Madame la Présidente, Mes chers collègues. Nous vous présentons aujourd'hui, comme chaque année à cette période, notre rapport sur le lancement du Semestre européen et je vous prie d'excuser mon collègue Christophe Caresche, qui est malade et m'a chargé de rapporter nos travaux en notre nom à tous les deux.
Le 16 novembre dernier, la Commission européenne a lancé le septième exercice du Semestre européen, cycle de coordination des politiques économiques, en publiant son examen annuel de croissance, sa recommandation de politique économique concernant la zone euro, son avis sur les projets de plans budgétaires ainsi que le rapport sur le mécanisme d'alerte et le rapport conjoint sur l'emploi.
Si la plupart des constats s'inscrivent dans la continuité des exercices précédents, nous relevons une nouveauté s'agissant de l'orientation de la politique budgétaire de la zone euro. La Commission européenne suggère en effet une légère expansion budgétaire dans un contexte économique plus solide quoiqu'encore incertain. Cette orientation légèrement positive ne fait, pour l'heure, pas l'objet d'un consensus entre les États membres et doit être débattue dans les prochaines semaines.
Nous y voyons deux enseignements majeurs. Tout d'abord, ce changement de cap semble amorcer une nouvelle ère pour la politique économique de la zone euro en marquant la fin du moment de la consolidation budgétaire nécessaire, après la crise économique et financière, en raison de la situation fortement dégradée des finances publiques européennes. Ensuite, elle nous semble bienvenue dans un contexte où la reprise économique est réelle mais encore fragile et, par ailleurs, caractérisée par une faiblesse persistante de l'investissement, en dépit des premiers résultats positifs et encourageants du Plan d'investissement pour l'Europe (dit « Plan Juncker ») lancé en novembre 2014 par le Président de la Commission européenne.
Ma première observation est la suivante. Dans un premier temps, la Commission européenne confirme l'amélioration de la situation économique européenne et préconise une légère « politique de relance » en zone euro.
Exposant, dans son examen annuel de croissance, les priorités économiques et sociales de l'Union européenne pour l'année à venir, la Commission européenne réaffirme, pour 2017, l'actualité des axes identifiés en 2016 et souligne, conformément au discours sur l'état de l'Union de son Président, le 14 septembre 2016, la nécessité de poursuivre les efforts en faveur de la jeunesse et du tissu productif européens.
La Commission européenne confirme la reprise économique observable en Europe mais souligne également les incertitudes croissantes de l'environnement global. S'agissant de la reprise, les indicateurs relatifs à l'investissement, au taux d'emploi, au taux de chômage, à la situation des finances publiques et à l'évolution du produit intérieur brut (PIB) illustrent la plus grande solidité de l'économie européenne. On ne peut que s'en réjouir. Ainsi, selon les prévisions d'automne 2016 de la Commission européenne, la croissance du PIB réel dans l'Union européenne devrait s'établir à 1,8 % en 2016 (1,7 % en zone euro) et à 1,6 % en 2017 (1,5 % en zone euro). L'amélioration de la situation de l'emploi devrait se poursuivre en 2017 : huit millions de nouveaux emplois ont été créés depuis 2013 et si la tendance observée se poursuit, l'objectif fixé en la matière dans la stratégie Europe 2020 pourrait bel et bien être atteint d'ici 2020 (pour mémoire, l'objectif est de parvenir à un taux d'emploi de 75 % au sein de l'Union européenne). Le taux de chômage devrait, pour sa part, diminuer, passant de 8,6 % en 2016 à 8,3 % en 2017. Enfin, l'évolution globale de l'endettement public est encourageante : le déficit public moyen de la zone euro, supérieur à 6 % en 2009-2010, est désormais inférieur à 2 % (1,8 % en 2016) et devrait, selon la Commission européenne, continuer de diminuer pour atteindre 1,5 % du PIB en 2017. Il s'agit donc là d'une série d'éléments positifs.
Toutefois, les facteurs d'incertitude qui pèsent sur la croissance européenne ne doivent pas être négligés : la crise a eu, sur le potentiel de croissance et le niveau d'investissement, des effets dévastateurs que les initiatives telles que le Plan Juncker et la mise en oeuvre des réformes structurelles ne sont pas encore parvenues à faire disparaître. Par ailleurs, le ralentissement de la croissance dans les principaux pays émergents, les tensions géopolitiques, les évolutions du prix du pétrole et la « normalisation » de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine comme de la Banque centrale européenne sont autant de facteurs qui augmentent l'incertitude économique au niveau global.
À la lumière de tous ces éléments, nous considérons que la reprise économique en Europe doit davantage s'appuyer sur les moteurs internes de la croissance (c'est-à-dire la consommation et l'investissement) que des politiques budgétaires et structurelles bien calibrées peuvent contribuer à stimuler.
Dans un tel contexte, la Commission européenne confirme l'actualité des priorités de politique économique de l'année 2016. Ainsi, le « triangle vertueux » de la Commission Juncker est-il maintenu, à savoir : la stimulation de l'investissement ; la mise en oeuvre des réformes structurelles et la poursuite de politiques budgétaires responsables.
Analysant, dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM), la situation des États membres, la Commission européenne conclut cette année qu'un bilan approfondi se justifie pour treize États membres, contre dix-neuf l'année dernière. Cette relative réduction du nombre de pays susceptibles de présenter des déséquilibres macroéconomiques confirme l'amélioration de la situation d'ensemble de l'économie européenne. En ce qui concerne le rapport sur le mécanisme d'alerte, la Commission européenne souligne les éléments suivant. L'ajustement macroéconomique opéré est asymétrique : il s'est poursuivi dans les pays présentant un déficit extérieur ou endettés vis-à-vis de l'extérieur alors que les excédents courants demeurent importants et continuent même de croître dans certains pays, à l'instar de l'Allemagne.
Le désendettement du secteur privé se poursuit à un rythme lent et fortement inégal : dans certains pays, le niveau encore élevé de la dette privée et publique limite les possibilités d'investissement et fragilise l'économie ; en outre, le désendettement le plus rapide n'intervient pas toujours dans les pays où il est le plus nécessaire.
Le secteur bancaire rencontre des difficultés, notamment liées à sa moindre rentabilité financière et à la présence de prêts improductifs dans certains bilans d'établissements bancaires et financiers.
La hausse des prix du logement s'accélère de manière préoccupante dans certains pays. Enfin, l'amélioration observée sur les marchés du travail ne suffit pas à éradiquer la « détresse sociale », en particulier dans les pays les plus durement touchés par la crise financière et des dettes souveraines.
Nouveauté notable, la Commission européenne propose cette année une légère expansion de la politique budgétaire de la zone euro. Dans un contexte de croissance économique « résiliente mais modeste », la Commission européenne insiste sur la nécessité d'une orientation budgétaire positive pour la zone euro. Rappelant que le cadre budgétaire et institutionnel actuel de l'Union européenne ne contient, pour l'heure, aucune règle ou instrument permettant de gérer l'orientation budgétaire de la zone euro, elle souligne que la recommandation sur la politique économique de la zone euro constitue un document de référence de nature à orienter les efforts entrepris au niveau national par les États membres. Outil de « soft law », cette recommandation – qui est une avancée du point de vue de la coordination des politiques économiques – voit son efficacité conditionnée à la bonne volonté des États membres d'en suivre les préconisations.
Nous indiquons, à cet égard, qu'il serait sans doute opportun de réfléchir, notamment dans la perspective des réformes institutionnelles à entreprendre pour approfondir l'Union économique et monétaire, aux modalités susceptibles de conférer à la recommandation de politique économique de la zone euro une dimension plus contraignante. Nous avions évoqué cette question dans le cadre du groupe de travail dont nous faisions tous deux partie et dont MM. Philip Cordery et Arnaud Richard vous ont présenté, il y a quelques semaines, les travaux. Nous pensons qu'il s'agit d'une question à se poser.
Après l'assainissement budgétaire réalisé après la crise, entre 2011 et 2013, l'orientation budgétaire de la zone est globalement neutre sur la période 2014-2017. Restrictive en 2011-2013, neutre en 2014-2015 et légèrement expansionniste en 2016, l'orientation devrait être, en 2017, globalement neutre. Une légère expansion budgétaire permettrait de redynamiser l'économie européenne dont le potentiel de croissance demeure en deçà de son niveau d'avant-crise.
Ma deuxième observation porte sur l'avis de la Commission européenne sur les projets de budget nationaux, qui reflète une orientation globalement neutre de la politique budgétaire.
La Commission européenne souligne que l'ajustement budgétaire se poursuit, comme en témoignent les prévisions concernant l'évolution du déficit agrégé : de l'ordre de 2 % du PIB en 2015, de 1,8 % en 2016, ce dernier devrait en effet s'établir à 1,5 % du PIB en 2017. La Commission européenne indique toutefois que les positions budgétaires des États membres sont soutenues par la faiblesse des coûts d'emprunt et sont, par conséquent, fragiles.
De manière générale, aucun des projets de plan budgétaire analysés par la Commission européenne ne présente de manquement particulièrement grave aux règles du Pacte de stabilité et de croissance. En revanche, dans certains cas, les ajustements budgétaires présentés sont insuffisants ou risquent de l'être.
S'agissant des pays relevant du volet préventif du Pacte, cinq États membres (Allemagne, Estonie, Luxembourg, Pays-Bas et Slovaquie) présentent un plan budgétaire conforme au PSC ; quatre (Autriche, Irlande, Lettonie et Malte) un plan budgétaire globalement conforme au PSC et six (Belgique, Chypre, Lituanie, Italie, Slovénie et Finlande) présentent des risques de non-conformité aux règles du PSC.
S'agissant des pays relevant du volet correctif du Pacte, le plan budgétaire de la France est jugé globalement conforme au PSC, tandis que celui de l'Espagne et du Portugal présente un risque de non-conformité, relativement marginal pour le Portugal qui pourrait relever du volet préventif du Pacte en 2017.
Plus précisément, l'avis sur le projet de plan budgétaire de la France conclut à une globale conformité aux dispositions du Pacte mais la prudence et la vigilance demeurent de mise. Nous rappelons que l'avis rendu par le Haut Conseil pour les Finances publiques sur le projet de loi de finances établi pour l'année 2017 par le Gouvernement souligne le caractère optimiste des hypothèses de croissance sur lesquelles il repose et considère, compte tenu des informations dont il dispose, que le retour du déficit nominal sous le seuil des 3 % du PIB est « incertain ».
Moins inquiète, en dépit de prévisions de croissance plus modestes que celles du Gouvernement français, la Commission européenne considère que le document qui lui a été transmis est globalement conforme aux règles du PSC quoique les efforts décrits soient inférieurs aux recommandations formulées par le Conseil dans le cadre de la procédure pour déficit excessif. De manière générale, la Commission européenne considère que la France n'a réalisé que des progrès limités dans la mise en oeuvre des réformes structurelles suggérées dans le cadre des recommandations spécifiques pays par pays publiées au printemps dernier et que nous avions étudiées dans notre précédent rapport sur la clôture du Semestre européen 2016.
Nous considérons qu'il est indispensable de poursuivre les efforts entrepris en matière d'assainissement budgétaire, à plus forte raison étant donné qu'à politique inchangée, la Commission européenne estime que la situation de la France pourrait devenir préoccupante en 2018. L'ajustement graduel et progressif permet de limiter les effets récessifs des ajustements sur la croissance et doit demeurer une priorité pour les années à venir. Outre les bénéfices évidents associés à un retour à des finances publiques saines ou, a minima, conformes aux règles de la discipline budgétaire, le respect par la France de ses engagements budgétaires est une condition essentielle de sa crédibilité et de son influence en Europe. Dans le contexte qui est celui du Brexit, une France aux finances publiques plus saines lui permettra de voir sa voix porter davantage.
Enfin, ma troisième observation est la suivante. La Commission européenne et le Conseil confirment également l'amélioration de la situation de l'emploi qui ne saurait toutefois dispenser les États membres de poursuivre leurs efforts.
Le rapport conjoint sur l'emploi est un document important qui illustre directement le renforcement de la dimension sociale du Semestre européen auquel nous avons souhaité consacrer quelques développements. De manière générale, l'évolution de la plupart des indicateurs du marché de l'emploi illustre une amélioration de la situation en Europe. Le taux de chômage et le taux de chômage de longue durée, qui constituent deux des trois nouveaux indicateurs du tableau de bord de la Commission européenne dans le cadre de l'analyse des déséquilibres macroéconomiques, enregistrent un recul mais demeurent encore à des niveaux élevés dans certains États membres.
Le phénomène de pauvreté et les inégalités sociales demeurent également importants et nécessitent une véritable relance du processus de convergence des économies. Les inégalités nuisent en effet à la productivité et à la croissance et contribuent à creuser la fracture sociale en Europe.
La Commission européenne relève les efforts entrepris par certains États membres pour réformer et moderniser leurs systèmes de protection sociale et leurs systèmes de santé mais invite les États membres à poursuivre les efforts entrepris.
Nous indiquons, enfin, que la France se situe dans une situation intermédiaire s'agissant du taux de chômage et du taux de chômage des jeunes ; dans une situation « à surveiller » s'agissant du taux de jeunes sans emploi qui ne suivent ni études ni formation et du revenu disponible brut des ménages ; et affiche des performances supérieures à la moyenne en matière de risque de pauvreté et s'agissant des inégalités.