusieurs raisons.
Nous partageons tous cette conviction : l’une des voies à suivre pour faire évoluer la situation est d’améliorer les conditions de travail des salariés et leur formation. De nombreuses propositions contenues dans le rapport vont dans ce sens. Pour autant, la plupart des améliorations possibles et souhaitables ne relèvent pas de la loi mais du règlement, voire, parfois, de pratiques propres à chaque entreprise.
Votre amendement, madame Gaillard, reprend en grande partie des dispositions déjà prévues par le règlement européen de 2009, en particulier aux articles 7 et 21, et par l’arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux conditions de délivrance du certificat de compétence concernant la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort.
Enfin, nous nous interrogeons sur l’inscription que vous proposez dans le code rural et de la pêche dans la mesure où l’article L. 214-18 concerne, sauf erreur de ma part, les foires aux bestiaux. Il s’agit là d’un détail, mais tous ces arguments ont conduit la commission à donner un avis défavorable à l’amendement.
Même arguments, et donc même avis défavorable en ce qui concerne l’amendement no 16 de M. Lamblin, dont l’esprit est semblable à celui de Mme Gaillard.
La commission a toutefois émis un avis favorable à l’amendement de M. Vitel. La question de la formation professionnelle des salariés est extrêmement importante, monsieur Le Fur. De nombreuses propositions sur ce sujet figurent dans le remarquable rapport de la commission d’enquête parlementaire…
…auquel ont participé, pour ne parler que de votre groupe, d’excellents collègues ici présents – je pense à M. Lazaro, qui a été très actif au sein de la commission d’enquête, ou à MM. Vitel, Lamblin et Chevrollier.
Il serait toutefois utile qu’un rapport vienne approfondir le sujet. C’est pourquoi la commission comme son rapporteur sont favorables à cet amendement.
La réflexion sur la formation est d’ores et déjà engagée à la suite du rapport rédigé par la commission d’enquête. Nous avons décidé, et cela figure dans la loi Sapin, de placer des référents en bien-être animal dans les abattoirs. Depuis nous nous préoccupons en toute logique de leur formation et de la mise en place d’un tutorat.
Je n’ai rien, à titre personnel, contre l’idée de rédiger un rapport, mais celui-ci n’est peut-être pas nécessaire. Il suffirait de demander – et c’est la proposition que je vous fais – à la direction générale de l’alimentation et à la direction générale de l’enseignement et de la recherche, qui ont commencé à travailler sur ces sujets, d’expliquer devant la commission des affaires économiques les pistes sur lesquelles elles travaillent. Un rapport ne contiendrait pas autre chose. Pour ma part, je suis prêt à discuter avec votre commission de ce qui a été entrepris en matière de formation, d’autant que les dispositions prises en ce domaine devront être régulièrement réactualisées.
Sur la demande de M. Vitel, je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée. Quant aux autres amendements, je n’y suis pas favorable. Mais je le répète, dans le domaine de la formation, la réflexion est d’ores et déjà engagée.
En résumé, sur les sept articles de la proposition de loi, le premier a survécu – mais il s’agit d’un article paisible et peu compliqué qui ne vise qu’à créer un comité, un de plus. Les articles 2 et 3 sont supprimés. L’article 4 est certes rétabli, mais pas tout à fait dans les mêmes termes…
C’est normal !
Me voilà rasséréné sur ce point.
L’article 5 est également supprimé, ainsi que l’article 7.
Soit : c’est une bonne nouvelle…
Quoi qu’il en soit, sur les sept articles qui composait la proposition de loi, il n’en reste plus que deux. Quant à nos demandes d’articles additionnels, à travers lesquels nous voulions résoudre les problèmes de l’étourdissement des animaux et de la formation, elles n’ont pas abouti. Je trouve cela dommage. Certes, la demande d’un rapport de notre collègue Vitel sauve un peu les apparences, mais seulement les apparences.
Je ne voterai pas contre le texte : je m’abstiendrai, considérant l’article 4 comme une avancée. Mais je trouve dommage que nous n’ayons pas profité de ces circonstances favorables pour aller beaucoup plus loin, car une telle occasion ne se représentera pas avant longtemps.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
L’amendement no 16 n’est pas adopté.
L’amendement no 40 rectifié est adopté.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
C’est un sujet très sensible que celui du respect de l’animal, principalement pour ce qui nous préoccupe ce soir, à savoir le respect de l’animal en abattoir, sujet qui affecte toute la filière de l’élevage.
Puisque nous arrivons au terme de l’examen de ce texte, je voudrais en quelques secondes expliquer pourquoi je m’abstiendrai de le voter. Lorsque vous êtes citoyen et député d’une circonscription où l’agriculture et la filière agroalimentaire sont très présentes et que vous avez vécu, pendant toute une législature, des fermetures d’abattoirs ou des avaries comme celles de Gad, Tilly-Sabco, AIM, situé dans le pays de Fougères, là où je vis, et que vous rencontrez les salariés de ces abattoirs qui vous expliquent à quel point la situation est compliquée, pour eux comme pour les entreprises, alors vous vous y prenez à deux fois avant de modifier la législation en profondeur. C’est pourquoi je milite pour l’expérimentation de la vidéosurveillance et non pour sa généralisation.
Je regrette qu’aujourd’hui nous ayons voté la généralisation, de façon plus ou moins masquée et sous couvert d’une expérimentation préalable. Quelle que soit le résultat de l’expérimentation, nous avons décidé ce soir de généraliser l’installation de caméras dans les abattoirs. C’est le premier point.
Je voudrais aussi souligner que les éleveurs et les acteurs de la filière agroalimentaire, notamment les personnels des abattoirs – mais j’ai une pensée particulière pour les éleveurs – aiment leurs animaux. Et les éleveurs doivent avoir le droit à l’erreur.
Samedi dernier, à l’occasion d’une cérémonie de voeux, un éleveur m’a raconté qu’en livrant un lot de porcs en Bretagne, il a été interpellé parce qu’un des animaux qu’il transportait avait subi une blessure, laquelle avait évolué très rapidement. Il a été convoqué par la gendarmerie pour y être sensibilisé à la notion de privation de soins, puis convoqué par le tribunal, qui a procédé à un rappel à l’ordre. Je suis favorable au bien-être des animaux, mais je veux aussi que nos éleveurs et la filière soient respectés. Voilà les quelques éléments que je tenais à mettre en avant.
Encore un mot, madame la présidente. Je n’ai pas pris beaucoup la parole ce soir, pour ne pas allonger les débats, mais je tiens à rappeler que c’est le groupe de l’Union des démocrates et indépendants qui a permis, grâce à un amendement que j’ai déposé, le renforcement drastique des sanctions prévues en cas de maltraitance. Nous avons en effet multiplié par deux les sanctions pénales et par quatre les sanctions financières. C’est le principal dispositif, qui est d’ordre législatif, alors que le reste était plutôt d’ordre réglementaire et ne justifiait pas qu’on recoure à la loi.
Je dois avouer que j’étais un peu inquiète tout à l’heure, en entrant dans l’hémicycle. Je me demandais si j’allais voter le texte, compte tenu de la manière dont il avait été malmené par la commission des affaires économiques.
Toutefois, je le voterai, car j’estime que le dispositif de contrôle vidéo constitue une avancée significative, même s’il n’est pas évoqué dans les termes prévus au départ.
Je tiens aussi à revenir sur la commission d’enquête. À l’Assemblée nationale, c’était la première fois qu’on s’intéressait au sujet de cette façon-là. Des lanceurs d’alerte ont pu, par leur action, susciter un travail parlementaire, qui a été un travail de fond. C’est peut-être normal, mais ce n’est pas toujours le cas. Au-delà du texte, le rapport a donc été essentiel. Je le juge même plus intéressant, car ses préconisations vont plus loin, mais la proposition de loi constitue néanmoins un début intéressant. Je vous invite donc à la voter.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
À titre personnel, je m’abstiendrai. Si nous avons avancé par rapport au texte de la commission, nous aurions pu prendre des décisions au sujet de l’abattage rituel. Je regrette que cela n’ait pas été le cas.
L’honnêteté m’oblige à reconnaître que, dans notre groupe, les positions sont diverses, ce qui est tout à fait respectable. Nous sommes attachés à la liberté de vote.
Je salue l’engagement de mes collègues, notamment celui de M. Lamblin qui, à titre professionnel et personnel, connaît ces questions. Cependant, en leur nom, des membres de notre groupe s’opposeront au texte. Qu’en restera-t-il, en effet, sinon que l’on contrôlera un peu plus les ouvriers des abattoirs ? Eux qui étaient déjà contrôlés par les services vétérinaires, ils seront désormais tracés, suivis en permanence, ce qui traduit un manque de confiance, voire une défiance.
De plus, comme tout ne marchera pas toujours parfaitement, par exemple parce qu’on n’aura pas filmé tel ou tel moment de l’abattage, ces dispositions finiront par créer des difficultés pour nos secteurs économiques.
Nous traversons une crise agricole considérable, jointe à une crise du monde agroalimentaire. Il y a des décisions à prendre dans le domaine de la protection animale – il fallait essayer de progresser sur les questions très délicates de l’abattage rituel ou des femelles gestantes –, mais mettre systématiquement en cause le monde ouvrier et le monde agroalimentaire, qui travaille dur, ne me semble pas une bonne solution.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Vous vous en doutez, notre groupe est ravi du vote de cette proposition de loi.
L’affaire semblait mal engagée après la discussion en commission des affaires économiques, mais la qualité du débat mené par le ministre, la présidente de la commission et le rapporteur a permis de dépasser certains clivages un peu artificiels.
Le texte est une avancée fondamentale vers une plus grande reconnaissance de la sensibilité des animaux. Bien sûr, beaucoup d’autres problèmes sont posés à notre société, à notre monde, à notre pays, mais cela vaut la peine de toucher à ces questions. Nous ne remettons en cause ni l’industrie de la viande ni l’industrie agroalimentaire, en dépit du rôle de porte-voix joué par certains députés. C’est déjà une avancée, je l’ai dit, qu’on procède dans les abattoirs de manière un peu plus humaine.
La proposition de loi est adoptée.
Je tenais à vous remercier, madame la présidente, d’avoir accepté de prolonger nos travaux, ce qui nous a permis de voter cette loi à une heure décente. Je vous remercie également pour la qualité de votre présidence. Je remercie également le ministre, avec qui j’ai travaillé.
En commission des affaires économiques, je me suis retrouvé dans une situation paradoxale, puisque j’ai voté contre la proposition de loi que j’avais défendue. Ce soir, je l’ai votée avec un grand enthousiasme et je suis heureux de l’avancée majeure pour la protection animale à laquelle nous avons procédé ce soir. C’est pour moi un grand plaisir que d’avoir participé à ce moment important.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Prochaine séance, mardi 17 janvier, à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-deux heures vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly