Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 20 décembre 2016 à 17h00
Commission des affaires européennes

Jean Arthuis, président de la commission des budgets du Parlement européen :

J'en viens plus précisément à la zone euro. Le mécanisme européen de stabilité financière pourrait très bien faire office de fonds monétaire européen, à condition que soit mis en place un contrôle parlementaire. En outre, si l'on veut qu'existe un budget de la zone euro, il faut une direction du trésor. Dans le même temps, je note que le service européen d'action extérieure comprend 3 000 collaborateurs alors qu'il n'y a pas de politique extérieure !

La zone euro est en général présidée par le représentant d'un pays dont la notation financière est de première qualité – AAA ; ce fut d'abord un Luxembourgeois, c'est aujourd'hui un Néerlandais. Néanmoins, le secrétariat est assuré par le directeur de cabinet du ministre des finances du pays qui préside le groupe euro. Or, je le répète, je pense qu'il faut une direction du trésor pour, notamment, coordonner les émissions d'emprunts. De surcroît, il faudra créer un parlement de la zone euro. À défaut et en attendant, il sera toujours possible de créer une commission de surveillance, au sein de laquelle siégeraient plusieurs parlementaires européens des pays membres de la zone euro, ainsi que des délégations des commissions des finances ou des budgets, des chambres nationales de la zone euro. Le but n'est seulement de se voir, comme on le fait à Bruxelles actuellement et où, finalement, il ne se passe rien et où, donc, chacun perd un peu son temps, mais de travailler en fonction de critères très stricts. De même, le semestre européen lui non plus ne sert à rien : on remet au Parlement européen un rapport qui ne fait de mal à personne et il ne se passe donc rien.

Or, à un moment donné, il faudra bien mettre les comptes sur la table. Je suis allé en mission en Grèce dans le cadre de l'assistance financière. Nous avons passé deux jours formidables mais nous n'avons pas vu un seul document ! Comment dès lors signifier à nos collègues grecs qu'ils se moquent vraiment de nous sur tel ou tel point ? Une prise de bec terrible a lieu en ce moment car les Grecs veulent verser une prime de Noël. On s'indigne souvent de l'austérité qu'on leur impose, mais s'ils n'appartenaient pas à la zone euro, les Grecs n'auraient jamais pu dépenser autant d'argent : ils n'en auraient pas trouvé sur le marché… Ce paradoxe vaut pour la France : avant la création de l'euro, on craignait d'avoir à dévaluer le franc par rapport au deutsche mark, source de honte pour le chef du gouvernement et pour le chef de l'État. Depuis l'avènement de l'euro, finie la crainte de la dévaluation ! On accuse ainsi l'euro de participer à l'austérité mais, j'y insiste, tous ceux qui s'en plaignent n'auraient jamais pu dépenser autant !

Un budget de la zone euro doit prémunir contre les chocs symétriques et les chocs asymétriques.

Il faut en outre conditionner les aides versées aux États à un code de convergence : on ne pourra pas continuer à faire l'Europe avec des fiscalités aussi différentes, avec des codes du travail aussi différents, avec des codes environnementaux aussi variables d'un pays à l'autre. Donc, je le répète, un parlement de la zone euro est nécessaire ou, à tout le moins, une commission de l'euro ; or, vous vous en souvenez, madame la présidente, quand la crise grecque a éclaté, la création d'une telle commission s'est révélée impossible.

Vous m'avez également interrogé sur la taxe carbone qui ne serait pas acquittée par les consommateurs. Un jour, cette taxe retombera pourtant bel et bien, si je puis dire, sur ces derniers car elle conditionne le prix de l'argent et le prix de l'argent conditionne le coût des investissements. Ce sont toujours les citoyens qui finissent par payer. Aussi avons-nous tort de transiter par l'entreprise parce qu'une telle pratique peut susciter des délocalisations d'activité et d'emplois. Si nous étions tous très vertueux, dans la diversité de nos engagements politiques, nous poserions le principe selon lequel l'impôt est toujours payé par le citoyen. C'est en effet un peu un sophisme que d'affirmer que des impôts sont payés par des entreprises : je n'en connais pas beaucoup qui ne trouvent pas le moyen de les répercuter sur le prix des produits ou des services proposés aux consommateurs.

Pour ce qui est plus précisément de la taxe carbone, elle s'apparentera à des droits de douane intelligents. Vous ne pouvez pas demander à un industriel de votre circonscription de faire des efforts et le laisser concurrencer par un industriel qui aura fabriqué des biens dans un pays où l'on n'applique pas les mêmes contraintes, qui vous envahira avec ses produits et tuera votre industriel. Il y va de la loyauté de la concurrence.

Je finirai par la mondialisation. Elle est là et ne va pas reculer. L'homme a envahi la planète et il faut en tirer les conséquences. Il est inutile de pleurer sur la mondialisation : il faut faire avec et organiser le monde. Et pour l'organiser en faisant partager nos valeurs, il n'y a que l'Europe qui puisse peser de tout son poids. Prenons l'exemple des réunions du Fonds monétaire international (FMI). J'y ai participé en tant que ministre : il y avait un Américain, un Canadien, un Japonais et quatre Européens. Il n'était pas difficile dans ces conditions pour l'Américain d'essayer de mettre les Européens en porte-à-faux les uns par rapport aux autres. Il serait donc bon qu'un jour il y ait un seul représentant de la zone euro aux réunions du FMI, ne croyez-vous pas ? Et je ne parle pas du Conseil de sécurité des Nations unies…

Pour me résumer, je ne doute pas de l'Europe parce qu'elle est la solution à la plupart de nos problèmes.

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