Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi en faveur de la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et du développement du biocontrôle est réellement bienvenue, tant il est urgent d’agir pour sauver nos territoires ruraux et les préserver des risques liés à la tentation d’une agro-industrie spéculative démesurée. Nous commençons à percevoir, sur la propriété des terres et des vignobles, les limites économiques, le coût social et environnemental du capitalisme spéculatif. Les rachats de terres par de grands groupes français ou internationaux se multiplient. Les terres passent des propriétaires fonciers à des propriétaires financiers, qui n’ont cure du développement local. Nous faisons face à un défi écologique et social considérable pour nos territoires ruraux, qui devrait mobiliser un grand nombre de producteurs, puisque les mécanismes en question ont pour objet d’accaparer la valeur ajoutée productive.
En effet, le développement de l’agroécologie suppose un accompagnement législatif, dont la maîtrise de la gestion des structures agricoles est l’une des clés de voûte. Oui, la lutte contre l’accaparement des terres est un outil indispensable pour promouvoir l’agroécologie et garantir la souveraineté alimentaire du pays. Comme vous, je regrette que le Conseil constitutionnel ait censuré les dispositions relatives au foncier agricole introduites dans la loi Sapin II. Si tout le monde s’accorde aujourd’hui sur la nécessité de réguler nos productions pour mieux répondre à notre besoin alimentaire, peu de nos concitoyennes et concitoyens, à commencer par les agricultrices et les agriculteurs, ont intégré la dimension humaine, sociale et sociétale que renforce cette évolution vers une économie alimentaire des territoires. Or, la répartition du foncier agricole entre agriculteurs et la définition du statut de l’actif agricole sont tout aussi importantes pour une agriculture durable que la préservation des terres agricoles, naturelles et forestières.
De même, le titre II de la proposition de loi constitue l’affirmation de notre capacité à privilégier des systèmes d’agriculture et d’élevage plus respectueux de la nature, ainsi que de notre responsabilité collective en la matière. En effet, l’utilisation des produits de biocontrôle, tels que définis dans la loi de 2014, doit être soutenue, encouragée et accompagnée. Les préparations naturelles peu préoccupantes – PNPP – doivent bénéficier du même regard que les produits de biocontrôle ; elles nécessitent une bonne connaissance du milieu naturel et de son équilibre. Je suis satisfaite que la commission des affaires économiques ait fait évoluer les dispositions sur ce point, en y intégrant les substances de base.
Je défendrai deux amendements, à l’initiative de ma collègue Michèle Bonneton. Le premier a pour objet de préciser expressément que l’utilisation des produits de biocontrôle, et pas seulement celui des « médiateurs chimiques », n’exige pas de posséder le certificat Certiphyto. Le second amendement vise à faciliter l’accès des aidants familiaux qui le souhaitent à des formations Certiphyto, notamment s’ils sont amenés à utiliser des produits dangereux.
Enfin, nous n’avons pas réussi à inscrire dans la loi que les conseillers prescripteurs soient distincts des commerciaux, ce qui contribuerait à réduire réellement et efficacement l’usage des produits phytosanitaires. De fait, pour que l’agroécologie devienne réellement un mode de développement agricole et rural en dynamique de projet, nous avons besoin d’agents de développement indépendants de l’agrochimie. Les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques constituent une solution que l’on peut qualifier d’équilibrée. Pourtant, les vendeurs et distributeurs ont fait annuler le 28 décembre dernier l’ordonnance qui mettait en place ces certificats devant conduire à une réduction des ventes de 20 % d’ici à 2020. L’opportunité que nous avons aujourd’hui de réintroduire ce dispositif est capitale. Saisissons-la !
Chers collègues, par notre constance, lors de cette mandature, sur les questions du foncier et des alternatives aux pesticides, nous avons rappelé l’importance de ces sujets. Pour ma part, au cours de cette législature, j’ai organisé à l’Assemblée nationale un colloque, chaque année, sur les sols, avec l’aide du club parlementaire pour la protection et l’étude des sols. La prise de conscience des enjeux liés à la répartition de la terre est fondamentale, mais celle des enjeux liés à sa valorisation et à la préservation de son potentiel l’est tout autant. C’est le sens de l’initiative « 4 pour 1000 », que vous avez portée lors de la COP 21, monsieur le ministre, et qui doit aujourd’hui vivre concrètement.
Au regard de l’urgence de nos débats, je ne doute pas, chers collègues, que nous pourrons adopter ce texte dans des termes similaires dans nos deux assemblées avant la fin de cette législature.