À force d’agressions contre nos ancrages, de destruction de nos traditions, de substitution de concepts à la sagesse populaire, nos gouvernements sont parvenus à énerver, au sens propre, la Nation française. Le réel fait un retour fracassant, qui exaspère les idéologues. Un réel, que chantait si bien le félibre Théodore Aubanel. « Ah ! Bien sûr, nous sommes des fous ! », s’écria Aubanel au centenaire de Pétrarque, qu’il présida. « Bien sûr, nous sommes fous de notre ciel, fous de notre terre, fous de notre chaud soleil, du rire de nos filles, de la grâce de notre langue ! Et nous voulons chanter, pleurer, aimer dans le doux parler de notre berceau et de nos mères, dans ce langage divin qui a été la résurrection de toutes les littératures du Midi – tant pis pour ceux qui l’ont oublié ! »
Vous avez entendu la voix d’Aubanel, contraints et forcés. Je vous prie d’entendre ce à quoi elle tenait aussi : les libertés communales, la subsidiarité, l’amour des clochers et le refus de la liquéfaction des identités en une grande mare insalubre et anxiogène. Le vieux fantasme de l’abbé Grégoire, qui rêvait à la Convention d’un peuple français « qui centralise toutes les branches de l’organisation sociale, et qui doit être jaloux de consacrer au plus tôt, dans une République une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté » est dépassé. Il le sera demain, peut-être, jusque sur les ondes radiophoniques, et c’est heureux !