L'AFPA est, en effet, confrontée, depuis les années 2000, aux évolutions du marché de la formation. Non seulement la compétence en matière de formation professionnelle a été décentralisée et les crédits budgétaires concernés transférés aux régions, mais le secteur de la formation professionnelle a été ouvert à la concurrence, ce qui s'est traduit, pour l'AFPA, par une perte de près de 25 % de ses parts de marché depuis 2009. À ces difficultés s'ajoute la question récurrente de la gestion du patrimoine immobilier historiquement mis à disposition de l'AFPA par l'État, qui s'est beaucoup dégradé.
Pour redresser la situation, l'AFPA a fait l'objet d'un plan de refondation. Quant à sa transformation en EPIC dans le présent projet de loi, elle vise, d'une part, à régler le problème de la dévolution du patrimoine immobilier à la structure, d'autre part, à adapter son cadre juridique à ses activités concurrentielles.
Si la transformation de l'AFPA en EPIC doit dépasser les clivages politiques – la nouvelle agence doit rester un acteur majeur du paysage de la formation professionnelle –, la manière dont vous avez conduit la réforme ne peut satisfaire les membres du groupe Les Républicains. Celle-ci souffre, en effet, d'un déficit majeur en matière de dialogue social et traduit un véritable mépris du quadripartisme. Près de six mois ont été perdus.
Les régions – notre collègue Gérard Cherpion, président de la commission Emploi et formation des Régions de France, le dirait mieux que moi – vous ont alerté dès juillet sur les risques majeurs qui pèsent sur votre projet, du fait du droit communautaire de la concurrence et de l'atteinte à la décentralisation de la compétence en matière de formation des demandeurs d'emploi. Dès le départ, les régions avaient défendu le principe de la filialisation de la formation de ces derniers, que vous avez dû ensuite intégrer, contraints et forcés, après que votre projet eut été retoqué par la Commission européenne et le Conseil d'État. La secrétaire d'État, qui a fait la sourde oreille, a attendu fin septembre pour recevoir les représentants des régions : on peut parler de temps perdu !
Vous affichez ainsi un mépris des partenaires sociaux et des régions, dont je rappelle qu'elles versent 400 des 700 millions que compte le budget de l'ex-AFPA, l'État n'y contribuant qu'à hauteur d'à peine 100 millions.
Votre calendrier, que nous jugeons intenable, compromet la réussite de votre réforme et l'adhésion des personnels et des acteurs à celle-ci. Le principe d'une transformation de l'AFPA en EPIC date, je le rappelle, de la loi du 17 août 2015. Pourquoi avoir perdu autant de temps ? On peut également s'interroger sur le respect témoigné aux personnels de l'AFPA, laissés dans l'incertitude la plus totale. Comment pourraient-ils adhérer à une réforme qui peut paraître improvisée et qui n'a, en tout cas, fait l'objet d'aucune concertation ? Nous voulons apporter à tous ces personnels notre soutien et notre confiance.
Sur le fond, plusieurs aspects de la réforme ne laissent pas de nous étonner. L'article 1er de l'ordonnance mentionne expressément la création d'un établissement public d'État, alors que de tels établissements n'existent pas – on parle d'établissements publics nationaux. En réalité, vous souhaitez recentraliser une compétence parfaitement assumée par les régions, en contradiction avec votre réforme territoriale même et l'attribution aux régions de la mise en oeuvre du plan « 500 000 ». Ainsi, vous reprenez d'une main ce que vous avez donné de l'autre.
Il en va de même en ce qui concerne les missions. Si l'EPIC a tout son rôle à jouer s'agissant de l'ingénierie des titres et la certification, l'article 1er dispose qu'il « développe une expertise prospective de l'évolution des compétences adaptées au marché local de l'emploi ». Ce faisant, vous créez manifestement un doublon puisque les CARIF-OREF (Centres animation ressources d'information sur la formation-Observatoire régional emploi formation), cofinancés par l'État et les régions, accomplissent déjà cette tâche.
Quant à l'organisation de l'EPIC, monsieur le rapporteur, rien n'est réglé. L'article 1er de l'ordonnance dispose que « les activités prévues de formation des personnes en recherche d'emploi et de formation des personnes en situation d'emploi sont mises en oeuvre au moyen de filiales ». Le décret du 15 novembre 2016 renvoie l'organisation de ces filiales au conseil d'administration de l'EPIC. Qu'en sera-t-il s'agissant de la filiale relative à la formation des demandeurs d'emploi ? Les régions pourront-elles être à la fois acheteuses de formations, soumises au droit de la commande publique, et membres du conseil de surveillance d'une filiale intervenant dans un champ concurrentiel ? Pourront-elles, autrement dit, être à la fois juge et partie ?
Ce texte pâtit de l'impréparation la plus totale. Nul doute que, là encore, le Conseil d'État, voire le Conseil constitutionnel, sauront vous rappeler les règles élémentaires du droit et, le cas échéant, censurer votre texte.
En matière de couverture territoriale, rien n'est résolu non plus. Aucune concertation n'a été menée avec les élus locaux. Vous avez transféré la propriété de 113 sites au nouvel EPIC, mais quel sera l'avenir des vingt-cinq sites qui ne l'ont pas été ? Enfin, vous laissez à vos successeurs l'héritage de la situation financière de l'AFPA et le soin de mettre en place le contrat d'objectifs et de performance.
En conclusion, contrairement à ce que nous avons pu entendre à l'instant, nous considérons que l'AFPA est un organisme de formation important, différent des autres, assumant des charges supplémentaires telles que l'hébergement, et nous souhaitons vivement qu'elle puisse continuer d'agir comme elle le fait depuis soixante-dix ans, en particulier auprès des demandeurs d'emploi. Votre réforme, même amendée sous la contrainte, ne répond pas à l'ensemble de ces objectifs ; le groupe Les Républicains le regrette.