Le dossier libyen est un dossier à risque. Il me semble qu'actuellement, la situation se délite. Lorsque j'ai rencontré récemment M. Sarraj à Bamako, je n'ai pas eu le sentiment que sa position était solide. Il y a des jeux troubles, en effet. En tout état de cause, aucun des pays voisins de la Libye ne suggère d'arrêter de soutenir le gouvernement d'entente nationale de M. Sarraj, mais ils souhaitent un élargissement de sa base politique afin qu'y soient inclus d'autres partenaires, tels que le général Haftar ou le président du parlement de Tobrouk. Cependant, c'est extrêmement difficile compte tenu des divisions en Libye. Nous nous efforçons donc, avec nos partenaires régionaux et internationaux, de faire passer des messages.
Vous avez fait allusion au jeu russe, madame la présidente. Le général Haftar prétend pouvoir sauver la Libye, mais il ne faut pas jouer avec le feu. Il convient qu'il puisse trouver une place, un rôle, mais sans aller jusqu'à penser qu'il pourrait conquérir Tripoli et gouverner seul la Libye. C'est le message que même ses alliés dans la région lui font passer. On a vu un maréchal russe en grand uniforme signer un accord avec le général Haftar sur le porte-avions Amiral-Kouznetsov. L'initiative russe et sa mise en scène impressionnent, mais qu'y a-t-il vraiment dans cet accord ?
Par ailleurs, je rappelle que les flux migratoires africains passent par la Libye. Ces migrants se retrouvent ainsi en Méditerranée centrale où, avec l'aide de passeurs, ils gagnent, parfois au péril de leur vie, l'Italie, qui s'en trouve déstabilisée. La situation libyenne nous préoccupe donc grandement, et vous avez eu raison, madame la présidente, de l'évoquer – mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Monsieur Habib, en ce qui concerne l'ambassade américaine, il faut faire très attention. Les pays responsables ne jouent pas avec cette question, laquelle ne pourra être traitée que dans le cadre d'une négociation et d'un accord de paix incluant le sujet de la capitale. En effet, Jérusalem est revendiquée comme la capitale des deux États ; c'est ce que disent toutes les résolutions du Conseil de sécurité. Je n'ai fait, quant à moi, que rappeler le droit. On peut faire des déclarations incantatoires mais, sur cette question comme sur les autres, il faut partir du droit international et des résolutions des Nations unies. Toutes traitent le sujet de façon responsable et elles ont été approuvées par la communauté internationale.
Je suis très inquiet de l'espèce de fuite en avant actuelle. Je ne dis pas que M. Trump transférera effectivement l'ambassade américaine à Jérusalem, car il sera confronté au principe de réalité et son entourage compte peut-être des personnes suffisamment raisonnables pour lui dire que ce transfert peut être une perspective, mais dans le cadre d'un accord de paix.
Quant aux tribunes des uns et des autres, j'ai lu votre blog et je ne veux pas y revenir. Mais des phrases excessives ont été prononcées qui finissent par se retourner contre leurs auteurs. Notre conférence n'a pas été agressive. Déclarer dans une tribune, qui a du reste été lue par peu de monde, que c'est la conférence de la haine…