Je reviendrai sur les relations avec les États-Unis.
Que pouvons-nous faire au niveau européen ? Hier, au Conseil des affaires étrangères, les ministres sont tombés d'accord pour rappeler les positions préalablement définies qui engagent l'Union européenne, positions rappelées devant la presse par la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Tous les pays de l'UE étaient représentés à la conférence de dimanche dernier, ce qui m'amène à évoquer le problème du Royaume-Uni dont la position a changé en quelques jours. Le 23 décembre, ce pays votait la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, résolution à la rédaction de laquelle ils avaient contribué ! A la veille de notre conférence, il exprimait des doutes sur son opportunité. Ce revirement s'explique manifestement par la volonté de s'attirer le soutien de la nouvelle administration des États-Unis dans l'espoir de négocier un traité de libre-échange dans le contexte du Brexit. Cette attitude ne sera pas forcément sans conséquences pour le Royaume-Uni dans ses rapports avec les pays de la région. Je le regrette, mais nous allons poursuivre dans la voie empruntée et nous allons tâcher de définir au niveau européen la meilleure manière de nous rendre utiles pour faire avancer la cause de la paix.
Pour ce qui concerne la Russie, j'ai eu un échange la semaine dernière avec Sergueï Lavrov sur le sujet et je lui ai dit que si son pays voulait poursuivre des initiatives déjà engagées, en prendre de nouvelles, comme du reste l'Égypte l'a fait de son côté, nous ne pourrions que le soutenir dans sa démarche. Nous apportons notre soutien à tous ceux qui veulent contribuer à la paix : nous n'avons pas l'exclusivité de l'initiative que nous avons partagée avec plus de 70 pays, dont les membres du Conseil de Sécurité, du G20, sans compter les représentants des Nations Unies - António Guterres n'avait pu venir personnellement alors qu'il vient d'entamer son mandat de secrétaire général de l'ONU – de la Ligue arabe et de l'Organisation de la Conférence islamique.
J'en viens à la Syrie dont nous avons déjà eu l'occasion de parler ici à plusieurs reprises. Après le drame d'Alep, les Turcs et les Russes ont contribué à la recherche d'un cessez-le-feu. Ce dernier est-il effectif partout ? À l'évidence, non. Une réunion à Astana est envisagée le 23 janvier prochain, sous l'égide de la Russie et de la Turquie. Nous considérons que toutes les initiatives de nature à favoriser le dialogue et la reprise du processus politique doivent être soutenues, la priorité étant l'application du cessez-le-feu. Pour peu qu'on avance sur ce dernier point, on pourra alors progresser aussi sur le plan politique mais avec une exigence – que j'ai rappelée hier encore à mon homologue turc – : c'est dans le cadre des Nations unies que la négociation doit avoir lieu ; Staffan de Mistura a d'ores et déjà proposé la date du 8 février prochain pour une réunion à Genève. Tous mes interlocuteurs, les Russes, les Turcs… se disent d'accord.
Je leur ai rappelé qu'il fallait veiller à ce que la délégation représentant l'opposition au régime soit la plus représentative possible. À ce stade, les Russes et les Turcs ont souhaité que l'opposition à la table des négociations, avec les représentants du régime syrien, soit présente par le biais des groupes armés combattants non terroristes. Le Haut comité des négociations (HCN), qui semble avoir donné son accord à cette approche, apportera des conseils techniques et juridiques aux délégations.
Je reste en tout cas prudent. Je rappelle que nous ne sommes pas partie belligérante et que notre priorité est la lutte contre le terrorisme et en particulier contre Daech.
Après Mossoul, va se poser la question de Raqqa. Vous savez par exemple, élément qui ajoute à la complexité de la situation, que certaines forces militaires, sur le terrain, kurdes, sont combattues par les Turcs.
J'ai dit à Sergueï Lavrov qu'il était très important pour moi que la future Syrie préserve son unité et donc que nous évitions sa partition. À cette fin, toutes les minorités doivent pouvoir trouver une place dans la Syrie de demain, y compris les chrétiens et les kurdes. Pour en revenir à Raqqa, il faudra faire en sorte que les forces militaires qui libéreront la ville de Daech soient majoritairement arabes.
Vous venez de recevoir le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés ; j'ignore s'il a évoqué Mossoul et, plus généralement, l'Irak…