Nous sommes aujourd’hui une nouvelle fois réunis pour l’examen du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer dans sa rédaction issue de l’accord trouvé avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire.
Je tiens toutefois ici à regretter les conditions dans lesquelles la CMP s’est déroulée, et veux rappeler que titulaires comme suppléants peuvent participer aux débats, qui n’ont pas à être confisqués au bénéfice d’arguments de pure autorité qui n’ont pas leur place au sein d’une enceinte regroupant des parlementaires, tous élus de la nation, quel que soit leur territoire d’élection, grand ou petit.
Si je tiens ici à saluer l’esprit de dialogue et de concertation qui a prévalu avec Mme la ministre lors de l’examen de ce texte, afin de permettre cette « marche vers l’égalité », je ne peux m’empêcher de m’interroger sur l’opportunité de ce texte lorsque je relis l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »
Tout y est ! Et pourtant l’égalité réelle outre-mer reste un objectif à atteindre, tant les différences avec l’hexagone sont immenses. Les territoires ultramarins sont riches de ressources naturelles, économiques, humaines, historiques, mais aussi de diversités et d’écarts avec l’hexagone. Écarts de développement, de niveau de prix, de territoire, de climat ou encore de géographie : la Guadeloupe ne ressemblant en rien à Saint-Pierre-et-Miquelon par exemple.
Mais malgré ces différences, et le rapporteur l’a précisé, l’égalité réelle transcende les statuts et les régimes législatifs. Même si certaines similitudes existent entre nos territoires ultramarins, force est de constater que chacun dispose de spécificités, et le texte que nous examinons aujourd’hui témoigne de leur prise en compte.
Des problématiques communes existent telles que l’éloignement avec l’hexagone, l’insularité, la « vie chère » – en particulier le coût des produits de première nécessité – la gestion des frontières, la lutte contre les addictions, comme a pu le rappeler Sonia Lagarde lors des questions au gouvernement ce mardi, un environnement économique difficile corrélé à un taux de chômage important, une impossibilité de bénéficier de certaines prestations faute de domiciliation des comptes bancaires dans l’hexagone, ou encore une impossibilité d’accéder à des formations faute d’une proximité géographique.
Aussi, ce texte vise à prendre en compte ces spécificités en mettant en place un cadre, une stratégie et une politique en faveur de l’égalité par le biais des plans de convergence établis entre l’État et les collectivités. Ces plans pourront être déclinés en contrats de convergence, afin de s’assurer que les différents territoires aient les moyens suffisants pour mener leurs politiques publiques.
Des dispositifs d’adaptations et d’expérimentation ont été mis en place afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire. Vous me permettrez à ce titre d’exprimer un profond regret, à savoir le refus, alors même que cela aurait été une chance pour les jeunes Guadeloupéens, de mettre en place un centre de l’Établissement public d’insertion de la défense – EPIDE –, établissement ayant pour vocation l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplômes ou titres professionnels ou en voie de marginalisation sociale. Il en existe dix-huit dans l’hexagone, pas un seul en Outre-mer. Et pourtant, c’était une volonté du Président Hollande.
Si cette politique de planification ainsi que les autres mécanismes prévus par le texte nous conviennent parfaitement, encore faut-il qu’ils disposent des moyens de leurs ambitions et d’une véritable effectivité.
En effet, le texte, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, a été enrichi d’un grand nombre de rapports devant être présentés par le Gouvernement au Parlement, par exemple sur la situation des personnes, le coût de la vie, la lutte contre les addictions, le dialogue social outre-mer, l’accès à la télévision, la violence envers les femmes, l’accès des handicapés à l’emploi public et j’en passe.
Pour autant, nous sommes très satisfaits de l’insertion, grâce à notre groupe parlementaire, d’une définition de la continuité territoriale, celle-ci s’entendant comme le renforcement de la cohésion entre les différents territoires d’un même État, notamment les territoires d’outre-mer, et la mise en place ou le maintien d’une offre de transports continus et réguliers à l’intérieur de ces territoires et entre ces territoires et la France hexagonale.
Par ailleurs, de nombreuses dispositions bienvenues ont été insérées, d’ordre social, économique, commercial et bancaire, fiscal, juridique ou encore institutionnel, mais aussi relatives à la mobilité et à la continuité territoriale et numérique, en faveur de l’école et de la formation, de la fonction publique, du développement durable, des droits des femmes, et enfin de la culture, notamment concernant le passé de certains territoires ultramarins.
En Guadeloupe, nous subissons encore l’empoisonnement au chlordécone. Parce que notre pays doit prendre ses responsabilités, nous nous associons à nos collègues polynésiens – je me tourne vers toi, Maina – en faveur de la suppression bienvenue de la notion, introduite par la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, de risque négligeable de causalité entre les maladies contractées et les essais nucléaires réalisés. Cette condition, trop restrictive, entraînait le rejet de la majorité des demandes individuelles d’indemnisation. Désormais, si les conditions de l’indemnisation sont réunies, la demande de l’intéressé bénéficiera d’une présomption de causalité.
Pour ma part, c’est par solidarité envers les collègues ultramarins, mais aussi parce que je crois à la parole donnée – madame la ministre, vous m’avez assuré de la rétroactivité effective du FIP DOM, que j’ai voulu et défendu sur ces bancs – que je soutiendrai ce texte.
Ainsi, vous l’aurez compris, même s’il aurait encore pu être enrichi, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, dans sa majorité, votera conforme le texte que nous examinons aujourd’hui.
Je crois aux principes fondateurs de la République qui s’appuient sur la liberté et l’égalité. Je reste persuadé que ce qui serait à revoir ce n’est pas la loi, mais son application pleine et entière dans tous les territoires de la République, que ces territoires soient excentrés géographiquement ou positionnés au coeur même de la France dite continentale.
Quant à l’égalité, je suis un Français, un Français né et résidant en Outre-mer. Je ne suis pas un Français de l’Outre-mer. Je n’ai jamais entendu parler de Français de Normandie, de Français de Corse ou de Français de Savoie !