Intervention de Nathalie Chabanne

Réunion du 18 janvier 2017 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Chabanne, co-rapporteure :

Nous faisons dans ce rapport le bilan des mesures déjà existantes relatives à la déontologie dans l'Union européenne.

De nombreuses règles existent déjà, notamment en matière de « pantouflage ».

Pour les fonctionnaires, comme en France, ces règles sont définies par le statut.

Mais pour les commissaires, c'est le traité lui-même qui définit ces règles. Le traité prévoit en effet que les commissaires : s'abstiennent de tout acte incompatible avec leurs fonctions ; ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non ; prennent, lors de leur installation, l'engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d'honnêteté et de délicatesse quant à l'acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages.

En cas de violation de ces obligations, la Cour de justice, saisie par le Conseil, statuant à la majorité simple, ou par la Commission, peut, selon le cas, prononcer la démission d'office ou la déchéance du droit à pension de l'intéressé.

Le code de conduite prévoit que lorsqu'ils envisagent d'exercer une activité professionnelle dans les dix-huit mois (période de refroidissement) qui suivent la cessation de leurs fonctions, les anciens commissaires doivent en informer la Commission « en temps utile », pour autant que possible avec un préavis d'au moins quatre semaines. En cas de potentiel conflit d'intérêt, la Commission européenne doit saisir un comité d'éthique ad hoc. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas le droit d'exercer une nouvelle activité dès le lendemain de leur départ de la Commission, mais seulement que la Commission doit l'autoriser.

En ce qui concerne le Parlement européen, l'indépendance des parlementaires est évidemment consacrée. En revanche, contrairement aux commissaires européens, aucune incompatibilité professionnelle ne s'applique actuellement aux parlementaires. Avec l'entrée en vigueur du nouveau règlement du Parlement européen, une seule incompatibilité sera désormais prévue : les parlementaires européens n'auront plus la possibilité de s'engager à titre professionnel dans des activités de lobbying rémunérées auprès de l'Union européenne.

Comme les commissaires européens, les parlementaires européens doivent remplir des déclarations d'intérêts. Mais elles sont vérifiées seulement à la marge et sont insuffisamment précises. Notamment, les revenus supérieurs à 10 000 euros par mois doivent être arrondis…à la dizaine de milliers la plus proche ! Et c'est un progrès : avant décembre, il y avait seulement une case : « supérieur à 10 000 euros ».

Mais si de nombreuses règles existent pour les commissaires européens, pourquoi tant de scandales successifs de « pantouflage » ? D'abord, parce que des règles ne seront jamais suffisantes pour empêcher totalement les conflits d'intérêts : il s'agit avant tout d'une question d'éthique personnelle et de culture politique.

Mais ce que l'on peut retirer des polémiques récentes, c'est que le problème ne vient pas seulement des règles, mais de la manière dont elles sont appliquées.

Dans les deux cas qui ont été médiatisés, la Commission européenne aurait pu saisir la Cour de Justice en retenant une interprétation plus large des traités, mais elle a choisi de ne pas le faire. Dans le cas de M. Barroso, nous estimons d'ailleurs que le Conseil lui-même devrait saisir la Cour.

Mais c'est une réforme structurelle dont l'Union a besoin.

Le président Juncker a finalement proposé de modifier le code de conduite des commissaires, en étendant la période de « refroidissement », qui est actuellement de dix-huit mois, à deux ans pour les anciens commissaires et à trois ans pour les anciens présidents de la Commission européenne.

Cette proposition apporte un changement seulement cosmétique, et ne répond pas aux vrais problèmes mis en lumière par ces différents scandales.

Les comités d'éthique de la Commission européenne et du Parlement européen sont aujourd'hui trop faibles, et insuffisamment indépendants.

Par exemple, aujourd'hui, le comité d'éthique de la Commission européenne est composé d'un juge de la CJUE, d'une ancienne députée européenne et d'un ancien directeur général de la Commission européenne. Ils ont tous eu, d'une manière ou d'une autre, affaire avec M. Barroso à un moment ou à un autre de leur carrière.

Le comité consultatif sur la conduite des députés est quant à lui composé de cinq parlementaires.

Ces comités d'éthique n'ont de plus aucun pouvoir de sanction.

Nous appelons donc à la création d'une Haute autorité pour la transparence de la vie publique européenne, qui remplacerait les comités d'éthique interne à la Commission européenne et au Parlement européen.

À terme, cette Autorité, si elle était dotée de moyens humains conséquents, pourrait également reprendre les fonctions du secrétariat du registre de transparence.

Cette autorité aurait principalement un rôle de conseil en matière de déontologie et de vérification approfondie des déclarations d'intérêt. Elle devra également être dotée de pouvoirs d'enquête et de sanctions administratives, et pouvoir demander à la Commission européenne ou au Conseil de saisir la Cour de Justice.

Ce rôle pourrait être endossé par le Médiateur européen, qui exerce déjà des fonctions similaires.

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