Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 18 janvier 2017 à 21h30
Lutte contre l'accaparement des terres agricoles et développement du biocontrôle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Au cours du XIXe siècle, les agriculteurs – pas tous – sont progressivement devenus propriétaires. La loi sur le fermage de 1946 est apparue comme une libération. Auparavant, tous les agriculteurs pouvaient être évincés de la terre qu’ils cultivaient à la Saint Michel ; le fermage ne durait qu’un an, ce qui empêchait tout investissement. Il a fallu attendre la réforme de Tanguy-Prigent, qui nous a permis – en particulier en Bretagne, grande région agricole comme chacun sait – de pouvoir investir grâce à des baux de neuf ans reconductibles, le propriétaire ne pouvant reprendre sa terre que pour l’exploiter lui-même. C’était là protéger l’exploitant.

À ces outils sont venus s’ajouter les SAFER – vous en avez parlé. Dans ce modèle agricole familial, le paysan contrôle les investissements et décide lui-même d’un certain nombre de choix – chez nous, cela a été celui de l’élevage, qui nous a permis de conserver une population importante et des campagnes vivantes. Cette vitalité, cette diversité, avec les appellations d’origine contrôlée, avec une agriculture qui peut être biologique, mais qui est toujours productive à l’hectare, en tout cas bien plus que dans certaines régions, cette agriculture ancrée dans nos territoires, avec à la fois des circuits courts et des circuits longs, c’est le socle de notre développement rural. Vous comprendrez donc que j’y sois particulièrement attaché.

Ce type d’agriculture repose bien entendu sur des outils, parmi lesquels le contrôle du foncier. Nous l’avons vu, celui-ci présente des failles puisque des fonds spéculatifs ont pu acquérir un certain nombre de terres. Cela pose le problème du devenir de l’agriculteur : peut-il conserver son indépendance, ou n’a-t-il d’autre choix que de devenir le tâcheron de ces grandes multinationales, qui peuvent très bien reprendre les terres pour les exploiter elles-mêmes à des fins d’exportation ? Ce n’est pas là interrogation théorique : en Afrique, certaines cultures spéculatives prennent la place des cultures vivrières ; au XIXe siècle, la crise de la pomme de terre n’a pas empêché les grands propriétaires anglais qui possédaient des exploitations dans l’est de l’Irlande de continuer à exporter du blé vers l’Angleterre, tandis que l’Irlande voyait sa population diminuer de moitié, passant de 6 à 3 millions d’habitants à une période où la plupart des pays européens voyaient la leur multipliée par deux, par trois ou par quatre. Bref, la souveraineté alimentaire a son importance.

Je tiens à remercier M. le ministre. Tu es un bon ministre, Stéphane ! Je te l’ai déjà dit, et chacun sait que quand j’ai quelque chose à dire, je le dis sans détours. Il était en effet de bon aloi de revenir sur le sujet, avec l’article 1er, qui impose l’obligation de passer par une société de portage et renforce le pouvoir des SAFER en étendant leur pouvoir de préemption. Cela me paraît particulièrement important.

La profession est à peu près d’accord, à une petite désunion syndicale près – mais très légère. Néanmoins, je comprends les réserves de certains de mes collègues, en particulier celles de Antoine Herth. Certes, nous n’aurons pas réglé tout le problème du foncier pour autant, mais du moins aurons-nous réglé celui des fonds spéculatifs. C’était important. Reste celui des groupements fonciers agricoles, les GFA, mais cela fera l’objet d’une autre loi.

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