…il convient de se prémunir contre toute forme d’étrangeté dans le texte qui nous est proposé. Pourtant, cette condition n’est pas satisfaite. Elle ne l’est pas à l’article 2 bis, où la question des indemnités manque de clarté, ce qui est d’autant plus regrettable que l’Assemblée discute de ce texte depuis longtemps. Pourquoi limiter l’indemnité à un maximum de 75 % de la valeur du bien ? Soit, en effet, on présume la bonne foi du propriétaire et on considère que le recul du trait de côte ne pouvait pas être anticipé, soit le bien a été construit au mépris de la loi, et il n’y a aucune raison de faire payer à la collectivité les errements des individus. Il s’agirait également d’assurer la complète transparence du fonds en question, afin qu’aucun doute n’habite les habitants de ces régions quant au bien-fondé de l’action de l’État.
La modification du code de l’environnement, à l’article 3, laisse également dubitatif. On comprend qu’une attitude pragmatique puisse présider à la mise en oeuvre de zones résilientes et temporaires, mais on comprend moins l’alchimie administrative mise en oeuvre dans le texte, tout comme on peine à s’expliquer l’intégration de réalités physiques différentes à une stratégie nationale de gestion du trait de côte. Il faudrait au contraire une action tout à fait délocalisée, hors des grands principes : chacun comprend que la Méditerranée n’évolue pas comme la Manche ou l’océan Atlantique, à moins qu’il ne s’agisse encore de considérer une France uniforme, de Brest à Nice.
Je suis tout à fait favorable à l’objectif qui fut celui de la loi Littoral : préserver nos côtes de l’enlaidissement massif connu, par exemple, dans les entrées de villes. Je ne suis donc pas favorable à ce que nous urbanisions davantage les littoraux français. D’autres possibilités existent, notamment grâce à un assouplissement des appareils normatifs qui pèsent, par ailleurs, sur les territoires concernés. Loin du ton moralisant du Gouvernement à l’égard de l’amendement du Sénat, je pense qu’il faut se demander pourquoi nos collègues sont obligés d’agir de la sorte et avoir conscience de l’épuisement des acteurs locaux face aux contraintes qui leur sont infligées.
Autoriser une agriculture ou de l’élevage raisonné dans les dents creuses ne heurterait pas le principe de la loi Littoral. Pour préserver celle-ci, les politiques menées doivent se caractériser par une transparence absolue, et une attention renouvelée doit être portée aux pratiques immobilières qui se déroulent parfois dans ces zones. Je pense, par exemple, à la Corse, où des associations locales sont régulièrement obligées de saisir les tribunaux pour contrer l’incivilité de Parisiens proches des réseaux de pouvoir, qui ne respectent aucunement la loi.
Le recul du trait de côte est une question qui, par définition, dépasse la seule force de la loi. C’est une réalité que les deux chambres du Parlement, comme les services ministériels, peinent souvent à entendre autrement qu’à travers le fantasme de textes incompréhensibles pour les citoyens. Ces textes font le grand bonheur des cabinets d’avocats, exigent la multiplication des réunions entre services et font perdre du temps à tous dans le règlement des problématiques locales.
En sortant de la religion du réchauffement climatique et de la captation des questions environnementales par des nuées de structures sursubventionnées, nous parviendrions à faire avancer le bon sens. Le bon sens est d’ailleurs la seule solution pour aller vers le bien commun, dans ce dossier comme dans tous les autres.