Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de Dominique Lefebvre et Gilles Carrez relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle créés par Michel Rocard en 1983. Cette proposition de loi a été déposée le 2 février dernier et inscrite à l’ordre du jour en urgence par le Gouvernement afin d’éviter l’application en 2017 de la mesure d’abrogation prévues par un amendement voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016.
Il s’agit d’un sujet hautement technique de fiscalité locale par ailleurs indiscutablement dépourvu de visibilité, notamment sur ses conséquences en matière de contributions et d’attributions du FPIC, malgré les rapports annuels publiés par le Gouvernement. J’en veux pour preuve le sort de la proposition de loi en commission des finances, votée sous réserve que le Gouvernement transmette au Parlement un nouveau rapport sur le sujet !
De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un régime fiscal dérogatoire, favorable aux communautés d’agglomération issues des ex-SAN depuis 2013 et aux communautés d’agglomération d’ex-SAN qui fusionnent depuis 2016, en matière de dotations d’intercommunalité et de contributions et attributions du FPIC. Cette fiscalité dérogatoire bénéficie actuellement à sept communautés d’agglomération par le biais de l’application au calcul du potentiel fiscal agrégé d’un coefficient dont résulte une pondération particulièrement conséquente.
La loi de finances rectificative pour 2016 a abrogé cette dérogation en vigueur depuis 2013. Cette proposition de loi prévoit de la restaurer. Initialement, le Gouvernement arguait de la nécessité de prendre en compte les charges spécifiques pesant sur les ex-SAN et les communautés d’agglomération qui en sont issues en raison des investissements qu’ils doivent consentir afin de financer les équipements et logements destinés à accueillir des populations nouvelles, ce dont résulte un niveau très élevé d’endettement.
Cette pondération issue des dispositions de la loi de finances pour 2013 a pu atteindre jusqu’à 0,55 l’année dernière. C’est considérable puisque, dans certains cas, le potentiel fiscal s’est révélé finalement négatif sur des territoires fiscalement dynamiques.
En effet, les communautés d’agglomération issues de la transformation de SAN bénéficient, pour le calcul du potentiel fiscal agrégé servant de base au calcul de la dotation d’intercommunalité et surtout du FPIC, d’une pondération par le rapport entre les bases brutes par habitant de cotisation foncière des entreprises des communautés d’agglomération – CFE – et la somme des bases brutes par habitant de CFE des syndicats d’agglomération nouvelle et de ceux d’entre eux qui se sont transformés en communauté d’agglomération, sous réserve que ce rapport soit inférieur à 1.
Cela aboutit à des moindres participations au FPIC de plusieurs millions d’euros pour ces anciens SAN.
Ainsi, en 2012 – avant la réforme de 2013 – le solde FPIC de la communauté d’agglomération d’Évry, au sein du Grand Paris Sud -Seine - Essonne-Sénart était de - 700 000 euros. La communauté d’agglomération était donc contributrice au titre de sa fiscalité locale dynamique. En 2015, grâce à cette dérogation, le solde est de + 2,6 millions d’euros !
Or, comme l’a rappelé Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le FPIC doit comparer et péréquer entre eux des territoires du pays, et non péréquer des agglomérations entre elles, qui plus est en fonction du statut, car ce qui n’est pas payé par un territoire dans le cadre du FPIC, le sera par l’autre !
Si cette dérogation replète peut encore trouver, du fait des forts niveaux d’endettement dus à l’ancien régime des SAN, une justification pour le calcul de la dotation d’intercommunalité, la question du FPIC incluse dans l’amendement de Christine Pires Beaune reste totalement pertinente à ce stade, en dépit des montants indiqués dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. Il ne s’agit pas de pointer la perte de FPIC pour les communautés d’agglomération favorisées depuis quatre ans, mais de pointer les sommes quasi « trop perçues », comparativement aux autres territoires, notamment les territoires ruraux, depuis quelque temps. Il ne faudrait pas inverser, intellectuellement, le problème !
De plus, nous sommes dans le contexte de la nouvelle carte intercommunale qui présente, depuis le 1er janvier, près de 40 % d’EPCI en moins sur l’ensemble du territoire, soit 1 263 EPCI au lieu de 2 062. Cette révolution institutionnelle, que nous avons appelée de nos voeux, bien sûr, apportera des bouleversements sans précédent dans la répartition des contributions, comme des attributions du FPIC, dès 2017.
Le risque, si nous maintenons parallèlement la dérogation des ex- SAN, est de remettre en cause les effets péréquateurs du FPIC, dont c’est pourtant bien l’objet. La montée en puissance prévue pour le FPIC doit le conduire à 2 % des ressources intercommunales et communales. Or cela concerne les collectivités qui présentent un potentiel financier supérieur à 0,9 fois le potentiel financier agrégé par habitant moyen constaté au niveau national. Les effets de la dérogation des ex-SAN vont donc se décupler, au détriment des autres territoires. D’autant qu’avec l’élargissement des schémas départementaux de coopération intercommunale – SDCI –, on constatera une baisse des territoires contributeurs, couplée à une hausse des territoires bénéficiaires.
Les attaques sur les recettes de territoires qui ne bénéficient pas de la dérogation dévolue à des territoires pourtant souvent fiscalement dynamiques risquent de mettre en berne l’investissement public local et d’obliger les collectivités à augmenter encore drastiquement les impôts locaux.
Enfin, il faut prendre garde, en maintenant le dispositif, de ne pas faire disparaître le FPIC, et donc la péréquation.
Pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera contre cette proposition de loi, tout comme il votera contre l’amendement du Gouvernement, qui vise à empêcher les parlementaires que nous sommes de participer aux commissions DETR, en reportant à 2018 cette mesure pourtant votée par le Parlement dans la dernière loi de finances.