Intervention de Christophe Gurtner

Réunion du 8 février 2017 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christophe Gurtner, président-directeur général de Forseepower :

Merci de me donner l'occasion de présenter notre société Forseepower qui, contrairement à ce que pourrait laisser penser son nom, est une entreprise française, et francilienne, basée à Moissy-Cramayel. Notre métier est totalement tourné vers la transition énergétique, sous l'angle de la batterie. Nous sommes concepteurs et réalisateurs de systèmes de batteries pour la mobilité. Fondée il y a six ans, Forseepower compte environ 300 personnes, dont 120 en France, une cinquantaine d'ingénieurs. Nous avons quatre sites de production : à Moissy-Cramayel, à Provins, en Pologne et en Chine. Nous avons investi près de 110 millions dans notre société et disposons de près de quatre-vingts brevets.

Nous sommes un intégrateur de systèmes de batteries. Aujourd'hui, 95 % du marché de l'accumulateur, c'est-à-dire de la cellule de base, est dominé par les acteurs asiatiques : Japonais, Coréens, Chinois. Les filières hors de ces pays sont inexistantes ou extrêmement faibles. Il faut d'ailleurs des milliards pour investir dans un accumulateur. Les véhicules utilisant des batteries, les véhicules électriques, n'ont pas tous besoin du même type d'accumulateur ; différents types d'énergie sont requis pour des véhicules fonctionnant dans différentes géographies, sous différentes températures...

Une batterie n'est pas simplement de l'électrochimie, c'est un système complet avec énormément de fonctions : de l'électronique, du logiciel, de la mécanique, de la thermique, de la sécurité, des accumulateurs. Nous apportons, dans les marchés où nous sommes présents, différents types de systèmes aux fabricants de véhicules, de façon qu'ils aient une solution plug and play avec des cycles de développement relativement courts.

Nous sommes présents sur l'essentiel de la chaîne de valeur de la mobilité électrique. Nous travaillons ainsi sur des vélos électriques ou à assistance électrique : nous avons par exemple développé le système d'électrification et la batterie de ce qui pourrait être demain un Vélib électrique. Nous travaillons avec un grand nombre de fabricants de scooters électriques. Paris a décidé de se mettre au scooter électrique en partage comme d'autres villes européennes. Nous travaillons sur la logistique du dernier kilomètre : beaucoup de solutions sont en train d'éclore dans ce domaine.

C'est le bus électrique qui focalise la plus grande partie de notre attention. Beaucoup d'élus s'imaginent qu'il n'est pas encore possible d'avoir des bus électriques aujourd'hui. En réalité, la plupart des grands fabricants de bus dans le monde en offrent. Nous équipons nous-mêmes une bonne partie des plus grands acteurs du bus dans le monde, dont les deux plus grands acteurs nord-américains, New Flyer et Gillig. Nous sommes, en Europe, partenaire du groupe Iveco-Heuliez et d'autres fabricants, et nous nous développons en Inde et en Chine. L'offre est pléthorique, les développements nombreux et les solutions très variées.

C'est la même chose pour le ferroviaire. Il est possible de réduire les sous-stations en plaçant des batteries à bord des trains de façon à récupérer de l'énergie au freinage ou en accélération.

Enfin, dans le domaine maritime, nous équipons en batteries le navire Energy Observer, par exemple, un système multi-technologies associant toute une série d'énergies nouvelles.

Nous ne sommes pas positionnés sur la voiture particulière mais il existe aussi des offres importantes dans ce domaine.

En ce qui concerne le bus électrique, il existe aujourd'hui deux types d'offre. La première propose une très grande autonomie, avec charge au dépôt la nuit. On atteint une autonomie de 250 kilomètres par jour en plaçant deux tonnes et demie ou trois tonnes de batteries sur le bus ou à l'arrière, sans empiéter sur l'espace passagers. La seconde option est la charge en ligne ou le biberonnage, pour lesquels il existe d'autres technologies de batteries, plus petites, avec plus de puissance, moins d'énergie, rechargées au fur et à mesure. Ces batteries sont moins coûteuses mais nécessitent des infrastructures. Les batteries à très haute autonomie durent environ la mi-vie d'un véhicule, soit quelque sept ans, et les technologies de biberonnage ou de charge rapide permettent d'atteindre quinze ans.

Lorsque l'on réalise des systèmes de batteries, il faut se préoccuper de la sécurité. Il est important que se mettent en place au niveau européen des normes et standards qui permettent de normaliser la façon dont les systèmes de batteries sont conçus. Cela va se faire aux États-Unis également. En Asie, c'est un peu inégal. Le second point, c'est la maintenance et le service. En général, pour l'électrique, la maintenance est inférieure à celle d'un moteur à combustion.

Le marché européen du bus électrique compte quelques centaines de bus en 2016, tandis que le marché chinois est de 30 000 bus. Au-delà d'une différence de qualité, la courbe d'expérience en Chine est donc énorme et fait que le coût des véhicules est à la moitié du coût en Europe. Nous savons donc que les coûts vont baisser en Europe de manière intéressante, même s'ils resteront toujours plus élevés que pour un véhicule conventionnel diesel. Ce qui cause le surcoût, c'est la batterie, pour laquelle on est tout de même passé de 1 000 euros par kilowatt-heure il y a trois ans à 400 euros aujourd'hui, et cela continuera de baisser.

Pour permettre aux collectivités, aux exploitants, aux opérateurs de passer à l'électrique sur l'ensemble de la gamme de véhicules, nous considérons que, si une grande partie des obstacles techniques a été surmontée, il faut encore franchir l'obstacle financier. C'est pourquoi nous avons créé, au mois de décembre, en nous entourant d'acteurs aux moyens significatifs tels que la Caisse des dépôts ou encore EDF, un fonds de financement ayant pour objectif de financer la transition énergétique au travers de véhicules. Nous proposons aux collectivités et aux exploitants de financer le véhicule sur sa durée de vie, à savoir soit de financer le véhicule au complet, soit de financer la partie batterie et chaîne de traction, et d'en assurer bien sûr la maintenance.

L'électrique peut ne pas être la seule énergie. Sur Energy Observer, l'électrique est combiné à de la pile à combustible, et le maire de Londres, M. Sadiq Khan, a présenté en décembre un bus à impériale à l'hydrogène qui est en fait un bus hydrogène et batterie.

Il existe tout un éventail de solutions qui sont en train de se roder et de réduire leurs coûts. Je suis dans ce métier depuis vingt-cinq ans. J'ai travaillé chez un autre fabricant de batteries : à l'époque, nous avions monté une usine de batteries nickel-cadmium pour des véhicules du groupe PSA, espérant que le marché allait décoller. Il n'a jamais décollé et nous avons arrêté la production. Vingt-cinq ans après, le marché décolle.

Comme M. Gérard Feldzer l'a mentionné, il y a une deuxième vie pour la batterie, qui peut passer du véhicule à des applications stationnaires. Nous concevons d'ailleurs nos batteries dans cette optique, pour qu'elles puissent être sorties des véhicules et alimenter des bâtiments, par exemple. Il faut le faire car il reste de la valeur dans la batterie. Le véhicule demande de la puissance, le bâtiment de l'énergie : quand il n'y a plus de puissance dans la batterie au bout de quelques années d'usage sur un véhicule, il reste de l'énergie, qu'il convient d'exploiter. La phase de recyclage ne doit intervenir qu'en toute fin de vie. Nous avons donc monté à Moissy-Cramayel, en partenariat avec PSA, EDF et Mitsubishi, une installation pour les systèmes que nous allons vendre dans les mois qui viennent sur le marché du stationnaire.

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