Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 1er février 2017 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Je remercie les intervenants car leurs prises de parole montrent qu'il y a bien un sujet. M. François Pupponi a raison : un dispositif spécifique a été mis en place pour un certain nombre de délits ; on ne s'échange effectivement pas des noms à vingt autour d'une table, mais cela crée en tout cas un esprit de partenariat.

Comme l'a indiqué M. Pietrasanta, cela reste à l'appréciation du préfet. Tout dépend d'abord de la qualité du préfet ; mais surtout, en l'état actuel des choses, il n'a pas le droit de délivrer ces informations. On met donc les préfets dans une situation très compliquée. Se pose également une question de volume. Si une ou deux personnes seulement sont concernées dans une ville, c'est simple, mais le maire ne peut recevoir cent vingt ou cent trente noms par téléphone ; cela ne servirait d'ailleurs à rien. Aujourd'hui, quand un maire recrute quelqu'un pour le personnel d'une école, il peut consulter le fichier des délinquants sexuels, vérifier les incompatibilités au titre du casier judiciaire ; mais là, alors qu'il y a une dangerosité potentielle, le maire ne sait rien.

Enfin, la responsabilité politique du maire sera médiatiquement mise en cause alors même qu'il ignorait tout de la personne qu'il avait en face de lui. Trois personnes de ma ville sont parties en Syrie il y a quelques années, l'un a terminé au Bataclan : c'était Samy Amimour. Son recruteur, Charaf el-Mouadan, a priori mort en Syrie, était dans mon bureau quelques mois auparavant pour me demander de l'aider à créer un commerce plus ou moins communautaire, comme on en voit beaucoup dans nos banlieues. Imaginez que je l'aie aidé et que l'on m'ait expliqué ensuite qu'il s'agissait d'un centre de recrutement ! Il avait déjà été repéré par la direction centrale du renseignement intérieur et interpellé. Il a quand même réussi à partir…

J'ai trouvé très utile que nous nous occupions du problème des mineurs, car il y avait là aussi un « trou dans la raquette ». Il faut à présent s'occuper de ce problème-ci, sachant, qui plus est, qu'un certain nombre d'individus vont revenir de Syrie dans nos territoires sans que personne n'en sache rien ; et ce ne sont pas forcément des personnes très connues. Du coup, entre ceux qui sont déjà parmi nous et ceux qui vont revenir, on va se retrouver dans des situations impossibles.

Il faut pouvoir faire confiance moralement aux maires de la République, quitte à les sanctionner très lourdement si le « secret partagé » n'est pas respecté, car il y va de l'efficacité de nos systèmes de sécurité et de la protection de nos concitoyens. Mais si on n'est pas capable de trouver cet équilibre, on laissera un « trou dans la raquette », et des plus dangereux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion