Le projet de loi que nous examinons ce matin constitue une étape décisive dans le processus de refondation de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) engagé par notre majorité en 2012. Chacun peut mesurer, dans nos territoires, le rôle majeur que joue cette association dans le système français de formation professionnelle. Reconnue pour son expertise et son savoir-faire, l'AFPA garantit en effet, depuis plus de cinquante ans, l'accès à la qualification et l'adaptation aux mutations du marché du travail.
L'association a vu toutefois son fonctionnement bouleversé par le nouveau paysage de la formation professionnelle, qui a connu deux évolutions majeures.
La première est la décentralisation de la formation professionnelle, qui a conduit l'AFPA à exercer ses missions dans un cadre régionalisé, tout en restant, jusqu'à récemment, placée sous la tutelle de l'État. Son modèle économique n'a ensuite pas survécu à la fin du financement direct de l'association par l'État en 2009. La division régionale des commandes s'accompagne désormais de financements plus aléatoires que les recettes antérieures de l'État, qui étaient stables et prévisibles, aussi bien que substantielles, à hauteur de 1 milliard d'euros.
L'ouverture soudaine du secteur de la formation professionnelle à la concurrence constitue la seconde évolution majeure. À cet égard, on peut s'interroger sur la lecture extrêmement stricte, voire radicale, qu'a faite le Conseil de la concurrence de la directive « Services ». En tout état de cause, ce nouveau contexte a placé l'AFPA face à des exigences entrepreneuriales et concurrentielles étrangères à son histoire et à son mode de fonctionnement. Faute d'un accompagnement suffisant des pouvoirs publics ou d'une vision stratégique claire, elle n'a pu opérer sa reconversion que de manière tardive et à marche forcée. Il en est résulté un déséquilibre financier structurel qui menace, depuis plusieurs années, son existence même. L'association a donc été contrainte de puiser dans sa trésorerie pour assurer son fonctionnement de base et a nourri un déficit d'exploitation devenu chronique.
L'improvisation en matière de politique patrimoniale n'a pu qu'aggraver ses difficultés. En 2009, la précédente majorité avait prévu de transférer à l'AFPA les biens immobiliers de l'État, à titre gratuit et sans contrepartie particulière, notamment en matière d'exécution des missions de service public. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel l'année suivante, laissant l'association dans la plus profonde incertitude en matière immobilière et financière.
Ainsi, à la fin de la législature précédente, l'AFPA était une association au bord du défaut de paiement, sans vision stratégique ni plan de redressement.
Un choix radicalement différent a été opéré à partir de 2012, sous l'impulsion du Premier ministre Jean-Marc Ayrault : un plan de refondation a été signé le 15 novembre 2012, accompagné d'un soutien financier du Gouvernement à hauteur de 200 millions d'euros. Une nouvelle direction, sous l'égide d'Yves Barou, a pris les commandes de l'AFPA et s'est engagée dans une politique déterminée de réduction des coûts fixes, reposant notamment – il faut bien le dire – sur la baisse des effectifs et le report de certaines dépenses. Des efforts ont donc été consentis et ils ont été maintenus jusqu'à aujourd'hui.
Notre majorité a également clarifié la politique patrimoniale de l'AFPA en prévoyant, dans la loi du 5 mars 2014, la possibilité pour les régions de demander à l'État la cession de ces biens dans le cadre d'un projet de site conclu avec l'AFPA. Puis, la loi « Rebsamen » de 2015 a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer la nouvelle agence, qui a vu le jour le 1er janvier dernier en lieu et place de l'association. L'ordonnance du 10 novembre 2016, que le présent projet propose de ratifier, en définit donc les principales caractéristiques, que je rappellerai ici en quelques mots et qui n'appellent pas de modifications de ma part.
Le premier chapitre de l'ordonnance définit les missions et l'organisation de la nouvelle agence. Les missions historiques de l'AFPA sont confortées, notamment la formation et la qualification des personnes les plus éloignées de l'emploi, de même que la politique de certification nationale ainsi que l'égal accès des hommes et des femmes à la formation et au service public de l'emploi. Mais l'ordonnance définit également d'autres missions, qui constituent le « complément normal des missions de service public » et pourront être réalisées par les filiales de l'agence. Tel est l'objet des deux nouvelles filiales de l'AFPA, consacrées respectivement à la formation des demandeurs d'emploi et à celle des salariés.
J'en viens à l'organisation de l'AFPA. Celle-ci sera dirigée par un directeur général nommé après avis du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CNEFOP) et administrée par un conseil d'administration quadripartite où seront notamment représentés l'État, les régions, les partenaires sociaux et des personnalités qualifiées. La nouvelle directrice de l'AFPA, Pascale d'Artois, a d'ores et déjà pris ses fonctions au début du mois.
Les ressources de l'AFPA, enfin, seront constituées des redevances pour service rendu, du produit des ventes et locations et des emprunts. J'ai appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de garantir l'inclusion des subventions versées par les régions à l'AFPA dans les ressources, et je veillerai, d'ici à l'examen du texte en séance publique, à obtenir confirmation sur ce point.
Le second chapitre de l'ordonnance contient les dispositions transitoires relatives notamment aux transferts des biens immobiliers de l'État et des contrats de travail conclus antérieurement par l'association. À cet égard, je souhaite insister tout particulièrement sur l'enjeu déterminant que représente le transfert, à titre gratuit, à l'AFPA de 116 sites immobiliers, auxquels s'ajoutent deux sites de la région Bourgogne-France-Comté. Contrairement au transfert prévu sous la précédente législature, celui-ci prévoit explicitement l'affectation des sites aux missions de service public, garantissant ainsi la continuité de l'accès aux services de formation professionnelle. L'ordonnance crée ainsi les conditions d'un renforcement juridique et organisationnel de l'AFPA, notamment au regard du droit de l'Union européenne puisque la Commission a validé ce dispositif, moyennant la création des deux filiales. Je tiens, du reste, à saluer ici l'étroite concertation entre le ministère du travail et la Commission européenne, qui a permis de clarifier le statut juridique de l'AFPA et d'éviter l'enclenchement de toute procédure relative à l'existence d'aides d'État.
Je ne méconnais pas les difficultés qui attendent la nouvelle agence. Sur le plan financier, en particulier, sa situation reste extrêmement fragile, car ses besoins de trésorerie se maintiennent à un niveau très élevé. Ces inquiétudes m'ont d'ailleurs été confirmées par les syndicats de l'AFPA que j'ai rencontrés hier.
La seule création d'un nouvel établissement public n'est donc pas, en soi, une garantie suffisante pour assurer l'avenir de l'AFPA. Elle en crée toutefois les conditions nécessaires et offre à l'agence toutes les souplesses dont elle a besoin, non seulement pour reconquérir les parts de marché perdues et adapter son offre de formation au nouveau marché du travail, mais aussi pour contribuer à l'émergence et à l'organisation des nouveaux métiers et de nouvelles compétences, ainsi que pour développer une prospective de l'évolution des compétences adaptée au marché local de l'emploi.
Chacun peut donc mesurer le chemin parcouru sous cette législature. Les conditions du redressement de l'AFPA et de son adaptation au nouveau contexte économique sont désormais établies. Bien entendu, nous devrons observer attentivement les premiers pas de la nouvelle agence, mais nous pouvons d'ores et déjà lui renouveler toute notre confiance. C'est pourquoi je vous invite à adopter le projet de loi.