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Les auditions ont été nombreuses et ont permis d’entendre toutes les parties : éleveurs, directeurs d’abattoirs, représentants d’associations, syndicats de salariés, consommateurs, universitaires et pouvoirs publics. Ces travaux ont abouti à la publication d’un rapport comportant une soixantaine de propositions organisées autour de plusieurs thématiques telles que l’évolution des règles existantes, le renforcement de la formation et des contrôles ou encore la modernisation des équipements. Certaines d’entre elles figurent d’ailleurs dans la présente proposition de loi.
Selon les chiffres de 2016, les abattoirs français sont répartis en 960 sites industriels dont 263 sites de boucherie chargés d’abattre 3,5 millions de tonnes de bovins et 670 millions de tonnes de volaille. Les abattoirs, ce sont aussi et surtout des femmes et des hommes, car ils comptent près de 80 000 salariés. La profession connaît de réelles difficultés, découlant notamment des cadences et de la dureté du métier. Loin d’être un métier facile, l’abattage est souvent décrié comme une activité ingrate. C’est oublier qu’une majorité d’abatteurs exercent leur métier avec sérieux et professionnalisme.
Surtout, face à une concurrence internationale de plus en plus exacerbée, il importe de soutenir une filière française à 100 %. Ce maillage territorial des abattoirs est essentiel pour des raisons d’emploi mais aussi de transport et de proximité. Or, si ces outils d’abattage disparaissaient demain, les filières seraient contraintes d’envoyer leurs animaux dans des abattoirs étrangers sur lesquels nous n’avons aucune prise ni aucun contrôle. Dans un tel contexte, il nous serait impossible d’exiger la moindre norme en matière d’éthique, de transparence et de traçabilité. Il faut conserver cette réalité à l’esprit.
Pour autant, les dérives constatées au cours des derniers mois dans certains établissements nous obligent à agir. Il faut agir afin que le bien-être animal soit mieux pris en considération et que tout acte de maltraitance à leur encontre expose à des sanctions suffisamment dissuasives. Tel est le sens d’un amendement que le groupe UDI a proposé et fait adopter en commission. Il faut aussi agir pour accroître la fréquence des contrôles, mais en les confiant à des professionnels et des services dont c’est le métier, notamment les services vétérinaires, et non à des parlementaires s’érigeant soudainement en journalistes d’investigation. Il faut enfin agir en vue de l’adoption de nouvelles mesures de protection renforçant la transparence et le contrôle.
S’agissant des mesures de transparence, les mesures prévues au titre Ier de cette proposition de loi sont intéressantes. Ainsi, le groupe UDI soutient la création d’un Comité national d’éthique des abattoirs prévue à l’article 1er. Cette nouvelle enceinte devrait permettre à tous les acteurs de la filière ainsi qu’aux représentants d’associations et aux consommateurs de dialoguer et de donner leur avis sur les conditions dans lesquelles est organisée et effectuée la mise à mort des animaux.
L’évolution des pratiques au sein des abattoirs français relève assurément de dispositions législatives et réglementaires, mais surtout de l’échange de bonnes pratiques au sein de ce comité ainsi qu’au niveau local. Ainsi, la présence de représentants des salariés au sein de cette instance nous semble constituer un ajout appréciable découlant de l’examen du texte en commission. Les résultats seront au rendez-vous seulement si la profession est associée à cet effort de dialogue et de transparence. Nous approuvons également la création des comités locaux de suivi, prévue à l’article 2. Sous l’autorité des préfets, ces structures auront vocation à rassembler autour des réalités locales tous les acteurs : les exploitants, les services vétérinaires, les bouchers, les associations de protection animale, les associations de consommateurs et les élus.
S’agissant des mesures de contrôle, le groupe UDI peut soutenir la présence obligatoire d’agents des services vétérinaires aux postes d’étourdissement et de mise à mort dans les abattoirs de plus de cinquante salariés, prévue à l’article 3. Le rapport de la commission d’enquête a montré le retard qu’accuse la France sur ses voisins européens dans ce domaine : notre pays compte 2 511 agents chargés des contrôles vétérinaires, contre 4 500 en Allemagne et 6 000 en Italie. En revanche, au lieu de procéder dès aujourd’hui à une généralisation obligatoire de la vidéosurveillance dans tous les abattoirs, nous proposons d’expérimenter au préalable ce dispositif. Tel est le sens d’un amendement que nous avons déposé et que nous examinerons tout à l’heure. L’enjeu est d’évaluer l’efficacité et la pertinence d’un tel dispositif, avant tout projet de généralisation.
Je rappelle que, lors de son audition par la commission d’enquête, la responsable du service des questions sociales de la Commission nationale de l’informatique et des libertés – la CNIL – avait émis des réserves sérieuses sur la légitimité d’un tel procédé. Il serait préférable de trouver une solution moins intrusive pour des salariés dont les conditions de travail sont déjà relativement compliquées.
Enfin, ce projet pourrait ouvrir la voie à une surveillance de tous ceux qui, de près ou de loin, travaillent avec des animaux : éleveurs, transporteurs, ou encore bouchers – où sera la limite ? Nous devons rester pragmatiques et expérimenter ce dispositif au préalable, tout en restant fermes sur les contrôles et les sanctions.
La priorité est aussi d’oeuvrer pour une responsabilisation et une meilleure formation des salariés. À cet égard, j’ai été sensible à la proposition de Laurent Furst consistant à créer un « droit à abattre », afin de mieux encadrer les pratiques. En revanche, la proposition initiale du rapporteur, visant à autoriser les élus à effectuer des visites inopinées des abattoirs, accompagnés de journalistes, me semble totalement inappropriée. Ce droit de visite constituerait une évolution surprenante de notre droit et sa constitutionnalité pose question. Faut-il rappeler que les abattoirs sont des espaces privés ? Nous nous félicitons que cette disposition ait été supprimée en commission.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pensons pas qu’il faille organiser un système fondé sur la défiance généralisée, le soupçon et le procès d’intention. L’objectif est d’organiser une société fondée sur la responsabilité ; le but est de sévir contre tous ceux qui, par des comportements indignes, ternissent l’image de leur profession et trahissent le code de l’honneur.
C’est pourquoi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants accueille favorablement les dispositions prévues à l’article 6, notamment l’extension de la possibilité pour les associations de protection des animaux de se constituer partie civile pour les infractions pénales relevant du code rural et de la pêche maritime.
La commission a également prévu une harmonisation des sanctions pénales. Je me félicite surtout qu’elle ait adopté mon amendement visant à renforcer de manière drastique les sanctions prévues en cas de maltraitance avérée. Avec mes collègues du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, j’ai proposé de multiplier par deux les sanctions pénales – de six mois à un an d’emprisonnement – et par quatre les sanctions financières – l’amende minimum étant portée à 20 000 euros.
Mes chers collègues, la majorité du groupe de l’Union des démocrates et indépendants pourrait voter cette proposition de loi à condition qu’elle privilégie une approche équilibrée, responsable, sans pour autant perdre sa visée initiale, à savoir améliorer le traitement des animaux, responsabiliser la profession et non stigmatiser l’ensemble des salariés.
Nous pouvons agir collectivement pour obtenir un texte mesuré. Avec les députés de l’Union des démocrates et indépendants, nous disons oui à la transparence, oui à la création du Comité national d’éthique des abattoirs, oui aux comités locaux de suivi, oui au renforcement des contrôles et des pénalités – sur notre initiative –, oui à l’expérimentation de la vidéosurveillance et oui aux actions de groupe ! Loin d’être anecdotiques, ces mesures pourraient permettre, j’en suis convaincu, d’améliorer les conditions d’abattage au bénéfice de tous, des hommes comme des animaux.