Si une enquête a été diligentée aussi vite sur les événements d’Aulnay-sous-Bois, c’est en partie parce que les faits ont été filmés. Si l’élève du lycée Bergson victime d’un coup de poing au visage a pu avoir un procès, c’est parce que les faits ont été filmés.
Celles et ceux qui connaissent les dossiers de violences policières savent que les poursuites pour violences sont rarissimes dans notre pays et que le plus souvent, une procédure pour outrage est simultanément, presque automatiquement ouverte à l’encontre de celui qui en a été victime.
De fait, ce projet de loi risque de déséquilibrer encore un peu plus la situation. Le terrorisme qui nous a frappés sert actuellement de justification à une surenchère sécuritaire permanente, mais le renforcement des peines pour outrage, l’anonymisation des procédures et l’extension de l’usage des armes nous emmènent sur le mauvais chemin.
Vous avez longuement expliqué, monsieur le ministre, que ce texte traduisait votre préoccupation de répondre au malaise réel et en partie justifié que ressentent les forces de l’ordre. Devant la commission des lois du Sénat, vous avez déclaré : « Ce texte offre une forme de reconnaissance du travail accompli sur le territoire national par les policiers et les gendarmes ». Mais nous ne sommes pas ici pour offrir à nos forces de l’ordre une reconnaissance de leur travail ! Elle est de droit et nous devons l’exprimer, de même que le ministre de l’intérieur. Mais la loi est faite pour dire le droit, la loi est faite pour dire les règles.
Aujourd’hui, il est avéré que la justice a souvent du mal à traiter des affaires impliquant la police. En ce qui concerne l’usage des armes, seules deux procédures sont allées jusqu’à leur terme depuis 2011. Seuls deux policiers ont été mis en cause depuis 2011 ! De fait, les policiers sont donc très protégés.
Près d’une dizaine de fois, votre majorité elle-même a rejeté, à juste raison, des amendements ou des propositions de loi de l’opposition visant à étendre le régime de l’usage des armes. Elle cède aujourd’hui à cette tentation, malgré les alertes du Défenseur des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH – et même des avocats des forces de l’ordre.
C’est avec un grand regret que je constate que nous ne sommes pas capables ici, collectivement, de garder une certaine mesure sur un dossier qui concerne l’ensemble de notre société. C’est pourquoi nous voterons contre l’article 1er.