La réunion débute à 10 heures 05.
Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.
La Commission poursuit l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la sécurité publique (n° 4420).
Article 6 ter A (art. 706-25-4, 706-25-6, 706-25-7 et 706-25-9 du code de procédure pénale) : Inscription des personnes contrevenant aux obligations qui s'imposent à elles en raison de leur retour d'un théâtre d'opérations terroristes au fichier des auteurs d'infractions terroristes
La Commission adopte l'article 6 ter A sans modification.
Article 6 ter (art. 698-6 du code de procédure pénale) : Modification de la composition de la cour d'assises spéciale chargée de juger certains crimes, notamment terroristes
La Commission adopte l'article 6 ter sans modification.
Article 6 quater (art. 78-6 du code de procédure pénale) : Procédure suivie par les agents de police municipale lorsqu'ils relèvent l'identité de contrevenants
La Commission adopte l'article 6 quater sans modification.
Article 6 quinquies (art. 21 du code de procédure pénale) : Extension des prérogatives de la réserve civile de la police nationale
La Commission adopte l'article 6 quinquies sans modification.
Après l'article 6 quinquies
La Commission examine l'amendement CL26 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement tend à accorder le statut d'officier de police judiciaire (OPJ) aux directeurs d'établissements pénitentiaires et aux chefs de détention, conformément à une requête que les syndicats pénitentiaires ont réitérée maintes fois, notamment devant la commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes. La montée de la délinquance et de la radicalisation au sein des établissements pénitentiaires est bien connue. Dans ce contexte, il serait opportun que les chefs d'établissement puissent disposer des moyens juridiques d'intervenir rapidement et facilement.
Je profite de l'occasion pour formuler une observation. Nul n'est censé ignorer la loi ; mais bien que je sois, en tant que maire, officier de police judiciaire, on m'a tout de suite expliqué, lorsque je me suis enquis du rôle qui m'était dévolu à ce titre, que mon ordre était nul et que, comme OPJ, je n'existais pas ! Il serait donc bienvenu d'étudier de plus près ce statut, ce qu'il apporte aux élus et ce qu'il pourrait apporter aux fonctionnaires qui l'obtiendraient si cet amendement était adopté.
La question soulevée par notre collègue ÉricCiotti n'est pas hors sujet. Les métiers pénitentiaires sont en train d'évoluer ; nous le verrons à nouveau lorsque nous évoquerons la sécurité périmétrique des établissements. Cette réflexion devra être menée, mais dans un cadre plus large. Les directeurs de prison, que j'ai interrogés au cours de la trentaine d'auditions que j'ai conduites, ont eux-mêmes estimé que la question était légitime mais prématurée, car elle supposerait de redéfinir les nouveaux métiers de l'administration pénitentiaire.
Pour ces raisons, je demande à M. Ciotti de bien vouloir retirer son amendement, sans quoi je devrai émettre un avis défavorable.
La Commission adopte l'amendement. L'article 6 sexies A est ainsi rédigé.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement CL13 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement a pour objet de conférer la qualité d'agent de police judiciaire (APJ) aux directeurs de police municipale, dans le cadre de conventions de coordination entre l'État et les collectivités territoriales disposant d'une police municipale, afin de soulager les forces de sécurité intérieure dans l'exercice de leur mission.
Les polices municipales, avec leurs 18 000 agents, sont très présentes dans les territoires. Il serait légitime que, pour préserver le continuum de la chaîne de sécurité, leur périmètre d'intervention soit étendu ; or le statut d'APJ y contribuerait opportunément.
J'émettrai un avis global sur les amendements déposés par nos collègues de l'opposition visant à étendre d'une manière ou d'une autre les prérogatives des polices municipales.
J'y suis défavorable pour des raisons d'ordre constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a défini le cadre d'exercice des missions de police municipale : il résulte de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ; or cette exigence ne serait pas respectée si les pouvoirs généraux de contrôle ou d'enquête étaient confiés à des agents qui ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire. En clair, la chaîne de contrôle serait trop distendue entre le procureur et l'agent. Voilà pourquoi l'amendement CL13, ainsi que l'amendement CL14 que nous examinerons un peu plus tard, me paraissent contraires à la Constitution. Avant de légiférer sur cette question, il me paraît préférable de lancer une réflexion globale sur les missions de police municipale.
La Commission rejette l'amendement.
Elle aborde ensuite l'amendement CL75 du président Dominique Raimbourg.
Mes chers collègues, je vais vous proposer, par trois amendements, de réécrire des dispositions annulées par le Conseil constitutionnel pour les rendre conformes à la Constitution. L'amendement CL75 est le premier, il concerne la transaction pénale.
Ce dispositif a été introduit dans le code pénal dans le but de permettre une répression plus rapide en autorisant les officiers de police, pour certaines petites infractions, à prononcer une amende forfaitaire avec l'aval du procureur et du juge.
Si le Conseil constitutionnel a considéré que le processus ne posait pas de difficulté en lui-même, il a jugé inconstitutionnel le fait de fixer par décret la valeur maximale de l'objet susceptible de permettre l'application de la transaction pénale en cas de vol.
En conséquence, mon amendement fixe ce montant à 300 euros. En deçà, la transaction pénale sera possible ; au-delà, elle devient impossible et les poursuites classiques s'imposent. Il s'agit d'une simple possibilité offerte à l'officier de police, en aucun cas d'une obligation. La somme de 300 euros est celle qui avait été retenue par le pouvoir réglementaire : il s'agit donc d'une pure régularisation qui transforme une disposition réglementaire en disposition législative.
Monsieur le président, vous présentez là un amendement utile auquel je ne suis pas particulièrement défavorable, mais je rappelle que la transaction pénale a été expérimentée dans plusieurs circonscriptions pour différents délits, comme l'usage de stupéfiants ou le vol. Or, dans l'arrondissement de Paris dont je suis maire, le procureur de la République et le préfet de police ont dû interrompre l'expérience après quelques mois en raison des difficultés de mise en application. Cela a été finalement très embarrassant pour tout le monde. Il est apparu que cette procédure était impossible à mettre en oeuvre de façon efficace en raison de ses modalités assez complexes, que ce soit pour ce qui concerne les relations avec la justice ou avec les forces de police.
Ces éléments de réflexion n'empêchent évidemment pas le vote de votre amendement. Ils montrent cependant qu'à défaut de reconsidérer les modalités d'application de la transaction pénale, cette procédure ne peut pas véritablement être mise en oeuvre de façon utile.
Monsieur Goujon, je partage votre avis. La transaction pénale avait été pensée sur le modèle de la transaction douanière qui se déroule sans autorisation judiciaire. Malheureusement, des juristes avisés ont considéré que cette dernière était nécessaire en matière pénale, ce qui complique le processus. Je crois qu'il nous appartient de parachever le dispositif, même s'il faudra revenir sur le sujet pour mettre en place un système de répression rapide qui simplifie la vie de tout le monde, y compris du contrevenant, puisqu'il lui suffit de s'acquitter d'une amende.
Je crains que cela n'exige un travail approfondi car il faudra éviter tout risque constitutionnel. En matière douanière, le montant de la transaction est fixé en fonction de la valeur de la contrebande ou de la contrefaçon ; dans le cas présent, c'est beaucoup moins évident.
La Commission adopte l'amendement. L'article 6 sexies B est ainsi rédigé.
Elle examine l'amendement CL20 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement, comme plusieurs autres qui suivent, vise à répondre aux très fortes inquiétudes des policiers confrontés, depuis plusieurs années, à l'alourdissement des procédures au gré de l'adoption de nouveaux textes de loi. Le temps toujours plus important consacré au travail de procédure et à la « paperasserie », au détriment du travail d'enquête, est l'une des causes de la colère exprimée dans la rue par les policiers.
Afin d'alléger les procédures d'enquête, l'amendement CL20 vise à abroger le récent article du code de procédure pénale qui permet, en enquête de flagrance, à la personne mise en cause de bénéficier de l'assistance d'un avocat lors des opérations de reconstitution d'une infraction ou lors des séances d'identification des suspects dont elle fait partie.
Je demande à mes collègues de ne pas voter cet amendement qui supprimerait une disposition que nous avons adoptée dans la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, et qui constitue une garantie complémentaire pour les droits de la défense.
Finalement, la droite nous tient toujours le même discours. La droite s'est toujours opposée à la présence de l'avocat à l'instruction ou en garde à vue. Elle ne veut tout simplement pas que les droits de la défense s'exercent.
L'histoire montre qu'il est bien ainsi.
Pourquoi se cacher derrière la question du travail des enquêteurs ? Cet amendement illustre plutôt un véritable problème politique : de l'autre côté de cette salle, certains ne veulent pas que des droits nouveaux soient accordés et que des personnes mises en cause puissent bénéficier de l'assistance d'un avocat dans le cadre de l'enquête de flagrance.
La pratique démontre pourtant que les services d'enquête sont parfaitement formés et qu'ils sont préparés à accueillir des avocats. Mieux, la présence de ces derniers – rappelons que les avocats sont des auxiliaires de justice – enrichit l'enquête en permettant, dès cette étape, de mettre en place un embryon de contradictoire.
Avis défavorable.M. Éric Ciotti a raison de dire que les policiers en ont un peu assez de « faire de la paperasse », mais je ne suis pas sûr que son amendement réduise réellement la paperasse en question. La présence d'un avocat pour une reconstitution ou une séance d'identification de suspect n'est pas neutre : on ne saurait y voir purement et simplement un alourdissement de la procédure.
Par ailleurs, nos engagements internationaux ne nous permettent pas de nous soustraire à ce type d'obligations puisqu'ils prévoient que les suspects ou les personnes poursuivies ont droit à la présence de leur avocat lors des séances d'identification, des confrontations et des reconstitutions, sauf circonstances particulièrement graves et délicates.
J'aurai également un avis défavorable sur les amendements suivants, CL6 et CL22, qui sont de même nature.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL6 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à mettre fin à une procédure que les policiers qualifient de « droit à prévenir un complice ».
La loi du 3 juin 2016 autorise le procureur de la République à différer la possibilité pour la personne en garde à vue de faire prévenir un tiers ainsi que son employeur, mais dans des conditions beaucoup plus strictes que ne le permettait le droit avant son entrée en vigueur. Nous souhaitons revenir à la situation antérieure, car cet assouplissement, qui a suscité, à bien des égards, la colère des policiers, fragilise considérablement de nombreuses enquêtes.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Suivant un avis identique du rapporteur, elle rejette ensuite l'amendement CL22 de M. Éric Ciotti.
Puis la Commission est saisie de l'amendement CL16 du même auteur.
L'amendement CL16 vise à donner aux forces de l'ordre des possibilités plus larges pour contrôler les identités.
Avis défavorable. Il ne s'agit d'ailleurs pas seulement de leur accorder des possibilités plus larges de contrôles d'identité, mais bien le droit d'effectuer de tels contrôles sans aucune réserve ni condition… On ne peut être qu'opposé à cette mesure !
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL17 de M. Éric Ciotti.
Il ne faudrait pas qu'une interprétation hâtive amène ceux qui regardent nos débats à penser que la majorité manifeste une quelconque réserve dès lors qu'il s'agit de donner aux forces de l'ordre les moyens nécessaires pour effectuer des contrôles d'identité ou des fouilles de véhicules.
Au fil des textes que nous avons votés, nous avons déjà considérablement accru les modalités permettant aux représentants de l'autorité publique d'agir…
… mais dans des conditions conformes à nos règles de droit. L'action des forces de l'ordre reste encadrée par les autorisations nécessaires, données notamment par les magistrats, et sous le contrôle de l'autorité judiciaire.
M. Popelin a raison de rappeler que nous avons déjà élargi les possibilités de contrôles d'identité et de fouilles de véhicules, notamment dans le cadre des textes sur l'état d'urgence, en adoptant des amendements que je défendais. Je l'en remercie.
Je considère pour ma part que l'élargissement de ces facultés de fouilles et de contrôles doit être aujourd'hui total. Qui peut estimer que la menace va s'atténuer ?
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL18 du même auteur.
Avis défavorable. Nous aurions pu l'examiner au fond si vous aviez assorti les facultés de fouilles des bagages d'un certain nombre de conditions, ce qui n'est pas le cas. En l'état, votre amendement est manifestement irrecevable.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission étudie l'amendement CL14 de M. Éric Ciotti.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL76 du président Dominique Raimbourg.
Ce deuxième amendement tire les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de dispositions relatives à l'accès au dossier de l'instruction pour les avocats des parties devant la chambre d'instruction. Le Conseil ayant jugé qu'elles entraînaient une rupture d'égalité entre les parties selon que ces dernières étaient ou non représentées par un avocat, nous proposons que les réquisitions du ministère public – et elles seules – soient accessibles à toutes les parties au dossier, qu'elles soient ou non défendues par un avocat.
La Commission adopte l'amendement. L'article 6 sexies C est ainsi rédigé.
Elle est saisie de l'amendement CL23 de M. Éric Ciotti.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Article 6 sexies (nouveau) (art. L. 511–1 du code de la sécurité intérieure) : Extension des compétences des agents de la police municipale
La Commission adopte l'article 6 sexies sans modification.
Après l'article 6 sexies
La Commission examine l'amendement CL33 de M. Guillaume Larrivé.
Cet amendement devrait recevoir un assentiment assez large de la commission des Lois puisqu'il s'agit d'abroger le dispositif de contrainte pénale issu de la funeste loi du 15 août 2014 de Mme Christiane Taubira (Sourires).
Le groupe Les Républicains maintient que cette contrainte pénale est aussi pernicieuse qu'inutile, d'autant qu'elle a été, depuis le 1er janvier dernier, étendue dans son principe à l'ensemble des délits – y compris les plus graves, qui sont punis de plus de cinq ans de prison. Il est temps de solder le passif des années Taubira : je vous invite à le faire dès maintenant.
Un peu comme au patinage artistique, cet amendement fait partie des figures imposées… J'aurais été déçu qu'il ne nous ait pas été présenté ! Lorsque le garde des Sceaux est venu présenter un bilan de cette mesure, on a vu qu'elle était utilisée pour un nombre limité d'infractions de faible gravité. Et, en toute hypothèse, ce serait faire un très mauvais procès aux magistrats que d'affirmer qu'ils utiliseront cette contrainte pénale dans des situations auxquelles elle n'est pas adaptée. Avis défavorable.
Le rapporteur vient de donner un argument supplémentaire en faveur de la suppression du dispositif : si la contrainte pénale est inutile, je ne vois pas l'intérêt d'en maintenir le principe dans le code pénal…
La loi instituant la contrainte pénale a prévu que sa mise en oeuvre serait progressive. Dans un premier temps, elle ne devait être applicable qu'aux délits passibles de peines de prison allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Depuis le 1er janvier 2017, la contrainte pénale s'applique à l'ensemble des délits prévus par le code pénal.
Le budget de la justice est en augmentation considérable et le garde des Sceaux nous a expliqué que des moyens complémentaires allaient être donnés aux services pénitentiaires d'insertion et de probation pour leur permettre d'utiliser pleinement cette mesure alternative : il ne s'agit pas d'un sursis avec mise à l'épreuve mais bien d'un contrôle renforcé permettant tout à la fois une indemnisation immédiate des victimes et un suivi du condamné. Du reste, le bilan que nous a présenté le ministre de la justice montre bien que le recours au dispositif est en augmentation progressive, à mesure que s'effectuent les recrutements dans les services de probation.
Je regrette que l'opposition en reste à cette vision des choses, sachant que l'objectif de la contrainte pénale est d'éviter la récidive, que les sorties « sèches », sans préparation, ont pour effet de favoriser. Il s'agit de trouver toutes les mesures – en termes de logement, d'emploi, de formation et d'indemnisation de la victime – permettant d'éviter que la personne condamnée revienne devant une juridiction pénale.
On ne saurait nier que nos collègues du groupe Les Républicains, et en particulier M. Guillaume Larrivé, ont de la suite dans les idées… On voit d'ailleurs que ce dernier défend cet amendement avec le sourire, comme s'il s'agissait d'un exercice obligé.
Depuis qu'elle a été introduite dans la palette des sanctions à disposition du juge, la contrainte pénale est devenue pour l'opposition une sorte de totem : contrainte pénale égale laxisme, CQFD… Et on enfonce le clou en permanence pour essayer de démontrer l'indémontrable. Encore faut-il savoir choisir ses arguments, mes chers collègues : ou bien vous voulez supprimer la contrainte pénale parce qu'elle est dangereuse, ce qui supposerait que vous ayez des exemples de personnes qu'on n'aurait pas dû, pour protéger la société, sanctionner par ce biais, ou bien vous voulez la supprimer parce qu'elle ne servirait à rien ; mais ce ne peut pas être les deux à la fois. En vérité, peu de contraintes pénales ont été prononcées et je ne crois pas qu'il y ait d'exemple démontrant qu'elles l'auraient été dans des conditions mettant en péril la société. Arrêtez par conséquent de faire une fixation en soutenant que l'instauration de cette sanction pénale signifierait un affadissement de notre politique pénale.
Je considère pour ma part qu'il est nécessaire de laisser le temps aux magistrats de s'approprier cette mesure et d'en faire régulièrement l'évaluation. On ne peut en tirer un bilan au bout d'un ou deux ans, sinon pour des raisons totalement idéologiques.
L'examen du budget de la justice nous a permis de constater que le système devait encore prendre de l'ampleur. Il ne fait que démarrer. Il est donc beaucoup trop tôt pour porter un jugement à son sujet.
Par ailleurs, nous examinons un projet de loi sur la sécurité publique ; or c'est là un pan entier de la politique pénale qu'on veut abroger. Nous pourrions donc bien avoir affaire à un cavalier, et même un cavalier sur le retour, si j'ose dire…
Premièrement, il ne s'agit en rien d'un cavalier car la politique pénale a une incidence directe sur la sécurité publique. Nous sommes au coeur du sujet.
Deuxièmement, nous maintenons que, dans son principe, la contrainte pénale est pernicieuse et que, dans les faits, elle n'est pas appliquée. Ce qui fait bien deux raisons, l'une de principe et l'autre d'ordre pratique, pour proposer sa suppression…
La Commission rejette l'amendement CL33.
Puis elle aborde l'amendement CL29 du même auteur.
Nous proposons d'introduire un mécanisme de peine plancher pour la répression des différents types d'agressions commises contre un policier, un gendarme ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique.
Encore une fois, je ne voudrais pas que ceux qui suivent nos débats pensent que nous accepterions les atteintes portées aux policiers, aux gendarmes ou aux personnes dépositaires de l'autorité publique. En lisant le rapport de Mme Cazaux-Charles, vous avez tous pu constater que ces infractions, gravissimes, étaient réprimées à un haut degré par l'ensemble de la magistrature française. Il n'est donc pas utile d'instaurer des peines planchers qui manifestent en réalité une sorte de défiance vis-à-vis de nos magistrats. Avis défavorable.
M. Pascal Popelin nous ayant invités tout à l'heure à faire un choix, je reprendrai sa dialectique au vol pour l'inviter à faire de même.J'ai la très grande fierté – qui m'a valu d'être épinglé sur « le mur des cons » du Syndicat de la magistrature – d'avoir été le rapporteur de la loi instaurant les peines plancher. Que n'avons-nous entendu à ce sujet ! Certains prédisaient que ces peines plancher allaient être des peines automatiques : c'était faire preuve d'une totale mauvaise foi et d'une malhonnêteté intellectuelle absolue. Et lorsque, avec notre collègue Christophe Caresche, nous avons procédé à l'évaluation de la mise en oeuvre des peines plancher, il nous a été dit qu'elles ont été mises en oeuvre dans à peu près 50 à 60 % des cas. Ce qui démontrait que jamais cette mesure ne s'était traduite par une automaticité des peines.
Il faut donc être très modeste dans cette affaire et se garder des positions à l'emporte-pièce. Je reste persuadé que les peines plancher laissaient une liberté totale aux magistrats : ceux qui ne les ont pas utilisées ont, conformément à la loi, expliqué – sans aucune difficulté – pourquoi ils ne le faisaient pas. Les peines plancher étaient un signal respectueux de notre État de droit ; elles permettaient à la justice de bien faire son travail et aux justiciables de savoir qu'à la gradation dans la gravité des comportements correspondait, de par la loi, une gradation dans la sanction pénale.
Vous avez fait le choix idéologique de refuser ce principe et de supprimer ce dispositif – comme vous l'avez fait sur beaucoup d'autres sujets. Je ne voudrais pas être désobligeant mais je note qu'un candidat, certes malheureux mais, malgré tout, assez représentatif de votre famille politique, a fini par regretter la suppression, pour des raisons idéologiques, de la défiscalisation des heures supplémentaires au point de vouloir la reproposer dans son projet ! Faites preuve de sagesse, ayez le sens des réalités et écoutez ceux qui vous disent que les peines plancher, loin de lui être contraires, affirment notre État de droit.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL28 de M. Guillaume Larrivé.
Nous proposons d'allonger, pour les agressions les plus graves commises envers les policiers, les gendarmes ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, la période de sûreté pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d'aucune mesure de libération conditionnelle, de semi-liberté ni d'aucune autre disposition de même nature. La durée de la période de sûreté serait fixée aux deux tiers de la peine prononcée et non plus à la moitié comme c'est le cas aujourd'hui.
Je ne suis pas insensible à cet amendement. Mais quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que pour ces infractions d'une gravité incontestable, les juridictions ont déjà la possibilité d'imposer à leurs auteurs une telle période de sûreté par décision spéciale. Vous proposez en fait de faire d'une possibilité le principe, sauf décision contraire. Faisons confiance au juge. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL27 du même auteur.
Cet amendement a deux objets.
D'une part, il renforce la répression des menaces proférées à l'encontre du conjoint, des ascendants ou des descendants des agents dépositaires de l'autorité publique : ces menaces seraient désormais punies de trois ans de prison, au lieu de deux ans.
D'autre part, il alourdit la peine applicable à la destruction ou à la dégradation d'un bien par incendie ou par utilisation d'explosifs, lorsqu'il s'agit d'un poste de police ou d'une gendarmerie.
Je comprendrais mal que cet amendement de bon sens, raisonnable, précis et utile, ne soit pas adopté par la majorité. Il faut protéger les policiers, les gendarmes et leurs familles ; il faut aussi mieux protéger les commissariats et les gendarmeries qui font l'objet d'agressions.
Votre amendement comporte en effet deux mesures distinctes. La première – l'aggravation des peines en cas de menaces sur l'entourage – soulève selon moi une difficulté, dans la mesure où elle aboutirait paradoxalement à réprimer plus sévèrement les menaces proférées contre la famille d'un agent dépositaire de l'autorité publique que contre l'agent lui-même.
Pour ce qui est de la seconde – l'aggravation des peines en cas de destruction ou dégradation d'une gendarmerie ou d'un commissariat –, je n'y suis pas opposé mais la rédaction visant « tout immeuble constituant le siège d'une autorité publique » est sans doute trop large. Je vous invite à déposer un nouvel amendement en séance afin de bien préciser le type d'immeuble susceptible d'être visé.
Le fait de s'attaquer à la famille d'un agent est à mes yeux un facteur éminemment aggravant, dans la mesure où de tels actes déstabilisent l'ensemble des fonctionnaires chargés de faire respecter l'ordre. Je ne comprends pas votre raisonnement, monsieur le rapporteur.
Je considère comme vous que les menaces à l'encontre de la famille sont gravissimes. J'ai simplement trouvé paradoxal que le quantum des peines soit inférieur lorsque l'agent lui-même en est victime. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
Je retiens de cet échange, monsieur le rapporteur, que vous seriez favorable à un amendement prévoyant un renforcement des peines encourues pour les atteintes à un commissariat ou une gendarmerie à condition d'en ciseler la rédaction.
Je comprends également que vous ne seriez pas défavorable à une aggravation de la répression des menaces proférées à l'encontre des familles dès lors qu'elle irait de pair avec une plus grande sévérité dans les cas de menaces à l'encontre des agents eux-mêmes.
Sur le premier point, vous m'avez parfaitement compris. Sur le second, je pourrais vous suivre, sous réserve d'examiner ensemble les bouleversements que cela entraînerait sur l'échelle des peines.
Les amendements CL27 et CL5 sont retirés.
Article 7 (art. 433-5 et 433-7 du code pénal) : Aggravation des peines encourues en cas d'outrage contre une personne dépositaire de l'autorité publique et de rébellion
La Commission adopte l'article 7 sans modification.
Article 7 bis (art. L. 233-1 et L. 233-1-2 [nouveau] du code de la route) : Aggravation des peines encourues en cas de refus d'obtempérer
La Commission adopte successivement les amendements de coordination CL89 et CL104 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 7 bis modifié.
Après l'article 7 bis
La Commission est saisie de l'amendement CL8 de Mme Sonia Lagarde.
Afin de mieux lutter contre l'insécurité routière, mon amendement vise à permettre aux policiers municipaux de Nouvelle-Calédonie de procéder à des contrôles préventifs, conformément à la législation applicable dans l'hexagone. Actuellement, cette compétence est réservée, en Nouvelle-Calédonie, aux seuls officiers et agents de police judiciaire.
Si le statut des policiers municipaux relève de la compétence du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, l'État demeure compétent pour définir le cadre légal de leur action, notamment pour élargir leurs prérogatives en matière de contrôles d'alcoolémie, ainsi que le prévoit cet amendement.
Les policiers municipaux sont étroitement associés aux opérations « coup de poing » menées par la police nationale, sous l'autorité du procureur de la République. Il serait sans doute plus efficace et plus opportun de leur confier une mission de prévention.
Les policiers municipaux de Nouvelle-Calédonie ont été souvent les oubliés de l'histoire. Cet amendement permet de corriger quelques erreurs du passé.
J'ai conscience de l'importance de votre amendement que j'ai examiné avec attention. Il me semble toutefois qu'il n'a pas sa place dans ce texte. Je vous invite à vous rapprocher de M. Victorin Lurel, le rapporteur du projet de loi relative à l'égalité réelle outre-mer, sur lequel une commission mixte paritaire (CMP) va se réunir prochainement. Votre amendement trouverait plus sa place dans ce texte qui comporte déjà des dispositions similaires, encore en discussion, auxquelles il pourrait être agrégé. Je ne pense pas que cela soulèverait des difficultés.
Quand je dis que la Nouvelle-Calédonie restera l'oubliée de l'histoire… La loi d'actualisation du droit des outre-mer comportait un certain nombre de dispositions, en particulier la faculté pour la police municipale de procéder au dépistage par éthylotest. L'État devait prendre une ordonnance ; il ne l'a pas fait. J'ai de nouveau déposé des amendements dans le projet de loi relatif à l'égalité réelle outre-mer, qui ont été adoptés. Cet amendement vient compléter ce dispositif en autorisant le contrôle préventif. Ce projet de loi me paraît le bon véhicule législatif. Sinon, nous allons encore nous retrouver dans le mur. Cette affaire dure depuis trop longtemps.
En Nouvelle-Calédonie, vous le savez, l'alcool est un véritable fléau, les routes sont meurtrières. L'alcool au volant est responsable de soixante morts par an, on ne peut pas s'en glorifier. Il s'agit de rechercher encore plus d'efficacité pour lutter contre ce fléau, sous le contrôle évidemment de la police nationale.
S'il n'est pas possible de trouver une solution lors de la CMP, vous pourrez redéposer votre amendement en séance et j'y serai favorable.
Madame Lagarde, la CMP sur le projet de loi relatif à l'égalité réelle doit se tenir lundi prochain ; la Commission tiendra une réunion au titre de l'article 88 du Règlement sur le projet de loi relatif à la sécurité publique mardi. Si un accord ne pouvait pas être trouvé lors de la CMP, le rapporteur rendra un avis favorable sur votre amendement. Nous essaierons de corriger cet oubli de l'histoire dans un texte ou dans l'autre.
Je vous remercie de votre compréhension. Rien ne justifie que la police municipale de Nouvelle-Calédonie soit moins bien traitée. Quant à l'alcoolémie, elle est à l'origine de pratiquement 50 % des délits routiers constatés en Nouvelle-Calédonie. C'est dire la gravité du phénomène.
Je n'en ai pas un souvenir exact, mais il ne me semble pas que ce sujet ait été abordé dans le projet de loi relatif à l'égalité réelle. Le risque de voir demain le Conseil constitutionnel considérer cet amendement comme un cavalier me semble bien plus grand si celui-ci est adopté dans un texte relatif à l'égalité réelle outre-mer que dans un projet de loi relatif à la sécurité publique. Pouvez-vous m'assurer que ce ne sera pas le cas ?
L'article 30 quater du projet de loi relatif à l'égalité réelle comporte des dispositions sur le même sujet. Je vous invite à vous y reporter.
J'apprécie la position du rapporteur. Mais il me semble que, puisque nous sommes d'accord sur cet amendement, nous devrions le voter dès maintenant.
L'amendement CL8 est retiré.
Article 7 ter (nouveau) (art. L. 311 et L. 311 – 3 [abrogés] du code de la sécurité intérieure et L. 2331-2, L. 2332-2, L. 2336-1, L. 2337-1, L. 2339-3-1, L. 2339-5 et L. 2339-9 du code de la défense [abrogés]) : Précision sur la politique publique de contrôle du commerce et de la détention des armes
La Commission adopte l'article 7 ter sans modification.
Article 7 quater (nouveau) (art. L. 4139 – 16 du code de la défense) : Maintien en activité des volontaires dans les armées en service au sein de la Gendarmerie nationale
La Commission adopte l'article 7 quater sans modification.
Article 8 (art. 12-1 [nouveau] de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) : Renforcement des pouvoirs de contrôle et de retenue des membres des équipes de sécurité pénitentiaire en vue de sécuriser les abords d'une prison
La Commission examine l'amendement CL74 du rapporteur.
Cet amendement vise à rétablir, pour la définition du périmètre d'intervention des équipes de sécurité pénitentiaire, la référence à l'emprise foncière à laquelle le Sénat a substitué la notion d'abords immédiats. Il ne s'agit pas d'un amendement de précision : il touche bel et bien au fond dans la mesure où les agents vont être amenés à contrôler autour des établissements pénitentiaires des personnes qui ne sont pas détenues.
Ce périmètre sera déterminé, cartographié par voie réglementaire. Dans l'esprit du garde des Sceaux et dans le mien, il s'agit d'éviter que les personnels se retrouvent à intervenir sur la voie publique. Ce problème ne se pose guère pour les établissements récents construits en campagne avec des glacis facilement identifiables, mais il en va tout autrement pour les établissements anciens implantés en ville, tels que la prison de la Santé qui donne directement sur la rue du même nom.
La Commission adopte cet amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL90 du rapporteur.
La Commission est saisie de l'amendement CL41 M. Philippe Goujon.
Cet amendement vise à autoriser les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire à procéder à des fouilles de véhicules stationnés sur l'ensemble de l'emprise foncière ou aux abords immédiats de la prison, sur le modèle de la loi du 23 mars 2016, dite « loi Savary », qui a précisé les conditions des visites de véhicules sur les emprises foncières des sociétés de transport.
Ayant posé cette question lors des auditions, je suis parvenu à la conclusion qu'il n'est pas question d'étendre les prérogatives des personnels des équipes de sécurité pénitentiaire au-delà de ce que prévoit l'article 8.
J'approuve les propos du rapporteur. La fouille des véhicules est parfois très complexe, surtout lorsqu'ils se comptent par centaines dans certains domaines. Le personnel pénitentiaire n'est pas toujours aguerri à ce type de contrôle. Il est préférable, lorsqu'une voiture pose problème, que les services pénitentiaires, comme ils le font régulièrement, appellent les services de police afin qu'ils procèdent à la vérification nécessaire. La position du rapporteur me paraît donc pragmatique et réaliste.
La Commission rejette l'amendement CL41.
Puis elle examine l'amendement CL42 de M. Philippe Goujon.
Dans la même veine que le précédent, cet amendement vise à permettre la rétention d'une personne refusant une fouille – comme c'est le cas si elle refuse un contrôle d'identité – en attendant l'arrivée d'un officier de police judiciaire. En effet, les établissements pénitentiaires sont très vulnérables face à la projection d'objets prohibés. De ce point de vue, l'étude d'impact du projet de loi révèle des chiffres en hausse constante : 56 000 objets en 2014, 68 000 en 2015. Autrement dit, c'est un véritable fléau.
Si vous visez la fouille des bagages, votre intention est satisfaite puisque le texte dispose que le personnel pénitentiaire peut retenir toute personne refusant « de se soumettre au contrôle » ou se trouvant dans l'impossibilité « de justifier de son identité », ce qui couvre non seulement la justification de l'identité, mais aussi les palpations de sécurité, l'inspection visuelle des bagages et le refus de leur fouille. Si, en revanche, vous souhaitez autoriser la rétention de toute personne refusant de se soumettre à une fouille corporelle, alors il est impossible de donner suite à votre proposition dans la mesure où les personnes contrôlées ne sont pas des détenus et, de ce fait, ne sont pas soumises au régime des fouilles applicable aux personnes en détention ; elles ne peuvent donc faire l'objet que de palpations de sécurité.
La Commission rejette l'amendement CL42.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL91 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 8 modifié.
Après l'article 8
La Commission examine l'amendement CL69 du Gouvernement.
Cet amendement présenté par le Gouvernement vise à tirer les conséquences d'une question prioritaire de constitutionnalité relative aux « parloirs sauvages », le Conseil constitutionnel ayant déclaré les dispositions du code pénal concernées contraires au principe de légalité des délits et des peines en raison de leur imprécision. Le Gouvernement propose donc de préciser le texte en indiquant que la communication entre un tiers et le détenu est autorisée dans trois cas : lorsque la personne placée en détention provisoire a été autorisée à téléphoner par le juge d'instruction ; lorsqu'elle appelle sa famille ou d'autres personnes pour préparer sa réinsertion, le cas échéant sur autorisation de l'autorité judiciaire ; en cas de correspondance écrite telle qu'autorisée par l'administration pénitentiaire. Tout le reste est interdit.
La Commission adopte l'amendement CL69. L'article 8 bis est ainsi rédigé.
Elle examine ensuite l'amendement CL7 de M. Éric Ciotti.
La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé a donné une base légale au regroupement en unités dédiées des détenus radicalisés. Il me semble opportun d'aller au-delà. C'est pourquoi mon amendement prévoit l'isolement total des détenus présentant une dangerosité forte dans le cadre d'une radicalisation islamiste.
Vous proposez de modifier la base légale de la prise en charge des détenus terroristes ou radicalisés. En octobre dernier, le ministre de la justice a annoncé une augmentation des capacités d'évaluation et de prise en charge avec le remplacement des unités de prévention de la radicalisation (UPRA) par six quartiers d'évaluation de la radicalisation, la création de trois cents places d'accueil et de mise à l'isolement des détenus les plus dangereux, l'instauration d'un dispositif de prise en charge spécifique dans vingt-sept établissements avec des conditions de sécurité renforcées pour des détenus considérés de moindre dangerosité, et enfin la mise en place de programmes de prise en charge dédiée des autres détenus, pour lesquels l'expérience montre que le contact avec les autres détenus facilite le désistement. Le dispositif n'est donc pas univoque.
En la matière, nous devons laisser aux directeurs d'établissement et aux chefs de détention une large autonomie, même s'il appartient naturellement au garde des Sceaux de fixer les règles générales de détention de ces détenus radicalisés. Je préfère donc une solution pratique à une systématisation de l'isolement, sauf évidemment décision contraire. Avis défavorable.
Je comprends l'objectif de M. Ciotti mais les propositions du garde des Sceaux le satisfont. Tout d'abord, les places en isolement sont actuellement insuffisantes. Imaginons que M. Ciotti devienne ministre de la justice…
… et qu'il prenne la mesure qu'il propose : son cabinet l'avertirait immédiatement qu'il va trop vite en besogne et que sa décision est impossible à mettre en oeuvre ! Soyons pragmatiques : la proposition du garde des Sceaux, à laquelle nous avons été associés, répond en partie à l'exigence consistant à isoler des détenus potentiellement dangereux. Ensuite, laissons le soin aux établissements pénitentiaires, via des commissions adaptées, d'individualiser le traitement de chaque détenu – c'est d'ailleurs le sens positif des services pénitentiaires. Autrement dit, votre objectif est presque totalement atteint, monsieur Ciotti, par les propositions du Gouvernement qu'il faudra évaluer. Si elles s'avèrent insuffisantes dans un an, alors nous pourrons envisager l'adoption d'autres mesures.
Nous avons déjà eu un débat du même ordre lors de l'examen de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le terrorisme. À l'époque, un amendement avait été déposé en vue de systématiser l'expérience concernant les unités de déradicalisation qui avait été conduite à Fresnes. J'avais répondu en utilisant des arguments très similaires à ceux du rapporteur : dans la mesure où nous n'en sommes qu'aux premiers tâtonnements du traitement des personnes radicalisées, il ne serait pas de bonne politique d'inscrire dans la loi des mesures qui méritent d'être confrontées davantage à la réalité dans le cadre d'une expérimentation pour en évaluer l'efficacité. Il va de soi que le refus d'amendements de ce type ne saurait être interprété comme une quelconque volonté de se laver les mains du problème auquel nous sommes confrontés. Et d'ailleurs, il est apparu au fil du temps que l'expérimentation qu'il avait été proposé de généraliser par amendement à la loi de 2016 n'apportait pas forcément la meilleure réponse et, dans le cadre de la mise en oeuvre de sa politique carcérale, le Gouvernement en a d'ailleurs proposé une autre au cours de l'été. Sans doute la loi pourra-t-elle un jour fixer des règles claires en la matière mais, en l'état actuel des choses, l'humilité commande de laisser les expérimentations suivre leur cours. Expérimenter ne signifie pas détourner le regard, bien au contraire ; c'est regarder le problème en face.
La Commission rejette l'amendement CL7.
Article 9 : Mise en oeuvre, à titre expérimental, d'une mesure d'assistance éducative par le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse à l'égard d'un mineur placé auprès d'un service de l'aide sociale à l'enfance
La Commission adopte l'amendement de précision CL92 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL78 du rapporteur.
Cet amendement porte sur une mesure visant le retour en France de mineurs s'étant rendus sur des théâtres d'opérations comme la Syrie et l'Irak. L'article autorise que soient simultanément prises une mesure de placement auprès d'un service d'aide sociale à l'enfance (ASE) et une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO). L'amendement CL78 vise à apporter une précision recommandée par le Conseil d'État concernant la prise en charge des dépenses afférentes à chacune de ces deux mesures : l'État financera la mesure d'AEMO, tandis que le placement dans un service d'ASE demeurera à la charge des départements, ce qui évitera d'abondantes discussions.
La Commission adopte l'amendement CL78.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL93 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 9 modifié.
Après l'article 9
La Commission examine l'amendement CL79 du rapporteur.
Cet amendement vise à donner la possibilité au procureur de la République de requérir la force publique pour exécuter une mesure d'assistance éducative. Actuellement, cette possibilité n'existe que dans le cadre pénal et seuls les préfets en disposent. Une telle mesure irait dans le droit fil de l'amendement que je viens de présenter concernant le retour de mineurs en provenance de théâtres d'opérations djihadistes.
Êtes-vous bien certain, monsieur le rapporteur, que cette possibilité n'est pas déjà offerte au procureur de la République, qui dispose de pouvoirs immenses ?
Oui : il s'agit d'un « trou dans la raquette », si j'ose dire, qu'il convient de combler. Jusqu'à présent, c'étaient les préfets qui avaient compétence en la matière ; je préfère que ce soit les procureurs de la République…
La Commission adopte l'amendement CL79. L'article 9 bis A est ainsi rédigé.
Elle examine l'amendement CL77 de M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement procède du même esprit que mes deux amendements précédents. Le droit permettait au juge des enfants et au tribunal pour enfants d'ordonner l'exécution provisoire des mesures prises par eux, mais le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution la possibilité de décerner mandat de dépôt à l'encontre d'un mineur ayant comparu libre. L'article 22 de l'ordonnance du 2 février 1945 a été censuré dans son ensemble.
Le présent amendement vise à rétablir un système d'exécution provisoire dans trois cas. Premièrement, je propose que les mesures éducatives puissent être exécutées immédiatement. Deuxièmement, je propose qu'un mandat de dépôt ou un mandat d'arrêt puisse être décerné contre un mineur prévenu lorsque la peine d'emprisonnement prononcée est supérieure à un an, et qu'il soit possible de maintenir en détention un mineur déjà détenu. Enfin, je propose qu'il soit possible de décerner mandat d'arrêt ou mandat de dépôt lorsque le mineur en question n'a pas respecté les règles du centre éducatif fermé dans lequel il a été placé sous contrôle judiciaire.
En somme, nous rétablissons des possibilités qui existaient antérieurement à la décision du Conseil constitutionnel.
Je suis très favorable à cet amendement, d'autant que le mandat de dépôt ne sera pas automatique en cas de récidive légale – c'est une différence avec les dispositions applicables aux majeurs.
La Commission adopte l'amendement. L'article 9 bis B est ainsi rédigé.
Elle examine l'amendement CL36 de M. Gilles Savary.
Cet amendement vise à donner aux services de sûreté de la SNCF et de la RATP un droit de suite sur l'emprise de l'autre. Concrètement, les agents de la SNCF pourraient poursuivre une intervention destinée à appréhender un individu sur l'emprise de la RATP et réciproquement. Jusqu'à présent, ils sont bloqués par la territorialité de leurs missions. Cette mesure correspond à une demande du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). Il serait décisif pour l'Île-de-France, en effet, que ces agents puissent poursuivre les contrevenants, y compris lorsqu'ils passent sur l'emprise de l'autre entité.
C'est un amendement bienvenu et de bon sens. La situation est complexe, en effet : les domaines respectifs de la RATP et de la SNCF sont très imbriqués l'un dans l'autre. Personne ne comprendrait que les agents doivent interrompre leur intervention au motif qu'ils ne se trouvent plus sur le domaine de leur entité, laissant ainsi filer des délinquants. Avis favorable.
La Commission adopte l'amendement CL36. L'article 9 bis C est ainsi rédigé.
Article 9 bis (art. 230-45 et 727-1 du code de procédure pénale et art. L. 855-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Modification du régime du renseignement pénitentiaire
La Commission examine l'amendement CL43 de M. Philippe Goujon.
Depuis 2012, je propose que soit donnée valeur législative à l'interdiction des téléphones portables et de l'accès autonome à internet en prison. Cette interdiction n'a aujourd'hui de valeur que réglementaire. Or les portables sont nombreux en prison – on peut considérer que chaque détenu en détient un – et souvent utilisés à des fins malveillantes ; on l'a encore constaté récemment.
Je comprends l'esprit de cette disposition : les téléphones portables sont sources de tensions et de perturbations dans les prisons. Cependant, élever au rang législatif cette interdiction réglementaire n'y changerait rien.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL94 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l'amendement CL44 de M. Philippe Goujon.
Cet amendement vise à ce que le détenu utilisant un téléphone clandestin, par définition introduit en violation de l'interdiction qui lui est faite d'en détenir, ne soit pas prévenu que cet appareil est surveillé et qu'il pourra être saisi et détruit sauf si sa surveillance permet d'ouvrir des suites judiciaires.
Ma proposition ne me paraît pas porter atteinte au respect de la vie privée, ni même aux droits de la défense : les personnes à l'extérieur de la prison savent pertinemment que les détenus n'ont pas le droit de communiquer avec elles par l'intermédiaire d'un téléphone portable. Dans ces conditions, il ne peut être reproché à l'administration pénitentiaire de ne pas informer le détenu que des conversations par nature interdites puissent être écoutées, que leur transcription puisse être versée dans un dossier judiciaire et que puisse être saisi ou détruit un matériel qui ne doit pas se trouver en sa possession.
Cher collègue, je voyais les choses comme vous, avant de me les faire expliquer plus avant. En réalité, il faut distinguer ce qui relève du judiciaire et ce qui relève du renseignement administratif. Je ne voudrais pas que ceux qui suivent nos débats s'imaginent que l'administration ne peut écouter à son insu un détenu en possession d'un téléphone portable par définition interdit ! Elle peut parfaitement le faire, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Si l'écoute n'est pas réalisée sous le contrôle de la CNCTR, un certain nombre de garanties sont prévues. C'est uniquement dans le cadre du judiciaire, autrement dit du régime de surveillance mis en place par l'article 727-1 du code de procédure pénale, que le détenu est prévenu à la fois qu'il est écouté, que les données pourront être exploitées et que le téléphone est susceptible d'être détruit.
L'amendement de M. Philippe Goujon me paraît totalement justifié, et celui, à l'extérieur, avec qui le détenu communique devrait également pouvoir être poursuivi.
J'ai pu constater il y a quelques mois, dans le Bas-Rhin, que les détenus communiquaient même directement avec l'extérieur : des individus viennent au pied des murs de la prison, parfois dans les jardins privatifs de riverains, et les prisonniers communiquent par la fenêtre ! De tels comportements, à la vue de tout le monde, doivent pouvoir être poursuivis, et il n'y a pas de raison de considérer qu'un détenu, autrement dit la personne par définition la plus surveillée, doit être spécialement prévenu de l'existence d'une surveillance.
Je soutiens donc cet amendement, à moins que M. Goujon, satisfait par les explications de notre rapporteur, ne le retire.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL95, CL96 et CL97 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 9 bis modifié.
Article 10 (art. 22 et 23 – 1 [nouveau] de la loi n° 2015 – 917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019) : Création, à titre expérimental, du statut de stagiaire du volontariat militaire d'insertion
Dans le cadre de nos travaux d'hier, j'ai interrogé le ministre de l'intérieur sur la disparition de la dénomination de « service militaire volontaire » au profit de celle de « volontariat militaire d'insertion ». Je soulignais que cette disparition suscitait un certain trouble dans les armées. Autant le fond de l'article, avec la création de ce statut de stagiaire, ne pose pas de problème, autant cette nouvelle appellation me paraît un peu curieuse.
Je voudrais une clarification. Le ministre de l'intérieur m'a répondu hier : « Pas de problème, on ne change rien ! » Reste que l'expression de « volontariat militaire d'insertion » figure toujours dans le texte. Pourrions-nous, monsieur le rapporteur, en vue de la séance, travailler à un amendement dont l'objet serait de rétablir l'ancienne dénomination ?
En séance, il conviendra de demander au ministre de préciser son propos d'hier. Pour ma part, j'ai compris que c'était la seule deuxième phase de l'expérimentation du « service militaire volontaire » qui s'appelait « volontariat militaire d'insertion ».
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL111 et CL112 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 10 modifié.
Article 10 bis (nouveau) (art. 114 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale) : Rapport d'évaluation de l'expérimentation permettant d'évaluer l'opportunité d'élargir aux policiers municipaux le cadre commun de l'utilisation des caméras mobiles
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL113 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 10 bis modifié.
Après l'article 10
La Commission examine l'amendement CL48 de M. Yves Jégo.
Cet amendement vise à permettre aux maires de demander aux préfets la liste des personnes fichées « S » résidant dans leur commune, à charge évidemment pour eux de respecter strictement, sous peine de condamnation, la confidentialité des informations transmises, et de ne les utiliser que pour remplir leur mission.
Il est très compliqué de décider du recrutement d'un individu dont on ne peut savoir grand-chose ou de son affectation dans tel ou tel service municipal plus ou moins sensible. Au moment de l'instauration de l'état d'urgence, au lendemain des attentats du 13 novembre, il a été demandé aux maires de fournir toutes informations de nature à alerter les autorités de l'État ; encore faudrait-il nous donner – sous le sceau du secret et de manière encadrée par la loi évidemment, pour éviter que certains édiles ne fassent n'importe quoi – les informations nécessaires à l'accomplissement de nos missions ! J'ai moi-même pu mesurer à quel point certaines situations pouvaient être délicates. Rendons plus fluides les échanges entre autorités. Je rappelle que les maires sont, de droit, officiers de police judiciaire, qu'ils exercent un certain nombre de responsabilités et disposent de pouvoirs de police. Or ils sont privés d'informations qui leur sont nécessaires dans la lutte contre les réseaux terroristes. Vous parliez tout à l'heure de « trous dans la raquette » : en voilà un vrai !
Étant moi-même maire, tout comme M. Joaquim Pueyo, je suis très sensible à votre propos, cher collègue. Effectivement, on demande aux maires de faire des choses sans leur donner suffisamment d'informations. Je ne suis cependant pas certain que la communication des fiches S soit l'outil le plus approprié – je note d'ailleurs que l'Association des maires de France y est opposée. En l'état, je ne puis me prononcer en faveur de votre amendement, mais cette réponse ne saurait épuiser le débat. On ne peut pas à la fois répéter aux maires qu'ils sont en première ligne sur le front de la lutte contre le terrorisme et les empêcher, par la rétention d'informations, d'assumer les responsabilités qu'on entend leur confier !
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de manifester un tel sens de l'écoute et de reconnaître qu'il y a là une difficulté qu'il conviendrait de régler. En fin de législature, nous ne disposons plus guère de temps pour légiférer, mais la portée du débat va bien au-delà.
Le ministre de l'intérieur adresse des circulaires aux maires pour leur demander de mieux sécuriser les écoles, mais nous ne savons rien des agents municipaux qui y ont accès. Est-ce bien raisonnable ? Est-il bien raisonnable de consacrer des centaines de milliers d'euros de travaux à la sécurisation de l'entrée des écoles quand nous en ouvrons toutes grandes les portes à des personnes dont nous ignorons l'éventuelle dangerosité ?
Peut-être pouvons-nous reformuler notre amendement. Nous pourrions, par exemple, prévoir que le pouvoir réglementaire définit quelle fiche S est transmise. En réalité, il y a de tout dans les fiches S ; seul l'éventuel degré de dangerosité d'une personne – que les maires sont incapables de mesurer – devrait nous être indiqué par les services de l'État. Je proposerai une nouvelle rédaction de cet amendement, renvoyant au pouvoir réglementaire la définition des conditions dans lesquelles les informations peuvent être transmises. Mais nous ne pouvons pas en rester en l'état, à une chose et son contraire ! Le ministre de l'intérieur, qui connaît bien ces sujets, devrait être attentif à nos réflexions sur ce point.
Je partage l'avis du rapporteur mais également les interrogations de M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis moi-même maire et résidait dans ma ville celui que l'on a appelé la « voix de Daech », sans que je sois au courant. Lorsqu'un maire recrute du personnel, habilite des personnes à intervenir dans des services éducatifs ou de loisir, c'est un vrai problème. En revanche, je ne me vois pas recevoir directement les fiches S ; il vaudrait mieux créer une instance dans chaque préfecture, avec les élus concernés, un dispositif de partage de l'information confidentielle, comme cela se pratique déjà dans d'autres pays tels que le Danemark. Nous n'apporterons sans doute pas de réponse dans ce texte, mais le débat mérite d'être ouvert.
C'est un débat de fond. Les maires – je l'ai été – sont confrontés à cette question du recrutement du personnel des écoles sans avoir tous les éléments à leur disposition. Ils peuvent parfois connaître certains éléments par le casier judiciaire mais ce n'est pas évident. On ne peut pas demander aux maires, comme c'est le cas depuis une quinzaine d'années, de participer de plus en plus à la sécurité sans en même temps leur donner un minimum de moyens pour exercer leurs responsabilités. Car in fine, c'est vers eux que l'on se retourne ; et il n'est pas bon qu'un élu réponde à ses concitoyens qu'il ne sait pas, qu'il n'est pas responsable, qu'il ne peut pas avoir les informations : c'est du plus mauvais effet. Il faut trouver le bon niveau pour la communication de ces informations : une commission ou un accès aux services.
C'est un sujet compliqué, et assez récurrent depuis que se posent ces problèmes de terrorisme et de radicalisation. Nous sommes face à une double difficulté : d'un côté, un maire, au moment de nommer des gens à des postes sensibles, peut avoir affaire à des individus radicalisés sans le savoir ; de l'autre côté, les services de renseignement souhaitent maintenir la confidentialité de certaines informations dont ils disposent. D'après ce que l'on m'a expliqué, il semblerait que tout se fasse à l'appréciation des préfets : certains communiquent plus ou moins des informations aux maires en tête à tête sur les personnes faisant l'objet de fiches S ou signalées comme étant en voie de radicalisation, mais cela reste très inégal d'un département à l'autre : tout est fonction du préfet, des réalités locales, mais aussi du personnel politique. Ne conviendrait-il pas d'harmoniser les choses ?
Plus généralement, la réflexion porte moins sur la fiche S que sur les individus radicalisés. La fiche S reste un outil de renseignement, parmi d'autres, pour les services de renseignement ; et par définition, on ne va pas expliquer à un individu qu'il est fiché S. En revanche, le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) comporte près de 16 000 noms d'individus radicalisés : ces informations sont sans doute plus facilement communicables aux élus.
Je retrouve là – je parle sous le contrôle de M. Daniel Vaillant – le débat que nous avons eu il y a vingt ou vingt-cinq ans sur la délinquance et la pertinence d'un dialogue constructif entre commissaires de police et maires. À l'époque, tout le monde nous expliquait, y compris les clubs de prévention, qu'il était impossible de donner des noms ; nous avons alors inventé, grâce au contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance, le « secret partagé », et cela marche bien. Chacun a ses compétences et doit gérer les informations en fonction de celles-ci.
Le maire n'a pas vocation à tout savoir mais l'information doit circuler. Sur le présent sujet, nous parviendrons au même résultat : il faut le faire. Je suis maire et ne sais pas s'il y a parmi mon personnel communal des fichés S ou des personnes potentiellement dangereuses. Peut-être découvrirai-je un jour qu'un des animateurs de la ville, très compétent dans son domaine, est en fait en train de retourner le cerveau des enfants qu'il encadre… Il faut, comme pour la prévention de la délinquance, un lieu où les autorités se parlent. Nous ne pouvons laisser dépendre cela des relations plus ou moins bonnes entre le maire et le préfet ou les services de renseignement : il faut que tout cela soit organisé.
Je remercie les intervenants car leurs prises de parole montrent qu'il y a bien un sujet. M. François Pupponi a raison : un dispositif spécifique a été mis en place pour un certain nombre de délits ; on ne s'échange effectivement pas des noms à vingt autour d'une table, mais cela crée en tout cas un esprit de partenariat.
Comme l'a indiqué M. Pietrasanta, cela reste à l'appréciation du préfet. Tout dépend d'abord de la qualité du préfet ; mais surtout, en l'état actuel des choses, il n'a pas le droit de délivrer ces informations. On met donc les préfets dans une situation très compliquée. Se pose également une question de volume. Si une ou deux personnes seulement sont concernées dans une ville, c'est simple, mais le maire ne peut recevoir cent vingt ou cent trente noms par téléphone ; cela ne servirait d'ailleurs à rien. Aujourd'hui, quand un maire recrute quelqu'un pour le personnel d'une école, il peut consulter le fichier des délinquants sexuels, vérifier les incompatibilités au titre du casier judiciaire ; mais là, alors qu'il y a une dangerosité potentielle, le maire ne sait rien.
Enfin, la responsabilité politique du maire sera médiatiquement mise en cause alors même qu'il ignorait tout de la personne qu'il avait en face de lui. Trois personnes de ma ville sont parties en Syrie il y a quelques années, l'un a terminé au Bataclan : c'était Samy Amimour. Son recruteur, Charaf el-Mouadan, a priori mort en Syrie, était dans mon bureau quelques mois auparavant pour me demander de l'aider à créer un commerce plus ou moins communautaire, comme on en voit beaucoup dans nos banlieues. Imaginez que je l'aie aidé et que l'on m'ait expliqué ensuite qu'il s'agissait d'un centre de recrutement ! Il avait déjà été repéré par la direction centrale du renseignement intérieur et interpellé. Il a quand même réussi à partir…
J'ai trouvé très utile que nous nous occupions du problème des mineurs, car il y avait là aussi un « trou dans la raquette ». Il faut à présent s'occuper de ce problème-ci, sachant, qui plus est, qu'un certain nombre d'individus vont revenir de Syrie dans nos territoires sans que personne n'en sache rien ; et ce ne sont pas forcément des personnes très connues. Du coup, entre ceux qui sont déjà parmi nous et ceux qui vont revenir, on va se retrouver dans des situations impossibles.
Il faut pouvoir faire confiance moralement aux maires de la République, quitte à les sanctionner très lourdement si le « secret partagé » n'est pas respecté, car il y va de l'efficacité de nos systèmes de sécurité et de la protection de nos concitoyens. Mais si on n'est pas capable de trouver cet équilibre, on laissera un « trou dans la raquette », et des plus dangereux.
J'ai été rapporteur pour avis de la commission des Lois sur la proposition de loi de notre collègue Gilles Savary. On ne peut pas avoir deux poids, deux mesures. Depuis l'adoption de ce texte, la SNCF et la RATP passent au crible leurs candidats ou les personnes qui occupent des postes clés : pourquoi ne fait-on pas la même chose dans les communes ? Et au-delà des flux se posent la question du volume : le ministère de l'intérieur ne manquera pas de faire valoir qu'il n'est pas en capacité de passer au crible tous les nouveaux embauchés. Sans parler du stock des agents déjà en poste… Il y aura en tout état de cause un engorgement.
En outre, comment, juridiquement, gérer un personnel fiché S ou signalé comme radicalisé alors qu'il n'existe aucun élément judiciaire à son encontre ? La SNCF et la RATP rencontrent de nombreuses difficultés en la matière ; les maires seront confrontés aux mêmes problèmes en termes de gestion des ressources humaines.
Le souci de M. Jean-Christophe Lagarde est partagé par l'ensemble des responsables d'exécutifs locaux, et il convient de trouver un mode opératoire en lien avec les préfectures, harmonisé sur l'ensemble du territoire, en prenant en considération toutes les difficultés.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle examine l'amendement CL46 de M. Thierry Benoit.
La Commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL56 de M. Philippe Gosselin.
La loi du 3 juin 2016 a permis sous certaines conditions l'enregistrement des interventions des forces de l'ordre. C'est un élément intéressant, mais un point a été négligé en ce qui concerne l'enregistrement à l'intérieur des domiciles privés. La CNIL avait émis des recommandations sur la proportionnalité de la mesure. Au-delà de cela, il serait bon de préciser dans quelles conditions les visites domiciliaires peuvent être concernées, sous quelle forme elles pourraient avoir lieu pour les crimes et délits flagrants, en précisant que, même pour une perquisition dans le cadre d'une enquête préliminaire sans l'assentiment de la personne concernée, l'enregistrement est possible à condition qu'elle ait reçu l'autorisation du juge des libertés et de la détention.
Nous avons déjà eu ce débat à l'occasion de la loi du 3 juin 2016. La CNIL estime que cela relève du champ réglementaire. Elle observe que le législateur a autorisé la mise en oeuvre de caméras mobiles en tous lieux, mais considère que le ministère devrait prévoir les règles spécifiques lorsque ces caméras sont utilisées à l'intérieur d'habitations.
La réponse officielle est que nous n'avons pas à nous mêler de ce qui relève du pouvoir réglementaire. Mais vous avez raison.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission en vient à l'amendement CL59 de M. Philippe Gosselin.
Il s'agit de réactiver un dispositif très intéressant, prévu à titre expérimental par la loi du 9 juillet 2010 et qui permet d'empêcher toute personne ayant commis des violences à l'encontre de son conjoint ou de sa conjointe de s'en approcher de nouveau.
En réalité, l'expérimentation n'a pas eu lieu, la secrétaire d'État chargée des droits des femmes alors en fonction ne l'ayant pas souhaité, et les tribunaux de grande instance d'Amiens, d'Aix-en- Provence et de Strasbourg dans les ressorts desquels devait s'appliquer cette expérimentation n'ayant pas eu à connaître d'affaires dans lesquelles un prévenu aurait été condamné à une peine d'emprisonnement correspondant à ce qui était requis pour que le dispositif s'applique.
Ce dispositif offre pourtant l'intérêt d'être contraignant non pour la victime, sur laquelle ne pèse aucune obligation particulière, mais pour l'auteur des faits. J'ajoute que nous ne proposons pas l'adoption de cette mesure à titre définitif ; nous souhaitons seulement reprendre, pour une durée de trois ans, les expérimentations telles qu'elles étaient prévues dans la loi de 2010.
Le Comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes a mis fin à cette expérimentation…
… qui n'a pas eu lieu.Il se trouve que, depuis 2010, la technologie a fait des progrès rapides et qu'il existe aujourd'hui d'autres procédés, plus efficaces que ce double bracelet – l'un pour l'agresseur, l'autre pour la victime – qui, par ailleurs, pouvait être stigmatisant pour cette dernière.Nous disposons notamment du système du téléphone « grand danger », généralisé par la loi du 4 août 2014, qui fonctionne parfaitement.
Nous ne jugeons donc pas utile d'expérimenter un dispositif dont on sait qu'il est dépassé techniquement.
À titre personnel je soutiens cet amendement, que je souhaitais déposer en séance. J'ai eu sur le sujet un échange avec la Chancellerie et le ministère de l'intérieur.
Nous parlons d'un dispositif qui existe en Espagne et au Portugal depuis plusieurs années, avec des résultats extrêmement positifs, notamment en Espagne. D'autre part, si l'expérimentation n'a pas eu lieu en France, c'est que le seuil de peine à partir duquel il était censé pouvoir s'appliquer était trop élevé. C'est la raison pour laquelle cet amendement propose de l'abaisser de cinq à deux ans d'emprisonnement. Je rappelle enfin que, si cette expérimentation peut paraître contraignante pour les victimes, il s'agit d'une mesure qui ne s'appliquerait que sur la base du volontariat.
Concrètement, il s'agit de munir les victimes d'un boîtier électronique signalant, le cas échéant, aux autorités l'approche de l'agresseur. C'est très différent du téléphone « grand danger », que la victime ne peut actionner que lorsqu'elle est en contact visuel avec son agresseur. Ici, au contraire, nous avons affaire à un dispositif anti-rapprochement, qui interdit tout contact physique entre l'agresseur et la victime.
La mise en place du téléphone « grand danger » est une bonne chose, mais cela n'a rien d'incompatible avec le dispositif proposé ici, et nous n'avons rien à perdre à l'expérimenter, sachant que, après l'Espagne et le Portugal, il va être mis en oeuvre cette année au Royaume-Uni et en Suisse. En outre, si nous abaissons le quantum de la peine, il sera potentiellement plus facile de trouver des candidats pour l'expérimenter chez nous.
Je suis sensible aux arguments de M. Sébastien Pietrasanta. Dans la mesure néanmoins où des problèmes techniques restent à régler, je souhaiterais recueillir l'avis du ministre en séance. Sans balayer d'un revers de la main ce qui vient d'être dit, je reste donc partagé, n'ayant pas, pour tout vous dire, toute l'expertise requise pour me prononcer.
La pratique montre que les femmes – car ce sont des femmes dans 99 % des cas – victimes de violences conjugales demandent en priorité à être protégées. Dans cette perspective, le téléphone « grand danger » n'est qu'un téléphone, qu'il faut pouvoir prendre pour appeler.
Le dispositif proposé ici et qui a fait ses preuves en Espagne est tout à fait différent et adapté à certaines formes de violence particulièrement graves et dans les cas de récidive. La victime se sent totalement protégée, car elle sait que les services de police seront automatiquement alertés sans qu'elle ait à faire quoi que ce soit. Or ce qui est propre à de la violence conjugale, c'est précisément cette peur continuelle, quelles que soient les mesures prises à son encontre, que l'agresseur revienne et qu'il frappe de nouveau.
Il s'agit d'un système extrêmement efficace, un système de protection ultime et qui mériterait au moins d'être expérimenté dans la mesure où il correspond au type de protection élevé que réclament les victimes : car celles-ci ne veulent pas nécessairement envoyer leur agresseur en prison ; elles veulent seulement qu'il ne les approche plus. Peut-être, monsieur le rapporteur, pourriez-vous vous rapprocher de notre Délégation aux droits des femmes pour voir comment faire droit à cette demande ? Pour ma part, je soutiendrai cet amendement.
Nous sommes tous demandeurs d'un système qui mette nos concitoyennes à l'abri des violences conjugales. Mais nous avons besoin sur cet amendement de l'avis du Gouvernement, notamment pour en savoir davantage sur les moyens qu'il requiert et sa mise en oeuvre concrète.
Je proposerais donc que le rapporteur prenne l'attache du ministère de la justice d'ici la séance, pour voir si cette expérimentation, sur le principe de laquelle nous sommes tous d'accord, est envisageable. Cela nous éviterait d'adopter un amendement qui risque de ne pas être appliqué.
Nous savons tous par expérience ce que deviennent ces amendements retirés pour expertise… Cela ne va jamais au bout. On sent bien qu'il y a là un accord transpartisan sur un vrai sujet : il ne s'agit pas de graver quoi que ce soit dans le marbre, mais de mener une expérimentation sur un protocole particulier qui s'appuie sur des technologies qui ont de surcroît considérablement évolué depuis 2010. Le téléphone « grand danger », honnêtement, c'est pratiquement le Moyen âge, sinon la préhistoire par rapport aux besoins et aux capacités techniques dont nous disposons aujourd'hui…
Je serais plutôt d'avis, en accord avec mes collègues, que nous adoptions cet amendement, quitte à ce que le Gouvernement nous fasse en séance des propositions plus adaptées : je m'engage alors à soutenir tout amendement gouvernemental qui préciserait les choses. Comme le dit un proverbe populaire normand, ce qui est rentré ne craint pas l'eau…
La Commission adopte l'amendement. L'article 10 ter est ainsi rédigé
Chapitre IV
Dispositions relatives à l'outre-mer
Article 11 (art. L. 152-1, L. 155-1, L. 156-1, L. 157-1, L. 157-2, L. 158-1, L. 158-2, L. 285-1, L. 286-1, L. 287 1, L. 288 1, L. 445-1, L. 446 1, L. 447-1, L. 448-1, L. 645-1, L. 646-1, L. 647-1, L. 648-1, L. 895-1, L. 896-1, L. 897-1 et L. 898-1 du code de la sécurité intérieure, art. L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461 1 et L. 2471-1 du code de la défense, art. 711-1 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale, art. L. 552-6, L. 562-6 et L. 573-2 du code des relations entre le public et l'administration) : Coordinations outre-mer
La Commission adopte successivement les amendements de précision et de coordination CL100, CL98, CL99, CL101, CL102 et CL103 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 11 modifié.
Avant de passer au vote sur l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Larrivé qui a souhaité faire « une petite explication de vote ».
Ce projet de loi est encore perfectible ; je ne le voterai pas en l'état, mais souhaite pouvoir le voter dans l'hémicycle. Il faudra pour cela que nous ayons progressé sur deux points : d'une part, la répression des atteintes contre les forces de l'ordre, leurs familles et leurs lieux de travail ; d'autre part, les conditions d'emploi des armes par les polices municipales, sujet sur lequel il nous faut parvenir à une rédaction qui se rapproche de celle du Sénat.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La Commission examine ensuite, sur le rapport de M. François Pupponi, le projet de loi, rejeté par le Sénat, ratifiant les ordonnances du 21 novembre 2016 n° 2016-1561 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse (n° 4423).
Ce projet de loi permet de ratifier les ordonnances prises en application de l'article 30 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, qui créé une collectivité de Corse en lieu et place de la collectivité territoriale actuelle et des deux conseils départementaux de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.
Ces trois ordonnances, tout à fait conformes à l'habilitation accordée par le législateur, ne soulèvent pas de problème particulier. Elles respectent trois principes. Le premier est d'assurer la neutralité budgétaire, comptable et financière de la réforme pour permettre à la nouvelle collectivité de fonctionner au 1er janvier 2018 ; le deuxième est le maintien des conditions d'emploi et de statut du personnel, en particulier des directeurs de services, le troisième principe est d'assurer la continuité de l'action publique dans de bonnes conditions après le 1er janvier 2018. Si les conseils départementaux disparaissent, les deux circonscriptions administratives de Haute-Corse et de Corse-du-Sud demeurent : ainsi, par exemple, les deux services départementaux d'incendie et de secours qui leur sont rattachés sont maintenus, tandis que d'autres services seront modifiés afin de leur permettre de fonctionner à partir du 1er janvier 2018.
Une modification est apportée à l'article 30 de la loi NOTRe : la création d'une chambre des territoires remplace la conférence de coordination des collectivités territoriales et regroupera, à côté de l'assemblée territoriale élue, les élus locaux, les intercommunalités et les communes. Elle pourra jouer un rôle de conseil auprès de la nouvelle assemblée.
En conclusion, ces ordonnances correspondent à la loi d'habilitation ; je vous propose donc de les adopter.
Ce texte a une histoire : il puise ses sources dans la loi NOTRe, mais aussi dans un certain nombre de délibérations votées par l'assemblée de Corse, avant même la loi NOTRe.
Dans la première de ces délibérations, en 2014, l'assemblée de Corse a voté à une très large majorité le principe de la création d'une collectivité unique regroupant les deux départements et l'actuelle région, et demandait un référendum. Pour des raisons politiques évidentes, le Gouvernement a décidé, en février 2015, d'insérer dans la loi NOTRe un amendement permettant la création de cette collectivité unique.
Avec mes collègues MM. Sauveur Gandolfi-Scheit et Camille de Rocca Serra, nous nous sommes exprimés en première lecture en février 2015 en faisant part de certaines de nos réserves. Nous demandions notamment un véritable espace législatif pour parler du statut de la Corse, en nous référant à des textes fondateurs : celui de M. Defferre, celui de M. Joxe ou encore celui de M. Jospin. Ils avaient permis de vrais débats, car des questions restaient en suspens. Ainsi en est-il de certaines exceptions fiscales qui ne sont plus réellement justifiées, mais qui devraient faire l'objet d'un réel débat législatif pour clarifier la situation et ne pas perdre de temps à chaque fois à rediscuter de ces sujets.
La représentation des territoires est un débat très important en Corse, car il existe plusieurs espaces : le littoral et l'urbain, et le rural et la montagne. Si la disparition des départements va dans le sens de l'histoire, elle risque de fragiliser ces territoires. Nous avons donc proposé à Mme Lebranchu, puis à M. Baylet qui lui a succédé de faire monter en puissance les intercommunalités de manière significative. Nous croyons que demain, la Corse, désormais privée de départements, devrait donner à ces intercommunalités un certain nombre de compétences dites de proximité et surtout une représentativité qui ne se retrouve pas – ou en tout cas très imparfaitement – dans cette chambre des territoires que je considère comme un gadget.
Nous sommes donc favorables au principe de la collectivité unique, mais des débats ont eu lieu depuis, notamment au sein de l'assemblée de Corse. Le consensus s'est un peu étiolé : lors de la présentation des ordonnances, le vote a été de trente et un contre vingt. Le débat au Sénat la semaine dernière a également été quelque peu heurté... le texte a été rejeté.
Je souhaite les conditions optimales pour créer cette collectivité unique ; j'ai voté en faveur du référendum de 2003, comme Camille de Rocca Serra, mais les imperfections de ces ordonnances nous amènent à une position identique à celle du groupe Les Républicains du Sénat : nous n'allons pas voter ces ordonnances, et nous nous en expliquerons davantage dans l'hémicycle.
La position du groupe Les Républicains est connue, elle a été exprimée au Sénat, qui a été le théâtre d'un vote un peu rocambolesque puisque le détenteur des voix du centre, qui avait annoncé qu'il voterait le texte, s'est absenté au moment du scrutin. En commission, les sénateurs avaient voté en faveur de la ratification de ces ordonnances ; finalement, le vote a été défavorable en séance.
Je précise que l'assemblée de Corse, qui doit être saisie chaque fois qu'un texte de loi concerne cette île, a voté favorablement sur ces ordonnances. Nous arrivons à la fin d'un processus qui a fait couler beaucoup d'encre. Nous connaissons les positions des uns et des autres. Les votes ont déjà eu lieu : sur la loi NOTRe, à l'assemblée de Corse et au Sénat.
Quoi qu'il en soit, le vote de cette commission sera unanime, pour une raison bien simple : je n'en suis pas membre et je ne m'y suis pas fait inscrire ! Je vous donne donc rendez-vous le jeudi 9 février prochain dans l'hémicycle ; j'entends bien alors faire pleinement jouer mon droit de vote.
Je suis pour ma part très favorable à ces ordonnances. Nous avons parfois beaucoup de mal à changer nos institutions. Ici, nous allons fusionner les départements et la région dans une seule collectivité. Je me souviens des discussions de la loi NOTRe ; si nous avions eu une majorité pour supprimer le département au sein de l'Assemblée, son sort aurait été réglé.
Nous n'avons pas pu obtenir cette majorité pour des raisons de pure circonstance : la droite avait décidé de voter contre la loi parce qu'elle était présentée par la gauche, et certains à gauche avaient leurs raisons pour ne pas supprimer le département. Je le regrette, car nous nous retrouvons toujours avec un empilement de circonscriptions administratives. La Corse a souvent servi de laboratoire en matière institutionnelle, elle a un statut spécial, loin du fédéralisme de la Nouvelle-Calédonie, mais qui permet de percevoir une évolution que j'appelle de mes voeux pour la France entière.
Des élections vont bientôt avoir lieu en Corse, ce qui peut expliquer que des lignes de fracture apparaissent ; mais il y a eu l'unanimité à un moment donné ; nous avons donc intérêt à voter ce texte majoritairement soutenu au sein de la collectivité de Corse.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Article 1er : Ratification de l'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Ratification de l'ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse
La Commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Ratification de l'ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi, sans modification.
La réunion s'achève à 12 heures 15.
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
– M. René Dosière, rapporteur sur la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques (sous réserve de sa transmission) ;
– Mme Danielle Auroi, rapporteure sur la proposition de résolution européenne sur la prévention des conflits d'intérêt dans l'Union européenne (n° 4393).
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Thierry Benoit, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, M. Gilles Bourdouleix, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, M. Jean-Yves Caullet, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Frédéric Cuvillier, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, Mme Sophie Dion, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Philippe Doucet, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Sonia Lagarde, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Guillaume Larrivé, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Olivier Marleix, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Joaquim Pueyo, M. François Pupponi, M. Dominique Raimbourg, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Daniel Vaillant, M. François Vannson, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann
Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Danielle Auroi, Mme Huguette Bello, M. Jean-Pierre Decool, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Roger-Gérard Schwartzenberg
Assistaient également à la réunion. - Mme Pascale Crozon, M. Laurent Marcangeli, M. Gilles Savary, M. Michel Zumkeller