Intervention de Jean-Luc Moullet

Réunion du 8 février 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean-Luc Moullet, directeur du programme « Compétitivité, filières industrielles et transport » du Commissariat général à l'investissement :

Le programme dont je suis le directeur inclut le domaine des transports. Il est opéré par l'ADEME dans le cadre de l'action « véhicules et transports du futur », articulée autour du projet de véhicule à 2 litres aux 100 kilomètres et du projet de véhicule autonome.

En 2012, le Gouvernement nous a demandé de mettre en place un appel à projets à destination des collectivités territoriales, de manière à accompagner leur effort d'installation de réseaux de bornes de recharge pour véhicules électriques. Cet appel à projets a été lancé en janvier 2013 sous forme de guichets, c'est-à-dire que les collectivités souhaitant s'inscrire dans le cadre de ce dispositif étaient assurées, moyennant quelques conditions très simples, d'un financement à hauteur de 50 % de leur projet.

Pour répondre à l'enjeu de massification et de coordination, nous avons demandé un montant minimal d'investissement et que le projet s'inscrive dans un schéma départemental ou régional de mobilité électrique. La deuxième condition était la gratuité de l'accès au réseau ainsi installé pour les véhicules électriques pour une période de deux ans.

Soixante-dix-sept projets ont ainsi été accordés sur la période, entre le début de l'année 2013 et la fin de l'année 2015. Ces projets couvrent à peu près les trois quarts du territoire national, à l'exception de deux zones blanches, l'une autour des Vosges et l'autre autour du Massif Central, où la densité de population est plus faible. Ces soixante-dix-sept projets représentent 61 millions d'euros d'aides publiques au titre du programme d'investissements d'avenir, à comparer aux 50 millions d'euros qui avaient été budgétés pour cette opération. Ils portent la promesse d'équiper le territoire avec 20 533 points de charge. Rapportés aux 80 000 véhicules électriques en circulation, cela fait un ratio de points de charge sur la voie publique de un pour quatre véhicules, ce qui est sans doute satisfaisant. Notons que l'ensemble des projets décidés ont été contractualisés, c'est-à-dire que l'ensemble des collectivités territoriales ou des syndicats d'électrification qui ont déposé des projets en leur nom ont un contrat avec l'ADEME.

L'appel à projets s'est achevé en décembre 2015, il y a un peu plus d'un an. Quels constats peut-on en tirer ? Il est difficile de faire un retour d'expérience aujourd'hui, car sur les 20 533 points de charge prévus, un peu plus de 3 000 seulement ont vu le jour sur la voie publique, soit 15 % du nombre prévu, et, sur les soixante-dix-sept projets décidés, seuls trois sont officiellement portés à leur terme. L'essentiel des projets est donc toujours en cours, et l'essentiel des points de charge reste à installer sur la voie publique.

Les difficultés rencontrées sont multiples. Elles tiennent aux délais liés aux études d'implémentation, à la nécessité de recueillir préalablement les délibérations de l'ensemble des collectivités locales réunies dans un syndicat d'électrification, aux délais résultant de la contractualisation des installations puis de leur mise en oeuvre, et aussi de délais plus stratégiques nés de la volonté de temporiser l'effort d'investissement des collectivités territoriales eu égard aux annonces d'investissements privés susceptibles de s'y substituer.

Par conséquent, je ne peux rien vous dire aujourd'hui des conditions d'utilisation, du retour d'expérience des usagers, du nombre de bornes qui fonctionnent ni de la satisfaction globale des personnes. Dans ce contexte, on serait tenté d'attendre un premier retour d'expérience sur le déploiement de ces 20 500 points de recharge.

D'autant que depuis 2012, le contexte a changé. Les véhicules électriques en vente aujourd'hui sont équipés de batteries offrant une autonomie annoncée supérieure à 300 kilomètres. Rappelons que le système de recharge sur voie publique avait, en premier lieu, un objectif de réassurance eu égard à la faible autonomie des véhicules électriques. Pour prendre l'exemple de ma situation personnelle, j'habite à 35 kilomètres de Paris et je conduis une Renault Zoé. Au coeur de l'hiver, l'autonomie est de 80 kilomètres : faire un aller-retour sur Paris n'est pas simple si je dois ensuite me déplacer dans la capitale. Pouvoir me recharger sur le système Bolloré « Autolib » est donc utile. Lorsque la Zoé offrira 300 kilomètres d'autonomie, la question ne se posera plus, les modalités de recharge seront domestiques, sur le lieu de travail ou dans les lieux de transit pour l'accès aux transports en communs ou aux transports ferrés.

Le PIA a pour objectif le soutien aux projets qui contribuent à la croissance potentielle du pays et prioritairement aux projets d'innovation, d'excellence et collaboratifs. Le déploiement d'un réseau de bornes de recharge électrique n'est pas particulièrement innovant, puisqu'il s'agit de déployer une technologie éprouvée. Son caractère d'excellence, éprouvé par des appels à projets compétitifs, n'est pas avéré, puisque tous les candidats sont lauréats à la fin. Et l'aspect collaboratif est largement à démontrer.

Au vu des objectifs du programme d'investissements d'avenir et compte tenu de l'absence de retour d'expérience à ce stade et de l'évolution technologique des batteries, notre tentation est de considérer avec distance l'opportunité de lancer de nouveaux appels à projets pour permettre les extensions de réseau de bornes de recharge électriques à venir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion