Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 15h00
Pour un débat démocratique sur l'accord économique et commercial global — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Comment, dans ces circonstances, s’étonner du divorce que chacun peut constater et qui s’accroît chaque jour entre les peuples et l’Europe, dès lors que personne, je dis bien personne mis à part quelques technocrates, à Bruxelles ou au Secrétariat général des affaires européennes, n’a étudié ce traité au fond ? Comment s’étonner de ce que sa mise en oeuvre provisoire soit décrétée sans étude d’impact et sans que le Parlement européen n’ait pu examiner ni le traité lui-même ni le partage de compétences entre les États et l’Union ?

Mes chers collègues, je vous le dis solennellement, cette situation ne peut pas durer. Aujourd’hui, l’Europe est devenue une union sans leader ni perspectives claires, paralysée pour les deux prochaines années au moins par l’impossible gestion du Brexit, impuissante à se défendre commercialement contre la Chine et les États-Unis et incapable de générer de la croissance pour ses peuples comme d’assurer sa sécurité intérieure et extérieure ou de défendre ses frontières contre l’immigration.

S’agissant du commerce international, de tels comportements, qui ont des incidences directes sur l’emploi, ne peuvent que conduire les peuples à se détourner davantage du bel idéal de la construction européenne.

À mes yeux, permettez-moi cette remarque, monsieur le secrétaire d’État, il est impensable de continuer à concevoir ainsi les négociations commerciales de l’Union.

Premièrement, la négociation d’accords commerciaux ne peut clairement plus être confiée – et c’est un ancien ministre du commerce extérieur qui le dit – à un Commissaire européen hors sol et sans légitimité politique. Cela exigera sans doute une révision des traités afin que cette compétence revienne au Conseil, qui désignera un négociateur, lequel travaillera sur la base d’un mandat périodiquement revu et à l’élaboration duquel les parlements nationaux seront associés.

Deuxièmement, il est proprement inconcevable de continuer à signer des accords de libre-échange ou des accords commerciaux sans étude d’impact précise mesurant les conséquences en termes d’emplois et de croissance pour les États membres.

Troisièmement, il est tout autant inconcevable de continuer à prétendre que ce type d’accord est du seul ressort du Parlement européen.

Quatrièmement, il est impensable de saucissonner, de façon discrétionnaire, un accord mixte en le faisant entrer en application, c’est-à-dire en créant un fait accompli et en s’asseyant clairement sur les attributions souveraines des parlements nationaux.

C’est un Européen convaincu mais lucide qui vous le dit : si des réformes urgentes n’interviennent pas concernant ces quatre points, il ne faudra pas s’étonner si, demain, toute l’entreprise de la construction européenne se trouve menacée, et avec elle, la belle et grande idée qui la sous-tend.

Faute de cet indispensable sursaut, c’est vers un Brexit généralisé que nous nous dirigeons, sous la pression de peuples qui n’en peuvent plus d’être ainsi souverainement ignorés par des technocrates irresponsables.

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