Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du 18 janvier 2017 à 21h30
Lutte contre l'accaparement des terres agricoles et développement du biocontrôle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir pourrait, si l’on s’en tenait à une lecture rapide de son titre, laisser penser que deux sujets très différents sont abordés dans un même texte. Ils ont pourtant ceci de semblable qu’ils ont tous les deux pour finalité de préserver une des vocations premières de la terre, celle de nourrir les hommes. Je me félicite du travail accompli à cet effet, tant par notre rapporteur que par M. le ministre.

La lutte contre l’accaparement des terres agricoles et le développement du biocontrôle ont en effet en commun l’objectif de préserver la ressource que constitue la terre – de la préserver, d’une part, des convoitises qui la détourneraient de sa finalité première et, d’autre part, de protéger son potentiel agronomique. Pour ce qui me concerne, je me contenterai d’évoquer le premier volet de cette proposition de loi, qui a trait à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles. Comment ne pas voir dans cet aspect de notre droit interne les conséquences de la mondialisation de l’économie ? Nous savons que le capitalisme est mondial et que la circulation des capitaux ne s’arrête pas à la simple spéculation mais touche aussi à la propriété des entreprises. Les prises de participations étrangères au capital de nos entreprises sont une réalité depuis déjà longtemps.

En matière agricole, ce sont avant tout quelques fleurons de notre vignoble qui sont passés aux mains de propriétaires étrangers. Si cela a pu quelquefois susciter l’émotion, jamais il n’a été envisagé que l’investissement dans ces propriétés puisse s’expliquer par l’orientation de la production. Aucun doute n’a été exprimé sur le fait que les investisseurs étrangers pouvaient avoir pour intention de détourner ces biens de leur finalité première. Avec l’épisode de l’investissement par des capitaux chinois dans une propriété du centre de la France, c’est un autre regard que, brusquement, la société en est venue porter sur un bien qui, de tout temps, a fait l’objet de convoitises : la terre. Il a fallu attendre un épisode singulier pour que le législateur s’intéresse de manière plus directive à la détention des terres agricoles, alors qu’il considérait jusqu’à présent que le droit de propriété présentait un caractère absolu, et que l’on ne saurait, en conséquence, y porter atteinte, le droit de préemption constituant déjà, en soi, une atteinte suffisante. C’est ce caractère absolu de la propriété qui nous a été opposé pour repousser tous les amendements que nous avions déposés lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt, visant à accorder aux SAFER des moyens pour agir contre un phénomène que nous avions déjà constaté, et sur lequel elles nous avaient justement alertés.

Les raisons que nous avancions alors se fondaient sur un phénomène qui ne cesse de s’amplifier : le transfert de propriété de la terre, non plus d’une personne physique à une autre, mais sous couvert de titres de sociétés, lesquelles détiennent le foncier en propriété. Pour ces sociétés, le foncier n’est déjà plus considéré comme un patrimoine mais comme un placement, comme un bien consacré à la production, au même titre que les autres éléments de l’exploitation agricole. Dès lors, le simple contrôle du droit d’exploiter ne suffit plus. Et si celui-ci ne suffit pas, la propriété de la terre non plus. Une illustration nous en est donnée par une affaire qui a défrayé la chronique : une société de type holding a acquis 1 700 hectares de terres dans le département, voisin du mien, de l’Indre, après avoir acheté des terres en Mongolie. Chacun aura relevé que, si ce type d’opérations est à la portée de sociétés à capitaux étrangers, c’est également le cas pour des sociétés de droit français, organisées de la même manière – et cela s’est déjà vu. Nous l’avions dénoncé en son temps, un peu en vain.

Les mesures que nous allons adopter ce soir suffiront-elles à enrayer un phénomène qui semble nous dépasser ? Je n’en suis pas certain…

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