Intervention de Gérard Feldzer

Réunion du 8 février 2017 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Gérard Feldzer, président de Carwatt :

Je vous remercie de l'intérêt que vous portez tous à nos préoccupations.

Je commencerai par l'aéronautique. En effet, le Boeing 787 arrive sur le marché mais il ne faut pas oublier l'Airbus 350, qui est une grande réussite de l'Europe – et je suis assez inquiet qu'on attaque l'Europe de partout alors que l'exemple d'Airbus mériterait d'être suivi – ainsi j'aurais souhaité qu'on imagine l'Airbus du ferroviaire plutôt que d'assister à une lutte sans merci entre Siemens et Alstom.

La dernière rupture technologique dans le domaine de l'aviation, ce fut Concorde. On a mis onze ans pour le construire. On cherchait alors à obtenir la plus grande vitesse possible mais c'était insoutenable : dix tonnes de carburant par heure pour cent passagers ! J'avais d'ailleurs suggéré à M. Jean-Marc Janaillac, président-directeur général du groupe Air France-KLM, d'utiliser l'Airbus 380 en low cost, c'est-à-dire de le remplir avec 840 passagers ; on serait ainsi passé à deux litres de carburant pour cent kilomètres par passager. Avec le Boeing 787, le rapport est de moins de trois litres. Les progrès en la matière sont considérables.

La rupture technologique de l'avenir concernera probablement les ailes – de la même manière que la chauve-souris adapte la surface portante de ses ailes en fonction de sa vitesse, un avion déploie les volets des siennes au décollage avant de les rétracter en vol. Si l'on a accompli des progrès considérables en matière de motorisation – on en viendra bientôt à l'hydrogène –, on ne saurait parler ici de rupture technologique. Hydrogène que l'on utilise d'ailleurs déjà beaucoup : pour la propulsion mais aussi pour tous les services à bord, très consommateurs d'énergie, qui seront bientôt alimentés par des piles à combustible installées dans les soutes pour soulager les moteurs. Pensez, entre autres, à l'énergie dépensée par 800 écrans… Outre l'aérodynamique, la motorisation et l'énergie, il conviendra de réaliser des progrès quant au roulage, vous l'avez évoqué.

Reste qu'une vraie rupture technologique nécessite des programmes de taille internationale, sachant qu'on peut à la fois se concurrencer et collaborer : c'est le cas avec General Electric et Safran qui ont réalisé le turboréacteur CFM 56, un formidable succès mondial. Il faut donc poursuivre ce genre de pratique, car la France seule n'aura pas les moyens de développer l'aviation du futur.

J'en viens aux dirigeables. Le marché n'est pas considérable. Un appareil de ce type est en voie d'achèvement en France : le consortium Flying Whales – Baleines volantes – a signé un contrat avec l'Office national des forêts (ONF) pour débarder les forêts et éviter ainsi la construction de routes. Nous sommes en outre en négociation avec Airbus pour les pièces détachées des avions : actuellement on emmène les ailes sur une barge qui va jusqu'à Bordeaux, puis on remonte la Garonne avant qu'elles ne soient acheminées par des camions spéciaux qui doivent circuler la nuit… mode opératoire bien compliqué alors qu'on peut transporter les charges lourdes par dirigeables, les hélicoptères ni les avions ne pouvant le faire.

Le marché est donc réduit mais il existe. Il pourra s'élargir avec le tourisme : se balader en silence au-dessus des paysages sans polluer et sans faire de bruit, ce n'est pas mal. J'ai moi-même traversé l'Atlantique en ballon à pédales avec M. Nicolas Hulot ; nous nous sommes crashés au milieu de l'océan mais c'était tout de même un joli vol. (Sourires.) Les technologies actuelles nous permettent, grâce à l'hélium, un peu trop cher tout de même, me semble-t-il, de progresser dans cette voie. En tout cas, en France, nombreux sont ceux qui s'intéressent à ce secteur. Nous avons été les pionniers de l'aviation, les pionniers du « plus léger que l'air », eh bien, nous pouvons continuer.

Laissez-moi vous raconter une anecdote. Je suis allé vendre notre projet à Dubaï – eux seuls étaient capables de financer 7 500 mètres carrés de panneaux solaires. J'ai fait le tour des bureaux d'études en France qui m'ont répondu que nous devrions nous en sortir avec 250 millions de dollars. Arrivé à Dubaï, j'ai annoncé 400 millions de dollars – on n'est jamais trop prudent – et on m'a dit d'accord. Mais je n'ai trouvé aucun industriel pour signer, arguant que l'A 380 a coûté 7 milliards d'euros en développement contre 3 milliards d'euros prévus. Nous nous adresserons donc peut-être aux Chinois… Reste que la technologie française et les bureaux d'études français sont très présents.

Je terminerai par la formation. Je suis à l'origine de l'installation de l'ESTACA à Laval – je connais donc bien le sujet. Étudiant, j'ai acheté l'école d'ingénieurs du transport, ce qui m'a facilité l'obtention du diplôme (Sourires). Au-delà de la plaisanterie, l'école est gérée aujourd'hui par les élèves et les anciens élèves, ce qui contribue à motiver les uns et les autres. Les professeurs ont la particularité de tous travailler dans l'industrie ; ainsi un lien direct est-il établi entre l'industrie, la recherche et l'enseignement. Ce modèle me semble devoir être généralisé, notamment à l'université. L'École des mines et l'École centrale ont réalisé de nombreux progrès en la matière. Il importe en effet de rester concret pour travailler sur le moyen terme. Dès lors, les ingénieurs seront directement opérationnels. C'est une spécificité française mais qui n'est pas mauvaise.

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