Intervention de Frédérique Massat

Séance en hémicycle du 9 février 2017 à 15h00
Ordonnances relatives à la production d'électricité et aux énergies renouvelables — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Massat, présidente de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche – en regardant les bancs, je n’ose pas encore dire « mes chers collègues » –, ce projet de loi ratifiant des ordonnances relatives, l’une à l’autoconsommation d’électricité, l’autre à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables, a fait l’objet de multiples débats au sein de la commission des affaires économiques, compétente en la matière, ainsi qu’en séance publique. Nous examinons cet après-midi le texte issu de la commission mixte paritaire, qui, la semaine dernière, a été conclusive.

Ce projet de loi est extrêmement technique, nous le reconnaissons, et il peut paraître relativement hétéroclite, mais il traite de réels enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Il s’inscrit dans la lignée de différents textes votés durant cette législature, notamment de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, puisqu’il contient des dispositions utiles voire nécessaires à une mise en oeuvre efficace de cette dernière, adoptée il y a plus d’un an.

Je me concentrerai, dans mon intervention, sur trois enjeux principaux du texte.

Il vise tout d’abord un développement maîtrisé des énergies renouvelables.

L’article 1er ratifie une ordonnance portant sur la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Cette ordonnance crée une priorité d’appel pour les installations produisant de l’électricité à partir d’énergies renouvelables dans les zones non interconnectées. Elle ouvre, partout en France, la possibilité de recourir à des procédures de mise en concurrence plus souples que l’appel d’offres, donc mieux adaptées au développement de certaines filières ENR – c’est-à-dire d’énergie renouvelable. Cette ordonnance vise également à mieux intégrer les énergies renouvelables au système électrique, en renforçant la coordination entre les producteurs, le gestionnaire du réseau de transport et les gestionnaires des réseaux de distribution.

L’article 2 fait des garanties d’origine et du système de traçabilité de l’électricité verte un véritable outil de financement de la transition énergétique. S’il prévoit l’interdiction, pour un producteur, d’émettre et de valoriser les garanties d’origine associées à une production subventionnée, il permet à l’État de récupérer ces garanties d’origine et de les vendre aux fournisseurs intéressés, via un système de mise aux enchères.

Les articles 3 et 4 quater élargissent aux producteurs d’électricité renouvelable et de gaz renouvelable le bénéfice de la réfaction tarifaire. Celle-ci consiste à couvrir, par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité – le TURPE – acquitté par l’ensemble des consommateurs, une partie des coûts de raccordement du producteur au réseau. Cette disposition facilitera notamment l’implantation d’installations d’énergies renouvelables en milieu rural, où le coût de raccordement est souvent plus élevé qu’en milieu urbain, en raison des caractéristiques du terrain. Je tiens à souligner que cette mesure n’engendrera pas un développement non maîtrisé des raccordements. Puisque le reste à charge des producteurs excédera 40 % du coût du raccordement, ils ne choisiront pas de raccorder des installations si les coûts sont trop élevés, c’est-à-dire si la localisation des installations produisant des ENR n’est pas optimale.

Venons-en au second enjeu : le texte vise à anticiper les grandes évolutions du monde de l’énergie, en l’occurrence l’autoconsommation.

Il est nécessaire d’anticiper au mieux le développement de l’autoconsommation et ses conséquences, afin d’établir dès aujourd’hui les bases pérennes et vertueuses qui lui permettront d’être un véritable atout au service de la transition énergétique. En effet, il est probable que l’autoconsommation, individuelle ou collective, connaisse dans les prochaines années un développement important. La demande sociale est forte, le contexte économique est opportun et le déploiement du compteur communicant Linky permettra de lever un frein important au développement de l’autoconsommation.

Le projet de loi en prend acte dans ses articles 1er à 1er quinquies. Il définit les opérations d’autoconsommation individuelle et collective. Il garantit l’accès des installations d’autoconsommation aux réseaux publics. Il prévoit la possibilité de déroger, pour les petites installations, à l’obligation de conclure un contrat de vente pour le surplus d’électricité non consommée. Il crée un tarif d’utilisation des réseaux spécifiques pour les autoconsommateurs et exonère les petits autoconsommateurs de CSPE – contribution au service public de l’électricité – et de taxe locale sur l’électricité.

Je souligne que toutes ces mesures ne contreviennent pas au principe de péréquation tarifaire, qui fait débat dans nos assemblées et auquel un certain nombre d’entre nous sont très attachés. Chacun paie le même tarif, où qu’il se trouve sur le territoire, puisque la péréquation tarifaire ne s’oppose pas à ce que le tarif reflète des différences d’usage, pourvu qu’à un même usage soit appliqué le même tarif.

Troisième enjeu : ce texte traite de la problématique de la sécurité des approvisionnements, sujet d’actualité.

L’article 4 prend en compte la situation spécifique d’approvisionnement des consommateurs de gaz dans le nord de la France. Il existe deux types de gaz naturel distribués en France : le gaz B, qui provient du gisement de Groningue, aux Pays-Bas, se caractérise par un plus faible pouvoir calorifique que le gaz H, plus communément distribué. Le gaz B est distribué dans le nord de la France, où il alimente environ 1,3 million de foyers et une centaine de clients industriels, raccordés aux réseaux de GRDF, soit environ 10 % de la consommation française de gaz. Le gaz H provient de toutes les autres sources d’approvisionnement.

Le gouvernement néerlandais a décidé de ralentir l’extraction du gisement de gaz naturel de Groningue, en raison des tremblements de terre qu’elle provoque. Les contrats d’approvisionnement de la France en gaz B ne seront donc plus renouvelés à partir de 2029. Les réseaux du nord de la France, alimentés actuellement en gaz à bas pouvoir calorifique, doivent donc être convertis pour fonctionner avec du gaz à haut pouvoir calorifique. Le projet de loi, dans son article 4, confie aux gestionnaires des réseaux de distribution de gaz la coordination des opérations de conversion et d’adaptation des installations, liées à la modification de la nature du gaz acheminé dans le nord de la France.

Vous le voyez, les dispositions du projet de loi sont nombreuses mais toutes centrées sur la réussite de la transition énergétique et l’anticipation des mutations du monde de l’énergie auxquelles nous sommes confrontés.

Je tiens à faire remarquer les importants enrichissements successifs du texte apportés par les députés et également par les sénateurs.

Pour ce qui concerne les garanties d’origine, c’est à l’Assemblée qu’a été voté le mécanisme d’enchères, puisque le dispositif proposé initialement dans le projet de loi, en l’état, risquait d’empêcher la traçabilité de l’électricité verte, pourtant souhaitée par l’ensemble des acteurs ; nous en avons longuement débattu ici. Ensuite, le Sénat a permis d’allotir la mise aux enchères des garanties par filière et par zone géographique, afin de mieux répondre aux demandes des fournisseurs et des consommateurs, soucieux de diversifier leur mix d’énergies renouvelables et de bénéficier d’une énergie produite localement.

L’Assemblée nationale a permis d’élargir le bénéfice de la réfaction tarifaire au gaz renouvelable, qui est une énergie d’avenir.

Le Sénat a élargi le champ de l’autoconsommation collective. Cela permettra de développer une meilleure complémentarité entre l’habitat et le tertiaire, et de valoriser des applications d’autoconsommation intéressantes à l’échelle d’un îlot urbain.

Le Sénat a également adopté une disposition encadrant plus strictement les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut consentir, pour des motifs d’intérêt général, à la poursuite d’activité temporaire d’une installation fonctionnant sans l’autorisation environnementale requise ; c’est l’objet de l’article 4 quinquies.

Seule une disposition, adoptée au Sénat, ne faisait pas consensus à l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire a permis de trouver un accord – c’est sa raison d’être – dans l’article 3 bis du projet de loi. La disposition initiale du Sénat permettait aux moulins produisant de l’électricité de s’affranchir de toute règle administrative, ce qui remettait en cause le maintien de la continuité écologique et la défense de la biodiversité. Nous avons donc adopté, en commission mixte paritaire, une mesure limitant la dispense de règle aux moulins situés sur certains cours d’eaux. Il est en effet nécessaire de continuer à imposer des règles administratives aux moulins situés sur les cours d’eau présentant une qualité écologique et une richesse biologique particulièrement importantes.

En conclusion, mes chers collègues, je vous propose d’adopter le texte issu de la commission mixte paritaire pour sécuriser au plus vite le dispositif juridique mis en place dans les ordonnances et permettre dès que possible l’entrée en vigueur des autres dispositions du projet de loi.

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