Intervention de Rémi Maréchaux

Réunion du 26 octobre 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Rémi Maréchaux, directeur Afrique au ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), sur la situation au Gabon, au Mali et en République démocratique du Congo :

Au Mali, nos partenaires allemands ont agi autant que le leur permettaient les règles qui leur étaient fixées, en particulier en matière de soutien au transport aérien dans l'opération Serval. L'Allemagne manifeste sa volonté de s'engager dans cette zone, comme en témoigne la visite – une grande première – de la Chancelière Merkel au Mali et au Niger, à l'occasion de laquelle elle a rencontré les chefs d'État de ces deux pays et s'est engagée à apporter une contribution financière substantielle à leur développement, surtout le Niger.

Certains d'entre vous ont déploré la faible intensité de la réaction de la France au Gabon, d'autres son ingérence. Nous ne sommes pas la Cour constitutionnelle gabonaise et il ne nous appartient pas de déclarer qui est élu.

La coordination entre l'Union européenne et l'Union africaine est constante : j'ai eu plusieurs échanges téléphoniques quotidiens avec le Commissaire à la paix et à la sécurité, et nous avons ajusté de concert nos positions et nos interventions. Dans ce type de crises politiques, nous ne pouvons plus aujourd'hui intervenir seuls. C'est l'Union africaine qui, par ses prises de position, légitime nos interventions. Nous devons quant à nous sensibiliser et même informer nos amis africains. Le sommet des chefs d'État des pays membres de la Conférence internationale sur la région des grands lacs, qui s'ouvre aujourd'hui à Luanda, doit se prononcer sur l'accord concernant la RDC. Depuis une semaine, toutes nos ambassades situées dans les pays concernés sont en contact avec les autorités locales pour partager nos analyses et les inciter autant que possible à appeler à la poursuite et à l'approfondissement du dialogue.

En RDC, précisément, nombreux sont les anciens amis de Joseph Kabila qui, aujourd'hui, ne sont plus à ses côtés. D'autres, par opportunisme, sont redevenus ses amis – c'est par exemple le cas de Vital Kamerhe. Malgré tout, le président Kabila est très isolé, même s'il n'en a peut-être pas conscience : tous ceux qui, par leur soutien, ont permis son élection dans des conditions parfaitement légitimes et transparentes en 2006 se sont évaporés.

Paradoxalement, les exactions commises au mois de septembre à Kinshasa ont eu ceci de rassurant qu'elles ont été perpétrées par la police et non par les forces armées, qui ne sont pas intervenues.

En termes de sécurité, en revanche, notre principale préoccupation concerne la situation dans l'est du pays. Après la répression de la manifestation à Kinshasa, on nous a demandé pourquoi la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), qui déploie 17 000 hommes en RDC, n'est pas en mesure d'en dépêcher davantage dans la capitale pour y protéger les civils. Cela ne relève pas de son mandat : la MONUSCO a pour mission de protéger les civils contre les groupes armés, non pas contre les forces de police. Surtout, à terme, le véritable risque de dérapage du processus électoral se trouve à l'est. Les massacres qui se sont récemment produits à Beni ont été attribués à l'ADL (Allied Democratic Forces), un groupe de rebelles d'origine ougandaise. Nous craignons la reprise des violences à grande échelle dans la région, car elle fournirait au gouvernement le meilleur des prétextes pour geler le processus électoral. À ce stade, nous ne constatons pas d'ingérence particulière du Rwanda sur les groupes armés de l'est : ceux avec lesquels il entretenait des relations privilégiées ne sont plus actifs dans la région, puisque le M23 n'est pas réapparu et que ceux de ses membres qui ont regagné la RDC parce que le processus de reconversion qui leur avait été promis n'était pas concrétisé en Ouganda n'ont pas repris les armes. Les deux groupes qui sont à l'origine des violences actuelles sont l'ADL et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), l'opposition armée rwandaise.

La France ne sera pas chef de file d'une initiative de médiation, mais travaille pour qu'elle ait lieu. Nous sommes naturellement en contact avec l'ONU, l'Union africaine et la Francophonie afin de relancer un dialogue qui soit réellement inclusif. Toutefois, ce processus ne pourra s'enclencher que si les chefs d'État africains, au terme du sommet de Luanda, manifestent leur ouverture en déclarant que le dialogue doit se prolonger ; nous pourrons alors activer notre soutien à une nouvelle médiation.

La situation actuelle du Congo-Brazzaville est inquiétante pour deux raisons : d'une part, certains hommes politiques sont maintenus en détention ou ont disparu en prenant le maquis et, d'autre part, la situation se dégrade dans le département du Pool, où se sont récemment déroulés des combats dont nous peinons à évaluer la réalité et l'ampleur, même si nous constatons des mouvements de populations qui fuient la région pour se mettre à l'abri des combats, signe d'un état de violence. Quoi qu'il en soit, la situation de la République du Congo n'est à notre sens ni stable ni satisfaisante.

L'intervention de l'Union européenne au Mali n'a pas été tardive, bien au contraire : elle a été beaucoup plus forte et rapide qu'auparavant ou que dans d'autres crises où l'Union est restée absente. Certains pays comme l'Estonie et la Slovaquie, qui ont déployé certains des 850 hommes présents au Mali, n'avaient jamais mis les pieds en Afrique, un continent sur lequel ils n'ont pas plus de deux ou trois ambassades. Nous espérons que leur présence est durable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion