Commission des affaires économiques

Réunion du 25 janvier 2017 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a examiné le rapport d'information de MM. Daniel Goldberg et Jean-Marie Tétart, sur la mise en application des titres Ier et II de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

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Mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser notre présidente, Mme Frédérique Massat. De retour de Colombie où elle a accompagné le Président de la République en tant que présidente du groupe d'amitié France-Colombie, elle nous rejoindra plus tard.

Nous examinons aujourd'hui le rapport d'information de la mission de contrôle sur la mise en application des titres Ier et II de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

Pour le contrôle de l'application de cette loi, notre commission avait désigné le 20 octobre 2015 deux binômes de rapporteurs : M. Daniel Goldberg et M. Jean-Marie Tétart pour les titres Ier et II ; Mme Audrey Linkenheld et M. Éric Straumann pour les titres III et IV – notre commission a autorisé la publication du rapport de ces derniers le 25 octobre 2016.

Composés de 95 articles, les titres Ier et II abordent pratiquement tous les aspects de la question du logement, des rapports locatifs au fonctionnement des copropriétés en passant par la professionnalisation des métiers de l'immobilier, la prévention des expulsions locatives et la lutte contre l'habitat indigne.

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Monsieur le président, chers collègues, je tiens tout d'abord à souligner notre satisfaction, à Jean-Marie Tétart et à moi-même, devant l'excellente qualité des auditions de très nombreux acteurs du logement auxquelles nous avons procédé, qu'il s'agisse des représentants des locataires, des propriétaires, des professionnels de l'immobilier ou de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP).

Rassemblant 95 articles sur les 177 que compte la loi ALUR, les titres Ier et II concernent l'ensemble des rapports entre locataires et propriétaires, le fonctionnement des copropriétés, la professionnalisation des métiers de l'immobilier, la prévention des expulsions locatives et la lutte contre l'habitat indigne.

Partant du principe que le logement n'est pas un bien de consommation comme un autre, la loi entend réguler certaines pratiques pour garantir l'accès de tous au logement et combattre certains excès. J'ai toujours considéré que son objectif était de conforter l'ensemble des acteurs qui agissent de bonne foi – locataires, propriétaires, professionnels de l'immobilier – et de réprimer les pratiques abusives. Dans ce but, ont été mis en place de nouveaux outils, pour beaucoup consensuels, et préparés par des travaux antérieurs – je pense au rapport sur les copropriétés de M. Dominique Braye ou au Livre blanc rédigé par la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM).

112 mesures de la loi devaient faire l'objet d'un décret d'application ou d'un arrêté ministériel. Presque trois ans après sa promulgation, 91 % de ces mesures ont fait l'objet d'une déclinaison réglementaire. Elles sont venues s'ajouter aux mesures d'application directe.

Toutefois, ces décrets n'ont, pour la plupart, pas été publiés dans le délai de six mois après la promulgation de la loi recommandé par le Premier ministre dans sa circulaire du 7 juillet 2011. Ils ont en effet été publiés entre la fin de l'année 2015 et la fin de l'année 2016. Cela tient à différentes raisons : la nécessité d'une concertation approfondie menée grâce au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), créé par la loi, mais aussi les retards causés par les changements au sein du Gouvernement.

Je tiens à souligner la disponibilité des différents services de l'État, de la DHUP, des cabinets des deux ministres qui ont succédé à Mme Cécile Duflot, à savoir Mmes Sylvia Pinel et Emmanuelle Cosse, chevilles ouvrières de l'application de la loi.

S'agissant des rapports locatifs, bon nombre de mesures sont entrées en application et changent très concrètement la vie de nos concitoyens. Pensons à la régulation des honoraires de location : auparavant, notamment dans les zones les plus tendues du territoire, les agences immobilières demandaient au locataire l'équivalent d'un mois, voire de deux mois de loyer ; aujourd'hui, partout en France, grâce à des tarifs régulés, les honoraires sont calculés en fonction du nombre de mètres carrés de la chose louée. Le contrat de bail type et l'état des lieux type constituent un élément de sécurisation pour le locataire mais aussi pour le propriétaire louant son bien sans l'entremise d'un professionnel de l'immobilier, qui peut désormais s'appuyer sur un document juridiquement stable négocié avec la profession. La loi a aussi établi une liste des pièces justificatives qui peuvent être exigées par le propriétaire au moment de la location et une liste du mobilier minimum obligatoire pour un meublé. Elle a amélioré la régulation des préavis et l'obligation d'assurance du locataire. Elle a sécurisé le régime de la colocation et a établi pour la première fois une réglementation des meublés touristiques temporaires, ce qui était nécessaire compte tenu de l'essor de nouvelles pratiques de location. Elle a clarifié les dispositions relatives à la fin du bail, en prenant en compte notamment les difficultés liées à la vente à la découpe, au congé-vente ou au congé-reprise.

Je ne peux, bien sûr, passer sous silence l'encadrement des loyers et la garantie universelle des loyers (GUL).

S'agissant de la garantie universelle des loyers, nous nous heurtons à une difficulté : le Parlement a, après de longs débats, adopté ce dispositif, l'intégrant au code de la construction et de l'habitation, puis le Gouvernement a choisi de ne pas l'appliquer, le remplaçant par le dispositif « Visa pour le logement et l'emploi » dit « Visale », lequel demande encore à faire ses preuves. Il me semble que le Gouvernement aurait dû revenir devant le Parlement pour expliquer sa décision et lui demander de supprimer ces dispositions inappliquées.

Quant à l'encadrement des loyers, il est en vigueur à Paris depuis le 1er août 2015 et le sera à Lille à partir du 1er février 2017. Le tsunami redouté par les opposants à ce dispositif n'a pas eu lieu : nous n'avons pas constaté de retrait massif de biens immobiliers du marché locatif. Cette mesure a permis de lutter contre des loyers excessifs et a eu des effets pédagogiques. Elle sera étendue à la première couronne parisienne d'ici à quelques mois.

Si je regrette la décision de limiter l'encadrement des loyers à certaines zones urbaines de notre pays, ce qui est d'ailleurs contraire à la loi, je me félicite que les observatoires des loyers se soient développés.

Enfin, je voudrais citer le bilan tout à fait positif d'un autre type d'encadrement des loyers, moins connu, je veux parler de l'encadrement des loyers à la relocation. Un propriétaire, lorsqu'il loue son bien à un nouveau locataire, ne peut augmenter le loyer, à moins que le bien ait fait l'objet de travaux d'amélioration importants.

Ce dispositif a permis une baisse des loyers et a bénéficié tout particulièrement aux jeunes. Pour les petites surfaces, il a eu un effet certain et a contribué à un gain de pouvoir d'achat pour les étudiants et leurs familles.

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Je consacrerai mon propos à la régulation et à la réforme des métiers des professionnels de l'immobilier puis à la rénovation du fonctionnement des copropriétés.

J'aimerais tout d'abord souligner la création du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), mis en place dès l'été 2014. Son but est d'associer l'ensemble des professionnels de l'immobilier à l'élaboration des nombreux décrets d'application de la loi ALUR. Il a travaillé très activement en donnant des avis sur pas moins de 17 décrets. Toutefois, l'absence de personnalité morale et de ressources financières propres a limité sa capacité de travail et son autonomie.

Certaines des organisations que nous avons auditionnées ont exprimé leur déception quant au fait que les propositions du conseil n'ont pas été suivies par le Gouvernement – c'est le cas notamment pour le contrat type de syndic. Certes, le CNTGI a été conçu comme une instance consultative et non décisionnaire mais il serait bon que les services de l'État motivent de manière plus explicite les raisons pour lesquelles telle ou telle proposition n'est pas retenue. Nous militons avec M. Daniel Goldberg pour un meilleur dialogue. Nous considérons également que les copropriétaires devraient aussi être représentés au sein de cette instance.

Reprenant une proposition émise dès 2011 dans le Livre blanc des états généraux des professions immobilières, l'article 24 de la loi ALUR a confié le soin au CNTGI de proposer au Gouvernement un code de déontologie applicable à tous les professionnels de l'immobilier. C'est sur la base de ses travaux qu'un décret fixant les règles constituant ledit code a été publié le 28 août 2015. Il a été unanimement salué. Depuis le 1er avril 2016, les professionnels de l'immobilier sont également soumis à une obligation de formation continue. Les différentes réformes ne seront pleinement effectives qu'en 2017, grâce à l'application de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté, laquelle a joué un rôle très important dans l'application des dispositions de la loi ALUR en levant plusieurs obstacles.

La loi ALUR a prévu la création d'une commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières, chargée de faire appliquer ce code de déontologie. Ses modalités de fonctionnement et d'organisation devaient être fixées par un décret dont la rédaction a soulevé d'importantes difficultés. La loi n'avait, en effet, prévu aucune source de financement dédié et les discussions budgétaires interministérielles ont révélé qu'aucun ministère ne souhaitait contribuer aux frais de fonctionnement.

L'article 124 de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté a procédé à la fusion du CNTGI et de la commission de contrôle en une autorité publique dotée de la personnalité morale. Le financement de ce nouveau CNTGI sera assuré par le versement de cotisations forfaitaires acquittées par les professionnels de l'immobilier. Sa capacité d'action est désormais garantie.

J'en viens au fonctionnement des copropriétés, qui a été profondément rénové.

Le premier objectif poursuivi a été la prévention de la dégradation des copropriétés grâce à l'amélioration de la prise de décisions.

Les dispositions visant à faciliter les travaux dans les copropriétés sont désormais opérationnelles. La loi a modifié les conditions de majorité requises pour que l'assemblée générale des copropriétaires décide d'engager certains travaux : mise aux normes, modernisation des ensembles immobiliers, améliorations technologiques, ou encore transition énergétique. Ces nouvelles procédures sont unanimement saluées.

En outre, chaque syndicat de copropriétaires doit désormais constituer un fonds de travaux, mesure réclamée depuis longtemps. Il serait bon que leur création s'accompagne de la mise en oeuvre des nouveaux outils que sont le plan pluriannuel de travaux et le diagnostic technique global de copropriété pour une programmation intelligente.

Les sommes de ces fonds peuvent être placées sur un livret A. Or aujourd'hui, le plafond réglementaire est de 76 500 euros par copropriété, quelle que soit sa taille. Il faudra permettre aux grandes copropriétés de détenir plusieurs livrets A ou bien moduler le plafond, comme le prévoit la loi.

Les informations données au candidat acquéreur, afin qu'il soit pleinement conscient du niveau de charges dont il devra s'acquitter, ont fait débat. Le Parlement a décidé qu'il devrait se voir communiquer les principaux documents relatifs à la copropriété au stade de la promesse de vente et non plus de l'acte authentique de vente. Certains ont souligné que ce changement serait source de lourdeurs, compte tenu du volume des documents à fournir. Ces craintes n'ont plus lieu d'être : l'ordonnance du 27 août 2015 autorise désormais la transmission dématérialisée.

Nous considérons que les difficultés de mise en oeuvre de ces dispositions auraient pu être évitées si une date d'entrée en vigueur différée avait été prévue afin de laisser davantage de temps aux professionnels et aux consommateurs pour s'adapter à la nouvelle législation.

La loi comporte, en outre, plusieurs dispositions destinées à apaiser les relations entre les syndics et les copropriétaires.

Elle a en particulier prévu un contrat type de syndic défini par décret en Conseil d'État fondé sur une forfaitisation des prestations courantes. Défini par le décret du 26 mars 2015, il s'applique aux contrats conclus ou renouvelés depuis le 1er juillet 2015. Sa mise en oeuvre ne fait pas consensus. Les professionnels de l'immobilier estiment que la rédaction retenue par le Gouvernement n'est pas suffisamment claire et que la liste limitative des prestations particulières pouvant donner lieu au versement d'une rémunération spécifique complémentaire est trop courte. Les associations de copropriétaires et de consommateurs se sont en revanche félicitées du contenu de ce décret. D'après elles, ce contrat type sera utile pour comparer les offres des différents syndics et limiter les abus.

Ces mêmes associations dénoncent une hausse des frais des syndics à la suite des réformes décidées par la loi ALUR. Certaines estiment que le prix des forfaits a augmenté en moyenne de plus de 20 %. Certes, la forfaitisation peut conduire les syndics à augmenter le prix des prestations annexes ou des forfaits eux-mêmes mais, en l'absence d'observatoire des pratiques commerciales, on ne peut dire qui a raison. Il semblerait toutefois que certains syndics aient augmenté leurs tarifs depuis 2015.

S'inspirant des travaux du sénateur Daniel Braye, la loi ALUR a créé un nouvel outil d'intervention des pouvoirs publics : les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD). Deux premières opérations ont été lancées, l'une à Clichy-sous-Bois, l'autre à Grigny. Déclarées d'intérêt national, elles sont pilotées par l'établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF). Nous n'avons pas encore assez de recul pour juger des résultats mais nous estimons que les procédures créées par la loi ALUR sont suffisamment souples et fournissent aux opérateurs une boîte à outils qui leur permet d'être plus efficaces.

Je laisse maintenant la parole à M. Daniel Goldberg pour évoquer la prévention des expulsions et la lutte contre l'habitat indigne.

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La loi ALUR comporte plusieurs dispositions visant à améliorer la prévention des expulsions locatives. Elle a facilité le rapprochement des politiques d'hébergement et du logement grâce à la mise en place de plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), dont on mesure toute la pertinence en cette période de grand froid. En outre, elle a renforcé le rôle des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX). Quelles que soient les circonstances, nous savons qu'une expulsion est un échec. Je ne détaillerai pas plus ce point très important.

La lutte contre l'habitat indigne rejoint les actions destinées à lutter contre les copropriétés dégradées, questions qui avaient été approfondies par notre collègue Claude Dilain, sénateur-maire de Clicly-sous-Bois et co-rapporteur de la loi ALUR au Sénat, aujourd'hui décédé.

Pour renforcer les actions de lutte contre l'habitat indigne, la loi a prévu un transfert des polices spéciales de l'habitat aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), transfert au bilan contrasté. Pour beaucoup de communes et d'EPCI, ce transfert s'est fait dans des conditions peu claires. Par ailleurs, aucune délégation des polices préfectorales n'a eu lieu pour l'instant. Nous estimons, M. Jean-Marie Tétart et moi-même, qu'il faudrait remettre à plat l'organisation des services communaux d'hygiène et de santé (SCHS) à travers des conventions d'objectifs et de moyens. Depuis le début du processus de décentralisation, dans les années quatre-vingt, ces prérogatives transférées par l'État ne sont pas véritablement clarifiées, qu'il s'agisse des responsabilités ou du financement.

De nouvelles sanctions contre les marchands de sommeil sont applicables. Désormais, le casier judiciaire des acquéreurs sera vérifié pour éviter le phénomène des « coucous » par lequel des marchands de sommeil acquièrent de nouveaux logements au sein d'une copropriété dans laquelle ils détiennent déjà des biens. Les copropriétaires peuvent eux-mêmes se prémunir contre de telles acquisitions. La loi définit des astreintes administratives qui commencent seulement à être utilisées. Il s'agit de toucher les marchands de sommeil au porte-monnaie, ce qui paraît le plus efficace. Enfin, la consignation des aides personnelles au logement (APL) nécessite que les caisses d'allocations familiales (CAF) mettent en place de nouvelles procédures.

Les collectivités, depuis la publication d'un décret fin décembre 2016, disposent de trois nouveaux outils fortement attendus : la déclaration de louer, l'autorisation de louer et le permis de diviser. Les communes et les EPCI qui le désirent pourront définir sur l'ensemble du territoire communal, dans certains quartiers ou pour certains immeubles, des périmètres où il sera nécessaire de déposer une déclaration de louer, pour faire connaître les dispositions du bail, une autorisation de louer ou encore un permis de diviser que la collectivité pourra refuser si elle veut s'opposer à la division de pavillons en de multiples logements.

La lutte contre l'habitat indigne constitue un problème social, pour les familles, les copropriétaires et les collectivités qui subissent les agissements des marchands de sommeil, mais elle est aussi liée à la sécurité publique et à la lutte contre le terrorisme, comme l'ont montré les événements dramatiques de l'année dernière.

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Laissez-moi vous remercier, Messieurs les rapporteurs, pour la qualité de votre rapport et le travail que vous avez accompli.

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Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER), je m'associe aux félicitations adressées à nos deux rapporteurs, qui forment un beau tandem.

Sur l'ensemble des titres de la loi, un même constat s'impose : les dispositions de ce texte dense sont pour la plupart entrées en application, même si pour certaines, les décrets ont tardé à être publiés. Nous connaissons les raisons de ces délais : certaines se justifient par les nécessités de la concertation mais d'autres sont moins compréhensibles. Ainsi il a fallu attendre deux ans, presque trois, pour que le décret relatif à la déclaration, à l'autorisation de louer et au permis de diviser soit publié, alors que rien ne semble justifier un tel retard. Au moins les collectivités ont-elles eu le temps de se préparer à les appliquer.

Même s'il reste des points de divergence entre les particuliers et leurs représentants et les professionnels et leurs représentants, la polémique a laissé place au consensus. Lors des débats parlementaires, la loi ALUR était accusée de tous les maux, en particulier des mauvais chiffres de la construction de l'année 2013. Avec le recul, nous voyons bien qu'elle n'a pas empêché les très bons chiffres de la construction et de la rénovation enregistrés en 2016, ce dont nous nous réjouissons.

C'est une loi qui institue des réformes structurelles, aux effets immédiats mais aussi de moyen et de long termes. En ce mois de janvier, période de voeux, je formule le souhait que des stratégies politiciennes n'aboutissent pas à un retour à la polémique. À travers cette loi, nous avons essayé de répondre à un besoin fondamental, être bien logé, ce qui va dans le sens de l'intérêt général car être bien logé, c'est pouvoir bien vivre, bien apprendre, être autonome, être épanoui, s'investir dans le monde du travail, la vie associative, la cité. Au-delà des clivages politiques, nous devrions tous pouvoir nous retrouver dans ces objectifs.

Le groupe SER se félicite de l'application de cette loi, loi de régulation et d'innovation.

Je ne peux m'empêcher de revenir sur la régulation du marché immobilier privé. À Lille, nous nous réjouissons que l'encadrement des loyers s'applique à partir du 1er février. Ce ne sont pas seulement des raisons politiques qui ont poussé à limiter l'encadrement à la ville centre mais aussi des raisons objectives liées au marché. La majorité des 28 agglomérations situées en zone tendue s'est dotée d'un observatoire des loyers, ce qui est une bonne chose, mais il faudrait peut-être réfléchir à une meilleure articulation entre encadrement et observation des loyers. Certains responsables n'osent pas faire agréer leur observatoire car ils redoutent un encadrement trop rigide.

S'agissant de la lutte contre l'habitat indigne, les dispositions que j'évoquais ont constitué des innovations très attendues au même titre que les ORCOD.

Les dispositions concernant l'habitat participatif sont bien appliquées. De nombreuses réunions de travail ont suivi la promulgation de la loi mais, malgré la publication des décrets, il reste quelques sujets compliqués à régler, notamment la garantie financière d'achèvement. En l'occurrence, ce ne sont pas les banques qui posent problème mais les organismes garants et assurantiels qui se refusent à intégrer ces éléments réglementaires dans leurs pratiques.

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Pensez-vous que les dispositions contenues dans l'article 16 de la loi ALUR, concernant notamment la location des meublés touristiques, complétées par celles de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, suffiront à atteindre l'objectif, fixé par la loi, d'éviter une concurrence déloyale avec les locations traditionnelles ? Quid de la difficulté à conduire des vérifications de ces locations ? De nouvelles pistes ont-elles été explorées ?

Pourrait-on envisager de permettre aux assemblées de copropriétaires de soumettre à leur accord préalable toute demande de changement d'usage d'un logement aux fins de louer pour de courtes durées à une clientèle de passage ?

Dans la période de grand froid que nous connaissons, nous avons constaté une augmentation des incendies. Avez-vous des informations précises sur la mise en application de la loi de 2010 visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation ?

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Le logement n'est pas un bien comme les autres. L'objectif de la loi ALUR consiste à réguler les pratiques pour garantir l'accès de tous à un logement décent à un prix abordable. Vous constatez, dans votre rapport, que la loi ALUR permet de se rapprocher, dans les faits, de cet objectif, bien que tout ne soit pas parfait.

Cependant, certaines mesures ont été rapidement abandonnées – et ce, en désavouant le Parlement –, comme la garantie universelle des loyers, ou amputées, comme l'encadrement durable des loyers, qui est devenu seulement expérimental. Après Paris, Lille et Grenoble devraient à leur tour l'expérimenter prochainement. Il faut remarquer, par ailleurs, que le logement très social – les prêts locatifs aidés d'intégration, (PLAI) – n'a pas beaucoup progressé, de même que le logement social, toutes catégories confondues.

Vous faites le constat que les honoraires de location à la charge du locataire ont réellement baissé, particulièrement dans les zones très tendues. Cependant, dans les zones non tendues, il semble que le résultat ne soit pas probant et que les frais d'agence ont même pu augmenter de 5 %, selon l'UFC-Que Choisir. Quelles mesures serait-il possible d'envisager pour l'avenir ? Cette disposition, acceptée par les professionnels de l'immobilier, n'a pas suscité d'opposition majeure. Pensez-vous que ce relatif consensus est dû au choix qui a été fait en amont de la loi de mettre autour de la table tous les intéressés, quitte à ce que cela demande un peu plus de temps ?

De nombreuses mesures structurelles sont actuellement en place, en ce qui concerne, par exemple, les terrains à libérer. Il reste que le niveau de construction reste nettement en deçà des 500 000 nouveaux logements par an à construire. De la même façon, pour le logement social, on en est à environ 110 000 logements construits par an, au lieu des 150 000 envisagés. Cela est-il dû, d'après vous, au manque d'engagement financier de l'État ? Ou bien quelles sont les causes à pointer, de façon à y remédier ?

Enfin, des mesures en faveur du logement intermédiaire ont été introduites dans la loi ALUR. Pouvez-vous nous indiquer ce qu'il en est du développement du logement intermédiaire ? Cela a-t-il porté ombrage au développement du logement social ?

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Ce rapport montre avec sincérité un bilan plus que mitigé sur la loi ALUR. Bien sûr, tout n'est pas à jeter. Je pense, par exemple, à la liste minimale de mobilier dans un logement meublé, à laquelle j'étais favorable lors de nos débats.

Mais, comme on pouvait s'y attendre, cette loi a contribué à déséquilibrer les rapports entre bailleurs et locataires. Dans le contexte actuel, il y a une vraie tendance au découragement des propriétaires qui voudraient louer leur bien.

La mesure la plus emblématique, l'encadrement des loyers à Paris, est bien résumée dans votre rapport. Vous constatez une baisse des loyers, sans pouvoir garantir le lien de cause à effet. En revanche, il y a peut-être eu un véritable impact sur le nombre de logements mis en location, mais j'imagine que c'est difficile à mesurer.

Le permis de louer a pour but de lutter contre l'habitat indigne. Le décret d'application a été publié tardivement, fin décembre 2016, ce que vous déplorez. Même si les communes décideront de son application, c'est, à première vue, une nouvelle barrière à la location. Nous n'avons encore aucun recul sur l'application de cette mesure, mais ne faut-il pas privilégier d'autres outils pour lutter contre les logements insalubres ? Ne s'agit-il pas d'une bureaucratisation supplémentaire du marché immobilier, qui va décourager la mise en location de logements ?

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En ce qui concerne la liaison entre observation et encadrement des loyers, Madame Audrey Linkenheld, pour l'investisseur immobilier, qui est souvent un petit propriétaire désirant louer son bien, lequel représente généralement l'investissement d'une vie, il y a un sujet essentiel : la stabilité. Autrement dit, ce propriétaire doit savoir, sur une échelle de temps d'au moins dix ans, ce que son bien va lui rapporter.

C'est pourquoi je considère que soumettre l'encadrement des loyers à la volonté des maires n'est pas une bonne décision. Les municipalités peuvent changer de bord, sans compter que deux maires de la même sensibilité politique peuvent ne pas avoir le même avis sur le sujet. Le manque de visibilité de l'investisseur sur ce que son bien va lui rapporter est un vrai frein à l'investissement. La décision prise par le Gouvernement à la fin de l'année 2014 n'est pas un bon signal pour les investisseurs immobiliers.

J'ai l'habitude de prendre comme exemple la ville de Toulouse, qui est passée de gauche à droite. Le maire de Toulouse, avant 2014, mon ami Pierre Cohen, était favorable à l'encadrement des loyers, mais M. Jean-Luc Moudenc, qui lui a succédé, y est défavorable. Pour ma part, je souhaite que la ville de Toulouse repasse à gauche en 2020 et que l'on mette en place l'encadrement des loyers. Mais si je me place du point de vue de l'investisseur immobilier qui veut mettre son bien en location à Toulouse, il a besoin de savoir ce qu'il va se passer dans les années à venir.

La liaison entre observation et encadrement est un vrai sujet. Il n'a jamais été prévu de mettre en place l'encadrement des loyers sur l'ensemble du territoire national, mais seulement sur les zones tendues. Or, entre les 28 zones tendues de notre territoire national, il y a d'énormes disparités. Une bonne partie des villes de la Corse sont en zone tendue, de même que Paris. Pourtant, le marché de l'immobilier n'est pas le même à Paris et à Ajaccio. Dans les métropoles, qui connaissent une crise particulière du marché de l'immobilier, et donc, des excès, une plus grande automaticité du lien entre observatoire et encadrement des loyers serait une bonne chose.

Monsieur Lionel Tardy, l'encadrement des loyers n'est pas destiné à faire baisser la moyenne des loyers là où il s'applique, mais à réguler les pratiques par rapport à des montants de loyers excessifs. L'encadrement des loyers n'entraîne pas de baisse parce que, fort heureusement, nous n'avons pas conçu ce dispositif de manière purement administrative, en décidant au doigt mouillé des montants de loyers encadrés, mais par rapport à la réalité du marché.

J'en viens à la question de M. Jean-Claude Mathis sur les meublés touristiques temporaires, que l'on peut appeler le « phénomène Airbnb » puisque c'est bien souvent cette officine qui agit dans ce cadre.

Je rappelle ce qui a été engagé par la loi ALUR et poursuivi par plusieurs autres dispositifs, de manière très consensuelle, dans la loi dite « Macron », la loi pour une République numérique, la loi de finances et, dernièrement, dans la loi dite « Sapin II ».

Il ne s'agit pas d'empêcher quelqu'un qui part en vacances de louer son propre bien dans le cadre d'un échange avec un autre particulier. Par contre, la loi précise que la manière « normale » de louer un bien ne peut pas être le meublé touristique temporaire, car cela provoque une forme d'embolisation du marché de l'immobilier qui, de fait, empêche de nombreuses familles de se loger. Ce sont plusieurs dizaines de milliers de logements qui sont concernés à Paris, et le phénomène se développe aussi sur la Côte d'Azur, notamment à Nice. Ça, ce n'est pas possible. On ne peut pas louer, toute l'année, des biens que l'on n'habite pas soi-même, sous forme de meublé touristique temporaire, à des gens qui arrivent tous les trois jours.

Nous avons voté, dans le cadre de la loi ALUR, la possibilité de soumettre aux assemblées de copropriétaires toute demande de changement d'usage d'un logement afin de louer à une clientèle de passage, mais le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire au droit de propriété.

J'ai la faiblesse de penser que la situation n'a pas été prise en compte dans son ensemble par les sages. Le droit de propriété comprend aussi le droit des autres copropriétaires. Force est de constater, par exemple, que les parties communes d'un immeuble sont bien plus souvent abîmées et qu'il y a des troubles de jouissance quand un appartement est loué toute l'année sous la forme de meublé touristique temporaire. Sans doute faudra-t-il y revenir.

Vous avez aussi évoqué les détecteurs de fumée. Comme vous le savez, la loi date de 2010 et est applicable depuis 2015. Nous avons auditionné ici des représentants de l'UFC-Que Choisir sur ce sujet. Le bilan dressé il y a quelques jours par Mme Emmanuelle Cosse, ministre chargée du logement, et M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur, fait état d'une baisse de 25 % du nombre de victimes.

La loi ALUR a clarifié les responsabilités. Le propriétaire est responsable de la pose et du bon fonctionnement du détecteur de fumée au moment de la signature du bail et le locataire est responsable de son bon fonctionnement pendant toute la durée du bail. Cela étant, il y a sans doute encore à faire en termes de pédagogie.

Madame Michèle Bonneton, vous avez dit que le Parlement avait été désavoué parce que certains dispositifs n'avaient pas été mis en place. À titre personnel, je vous rejoins sur ce point, même si, globalement, entre les dispositifs qui n'ont pas été mis en place et ceux qui l'ont été – sans parler des décrets d'application –, 98 % des dispositifs de la loi ALUR sont en place aujourd'hui.

Vous avez aussi évoqué le nombre de constructions de logements sociaux. Honnêtement, les chiffres de l'année 2016 sont tout à fait satisfaisants. Par ailleurs, la construction n'était pas l'objet de cette partie de la loi ALUR. Nous en avons largement débattu dans les lois de finances ou dans d'autres lois. Le logement intermédiaire n'était pas non plus l'objet de la loi ALUR.

En ce qui concerne les honoraires de location, vous avez pointé l'une des difficultés, reconnue d'ailleurs tant par les représentants des locataires que des propriétaires, concernant le montant des honoraires de location en zone détendue. Ce montant est actuellement fixé par un décret d'application de la loi à 8 euros du mètre carré, plus 3 euros si l'état des lieux est effectué. Ces 11 euros au mètre carré payés par le locataire sont des plafonds, mais s'il est appliqué, ce montant est bien souvent supérieur à ce qui était demandé précédemment par les agences immobilières. Ce plafond a d'ailleurs fait l'objet d'une concertation avec le CNTGI. Je considère qu'il est trop élevé, mais puisqu'il s'agit d'un plafond, on n'est pas obligé de l'appliquer.

Par ailleurs, le métier des professionnels de l'immobilier n'est pas le même partout. Nombre d'agences immobilières dans les zones détendues sont raisonnables et n'appliquent pas ce plafond, parce qu'il y a un problème d'offre et de demande et qu'il faut trouver des clients, contrairement aux zones tendues où il n'est pas difficile de trouver des locataires.

Monsieur Lionel Tardy, je crois qu'il n'y a pas de déséquilibre entre propriétaires et locataires. Les dispositifs confortent les acteurs de bonne foi, qu'ils soient propriétaires, locataires ou professionnels de l'immobilier. Il y aurait peut-être matière à revoir la loi concernant le délai de préavis de départ d'un locataire, qui peut être d'un mois en zone tendue, par exemple, contre trois mois dans le droit commun. Mais, compte tenu du nombre d'exceptions, on ne sait plus aujourd'hui ce qu'est l'exception et ce qu'est la règle. Pour le reste, j'estime que nous avons atteint un équilibre satisfaisant.

Vous êtes sans doute, comme moi, très favorable à la décentralisation. La déclaration de louer et le permis de diviser sont à la main des élus locaux, qui en feront ce qu'ils veulent. Ces dispositifs ne visent ni l'ensemble du territoire national, ni la quasi-totalité des propriétaires qui louent et qui ne sont pas des marchands de sommeil. Mais, s'agissant des marchands de sommeil, ces nouveaux outils très ciblés peuvent être extrêmement utiles aux élus locaux, c'est-à-dire, aujourd'hui, compte tenu du résultat des dernières élections, en grande majorité à vos amis. De nombreuses villes attendent ces outils, qui doivent être utilisés avec mesure, pour avoir une bonne connaissance de l'état du logement dans les communes considérées. Ils peuvent également servir à repérer qui loue et à qui on loue dans certains lieux de notre territoire où, malgré tout ce qui a pu être fait précédemment et sous différentes majorités, les outils n'étaient pas suffisamment adaptés à ces pratiques frauduleuses.

Je tiens à dire, par ailleurs, qu'un des quatre autres articles de la loi ALUR censurés par le Conseil constitutionnel visait à adapter nos outils aux pratiques des marchands de sommeil, qui agissent sous couvert de sociétés civiles immobilières (SCI). Le Conseil constitutionnel a jugé que cette mesure n'était pas constitutionnelle. De ce point de vue, il y a un « trou dans notre raquette » dont profitent nombre de marchands de sommeil.

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Ce rapport d'information a été d'autant plus facile à faire pour moi que la partie encadrement des loyers et garantie universelle des loyers n'a pas été appliquée telle que le prévoyait la loi. C'est sur ces sujets que nous avions le plus débattu.

Je partage le sentiment de M. Daniel Goldberg sur la nécessité d'une stabilité. Je souhaite qu'il y ait à Toulouse une grande stabilité pour les dix ans à venir, car c'est très important pour l'ensemble du secteur…

En ce qui concerne l'équilibre entre propriétaires et locataires, je reconnais, malgré une certaine méfiance de ma part lors de nos débats, que la loi a joué un rôle de régulation. Il subsiste encore le problème des délais de préavis, qui ne sont pas les mêmes en zone tendue et en zone détendue. Mais c'est surtout sur le cas des impayés de loyers qu'il nous faudra revenir. Certes, il y avait la garantie universelle des loyers, mais cette disposition était insuffisante dans les cas très lourds, c'est-à-dire lorsqu'un locataire arrive à spolier un propriétaire.

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En ce qui concerne le délai de préavis, je suis d'accord avec vous, trop d'exceptions nuisent à la lisibilité de la règle. Cela étant, la question du délai de préavis pour les personnes qui se voient attribuer un logement social est ressortie de nos débats. Pour le coup, que ce soit en zone tendue ou détendue, des personnes, logées dans le privé dans l'attente d'un logement social, sont malheureusement obligées de le refuser parce qu'elles sont dans l'incapacité de payer le préavis du logement privé et d'anticiper sur les frais d'entrée dans le logement social.

Cette exception fait-elle partie, pour vous, de celles qu'il faudrait supprimer ? Vous aurez compris qu'en ce qui me concerne, je pense qu'il faudrait retravailler cette question avant de généraliser le délai de préavis de deux mois, comme vous le proposez dans votre rapport.

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Je voudrais revenir sur l'article 16 de la loi ALUR et la question d'Airbnb, parce que je constate que les maires et les collectivités n'ont aucun moyen de lutter contre ces pratiques.

Je pense également que l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation a été mal rédigé. Il aurait dû simplement préciser que les règles d'urbanisme s'appliquent à tous. Lorsqu'on divise, par exemple, des appartements, on devrait avoir autant de places de stationnement, notamment dans les centres urbains très chargés. Le drame, c'est qu'entre-temps, on a supprimé la possibilité pour les élus locaux, notamment les maires, de demander une taxe concernant les stationnements.

Autrement dit, d'un côté, on « s'arme » avec l'article 16 pour éviter le tout et n'importe quoi du Airbnb professionnel – je ne parle pas de ceux qui habitent dans leur logement –, et de l'autre, on supprime la possibilité de taxation par les communes. Il faudrait au moins préciser dans votre rapport qu'il nous manque un outil.

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En ce qui concerne la durée du délai de préavis, certains propriétaires ou représentants de propriétaires nous ont fait savoir qu'ils avaient besoin d'un délai suffisant entre le moment où le préavis est connu et le fait de retrouver un locataire. Il est vrai que, dans certains cas, le délai d'un mois peut être relativement court, surtout si l'on considère qu'il faut faire des travaux, ne serait-ce que rafraîchir l'appartement, et donc, trouver des artisans disponibles pour faire ces travaux rapidement.

Nous avons eu un débat, lors de l'examen de la loi, pour savoir si le délai d'un mois devait être réservé aux logements très sociaux, comme les PLAI, ou être étendu à l'ensemble des logements sociaux. À titre personnel, je pense qu'une personne qui se voit attribuer un PLS n'est pas dans la même urgence que celle qui se voit attribuer un PLAI et qu'il faut prendre en compte ces différentes situations. Nous avons mis en avant une piste consistant à généraliser un délai de préavis de deux mois, mais je suis ouvert à la discussion.

S'agissant d'Airbnb, Monsieur Alain Suguenot, j'ai entendu votre argument sur la taxation concernant le stationnement. Cela étant, dans le monde décarboné que nous souhaitons, lier le logement au stationnement des voitures me semble difficile.

La location, toute l'année, sous forme de meublé touristique temporaire, d'une résidence qui n'est pas la résidence principale ne devrait pas exister. C'est un problème pour les professionnels de l'immobilier, les hôteliers, le marché du logement et les familles qui veulent se loger. C'est un dévoiement de la location « normale ». Il faut donc trouver tous les moyens possibles pour empêcher ce phénomène. Quand je vois ce qui est fait dans d'autres pays – je pense aux États-Unis d'où le phénomène est parti, voire à l'Espagne –, j'estime que nous ne faisons que rattraper les législations beaucoup plus dures de ces pays.

Avec l'article 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation, créé par la loi ALUR, nous avons voulu permettre le changement d'usage temporaire. Certains de nos collègues avaient proposé cette disposition, arguant du fait que les cadres français expatriés devaient pouvoir louer sous forme de meublé touristique temporaire leur logement en France. Nous avions, à l'époque, essayé de trouver une solution pour ce public particulier.

Le fait d'autoriser ou de contrôler le meublé touristique temporaire en fonction des gains obtenus, et donc, de différencier une pratique personnelle – comme un échange d'appartements pendant des vacances – d'une location « professionnelle » sous forme de meublé touristique temporaire me semble être aujourd'hui la manière la plus efficace d'agir.

Il n'empêche que le fait de louer plusieurs appartements dans une copropriété sous forme de meublés touristiques temporaires est un problème pour la collectivité, pour les professionnels de l'immobilier et pour les familles qui cherchent à se loger, mais c'est aussi un problème pour les gens qui habitent là toute l'année et qui subissent des troubles de jouissance manifestes, sans compter une perte de valeur de leur bien, car, s'ils veulent vendre, le prix sera moins élevé. Les frais seront également plus importants dans ces copropriétés du fait de la dégradation des parties communes.

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Nous constatons tous les excès de l' « uberisation » de la location touristique, mais nous ne sommes peut-être pas d'accord sur les raisons. Ce phénomène est aussi le fruit d'un déséquilibre des droits et des devoirs dans le bail d'habitation classique. Le propriétaire d'un logement qui a souffert à plusieurs reprises du déséquilibre des droits dans un bail d'habitation entre lui et son locataire est tenté, compte tenu de l'état actuel de notre droit positif, par d'autres sources de financement pour son logement et se tourne vers ce type de location.

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Je pense, Monsieur Daniel Goldberg, qu'il y a méprise. Les professionnels de l'immobilier ne sont pas opposés à cette pratique, pour une raison simple : maintenant, ils y participent.

Vous parliez tout à l'heure du stationnement par rapport à l'objectif zéro carbone. Nous sommes d'accord. Simplement, dans les villes petites et moyennes, on a encore besoin de voitures. Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, le vrai problème, c'est le stationnement des véhicules. D'autant plus si l'on veut sortir les véhicules des centres-villes. La taxation permettait aux communes d'implanter des parkings en périphérie et de mener une politique environnementale responsable.

Le problème, c'est qu'aujourd'hui, les professionnels de l'immobilier gèrent ce patrimoine avec des personnes qui n'habitent même pas dans la commune. L'agent immobilier vend l'appartement à la découpe et sert d'« hôtesse ». Il y a maintenant ce que l'on appelle des « boîtes à clés ». Il y a, dans ma petite ville de 23 000 habitants, un agent immobilier qui gère 300 boîtes à clés et il y a 500 Airbnb. Certes, ma ville est touristique, et elle compte 176 restaurants. Il n'empêche que la situation est devenue intolérable. Mettez-vous à la place des hôteliers…

Pour en revenir à l'article L. 631-7-1 précité, il faudra bien, un jour, se poser la question des contreparties.

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On peut aussi imaginer un lien entre ce débat sur la location touristique temporaire et ce que nous avons essayé de faire avec le permis de diviser.

La pratique de la division, qui touchait soit des pavillons, soit les maisons en bande qu'on peut connaître dans le Nord, ne passait pas sous les fourches caudines des services d'urbanisme parce que rien ne nécessitait de déposer une déclaration d'urbanisme : on ne touchait pas à la façade, on n'avait pas besoin de créer une place de stationnement etc. On arrivait ainsi à diviser une maison familiale, par exemple, en quatre studios, avec chacun son lavabo, et le tour était joué.

C'est ce qui nous a conduits à l'idée du permis de diviser, que nous n'allons pas imposer partout, mais seulement dans certaines communes qui comptent une proportion importante d'habitat dégradé ou qui sont soumises à une servitude de taille. Nous pourrions réfléchir au moyen d'étendre le permis de diviser aux villes concernées par un grand nombre de meublés touristiques temporaires.

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En ce qui concerne le stationnement, nous avions auparavant la possibilité d'accorder un permis sans aire de stationnement ou de demander la somme due au titre de la participation. Aujourd'hui, on a toujours la possibilité d'accorder le permis ou de le refuser pour des raisons de stationnement. Pour ma part, je le refuse. C'est un moyen de lutter contre ces pratiques.

Très franchement, Monsieur Yannick Moreau, je ne pense pas que les gens utilisent Airbnb parce qu'ils ont eu des mésaventures en matière de location. Les professionnels proposent de vraies stratégies de rentabilité. Il faut engager rapidement la lutte contre ces pratiques, qui sont à l'origine de la dégradation du secteur de l'immobilier.

Je tiens à souligner la qualité des auditions que nous avons menées sur un sujet qui, lors de l'examen de la loi ALUR, était très polémique. Trois ans après, à l'exception de l'encadrement des loyers et de la garantie universelle des loyers, on constate de vraies améliorations du secteur.

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En ce qui concerne Airbnb, je pense, comme M. Jean-Marie Tétart, que l'objectif du propriétaire est avant tout la rentabilité, même si ce que vous avez décrit, Monsieur Yannick Moreau, peut être vrai, sur le plan psychologique, pour des propriétaires ayant vécu de mauvaises expériences. Mais ce qui motive nombre de ceux qui louent de manière professionnelle ou quasi professionnelle toute l'année sous forme de meublés touristiques temporaires, c'est, je le répète, la recherche de la rentabilité. D'ailleurs, comment les en blâmer puisque cela n'était pas interdit ? Il faut mettre fin à ces pratiques qui ne sont à l'avantage de personne.

Pardonnez-moi si je n'ai pas été assez clair, Monsieur Alain Suguenot. Bien entendu, les professionnels de l'immobilier, aujourd'hui, pensent tous la même chose. Certes, il serait idiot de penser que nous résisterons à la numérisation de l'économie. Néanmoins, numérisation ne veut pas dire absence de règles. Mais les pratiques évoluent. D'ailleurs, les professionnels ont eux-mêmes développé des plateformes numériques bien plus performantes qu'elles ne l'étaient auparavant pour proposer des biens à louer ou à vendre dans un quartier, et je pense que cela va dans le bon sens. L'outil numérique peut aussi amener de la transparence, ce qui est essentiel, à mon avis, pour éviter la montée des prix dans le secteur du logement en général.

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Nous allons passer au vote sur l'autorisation de la publication du rapport d'information.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 25 janvier 2017 à 9 h 30

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. Alain Calmette, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Philippe Naillet, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Bernard Reynès, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tétart, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusés. – M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. Jean-Michel Couve, M. Laurent Furst, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Philippe Nilor, M. Dominique Potier, M. Franck Reynier, M. Thierry Robert, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – Mme Virginie Duby-Muller, M. Mathieu Hanotin, M. Paul Molac, M. Paul Salen