Intervention de Ségolène Royal

Séance en hémicycle du 24 janvier 2017 à 15h00
Adaptation du code minier au droit de l'environnement — Présentation

Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur – cher Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur de la commission du développement durable : c’est grâce à vous que cette proposition de loi figure à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, et je vous en suis particulièrement reconnaissante – monsieur le secrétaire d’État à l’industrie, cher Christophe Sirugue, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de vous informer par avance que je ne pourrai pas rester avec vous pendant tout le débat. Je dois en effet rejoindre l’Agence France Trésor pour l’émission des premiers green bonds. C’est une première mondiale, qui sera finalisée dans quelques instants.

Je crois pouvoir vous dire que c’est une très grande réussite : les chiffres seront donnés tout à l’heure, et je pense que le succès dépassera toutes les espérances. Cela prouve que les milieux financiers, eux aussi, ont compris la nécessité de cette mutation, de cette transition énergétique et de cette première mondiale qu’est l’émission de ces green bonds. J’avais demandé cette mesure en tant que présidente de la COP21. Ce grand événement n’est pas sans lien avec le sujet dont vous allez débattre, puisque la réforme du code minier est liée à l’accord de Paris sur le climat, sur la lutte contre le changement climatique, qui est entré en vigueur le 5 novembre dernier.

À l’heure où je vous parle, 126 pays ont ratifié l’accord de Paris et donc décidé de l’appliquer en droit interne. C’est un peu ce que vous faites aussi en complétant la loi transition énergétique par la réforme du code minier ! L’accord de Paris est désormais irréversible, il importe de le rappeler.

La réforme du code minier comporte de grandes avancées, grâce aux remarquables travaux de votre commission. Tout d’abord, la France donne l’exemple au reste du monde, comme l’y oblige la réussite que constitue l’accord de Paris sur le climat affirmant clairement que la recherche d’hydrocarbures n’est plus une priorité, ce qui place chaque pays face à ses responsabilités. On sait grâce au dernier rapport du GIEC que l’humanité ne peut plus se permettre d’injecter dans l’atmosphère qu’une quantité de gaz carbonique inférieure à celle qui en porterait le contenu à environ 1 000 milliards de tonnes. Or, l’exploitation des hydrocarbures et du charbon qui se trouvent encore dans le sol de la Terre libérerait environ 3 000 milliards de tonnes de C02.

Il est donc nécessaire, selon le GIEC, que les producteurs de pétrole renoncent à exploiter près de 40 % de leurs réserves pétrolières, en particulier les pays à fort potentiel comme la Chine, les États-Unis ou la Russie. À l’échelle de la planète, il faudrait même s’abstenir d’exploiter un tiers des réserves pétrolières, la moitié des réserves de gaz naturel et plus de 80 % du charbon, et ce jusqu’en 2050 ! C’est dire à quel point les décisions à prendre sont difficiles, d’autant plus que certains pays attendent d’avoir accès aux sources d’énergie pour se développer. Cela signifie aussi que la baisse du coût des énergies renouvelables doit absolument continuer afin de faire ces choix cruciaux sans freiner le développement économique de ces pays.

Par ailleurs, nous connaissons les dégâts causés par l’exploitation des sables bitumineux au Canada. Souvenons de l’incendie de Fort McMurray, ville créée dans l’ouest du Canada autour de l’exploitation des hydrocarbures ! Le feu de forêt qui s’est déclaré le 1er mai 2016, attisé par les vents dans une période de forte sécheresse, a pris une telle ampleur qu’il a contraint les autorités à évacuer la quasi-totalité des habitants de la ville, soit 100 000 personnes. L’exploitation des hydrocarbures menée en Louisiane pendant des décennies a accéléré l’infiltration de l’eau de mer dans les réserves protégées des mangroves et des marécages alimentés naturellement en eau douce, mettant en péril la survie de ce fragile écosystème et la santé des habitants.

Dès lors, continuer à extraire coûte que coûte des énergies fossiles, c’est mettre en danger l’avenir de la planète. C’est pourquoi le Gouvernement a proposé un amendement visant à établir un lien entre la programmation pluriannuelle de l’énergie et la politique nationale des ressources et des usages miniers, afin de limiter l’exploration et l’exploitation en matière d’hydrocarbures. Je rappellerai aussi, comme vous l’avez fait excellemment, monsieur le rapporteur, que la réforme du code minier a été évoquée pour la première fois en 2011, lorsque certaines compagnies pétrolières ont demandé des permis d’exploration de gaz de schiste. Les habitants des territoires concernés ont alors découvert que des permis avaient été attribués, et cela gratuitement, en vue de prospecter ce type de ressources.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion