Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 17 janvier 2017 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international pour une audition fermée à la presse.

Nous sommes convenus, monsieur le ministre, que vous consacreriez votre propos introductif à trois sujets : la conférence pour la paix au Proche Orient, qui s'est tenue dimanche dernier ; l'Irak et la Syrie ; enfin, les attentes vis-à-vis de la nouvelle administration américaine.

À propos de la conférence pour la paix au Proche Orient, un certain nombre de réserves ont pu être formulées à l'égard de cette rencontre, portant notamment sur l'absence des parties au conflit. Je ne partage pas ces critiques. Vous avez en effet constamment précisé, monsieur le ministre, à l'instar de votre prédécesseur, qu'il ne s'agissait pas de se substituer aux acteurs de cette crise, auxquels il reviendra évidemment in fine de faire la paix. Mais il faut admettre que le face-à-face entre Israéliens et Palestiniens arbitré par les seuls États-Unis a montré ses limites – nous l'avons vu ces derniers mois – et qu'il serait irresponsable de notre part de sous-estimer la menace que fait peser sur la stabilité de la région le pourrissement de ce conflit ou sa transformation en affrontement religieux. Enfin, si nous n'agissons pas, le temps jouera contre nous et la solution des deux États deviendra bientôt impossible ; or elle n'a d'autre alternative, j'en suis convaincue, que le chaos et la guerre civile.

J'ai cependant quelques questions sur l'état d'esprit de nos partenaires et sur les suites à donner à cette rencontre.

L'interrogation principale porte évidemment sur l'attitude des États-Unis. Benjamin Netanyahou, qui a qualifié cette conférence de « futile », a fait référence à l'entrée en fonction imminente de Donald Trump qui signerait la fin d'un « monde ancien ». Il est en réalité très difficile de prévoir la position du président élu, entre volonté de médiation affichée et déclarations intempestives sur l'installation de l'ambassade américaine à Jérusalem.

Le Royaume-Uni a quant à lui émis des réserves quant au communiqué final : est-ce par souci d'alignement sur les futures positions américaines, réelles ou supposées ? Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

Ensuite, quel rôle la Russie entend-elle jouer, elle qui entretient de bonnes relations avec les deux parties, et semble s'inquiéter du rôle joué par le Quartet ?

Enfin, quelle suite entendez-vous donner à cette conférence pour renforcer le camp de la paix, en particulier en s'appuyant sur les sociétés civiles ?

Deuxième sujet, en Irak, l'armée irakienne progresse à Mossoul alors qu'en Syrie, Daech a repris Palmyre et semble bien résister à l'opération turque « Bouclier de l'Euphrate » ; les opérations à Raqqa, essentielles pour notre propre sécurité, se poursuivent.

Depuis la reprise d'Alep par le régime syrien, la Russie et la Turquie ont pris en main la gestion de la crise. Un accord de cessez-le-feu a été conclu et une réunion devrait se tenir le 23 janvier à Astana à laquelle le haut comité de l'opposition syrienne pourrait participer. Vous nous direz quelle est la position française sur ces échéances. Outre les interrogations sur le respect du cessez-le-feu et sur la probabilité que la réunion d'Astana puisse déboucher sur un nouveau cycle de négociation à Genève dans le cadre onusien, différentes questions se posent. Comment interpréter le duo joué par la Russie et la Turquie ? Quelle autre partie risque-t-elle d'en faire les frais, l'opposition syrienne se trouvant en position de faiblesse depuis sa défaite à Alep ? Qu'en est-il du régime syrien, totalement dépendant de ses soutiens extérieurs alors que la Russie a intérêt à trouver un règlement avec la Turquie, laquelle pourrait être contrainte d'accepter une partition de fait de la Syrie ? Quelle est la marge de manoeuvre de l'Iran ? Quid, enfin, des incertitudes sur la future politique américaine ?

Ces incertitudes sont en effet loin d'être levées. Nous avons noté que, lors de leurs auditions par le Congrès, les responsables désignés par le président Trump se sont déjà fortement démarqués des déclarations de ce dernier. En particulier, le futur secrétaire d'État, Rex Tillerson, a laissé entendre que la politique américaine pourrait être beaucoup moins iconoclaste qu'attendu ; mais, dans le même temps, M. Trump a déclaré ce qu'il a déclaré avant-hier…

Apparaît tout de même une constante dans les déclarations du président élu : le protectionnisme et la lutte contre les migrations, qui sont sans doute les thèmes de politique étrangère qui intéressent le plus son électorat. En revanche, sur les autres sujets, tout est encore flou, notamment s'agissant des relations avec la Russie.

Pour finir, l'un des dossiers que nous devrons vraiment aborder, dans ce contexte, est la question de l'extraterritorialité des lois américaines sur laquelle, vous le savez, notre commission et la commission des finances ont produit un rapport. J'ai vu que vos services avaient demandé aux postes européens des éléments sur cette question qui suppose en effet une forte coordination des Européens.

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