Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 31 janvier 2017 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Le Conseil Environnement du 28 février prochain va être essentiellement consacré au développement durable. Nous approchons de la fin de la législature et dans la perspective de ce Conseil, il m'a semblé utile de faire un point sur l'état de la mise en oeuvre par notre pays de la législation environnementale européenne.

Au cours des vingt dernières années, l'Union européenne a mis en place, à partir du cadre fixé par les traités, une législation environnementale extrêmement riche. Le défi principal est maintenant d'assurer sa mise en oeuvre effective dans tous les États membres.

Annoncée par la feuille de route du 14 mars 2016 sur un examen régulier de la mise en oeuvre des politiques environnementales de l'Union pour tirer profit des règles et politiques existantes, l'initiative EIR (pour « Environnemental Implementation Review ») propose de nouveaux outils. D'ici quelques jours, la Commission européenne devrait adopter un « paquet » comprenant, outre une communication sur la mise en oeuvre des politiques environnementales de l'Union, un rapport par État membre, dont nous pourrions éventuellement nous servir pour asseoir des conclusions.

Notre pays, par le passé, n'a pas été parmi les « meilleurs élèves ». En octobre 2011, le rapport d'information de la sénatrice Fabienne Keller sur l'application du droit communautaire de l'environnement avait mis en évidence un nombre significatif de contentieux. La France se situait toutefois dans la moyenne européenne au regard du nombre d'infractions au droit communautaire.

Ce rapport pointait un retard chronique dans la mise en oeuvre des directives sur l'eau, soulignait un risque réel de condamnation financière en matière de qualité de l'air et appelait à une prise en compte rapide des enjeux liés à la directive sur le bruit.

Quelle évolution peut-on constater depuis six ans ? Ce retard en matière de traitement secondaire des eaux usées urbaines - pour laquelle la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a condamné la France pour la quatrième fois le 23 novembre dernier - semble finalement résorbé, et l'action de la Commission via les outils dont elle dispose a joué un rôle moteur indéniable. Mais la question des études d'impact, de la protection d'espèces animales menacées ainsi que celle de la gestion des déchets et des substances dangereuses s'ajoutent aujourd'hui à celles déjà connues de la pollution de l'air et du bruit.

L'Union européenne doit et va continuer à être notre aiguillon pour favoriser une réelle appropriation des normes environnementales par les États membres. Tel est l'objet de cette initiative EIR, qui doit renforcer le panel d'outils d'ores et déjà à la disposition de la Commission européenne.

Cette dernière soutient les efforts de formation continue des professionnels de la justice au niveau européen, et mène aussi une action de communication en direction des citoyens, avec par exemple la publication l'année dernière d'une étude sur les bénéfices retirés de l'application du droit européen de l'environnement, qui quantifie financièrement les bénéfices résultant des procédures d'infraction.

Pour limiter le recours à ces procédures, l'outil EU Pilot instaure un dialogue renforcé non seulement entre la Commission et l'État membre mais également entre les différentes administrations impliquées dans la gestion et dans le suivi du « pré-précontentieux ». Entre septembre 2011 et novembre 2016, un peu plus de 400 dossiers ont été présentés par les services de la Commission, au premier rang desquels la DG Environnement, pour 21 % des sujets. C'est aussi en matière d'environnement que le taux d'entrée dans le cycle infractionnel est le plus élevé.

L'objectif de ce nouvel outil, l'EIR, est triple : d'abord, fournir tous les deux ans une vision concise de la situation de chaque État membre, recentrée sur les principales lacunes par rapport aux objectifs déjà définis dans les politiques et les réglementations existantes ; cette analyse doit servir de base à un dialogue de la Commission avec l'État membre concerné, et entre États membres via des échanges de bonnes pratiques, pour améliorer la mise en oeuvre des politiques environnementales, ainsi qu'un meilleur ciblage de l'expertise technique et de l'aide financière des fonds européens; elle doit permettre enfin de mettre en évidence des sujets partagés par plusieurs États membres ou nécessitant des évolutions générales.

La mise en oeuvre des politiques environnementales relève des États membres, il faudra donc veiller au plein respect du principe de subsidiarité par cette initiative, ainsi qu'à la cohérence avec la révision en cours des pratiques de rapportage en matière environnementale, qui vise à simplifier et rationnaliser lesdites pratiques, mais j'accueille avec bienveillance cette initiative qui pourrait nous permettre d'améliorer la mise en oeuvre de la législation de l'Union en matière environnementale.

Car les enjeux ne sont pas minces, bien au contraire. C'est un sujet à fort enjeu pour les citoyens, pour lesquels la transposition à échéance et de façon correcte des directives signifie bénéficier de la totalité des droits et protections que leur confère l'ordre juridique européen. Ils en sont aujourd'hui souvent plus conscients que les autorités politiques. C'est également un sujet à fort enjeu pour l'État, compte tenu de la possibilité de sanctions financières fortes. Elles sont évaluées, pour notre pays, au minimum à 9 millions d'euros, auxquels il faut ajouter plus de 2 millions d'euros d'astreinte mensuelle jusqu'à transposition complète de la directive.

En matière de procédures contre notre pays, si l'on peut se féliciter de la baisse du nombre de cas enregistrés dans le système EU Pilot, il est néanmoins préoccupant de constater que le nombre de nouvelles procédures d'infraction contre la France pour transposition tardive en matière d'environnement demeure relativement constant depuis 2013, alors qu'il baisse de façon notable à l'échelle européenne. Ces résultats sont par contre très encourageants pour ce qui concerne les cas de mauvaise application, avec une diminution par deux entre 2012 et 2015 des nouvelles procédures d'infraction ouvertes.

En matière de procédures d'infraction précontentieuses actives, cinq lettres de mise en demeure ont été adressées à la France pour non-communication des mesures de transposition dans les délais, pour certaines très récentes, septembre 2016 et janvier 2017, qui concernent trois domaines : la prévention des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, l'utilisation de certaines substances dangereuses, et enfin, la qualité de l'air. Il faut toutefois noter que depuis 2011, la France a réussi à obtenir le classement des procédures au plus tard après un avis motivé.

En matière de non-respect de la législation environnementale, cinq domaines sont concernés. Il s'agit de l'évaluation et de la gestion du bruit dans l'environnement, la qualité de l'air, la gestion des déchets, la protection de la nature, les études d'impact.

Les stades de ces diverses procédures ainsi que leur calendrier montrent une vitesse de réaction et de suivi par la Commission « variable » – certaines procédures d'infraction semblant en sommeil, c'est le cas de celle qui concerne l'ours brun, par exemple –. Mais la Commission européenne n'hésite pas à saisir la CJUE.

Après une mise en demeure le 24 janvier 2013 et un avis motivé le 16 juin 2016, la Commission européenne a ainsi annoncé le 8 décembre dernier vouloir traduire la France devant la CJUE pour non-respect des dispositions visant à protéger le bruant ortolan. Sept procédures relatives au contentieux des arrêts en manquement étaient ouvertes fin 2016 à l'encontre de la France, dont près de la moitié en matière environnementale, l'une relative à l'insuffisante protection du grand hamster d'Alsace, l'autre relative à la pollution des eaux par des nitrates d'origine agricole, la dernière sur le traitement des eaux urbaines résiduaires.

L'efficacité, en termes de mise en conformité de la législation nationale, d'une condamnation par la CJUE est aujourd'hui acquise, comme le montrent les exemples du traitement des eaux urbaines résiduaires et de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.

Après deux condamnations par la CJUE, en 2013 puis en 2014 pour manquement à ses obligations de lutte contre la pollution liée aux nitrates, les autorités françaises ont finalement accepté de modifier en 2016 le programme national d'actions à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole. Il est vrai que la France était menacée d'une amende de 20 millions d'euros et d'une astreinte mensuelle estimée à 3,5 millions d'euros.

Bien qu'insuffisantes aux yeux de l'Autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable pour restaurer durablement les écosystèmes perturbés par les excès d'azote, ces modifications ont permis de mettre fin à la première partie du contentieux en décembre dernier, la Commission européenne attendant l'adoption formelle et complète des actes régissant la nouvelle désignation des zones vulnérables aux nitrates, qui constitue le deuxième volet de ce dossier nitrates, pour mettre un terme à l'ensemble du contentieux.

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