Monsieur le député, je vous prie tout d’abord d’excuser Jean-Jacques Urvoas, ministre de la justice, garde des sceaux, qui m’a chargé de vous répondre. Votre question touche un sujet de fond, éminemment complexe et qui bouscule les rapports traditionnels de la souveraineté des États sur ce nouveau terrain qu’est le cyberespace.
Les magistrats et enquêteurs sont directement concernés par ces difficultés, qui s’accroissent au fur et à mesure du développement de la société numérique, notamment sous l’impulsion de sociétés privées internationales avec qui le dialogue doit être à la fois de qualité et exigeant.
Précisément, dans le cas de figure que vous avez évoqué, monsieur le député, la réponse sera différente selon le type de données demandées. Les données de connexion peuvent en effet être obtenues directement, sur la base d’une coopération volontaire de la société.
En revanche, l’obtention des données de contenu – comme des correspondances écrites – nécessite de recourir à une demande formelle d’entraide pénale internationale selon la loi américaine, sauf cas d’urgence vitale.
Pour le moment, chaque société ou entreprise peut adopter sa propre politique afin de filtrer les demandes des autorités judiciaires : il existe donc un véritable besoin d’harmonisation.
Les États-Unis eux-mêmes sont confrontés à une situation similaire suite à un arrêt dit Microsoft d’une cour d’appel américaine en date du 14 juillet 2016. Le juge américain ne peut pas faire saisir directement le contenu des courriels s’ils sont stockés en dehors du territoire des États-Unis sans passer par une demande d’entraide pénale internationale.
Une décision récente de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 décembre 2016, qui remet en cause les règles relatives à la conservation des données de connexion, accroît encore la nécessité de revoir ces équilibres.
Ce débat est porté à la fois au niveau du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne : le gouvernement y prend part avec beaucoup de détermination, afin d’y apporter les réponses les plus conformes aux principes généraux du droit.