Intervention de Daniel Goldberg

Réunion du 25 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Goldberg, rapporteur :

En ce qui concerne la liaison entre observation et encadrement des loyers, Madame Audrey Linkenheld, pour l'investisseur immobilier, qui est souvent un petit propriétaire désirant louer son bien, lequel représente généralement l'investissement d'une vie, il y a un sujet essentiel : la stabilité. Autrement dit, ce propriétaire doit savoir, sur une échelle de temps d'au moins dix ans, ce que son bien va lui rapporter.

C'est pourquoi je considère que soumettre l'encadrement des loyers à la volonté des maires n'est pas une bonne décision. Les municipalités peuvent changer de bord, sans compter que deux maires de la même sensibilité politique peuvent ne pas avoir le même avis sur le sujet. Le manque de visibilité de l'investisseur sur ce que son bien va lui rapporter est un vrai frein à l'investissement. La décision prise par le Gouvernement à la fin de l'année 2014 n'est pas un bon signal pour les investisseurs immobiliers.

J'ai l'habitude de prendre comme exemple la ville de Toulouse, qui est passée de gauche à droite. Le maire de Toulouse, avant 2014, mon ami Pierre Cohen, était favorable à l'encadrement des loyers, mais M. Jean-Luc Moudenc, qui lui a succédé, y est défavorable. Pour ma part, je souhaite que la ville de Toulouse repasse à gauche en 2020 et que l'on mette en place l'encadrement des loyers. Mais si je me place du point de vue de l'investisseur immobilier qui veut mettre son bien en location à Toulouse, il a besoin de savoir ce qu'il va se passer dans les années à venir.

La liaison entre observation et encadrement est un vrai sujet. Il n'a jamais été prévu de mettre en place l'encadrement des loyers sur l'ensemble du territoire national, mais seulement sur les zones tendues. Or, entre les 28 zones tendues de notre territoire national, il y a d'énormes disparités. Une bonne partie des villes de la Corse sont en zone tendue, de même que Paris. Pourtant, le marché de l'immobilier n'est pas le même à Paris et à Ajaccio. Dans les métropoles, qui connaissent une crise particulière du marché de l'immobilier, et donc, des excès, une plus grande automaticité du lien entre observatoire et encadrement des loyers serait une bonne chose.

Monsieur Lionel Tardy, l'encadrement des loyers n'est pas destiné à faire baisser la moyenne des loyers là où il s'applique, mais à réguler les pratiques par rapport à des montants de loyers excessifs. L'encadrement des loyers n'entraîne pas de baisse parce que, fort heureusement, nous n'avons pas conçu ce dispositif de manière purement administrative, en décidant au doigt mouillé des montants de loyers encadrés, mais par rapport à la réalité du marché.

J'en viens à la question de M. Jean-Claude Mathis sur les meublés touristiques temporaires, que l'on peut appeler le « phénomène Airbnb » puisque c'est bien souvent cette officine qui agit dans ce cadre.

Je rappelle ce qui a été engagé par la loi ALUR et poursuivi par plusieurs autres dispositifs, de manière très consensuelle, dans la loi dite « Macron », la loi pour une République numérique, la loi de finances et, dernièrement, dans la loi dite « Sapin II ».

Il ne s'agit pas d'empêcher quelqu'un qui part en vacances de louer son propre bien dans le cadre d'un échange avec un autre particulier. Par contre, la loi précise que la manière « normale » de louer un bien ne peut pas être le meublé touristique temporaire, car cela provoque une forme d'embolisation du marché de l'immobilier qui, de fait, empêche de nombreuses familles de se loger. Ce sont plusieurs dizaines de milliers de logements qui sont concernés à Paris, et le phénomène se développe aussi sur la Côte d'Azur, notamment à Nice. Ça, ce n'est pas possible. On ne peut pas louer, toute l'année, des biens que l'on n'habite pas soi-même, sous forme de meublé touristique temporaire, à des gens qui arrivent tous les trois jours.

Nous avons voté, dans le cadre de la loi ALUR, la possibilité de soumettre aux assemblées de copropriétaires toute demande de changement d'usage d'un logement afin de louer à une clientèle de passage, mais le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire au droit de propriété.

J'ai la faiblesse de penser que la situation n'a pas été prise en compte dans son ensemble par les sages. Le droit de propriété comprend aussi le droit des autres copropriétaires. Force est de constater, par exemple, que les parties communes d'un immeuble sont bien plus souvent abîmées et qu'il y a des troubles de jouissance quand un appartement est loué toute l'année sous la forme de meublé touristique temporaire. Sans doute faudra-t-il y revenir.

Vous avez aussi évoqué les détecteurs de fumée. Comme vous le savez, la loi date de 2010 et est applicable depuis 2015. Nous avons auditionné ici des représentants de l'UFC-Que Choisir sur ce sujet. Le bilan dressé il y a quelques jours par Mme Emmanuelle Cosse, ministre chargée du logement, et M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur, fait état d'une baisse de 25 % du nombre de victimes.

La loi ALUR a clarifié les responsabilités. Le propriétaire est responsable de la pose et du bon fonctionnement du détecteur de fumée au moment de la signature du bail et le locataire est responsable de son bon fonctionnement pendant toute la durée du bail. Cela étant, il y a sans doute encore à faire en termes de pédagogie.

Madame Michèle Bonneton, vous avez dit que le Parlement avait été désavoué parce que certains dispositifs n'avaient pas été mis en place. À titre personnel, je vous rejoins sur ce point, même si, globalement, entre les dispositifs qui n'ont pas été mis en place et ceux qui l'ont été – sans parler des décrets d'application –, 98 % des dispositifs de la loi ALUR sont en place aujourd'hui.

Vous avez aussi évoqué le nombre de constructions de logements sociaux. Honnêtement, les chiffres de l'année 2016 sont tout à fait satisfaisants. Par ailleurs, la construction n'était pas l'objet de cette partie de la loi ALUR. Nous en avons largement débattu dans les lois de finances ou dans d'autres lois. Le logement intermédiaire n'était pas non plus l'objet de la loi ALUR.

En ce qui concerne les honoraires de location, vous avez pointé l'une des difficultés, reconnue d'ailleurs tant par les représentants des locataires que des propriétaires, concernant le montant des honoraires de location en zone détendue. Ce montant est actuellement fixé par un décret d'application de la loi à 8 euros du mètre carré, plus 3 euros si l'état des lieux est effectué. Ces 11 euros au mètre carré payés par le locataire sont des plafonds, mais s'il est appliqué, ce montant est bien souvent supérieur à ce qui était demandé précédemment par les agences immobilières. Ce plafond a d'ailleurs fait l'objet d'une concertation avec le CNTGI. Je considère qu'il est trop élevé, mais puisqu'il s'agit d'un plafond, on n'est pas obligé de l'appliquer.

Par ailleurs, le métier des professionnels de l'immobilier n'est pas le même partout. Nombre d'agences immobilières dans les zones détendues sont raisonnables et n'appliquent pas ce plafond, parce qu'il y a un problème d'offre et de demande et qu'il faut trouver des clients, contrairement aux zones tendues où il n'est pas difficile de trouver des locataires.

Monsieur Lionel Tardy, je crois qu'il n'y a pas de déséquilibre entre propriétaires et locataires. Les dispositifs confortent les acteurs de bonne foi, qu'ils soient propriétaires, locataires ou professionnels de l'immobilier. Il y aurait peut-être matière à revoir la loi concernant le délai de préavis de départ d'un locataire, qui peut être d'un mois en zone tendue, par exemple, contre trois mois dans le droit commun. Mais, compte tenu du nombre d'exceptions, on ne sait plus aujourd'hui ce qu'est l'exception et ce qu'est la règle. Pour le reste, j'estime que nous avons atteint un équilibre satisfaisant.

Vous êtes sans doute, comme moi, très favorable à la décentralisation. La déclaration de louer et le permis de diviser sont à la main des élus locaux, qui en feront ce qu'ils veulent. Ces dispositifs ne visent ni l'ensemble du territoire national, ni la quasi-totalité des propriétaires qui louent et qui ne sont pas des marchands de sommeil. Mais, s'agissant des marchands de sommeil, ces nouveaux outils très ciblés peuvent être extrêmement utiles aux élus locaux, c'est-à-dire, aujourd'hui, compte tenu du résultat des dernières élections, en grande majorité à vos amis. De nombreuses villes attendent ces outils, qui doivent être utilisés avec mesure, pour avoir une bonne connaissance de l'état du logement dans les communes considérées. Ils peuvent également servir à repérer qui loue et à qui on loue dans certains lieux de notre territoire où, malgré tout ce qui a pu être fait précédemment et sous différentes majorités, les outils n'étaient pas suffisamment adaptés à ces pratiques frauduleuses.

Je tiens à dire, par ailleurs, qu'un des quatre autres articles de la loi ALUR censurés par le Conseil constitutionnel visait à adapter nos outils aux pratiques des marchands de sommeil, qui agissent sous couvert de sociétés civiles immobilières (SCI). Le Conseil constitutionnel a jugé que cette mesure n'était pas constitutionnelle. De ce point de vue, il y a un « trou dans notre raquette » dont profitent nombre de marchands de sommeil.

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