Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 31 janvier 2017 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Après le Conseil Environnement à venir, celui de février, c'est maintenant vers le Conseil Environnement de décembre que je souhaite faire porter l'attention de notre Commission !

Ce Conseil Environnement a en effet adopté des conclusions sur la protection de la santé humaine et de l'environnement par une gestion rationnelle des produits chimiques., sujet suivi attentivement par notre Commission depuis 2012, mais également lors des précédentes législatures.

Il m'a donc semblé intéressant de faire état des attentes du Conseil en matière de risques chimiques – même si je veux souligner l'ambiguïté, à mes yeux, de ce concept de « gestion rationnelle » des produits chimiques, trop proche de la position des acteurs économiques, et auquel je préfère pour ma part celui de protection contre les produits chimiques –.

Elles interviennent en effet à un moment particulièrement opportun.

Premièrement, si deux procédures d'évaluation de la législation relative aux produits chimiques, dont les rapports d'évaluation sont attendus dans les prochains mois, d'ores et déjà, des points nécessaires d'amélioration sont identifiés, par les parties prenantes et par l'Agence européenne des produits chimiques elle-même.

Premier point, la date butoir de la fin 2020 pour l'identification de toutes les substances extrêmement préoccupantes. La tenir implique d'accroître le rythme auquel ces substances sont identifiées. Deuxième point, la rationalisation de la procédure de restriction, avec notamment les questions de la qualité des données et leur degré d'accessibilité, en particulier pour les PME et le grand public, et l'absence de prise en compte des produits importés. Enfin, troisième point d'amélioration, la prise en compte des nanomatériaux, des effets cumulés des produits chimiques ainsi que des perturbateurs endocriniens.

Ces conclusions interviennent en effet en l'absence d'avancées sur le sujet des perturbateurs endocriniens, la Commission européenne refusant de prendre en compte les inquiétudes des États membres.

La définition finalement présentée, après une longue attente, est limitée aux substances connues pour être des perturbateurs endocriniens et s'accompagne d'un alignement du régime des dérogations, autour de la notion de risque, ce qui autorise in fine la prise en compte du critère de puissance, demandée par les industriels et contestée par les scientifiques.

Dans la dernière version présentée en décembre dernier, la Commission a modifié ses exigences en matière de charge de la preuve et ajouté une exemption, en excluant de la définition des perturbateurs endocriniens les substances actives conçues volontairement pour agir sur les systèmes hormonaux des organismes cibles (ce qui selon les associations de protection de la nature est une demande récurrente des industriels fabriquant insecticides et herbicides).

Pour la France, si elle était adoptée en l'état, cette évolution réglementaire marquerait un recul dans l'action de l'Union européenne de protection de la santé de nos concitoyens et de notre environnement.

L'Union européenne a pris un engagement politique clair, dans le 7e PAE, de développer des critères harmonisés pour l'identification des perturbateurs endocriniens. C'est donc l'objectif à atteindre, et les propositions de la Commission sont donc non seulement tardives mais aussi toujours insuffisantes à ce jour.

Le contexte international incite enfin l'Union à se saisir de cette question de la « détoxification de notre avenir ». Outre le fait qu'il s'agit du thème retenu pour les réunions au printemps 2017 des trois conférences des parties des conventions internationales qui traitent de sujets liés aux produits chimiques, les Conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm, il nous faut commencer d'ores et déjà à définir une vision européenne prospective de la gestion des produits chimiques et des déchets au-delà de 2020, qu'il s'agisse de son périmètre, de l'articulation avec d'autres engagements - comme les Objectifs du développement durable de l'Agenda 2030, ceux portés par l'Accord de Paris, etc. - ou bien encore avec la volonté affichée de développer l'économie circulaire et de nouveaux modes de production-transformation-recyclage.

Dans ses conclusions, le Conseil Environnement rappelle en premier lieu les obligations internationales de l'Union et celles qu'elle s'est fixées à elle-même.

La question de la Convention de Minamata sur le mercure de 2013 – dont l'entrée en vigueur est conditionnée par sa ratification par 50 pays - justifie que l'on s'y arrête.

Le Conseil appelle en effet à une accélération des procédures de ratification au niveau de l'Union européenne comme des États membres.

Si un accord institutionnel a été trouvé ces dernières semaines sur la proposition de règlement relatif au mercure présenté par la Commission européenne en février 2016, qui doit garantir une mise en adéquation complète de la législation de l'Union avec la convention, les discussions sont toujours en cours sur la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de la convention de Minamata sur le mercure.

Elle a été signée par 128 pays, mais à ce jour seuls 36 États parties ont déposé leur instrument de ratification, six États supplémentaires ayant ratifié mais sans avoir encore déposé leur instrument de ratification. C'est d'ailleurs le cas de la France.

L'impact d'une ratification par les vingt-huit États membres de l'Union serait donc majeur. Mais il est aussi fort possible que la Convention de Minamata atteigne, sans l'Union européenne, ces 50 ratifications d'ici la mi-juin. Or il s'agit de la date limite pour pouvoir avoir le statut de Partie à la Convention lors de la première réunion des parties, qui pourrait dans ce cas se tenir à la mi-septembre, sans les États membres de l'Union européenne…, ce qui serait de notre part un signal très contradictoire !

Le Conseil souligne ensuite les retards de la Commission européenne dans l'amélioration de l'acquis européen en matière de gestion rationnelle des produits chimiques, qu'il s'agisse de l'exécution de plusieurs obligations légales destinées à améliorer la protection de la santé humaine et de l'environnement, attendues entre 2013 et 2015 au plus tard, mais aussi de la mise en oeuvre des mesures horizontales prévues par le 7e PAE, attendues en 2015 au plus tard, en matière de nanomatériaux, d'exposition aux perturbateurs endocriniens, d'effets combinés des substances chimiques ainsi que de la promotion des cycles de matériaux non toxiques.

En invitant en conséquence la Commission à accélérer ses travaux et en lui fixant d'ailleurs un point d'étape au 30 juin 2017, le Conseil exprime des attentes précises sur deux aspects particuliers, l'évaluation en cours de la réglementation relative aux produits chimiques, et la question des perturbateurs endocriniens.

Sur le premier point, outre un rappel général du principe de précaution, le Conseil a posé trois principes généraux et exprimé trois attentes précises quant à la réglementation relative aux produits chimiques.

Appelant à faciliter sa mise en oeuvre et renforcer sa cohérence avec la législation en matière de sécurité et de santé au travail, mettre l'accent sur la substitution, y compris les solutions de substitution non chimiques – le développement d'alternatives non chimiques peut être source d'opportunités similaires, voire supérieures, à celles liées à la chimie durable tout en réduisant plus fortement les risques d'impact sur la santé et l'environnement – et enfin garantir le droit du public à l'information, pour permettre aux consommateurs de faire des choix en connaissance de cause, le Conseil demande également la prise en compte adéquate des nanomatériaux, des perturbateurs endocriniens ainsi que du cas des produits importés et des effets combinés, une amélioration des procédures, et le maintien des moyens financiers de l'Agence européenne des produits chimiques après 2018.

Quant à la question des critères d'identification des perturbateurs endocriniens, sur laquelle les États membres sont divisés – à ce jour aucune majorité qualifiée ne s'est dégagée en faveur des propositions de la Commission, mais certains États membres les soutiennent –, le message exprimé par le Conseil dans ses conclusions est très clair lorsqu'il insiste sur la nécessité de respecter la volonté du législateur exprimée dans le 7e PAE et donc sur le respect de l'engagement politique de développer des critères harmonisés et fondés sur la notion de danger.

Une étude publiée par l'agence Santé Publique France, le 7 décembre dernier, révèle que les perturbateurs endocriniens et les pesticides sont détectés de façon quasi généralisée dans la population, avec des chiffres correspondant aux niveaux induisant des effets sur la santé.

Ces résultats concomitants avec les conclusions du Conseil confortent à mes yeux, mais aussi à celui des autorités françaises et je m'en réjouis, la nécessité d'une action réglementaire forte et ambitieuse qui aboutisse le plus vite possible à la définition des perturbateurs endocriniens, afin de rendre opérationnelles les mesures de restrictions prévues par plusieurs législations européennes.

Enfin, il faut préparer l'avenir, et c'est la définition commune d'une stratégie claire pour un environnement non toxique. Les conclusions du Conseil renvoient, ici aussi, la Commission européenne à ses responsabilités : ce 7e PAE a fixé une date butoir qui aujourd'hui est très proche !

Cette stratégie en vue d'une réduction générale de l'exposition aux produits chimiques – que le Conseil souhaite voir élaborée par la Commission européenne en « étroite collaboration avec les États membres et les institutions de l'Union » –doit prendre en compte deux points particuliers : d'une part, la transition vers une économie circulaire et, d'autre part, le soutien au principe de substitution.

Cette stratégie pour un environnement non toxique sera certainement l'une des parties centrales de la contribution de l'Union européenne à l'achèvement des objectifs de développement durable d'ici 2030 pour ce qui regarde la gestion des produits chimiques.

Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je vous propose d'adopter ces conclusions.

Regrettant, à l'unisson des États membres, le retard pris par la Commission européenne dans la mise en oeuvre de certains objectifs d'évaluation et de réglementation qui lui avaient été fixés par les co-législateurs, elles appellent à des actions rapides afin d'y remédier, à une approche plus harmonisée et à une amélioration de la cohérence entre les différentes législations encadrant l'usage des produits chimiques et entre ces dernières et d'autres législations de l'Union, ainsi qu'à la prise en compte des nanomatériaux, des effets complexes, des produits importés et la traçabilité des substances chimiques tout au long des cycles de vie des matériaux et des produits.

Elles réitèrent – avec force ! – notre position sur les perturbateurs endocriniens, et souligne l'importance d'une ratification rapide de la Convention de Minamata sur le mercure par l'Union européenne et l'ensemble de ses États membres.

Elles marquent enfin notre intérêt pour la future Stratégie pour un environnement non-toxique, prévue par le 7e Programme d'action pour l'environnement, en souhaitant qu'elle procède d'un processus de participation réunissant l'ensemble des acteurs concernés.

Personne ne demandant la parole, je les mets aux voix.

La Commission a adopté les conclusions suivantes :

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