Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 15h00
Pour un débat démocratique sur l'accord économique et commercial global — Présentation

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie :

S’agissant du CETA, nous avons jugé sur pièces. Nos intérêts économiques sont clairement identifiés. Certes, nous avons déjà un excédent commercial avec le Canada, mais notre relation commerciale n’est pas à la hauteur de son potentiel. Avec 3,2 milliards d’euros d’exportations pour 0,5 milliard d’euros d’excédent, elle équivaut aujourd’hui à celle que nous entretenons avec la Thaïlande ou le Nigeria.

Les accords commerciaux réussis sont ceux qui créent de l’activité et donc des emplois dans nos entreprises exportatrices. Nous avons des points de comparaison : depuis que l’Union européenne a signé un accord avec la Corée du Sud en 2013, elle a augmenté de 55 % ses exportations dans ce pays. Or la Corée du Sud est un pays comparable au Canada par son PIB.

Nous estimons que plusieurs secteurs bénéficieront particulièrement de cet accord : les vins et spiritueux, premier poste des exportations de la France, le textile-habillement, où la France détient la deuxième part de marché parmi les pays européens, les cosmétiques ou encore les produits agricoles transformés. En ouvrant également ses marchés aux services, le Canada offre des opportunités pour un secteur très favorable à la France et à nos entreprises.

Nous avons obtenu l’engagement du Canada sur la réciprocité dans les marchés publics à tous les échelons administratifs, non seulement au niveau fédéral mais aussi au niveau des provinces. L’offre d’accès aux marchés publics est la plus complète faite jusqu’ici par le Canada à un pays tiers, y compris les États-Unis. Le Canada ouvrira ainsi largement ses marchés publics à nos entreprises, ce qui pourrait représenter pour celles-ci un gain potentiel de près de 70 milliards d’euros.

Aujourd’hui, 75 % des 10 000 entreprises exportatrices françaises au Canada sont des PME. Cet accord représente pour toutes ces entreprises dans nos territoires des opportunités nouvelles, dans une conjoncture mondiale atone. C’est pourquoi elles espèrent le voir entrer en vigueur rapidement.

Le CETA est aussi un accord économique moderne parce qu’il marque des progrès importants dans la prise en compte des sujets démocratiques, environnementaux et sociaux.

Avec nos partenaires canadiens, et notamment avec le gouvernement Trudeau, nous nous sommes engagés à rechercher le niveau de normes le plus exigeant et le plus protecteur. C’est une étape fondamentale pour intégrer pleinement aux négociations commerciales des principes et des valeurs progressistes. À l’heure où se multiplient les offres bilatérales, souvent dénoncées par le président Xi Jinping mais prisées du président Trump, nous devons mesurer notre responsabilité pour soutenir la conclusion d’accords modernes, équilibrés et justes.

Je veux vous donner quelques exemples d’acquis qui pourraient, sans le CETA, ne jamais voir le jour.

En matière de démocratie, nous avons avec le CETA l’opportunité de créer la première « Cour publique des investissements » afin de mettre un terme au système aberrant de l’arbitrage privé aujourd’hui en place. Ce dernier, vous le savez, permet aux multinationales d’attaquer les États quand une réglementation leur fait perdre des profits. Les États-Unis, à l’aise avec l’arbitrage privé, refusaient d’en débattre dans le cadre du TTIP.

Ce système de cour publique est novateur parce que les États nommeront et rémunéreront les juges appelés à se prononcer sur les différends avec les entreprises. Pour en finir avec les conflits d’intérêts, ces juges seront contraints à des règles de déontologie strictes et leurs décisions pourront être frappées d’appel. C’est véritablement un premier pas vers la « Cour publique multilatérale des investissements » que la France appelle de ses voeux.

En ce qui concerne l’objectif environnemental, le Canada a accepté d’ajouter une déclaration contraignante conjointe mentionnant l’Accord de Paris, qui est intervenu après la conclusion des négociations du CETA.

Le CETA ne se substitue pas aux normes européennes. Pour avoir accès au marché européen, il faudra respecter les normes européennes, notamment les normes sanitaires, qui continueront de s’appliquer aux producteurs canadiens. C’était notre ligne rouge : elle a été respectée.

S’agissant des aspects sociaux, le CETA innove également puisque nous avons fait intégrer deux dispositions majeures. Premièrement : un niveau d’application exemplaire des normes sociales et de droit du travail – je vous signale que le Canada est actuellement en train de ratifier la Convention de l’OIT, ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à présent ; deuxièmement : la préservation totale de la capacité des États et des collectivités à créer et maintenir des services publics nationaux et locaux.

À l’heure où le nouveau président américain met en avant sa défiance à l’égard de l’Union européenne, le CETA est un exemple d’accord réussi qui porte nos valeurs et atteint un équilibre propre à la relation de partenaires respectueux les uns des autres.

Pour terminer, je souhaite ajouter un point qui concerne l’agriculture et a suscité de nombreuses interrogations. Le CETA ouvre largement le marché canadien à nos produits agricoles et agroalimentaires. Les droits de douane canadiens seront supprimés pour 92 % des produits. C’est vrai pour les fromages européens, dont le Canada a accepté l’importation libre de droits pour un quota de 18 500 tonnes alors que ces produits font aujourd’hui l’objet de droits de douane très élevés. C’est une victoire majeure.

Concernant le boeuf et le porc, le CETA les inscrit comme des produits sensibles à protéger. S’agissant de la viande bovine, les exportations du Canada vers l’Union européenne ne représentent pas des flux visant à noyer le marché européen puisqu’un quota annuel de 45 840 tonnes de viande canadienne de boeuf est prévu. Au-delà de ce volume, les droits de douane sont maintenus. Quant au boeuf ainsi importé de façon restrictive dans le cadre de l’accord, il sera – cela est inscrit et sécurisé – sans hormones.

De plus, des contrôles aléatoires sont toujours prévus pour éviter, dans le cadre de cet accord comme dans d’autres, d’éventuels contournements. Ainsi les intérêts de notre secteur agricole et notre conception de ce secteur sont défendus.

En parallèle, nous avons renforcé les instruments de notre « diplomatie des terroirs » visant à garantir et l’authenticité et l’attractivité de nos produits en inscrivant dans le CETA la protection de 42 indications géographiques françaises et 173 à l’échelle européenne.

Un débat a été ouvert à propos d’indications géographiques qui n’auraient pas été protégées dans le CETA. Permettez-moi de préciser, d’une part, que le principe est de ne protéger que les produits qui font l’objet d’usurpations ou risquent d’en faire l’objet ; d’autre part, et pour sécuriser l’avenir, nous avons fait insérer un dispositif permettant très facilement et très rapidement l’ajout d’un produit si un risque venait à apparaître pour celui-ci – c’est l’article 20.22.

Aujourd’hui, les États-Unis voient d’un oeil inquiet notre accord avec le Canada. À titre d’exemple, parce que notre appellation « Champagne » est désormais protégée et reconnue au Canada, les Américains sont contraints de réétiqueter les bouteilles de ce qu’ils appellent « Champagne californien » en Sparkling Wine, ce qui participe d’une défense efficace de nos producteurs, de leur savoir-faire et de leurs intérêts.

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