Intervention de Rémi Maréchaux

Réunion du 26 octobre 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Rémi Maréchaux, directeur Afrique au ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), sur la situation au Gabon, au Mali et en République démocratique du Congo :

J'en viens à la mission EUFOR qui, en effet, est exemplaire. Actuellement, cinq cents militaires européens sont déployés pour contribuer à la formation de 7 500 cadres de l'armée malienne. À l'évidence, cette mission s'inscrit dans la durée : l'Union européenne et l'ONU sont au Mali pour cinq, voire dix ans, tant le processus de reconstruction d'un État et de ses forces de sécurité est difficile.

S'agissant de la question des principes et du risque d'ingérence dans le processus électoral, je répète que notre intervention n'a de légitimité qu'en ce qu'elle a lieu aux côtés des Africains eux-mêmes, notamment de l'Union africaine. À l'ONU, par exemple tout projet de résolution concernant une crise africaine – le Burundi ou la RDC, par exemple – ne peut être adopté qu'avec le soutien des trois représentants non permanents de l'Afrique au Conseil de sécurité – le groupe « A3 ». Lorsque la France sort du rang, concernant la RDC par exemple, au sujet de laquelle elle a été en pointe, c'est parce qu'elle a toute la légitimité qui le lui permet. En l'occurrence, depuis 1996 et le début de la crise grave que connaît la RDC, la France a toujours été à l'initiative sur le plan international afin de défendre la souveraineté et l'intégrité territoriale de ce pays face à l'ingérence de certains de ses voisins. À l'ONU, la France joue le rôle de pen holder : c'est elle qui rédige tous les projets de résolution sur ce sujet. En 2003, elle a accepté un déploiement bilatéral exceptionnel de forces à la demande du Secrétaire général de l'ONU – ce fut l'opération Artémis – puis, avec nos partenaires européens, l'opération EUFOR qui a permis de sécuriser les élections en 2006. À nos interlocuteurs congolais qui se plaignent d'une « ingérence » française plus dure qu'ailleurs, nous répondons ceci : la France a énormément investi en RDC, qui est non seulement le pays le plus peuplé de la francophonie, mais aussi un partenaire ancien de la France envers lequel nous éprouvons un attachement particulier. À ce titre, elle est en droit de suivre son investissement.

Précisons concernant le Gabon que l'Accord de Cotonou ne fait pas état de « sanctions » mais, plus pudiquement, de « mesures appropriées ». Cet Accord conclu entre les pays de l'Union européenne et ceux de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) se fonde sur une démarche partenariale. Nul n'est contraint de le signer ; certains États africains l'ont d'ailleurs refusé – refusant du même coup l'aide. Les signataires, en revanche, adhèrent à des valeurs communes ; si celles-ci sont bafouées, un dialogue est alors engagé de sorte que les « mesures appropriées » soient prises pour y remédier. Concrètement, l'application de l'article 96 de l'Accord, qui prévoit ces mesures appropriées, se traduit par la suspension des décaissements du Fonds européen de développement (FED), et rien d'autre.

Au-delà de ce que nous faisons, il convient d'examiner les initiatives des Gabonais eux-mêmes. Plusieurs d'entre vous ont évoqué la CPI : ce sont les autorités gabonaises qui l'ont saisie au sujet des actions de l'opposition. Or, une fois saisie, la Cour conduit une enquête globale..

Revenons-en au Mali : à l'évidence, la population, surtout à Bamako, n'est plus dans l'état d'esprit où elle était lorsqu'elle a accueilli le Président Hollande après l'opération Serval. La France est même critiquée de part et d'autre : au sud, on reproche à l'opération Barkhane une complicité avec les revendications des des Touaregs et à l'inverse, ceux-ci accusent la France de complicité avec l'armée malienne afin de l'aider à retourner dans le nord. En clair, plus la présence française se maintient et plus l'accord se heurte à des obstacles, plus les mécontents seront nombreux – et plus la France retrouvera pour eux, et tous les mécontents des anciennes colonies, son rôle de bouc émissaire. Ce risque ne nous a pas échappé.

Dix mille Français vivent au Gabon. Nous avons anticipé la crise autant que possible : avant les élections, le centre de crise du ministère des affaires étrangères a dépêché une mission en renfort, et le Dixmude, dont la présence a été évoquée à Lomé, mouillait au large du Gabon pendant les élections et lors de la publication des résultats afin, le cas échéant, d'accueillir nos compatriotes.

La Chine est restée très discrète concernant le Mali, le Gabon et la RDC. Comme nous, elle est inquiète pour ses ressortissants, mais elle n'a pas semblé jouer de rôle. En revanche, nous rencontrons des difficultés avec la Russie qui bloque certaines des initiatives que nous prenons à l'ONU, en particulier concernant le Mali, ce qui devient problématique – au point que les Africains eux-mêmes sont montés au créneau.

L'Union européenne a été présente dans le processus d'observation et de vérification des élections au Gabon. La publication des résultats de la mission fera apparaître des conclusions concrètes et assez défavorables au gouvernement. L'Union africaine est également intervenue, à cette différence près qu'elle sera plus prudente et ne communiquera pas sur ce sujet.

Le procès qui est fait au numéro deux de notre ambassade au Gabon est absolument injuste. Toutes les accusations proférées contre lui ont fait l'objet de vérifications : elles sont fausses. L'idée était d'exploiter cette tarte à la crème du prêt-à-penser qu'est la Françafrique ; que l'on soutienne au non M. Bongo, ce reproche nous est fait.

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