La commission des affaires économiques a organisé une table ronde sur le réseau d'infrastructures de recharge pour véhicules électriques, avec la participation de : M. Didier Marginèdes, vice-président de Blue Solutions (groupe Bolloré) ; Mme Élisabeth Ayrault, présidente de la Compagnie nationale du Rhône ; Mme Juliette Antoine-Simon, directrice générale de Sodetrel ; M. Jean-Luc Moullet, directeur du programme « compétitivité, filières industrielles et transport » du Commissariat général à l'investissement ; Mme Marie Castelli, secrétaire générale de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France) ; M. Jean-Luc Rigaut, maire d'Annecy et président de Grand Annecy agglo, représentant l'Association des maires de France (AMF) ; M. Thomas Veyrenc, directeur délégué de l'économie du système électrique de Réseau de transport d'électricité (RTE) ; M. Jean-Christophe Bonnard, responsable de la mobilité électrique d'Enedis ; M. Pascal Houssard, représentant de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).
Chers collègues, bienvenue à cette table ronde consacrée au déploiement du réseau d'infrastructures de recharge pour véhicules électriques. Notre commission et celle du développement durable se sont beaucoup consacrées à ce sujet. Nous avons légiféré en la matière, avec la loi du 4 août 2014 que j'ai eu l'honneur de rapporter, et la loi relative à la transition énergétique.
Plusieurs d'entre vous ont émis le souhait de faire un point sur le déploiement de ce réseau de recharge, qui implique de nombreux acteurs – d'où le nombre important de nos invités. Nous n'avons pas voulu restreindre le format de cette table ronde parce qu'il était important d'entendre tous les acteurs du réseau, qu'ils soient opérateurs ou gestionnaires de réseaux de transport ou de distribution. Nous sommes nombreux à être très intéressés par ce sujet, car il concerne tous les territoires. Nous souhaiterions que le déploiement soit plus rapide, mais nous savons aussi qu'installer une borne de recharge électrique ne se fait pas d'un claquement de doigts.
Le déploiement du réseau d'infrastructures pour les véhicules électriques constitue l'un des grands défis de la transition énergétique. Ces véhicules permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d'améliorer la qualité de l'air, de réduire les nuisances sonores, de contribuer à réduire la facture énergétique du pays et la dépendance à l'égard du pétrole. Certains grands groupes pétroliers européens l'ont bien compris, qui prévoient d'installer des bornes de recharge dans leurs stations-service.
Ces atouts ont incité le législateur à adopter un cadre juridique et financier incitatif en faveur du déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge des véhicules électriques sur l'espace public. La loi du 4 août 2014 a permis d'accompagner ce dispositif en exonérant de redevance d'occupation du domaine public tout opérateur installant un réseau d'infrastructures sur ce même domaine public, et en prévoyant la participation d'opérateurs publics dans ce déploiement.
L'objectif de 7 millions de bornes privées déployées à l'horizon 2030 a ensuite été fixé par la loi relative à la transition énergétique. L'État souhaite installer plus de 20 000 points de recharge publics d'ici à la fin de l'année 2017, et 45 000 à l'horizon 2020. Fin 2016, la France comptait 122 000 points publics et privés, installés à 85 % dans les entreprises et les résidences.
À l'issue de la présente législature, nous avons souhaité vous réunir afin de faire un point sur ce dispositif. Pour commencer ce débat, je souhaite interroger les trois opérateurs de dimension nationale que sont le groupe Bolloré, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et Sodetrel. Où en sont les projets qui vous ont été confiés, et qu'en est-il de la réalisation des objectifs qui vous ont été fixés en échange de l'exonération de redevance d'occupation du domaine public, qui a fait débat au Parlement ? La presse a rapporté des retards préoccupants dans ce déploiement ; pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) organise un soutien aux collectivités locales qui se dotent d'infrastructures publiques de recharge. De nombreuses collectivités se sont lancées dans ce déploiement, individuellement ou au sein de syndicats. Je déplore l'absence de représentant de l'ADEME, mais le Commissariat général à l'investissement (CGI) est présent et pourra faire le point sur ces dispositifs.
De manière complémentaire, l'incitation à l'installation de bornes privées, comme celles agréées dans le programme « Advenir », est une priorité. L'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere) pourra nous exposer l'état d'avancement de ce programme.
Enfin, nous évoquerons les enjeux du déploiement des infrastructures pour les véhicules électriques : l'impact en puissance de la charge des véhicules aura des conséquences importantes sur le réseau et la sécurité du système électrique. Cela impose d'étendre et de renforcer la distribution d'électricité. C'est pour nous en parler que les représentants de RTE et d'Enedis sont ici. Nous souhaitons avoir un point sur ces installations, et la manière dont s'articulent, d'une part, votre mission de veille sur la sécurité du réseau et, d'autre part, le déploiement de ces bornes, au regard de leur puissance et de leur capacité : bornes lentes, semi-lentes, rapides.
Les collectivités territoriales jouent un rôle majeur dans ce déploiement, et c'est pour cela que l'Association des maires de France (AMF) et la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) sont parmi nous.
Le programme dont je suis le directeur inclut le domaine des transports. Il est opéré par l'ADEME dans le cadre de l'action « véhicules et transports du futur », articulée autour du projet de véhicule à 2 litres aux 100 kilomètres et du projet de véhicule autonome.
En 2012, le Gouvernement nous a demandé de mettre en place un appel à projets à destination des collectivités territoriales, de manière à accompagner leur effort d'installation de réseaux de bornes de recharge pour véhicules électriques. Cet appel à projets a été lancé en janvier 2013 sous forme de guichets, c'est-à-dire que les collectivités souhaitant s'inscrire dans le cadre de ce dispositif étaient assurées, moyennant quelques conditions très simples, d'un financement à hauteur de 50 % de leur projet.
Pour répondre à l'enjeu de massification et de coordination, nous avons demandé un montant minimal d'investissement et que le projet s'inscrive dans un schéma départemental ou régional de mobilité électrique. La deuxième condition était la gratuité de l'accès au réseau ainsi installé pour les véhicules électriques pour une période de deux ans.
Soixante-dix-sept projets ont ainsi été accordés sur la période, entre le début de l'année 2013 et la fin de l'année 2015. Ces projets couvrent à peu près les trois quarts du territoire national, à l'exception de deux zones blanches, l'une autour des Vosges et l'autre autour du Massif Central, où la densité de population est plus faible. Ces soixante-dix-sept projets représentent 61 millions d'euros d'aides publiques au titre du programme d'investissements d'avenir, à comparer aux 50 millions d'euros qui avaient été budgétés pour cette opération. Ils portent la promesse d'équiper le territoire avec 20 533 points de charge. Rapportés aux 80 000 véhicules électriques en circulation, cela fait un ratio de points de charge sur la voie publique de un pour quatre véhicules, ce qui est sans doute satisfaisant. Notons que l'ensemble des projets décidés ont été contractualisés, c'est-à-dire que l'ensemble des collectivités territoriales ou des syndicats d'électrification qui ont déposé des projets en leur nom ont un contrat avec l'ADEME.
L'appel à projets s'est achevé en décembre 2015, il y a un peu plus d'un an. Quels constats peut-on en tirer ? Il est difficile de faire un retour d'expérience aujourd'hui, car sur les 20 533 points de charge prévus, un peu plus de 3 000 seulement ont vu le jour sur la voie publique, soit 15 % du nombre prévu, et, sur les soixante-dix-sept projets décidés, seuls trois sont officiellement portés à leur terme. L'essentiel des projets est donc toujours en cours, et l'essentiel des points de charge reste à installer sur la voie publique.
Les difficultés rencontrées sont multiples. Elles tiennent aux délais liés aux études d'implémentation, à la nécessité de recueillir préalablement les délibérations de l'ensemble des collectivités locales réunies dans un syndicat d'électrification, aux délais résultant de la contractualisation des installations puis de leur mise en oeuvre, et aussi de délais plus stratégiques nés de la volonté de temporiser l'effort d'investissement des collectivités territoriales eu égard aux annonces d'investissements privés susceptibles de s'y substituer.
Par conséquent, je ne peux rien vous dire aujourd'hui des conditions d'utilisation, du retour d'expérience des usagers, du nombre de bornes qui fonctionnent ni de la satisfaction globale des personnes. Dans ce contexte, on serait tenté d'attendre un premier retour d'expérience sur le déploiement de ces 20 500 points de recharge.
D'autant que depuis 2012, le contexte a changé. Les véhicules électriques en vente aujourd'hui sont équipés de batteries offrant une autonomie annoncée supérieure à 300 kilomètres. Rappelons que le système de recharge sur voie publique avait, en premier lieu, un objectif de réassurance eu égard à la faible autonomie des véhicules électriques. Pour prendre l'exemple de ma situation personnelle, j'habite à 35 kilomètres de Paris et je conduis une Renault Zoé. Au coeur de l'hiver, l'autonomie est de 80 kilomètres : faire un aller-retour sur Paris n'est pas simple si je dois ensuite me déplacer dans la capitale. Pouvoir me recharger sur le système Bolloré « Autolib » est donc utile. Lorsque la Zoé offrira 300 kilomètres d'autonomie, la question ne se posera plus, les modalités de recharge seront domestiques, sur le lieu de travail ou dans les lieux de transit pour l'accès aux transports en communs ou aux transports ferrés.
Le PIA a pour objectif le soutien aux projets qui contribuent à la croissance potentielle du pays et prioritairement aux projets d'innovation, d'excellence et collaboratifs. Le déploiement d'un réseau de bornes de recharge électrique n'est pas particulièrement innovant, puisqu'il s'agit de déployer une technologie éprouvée. Son caractère d'excellence, éprouvé par des appels à projets compétitifs, n'est pas avéré, puisque tous les candidats sont lauréats à la fin. Et l'aspect collaboratif est largement à démontrer.
Au vu des objectifs du programme d'investissements d'avenir et compte tenu de l'absence de retour d'expérience à ce stade et de l'évolution technologique des batteries, notre tentation est de considérer avec distance l'opportunité de lancer de nouveaux appels à projets pour permettre les extensions de réseau de bornes de recharge électriques à venir.
Je suis passionnée par la mobilité électrique, sans en être une grande spécialiste.
La CNR est un aménageur des territoires, premier producteur français d'énergie 100 % renouvelable, basée notamment sur la production hydroélectrique du Rhône. Nous produisons 25 % de l'hydroélectricité française et nous complétons nos activités par un développement important en photovoltaïque et éolien. Si nous sommes engagés depuis de nombreuses années dans le développement de la mobilité électrique, c'est d'abord parce que nous pensons que l'accroissement de la part d'énergies renouvelables dans le mix énergétique programmé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ne se fera qu'à condition que le développement des usages de ces énergies renouvelables le permette. Si nous souhaitons que la transition énergétique aboutisse, il faut mettre à la disposition des populations les technologies leur permettant de s'impliquer dans ce processus.
La mobilité électrique est intéressante en ce sens, car elle permet le transfert d'une consommation énergétique carbonée vers une consommation électrique d'origine renouvelable. J'espère que l'implication de la CNR permettra de faciliter ce transfert.
La CNR travaille aussi sur l'hydrogène durable qui, conditionné en cartouches, devrait permettre de prolonger l'autonomie des véhicules électriques. Le fleuve que gère la CNR produit de l'énergie nuit et jour, et tout l'intérêt est d'en transformer la part non consommée pour l'utiliser plus tard. L'eau et l'énergie verte permettent de créer de l'hydrogène durable à cette fin.
D'un point de vue technique, cette mobilité durable est également intéressante pour les relations entre les producteurs d'électricité renouvelable et les gestionnaires de réseaux de distribution. Le pilotage électronique de la recharge (smart charging), qui passe par un travail sur les réseaux électriques intelligents (smart grids) et l'agrégation de la production, permet une véritable synergie entre les énergies renouvelables et la mobilité durable.
En qualité de producteur d'énergie renouvelable, la CNR se positionne comme un agrégateur de production et de consommation diffuses et pourrait, grâce à son propre parc de production d'énergie renouvelable, lisser les effets de l'intermittence dans son portefeuille.
Nous nous positionnons comme opérateur de recharge et de mobilité, et nous aimerions pouvoir proposer aux utilisateurs de véhicules électriques un service de recharge en électricité verte certifiée, capable de valoriser la flexibilité induite par les batteries au bénéfice de l'utilisateur du véhicule, du gestionnaire de réseau et du producteur de parcs d'énergies renouvelables. Dans cette logique la CNR a entrepris un certain nombre de partenariats de coconstruction parmi lesquels on peut citer Move In Pure, qui fournit de l'énergie verte à Bolloré sur le Grand Lyon, ainsi qu'à d'autres opérateurs.
Dans le cadre des missions d'intérêt général que la CNR remplit depuis quelques années, nous cofinançons la réalisation d'une voie cyclable qui relie le Lac Léman à la mer Méditerranée, dont les derniers 20 % restent à réaliser. Dans le même esprit, nous avons décidé d'accompagner l'implantation de bornes de recharge le long du Rhône. Vingt-sept stations ont été construites, chacune comportant deux bornes de recharge. Enfin, nous sommes très impliqués dans le projet « HyWay », station multi-énergie – électrique, gaz naturel vert et hydrogène – installée dans le port Édouard Herriot à Lyon. Nous avons pour ambition de sortir cette station du port pour la rendre accessible au public.
Nous nous investissons également dans un projet qui comporte un volet agriculture et un volet écotourisme, auxquels nous avons ajouté un volet énergie : nous proposons de rendre l'île de Marie-Galante autonome en énergie à l'horizon 2020. Dans le cadre de cette autonomie, nous avons proposé de transformer le parc automobile de l'île et de mettre en place un réseau d'infrastructures de recharge pour véhicules électriques intégré à la centrale virtuelle de production et consommation à partir d'énergies renouvelables.
Nous aimerions discuter d'ajustements qui faciliteraient notre volonté de développer la mobilité durable. Le Livre vert sur les infrastructures de recharge de véhicules électriques spécifie que le développement de ces points de recharge doit reposer à 10 % sur les points publics, et à 90 % sur les points privés. Mais le financement alloué au public est plus important. Les enveloppes devraient être rééquilibrées.
Nous pensons que le développement amènera à installer des bornes de recharge ultrarapides sur le domaine public et des bornes de recharge d'usage très différent sur la partie privée. Aujourd'hui, un copropriétaire qui sollicite l'installation d'un point de charge dans une copropriété ne peut pas se la voir refuser, mais la copropriété n'a pas l'obligation de supporter l'infrastructure commune ; il appartient au seul copropriétaire de supporter le coût de la base technique, qui est trop élevé. C'est pourquoi de nombreux projets n'aboutissent pas. Il faut trouver un système permettant de financer ou d'avancer les fonds pour qu'un ou deux copropriétaires puissent se lancer. Le programme Advenir pourrait comporter un volet spécifique.
Aujourd'hui, il n'est pas obligatoire d'installer un dispositif de comptage de l'énergie délivrée sur les points de charge. C'est dommage, car c'est la meilleure façon de valoriser l'énergie délivrée. La mise en place d'un compteur représente à peine 20 euros sur le coût d'une borne qui en vaut quelques milliers. Il me semble que ce sujet devrait être abordé aujourd'hui pour éviter d'avoir à intervenir plus tard sur les infrastructures existantes, ce qui serait beaucoup plus cher.
Nous souhaitons pouvoir faire un lien entre l'énergie verte et la consommation sur les bornes. Nous regrettons l'absence d'une synergie explicite entre mobilité électrique et électricité d'origine renouvelable.
Enfin, afin de permettre le développement des points de recharge rapides et ultrarapides sans infliger de choc au réseau électrique, il faut mettre en place un système de stockage tampon pour lequel des financements doivent être trouvés.
La filiale Blue Solutions s'occupe de l'ensemble des projets utilisant les développements dans les batteries au sein du groupe Bolloré. Le groupe Bolloré a dépensé pratiquement 3 milliards d'euros pour le développement de solutions de mobilité propre.
Nous avons été pionniers dans le développement de l'autopartage qui a permis, dans un certain nombre de villes, d'installer des bornes de charge. À Paris, nos 6 300 points de charge sont largement utilisés par les tiers, car ce réseau est accessible à tous les véhicules. Nous avons également développé ces solutions à Bordeaux et à Lyon – nous avons 500 points de charge dans cette ville – qui utilisent de l'énergie verte.
Par ailleurs, nous avons développé des bornes de charge lente pour moduler la charge et éviter la saturation du réseau due aux appels de puissance.
Aujourd'hui, nous avons installé à peu près 7 500 bornes en France. L'objectif du groupe est de porter ces technologies dans le monde entier. Nous avons remporté un projet à Singapour pour 1 000 voitures et 2 000 points de charge, suite à un appel d'offres mondial auquel treize concurrents ont participé, et nous avons également signé à Los Angeles. Cela démontre l'intérêt de nos solutions.
Nous avons également travaillé au développement de bus électriques, et nous avons été retenus par la RATP pour développer la première ligne 100 % électrique, de Porte de Clignancourt à la place de l'Étoile. Nous espérons participer activement au remplacement des 4 500 bus existants par des bus électriques.
En clair, la mobilité est au coeur de nos préoccupations, et nous y avons investi des sommes importantes.
S'agissant des bornes de recharge, nous sommes, dans certaines communes, en concurrence avec des investissements financés via l'ADEME, alors même que nous n'avons pas accès à cette aide. Les investissements en jeu sont très lourds et difficiles à rentabiliser pour les industriels, puisque l'accès doit demeurer libre pendant les deux premières années. Cela représente un coût initial important – en argent et en temps – impossible à justifier. C'est ce qui explique les retards que nous avons pris concernant l'installation des bornes que nous devions installer dans le cadre de notre grand projet. Nous n'abandonnons pas cette idée, néanmoins, car il faut bâtir un réseau, mais celui-ci doit aussi être conçu en fonction de l'évolution de l'autonomie des véhicules et de la vitesse de recharge des batteries. On entend désormais parler de recharges à 100 voire 130 kilowatts, ce qui implique des coûts considérables en termes d'installation et de transport de la puissance ; de plus, de telles recharges peuvent sévèrement dégrader les batteries.
Il faut donc envisager un juste milieu entre les recharges rapides installées sur les voies principales et les recharges de véhicules à forte autonomie qui, au contraire, se feront pour l'essentiel à domicile et au travail. À ce stade, il nous est donc difficile de nous engager sur des investissements lourds par rapport aux engagements consentis il y a quelques années, compte tenu de l'évolution technologique des batteries et de l'évolution des usages des véhicules.
Nous avons largement participé au développement du véhicule électrique à Paris. Rappelons que BMW a fait la promotion de son véhicule i3 en signalant qu'il pouvait se recharger sur les bornes Autolib'. Nombreux sont aujourd'hui les automobilistes qui se rechargent sur notre réseau, ce qui pose parfois problème aux utilisateurs d'Autolib', certaines stations étant indisponibles car d'autres véhicules électriques les utilisent. Dans le quartier de la Bourse à Paris, par exemple, un véhicule de La Poste se gare tous les soirs sur une place Autolib' et y reste toute la nuit. Autrement dit, nous servons aussi plusieurs acteurs importants.
Sodetrel est une filiale d'EDF – qui la détient à 100 % – spécialisée dans la mobilité électrique, un domaine dans lequel le groupe EDF est impliqué depuis plusieurs dizaines d'années. Sodetrel en est le véhicule commercial : c'est un exploitant de bornes de charge des collectivités et des entreprises. Nous exploitons, par exemple, le réseau Belib' de la mairie de Paris, qui complète le réseau du groupe Bolloré et qui permet aussi de recharger des véhicules tiers ; nous exploitons également le réseau du Syndicat départemental d'énergie et d'équipement de la Vendée (SYDEV).
Dans le cadre de son projet « Corri-Door », Sodetrel a déployé deux cents bornes de charge rapide sur autoroute. Ce projet a été mené en partenariat avec quatre constructeurs automobiles – Renault, Nissan, BMW et Volkswagen – et financé à 40 % par la Commission européenne dans le cadre du programme de réseau transeuropéen de transport (TEN-T) qui finance le déploiement de bornes de charge rapide dans plusieurs pays européens.
Ce projet est conçu pour répondre à un besoin d'itinérance, en complément de la recharge destinée aux collectivités ; il permettra de rouler plusieurs centaines de kilomètres avec un véhicule électrique en le rechargeant. Les bornes sont installées tous les 80 kilomètres en moyenne sur tous les grands réseaux autoroutiers de France : APRR, Sanef, Cofiroute, Escota et d'autres – la carte des équipements figure sur notre site. Ces bornes sont tri-standard : elles peuvent recharger tous les véhicules du marché. Chaque borne est équipée d'un point de charge. À ce stade, 187 bornes sur 200 ont déjà été installées, les autres devant être déployées dans le courant de l'année. Nous sommes donc en fin de déploiement. Quarante de ces bornes se trouvent en dehors des autoroutes, car il était parfois difficile de les y installer pour des raisons de raccordement. Nous avons travaillé en lien avec Enedis, les collectivités locales et l'État sur la question du raccordement de ces bornes à forte puissance installées sur autoroute. D'une puissance de 50 kilowatts, elles permettent de recharger complètement un véhicule électrique actuel en vingt minutes environ. Le réseau est alimenté par une électricité entièrement renouvelable fournie par EDF. Il est accessible aux clients de Sodetrel mais aussi, via une application mobile, aux primo-accédants qui ne sont pas abonnés de Sodetrel, ainsi qu'à tous les opérateurs de mobilité qui le souhaitent grâce à la plateforme d'interopérabilité GIREVE. Depuis le 1er janvier 2016, 8 700 charges ont été effectuées sur ce réseau, à raison d'une charge moyenne de 12 kilowattheures pendant trente et une minutes.
Le projet a coûté 12 millions d'euros dont 5,7 millions provenant de la Commission européenne, 2,4 millions de nos partenaires constructeurs et le reste du groupe EDF. L'attention est souvent retenue par les coûts d'investissement mais il est essentiel de souligner l'importance des coûts d'exploitation : il ne suffit pas d'installer des bornes, encore faut-il qu'elles fonctionnent et qu'un service soit rendu aux clients ; tout cela a un coût. Les investissements publics sont très concentrés sur le volet investissement des projets mais il ne faut pas oublier les coûts d'exploitation parfois importants, que ce soit pour les collectivités ou pour les opérateurs privés. Pour ce qui concerne Corri-Door, ils s'établissent à un peu moins d'1 million d'euros par an, soit un coût non négligeable qui englobe les coûts découlant des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) liés au raccordement au réseau ainsi que les coûts d'exploitation, de maintenance et de service aux clients, car nous sommes convaincus que ce réseau doit être assorti d'un service de qualité fourni aux clients.
Le déploiement des bornes sur autoroute, quasiment achevé, s'est heurté à une certaine complexité juridique, du fait de l'empilement des contrats de concession et de sous-concession. Sur certains points, nous avons fait le droit : il a, par exemple, fallu rendre ces bornes accessibles aux personnes à mobilité réduite, ce que ni le régulateur ni Sodetrel ne savait encore faire. Nous avons donc bâti une jurisprudence avec la sous-direction de gestion du réseau autoroutier concédé (GRA), qui nous a permis de progresser dans ce domaine.
Outre la qualité de l'exploitation, notre priorité consiste désormais à impliquer nos hébergeurs, c'est-à-dire les stations-service, dans ce service qui est aussi le leur. C'est essentiel pour que nos clients soient bien accueillis et qu'ils trouvent sur ce réseau une solution de recharge satisfaisante.
L'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, Avere-France, est l'association professionnelle qui représente la filière de la mobilité électrique en France. Permettez-moi de commencer par évoquer les grands enjeux de ce secteur avant de vous présenter le programme « Advenir » de certificats d'économie d'énergie que nous pilotons pour financer les bornes de recharge privées.
Il existe deux types d'infrastructures de recharge, aux enjeux très différents : les premières, publiques ou privées, sont accessibles au public tandis que les secondes sont installées sur le domaine privé. La recharge est effectuée à 90 % dans le parc privé et à 10 % dans le parc accessible au public. Autrement dit, le grand enjeu de développement de la mobilité électrique concerne la recharge privée.
Parmi les infrastructures de recharge accessibles au public, distinguons entre les infrastructures privées et publiques. Trois opérateurs privés d'envergure nationale viennent de vous présenter leurs avancées, mais de nombreuses enseignes commerciales privées – supermarchés et concessions automobiles – investissent aussi dans les infrastructures de recharge. Ces acteurs du secteur privé éprouvent de grandes difficultés à bâtir un modèle économique du service de recharge, car il est impossible de le financer grâce aux seuls revenus de l'exploitation, à moins d'afficher des tarifs rédhibitoires pour les utilisateurs.
L'enjeu du financement est également présent dans le secteur public de la recharge, autrement dit les bornes installées par les collectivités territoriales, soit plus de 30 % du réseau des 16 000 points de charge accessibles au public en France. Autrement dit, les collectivités sont le premier opérateur public de bornes ouvertes au public. Là encore, le modèle économique d'exploitation de ces bornes pose problème, les financements apportés par le CGI ne concernant que l'investissement initial dans l'infrastructure. En outre, le déploiement du dispositif du CGI par l'ADEME se heurte à des problèmes de délais dus au fait que les collectivités doivent répondre dans le cadre de groupements, d'où la succession de plusieurs phases distinctes : concertation, décision, lancement de l'appel d'offres, raccordement – parfois assez long – avec Enedis, fourniture des infrastructures de recharge par les fabricants. En 2017, ce marché explose et, de ce fait, les fabricants, qui sont souvent des PME, ont du mal à suivre le rythme des commandes. Les retards sont donc dus à ces facteurs et non à l'échec des projets. Nombreuses sont les collectivités avec lesquelles nous travaillons qui souhaitent l'allongement des délais d'autorisation de déploiement des projets par l'ADEME, car tous les projets financés au titre de la première phase doivent être déployés avant la fin de l'année, ce qui sera très difficile dans certains cas.
Par ailleurs, le CGI a ouvert en octobre une enveloppe de 10 millions d'euros, pilotée par l'ADEME, pour un deuxième cycle de projets dont les dossiers doivent être déposés au 31 mars. À cette date, les collectivités devront donc avoir répondu à un appel rendu public en octobre, d'où des délais extrêmement tendus. À ma connaissance, aucune collectivité n'a encore déposé de dossier, non par manque d'intérêt mais par manque de temps pour réaliser les projets.
J'en viens à l'enjeu principal que constituent les infrastructures de recharge privées, au domicile ou au travail. Rappelons d'emblée que dix millions de foyers en France n'ont pas de stationnement ; autrement dit, l'infrastructure de recharge accessible au public est souvent la source principale de recharge pour les personnes qui n'alimentent leur véhicule qu'en voirie. En matière de recharge privée, il faut distinguer entre le domicile et le lieu de travail. La recharge à domicile ne pose guère de problèmes : le marché du véhicule électrique concerne d'ailleurs avant tout l'habitat pavillonnaire en milieu péri-urbain et rural. En revanche, la mise en oeuvre du droit à la prise dans l'habitat collectif est difficile, car elle se heurte à l'opposition des syndics de copropriété. De ce point de vue, la loi n'est pas appliquée et certains copropriétaires ne peuvent pas jouir de leurs droits parce que les syndics refusent de gérer ce dossier pour eux, ce qui est une forme d'abus de pouvoir. Il existe, en outre, un problème d'investissement ; c'est là qu'intervient le programme de certificats d'économie d'énergie « Advenir », que nous pilotons, qui permet de financer 50 % de l'installation d'un point de charge pour un propriétaire ou un locataire en logement collectif.
Autre secteur : la recharge sur le lieu de travail. Les flottes d'entreprise constituent un immense marché de véhicules neufs et, par conséquent, potentiellement de véhicules électriques ; s'y ajoute l'accès aux points de charge des salariés une fois arrivés sur leur lieu de travail. Le programme « Advenir » apporte 40 % du financement de ces infrastructures. Cependant, le statut juridique de l'électricité fournie aux salariés demeure flou, notamment sa qualification d'avantage en nature : aucun régime précis n'est applicable à ce calcul, d'où le choix de certaines entreprises de ne pas offrir d'électricité aux salariés ou de la leur faire payer parce qu'elles ne savent pas quantifier ce type d'avantage.
Pour conclure, on évoque souvent les infrastructures de recharge des voitures, mais la mobilité électrique dépasse ce seul cadre et concerne également les deux-roues qui, en ville, sont à l'origine de la moitié des émissions de composés organiques volatils, et pour lesquels les infrastructures de recharge sont aujourd'hui presque inexistantes.
Le marché du véhicule électrique, enjeu d'avenir, est en forte progression en France. Nissan Renault est le premier constructeur mondial de véhicules électriques, et le parc français de bornes de recharge électrique est le troisième au monde. Le marché national est en constante évolution depuis 2010 : 880 immatriculations de véhicules électriques avaient alors été comptabilisées, contre 27 000 en 2016.
Sous l'impulsion de notre présidente Mme Frédérique Massat, l'Assemblée nationale a adopté la loi facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques, promulguée le 4 août 2014, dont dépend largement le marché du véhicule électrique. Cette loi poursuit un double objectif : accélérer la transition énergétique avec des véhicules propres et favoriser l'essor industriel des véhicules électriques en France. Elle permet également à un opérateur national de déployer un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur le domaine public si l'opération s'inscrit dans un projet de dimension nationale et d'aménagement équilibré du territoire en contrepartie d'exonérations de redevances. Par ailleurs, la loi relative à la transition énergétique fixe un objectif de sept millions de bornes de recharge privées à l'horizon 2030. Les récents scandales liés aux véhicules diesel confortent la position de l'État et invitent les constructeurs automobiles à accentuer leurs efforts dans le secteur des véhicules électriques. Enfin, le Premier ministre a pris, le mois dernier, un décret imposant la standardisation des points de recharge installés sur l'espace public.
Le développement du véhicule électrique se heurte pourtant à certaines limites. Tout d'abord, son coût demeure élevé pour l'utilisateur moyen, même avec les bonus écologiques et les « super-bonus » lorsqu'un véhicule est envoyé à la casse. Ensuite, son autonomie est trop limitée : s'il atteint 300 kilomètres à Paris, ce n'est pas le cas en zone de montagne. De plus, son temps de recharge est souvent assez long. S'y ajoutent les problèmes liés aux copropriétés et au nombre de places de stationnement. Les constructeurs pensent que la montée en puissance des voitures électriques sera lente et progressive. Certains orientent leur intérêt en direction de la pile à combustible qui leur semble être une évolution d'avenir pour assurer le développement de la voiture à hydrogène, pour laquelle un plein ne prend que cinq minutes. Comment agir pour dynamiser ce déploiement ? Je propose aux intervenants de préciser les pistes qu'ils ont évoquées.
Depuis plusieurs années, on pense que le véhicule électrique pourrait servir à stocker l'électricité grâce à des batteries qui se chargent la nuit et se déchargent lors des pics de consommation. Quelles sont les pistes envisagées par les opérateurs pour aboutir à un tel modèle ? Le déploiement du compteur Linky, grâce auquel on pourra utiliser la pointe mobile – dont il a été abondamment question lors du débat sur le TURPE 5 –, suffira-t-il à permettre aux fournisseurs d'électricité de proposer de telles offres et de gérer le flux sur le réseau, en particulier la pointe électrique ?
Vous étiez, Madame la présidente, à l'origine de la proposition de loi visant à faciliter le déploiement de points de recharge, nous expliquant qu'il fallait impérativement trouver des opérateurs nationaux supplémentaires étant donné que le déploiement des bornes, initialement confié aux collectivités car cette formule paraissait la plus pertinente, était insuffisant. Le bilan sur le terrain est le suivant : ce texte n'a pas produit l'effet escompté, comme en attestent les témoignages que nous venons d'entendre. Certes, Sodetrel a atteint son objectif d'installation de deux cents bornes sur le réseau autoroutier français, mais le groupe Bolloré n'a pas atteint le sien, bien au contraire, puisqu'il a même ralenti le rythme de certains déploiements tout en suscitant l'hésitation des collectivités lors de l'annonce de son programme. Quelle est la position du Gouvernement au sujet des opérateurs n'ayant pas atteint leurs objectifs alors qu'ils s'étaient engagés moyennant des contreparties en termes d'exonérations de redevance, que nous avions d'ailleurs dénoncées ?
Je vous rappelle, Monsieur Alain Leboeuf, qu'il s'agit d'une table ronde organisée en l'absence du Gouvernement ; n'étant pas invité, il ne pourra pas vous répondre ici même.
Soit, mais je rappelle à mon tour que vous étiez l'auteur de la loi et que vous aurez, à ce titre, quelques comptes à rendre à notre assemblée ce matin.
Autre sujet important pour les utilisateurs de véhicules électriques : l'interopérabilité, qui a été brièvement mentionnée, et la monétisation, de sorte que les véhicules puissent être utilisés sur l'ensemble du territoire national, voire européen. Il faudra poursuivre nos travaux concernant le flou juridique évoqué. Quid des copropriétés et des centres-villes ? Là où les copropriétés ne peuvent pas être équipées, peu de travaux sont réalisés.
Chacun est favorable au véhicule électrique, mais il faudra traiter la question de la résistance de nos réseaux en période de pointe. L'intelligence des réseaux permettra de résoudre en partie le problème mais, lorsque tous les Français possèderont un véhicule électrique, se posera la question des fins de semaine à la neige ou à la mer et des grands départs de juillet et août. Le problème concernera l'ensemble de l'infrastructure électrique française, raison pour laquelle je me félicite que le sujet de l'hydrogène ait été abordé.
Le groupe RRDP a voté en faveur de la proposition de loi facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public, rapportée par notre présidente Frédérique Massat. Ce texte visait non seulement à accélérer la transition énergétique, mais aussi à favoriser l'essor industriel des voitures électriques. Aujourd'hui, force est de constater que notre pays a amorcé ce virage de manière favorable. En 2016, la France s'est imposée comme le leader européen des ventes de véhicules 100 % électriques et la Renault Zoé prend largement la tête du marché européen, avec 21,2 % de parts de marché.
Si notre groupe était favorable au développement des véhicules électriques et à l'installation des bornes de recharge, nous avions néanmoins appelé le législateur à la vigilance quant à l'importance d'assurer un maillage territorial équilibré en donnant les mêmes chances d'accéder aux bornes de recharge aux habitants des territoires ruraux comme à ceux des territoires urbains. À chaque déploiement de réseau, en effet, la même histoire se reproduit : les territoires ruraux et de montagne sont, dans leur immense majorité, laissés de côté, car ils sont peu rentables. Les deux zones blanches citées par le représentant du CGI sont d'ailleurs deux zones de montagne.
Quels moyens entendez-vous déployer pour que les engagements en matière de maillage territorial soient mieux respectés ? Quelle est la répartition entre les bornes installées en zones urbaines et celles qui le sont dans les zones peu denses ? L'entreprise Total a évoqué un plan de déploiement de trois cents bornes pour équiper son réseau de stations-service afin de conserver ses clients désormais équipés d'un véhicule électrique. Lorsqu'un projet privé est ainsi envisagé, comment s'organise la concertation locale avec les collectivités territoriales et les gestionnaires du réseau de distribution, sachant que Mme Frédérique Massat avait fait adopter un amendement afin qu'ils y soient associés ?
Enfin, les risques de saturation de notre réseau électrique suscitent des craintes : il ne circule aujourd'hui que 90 000 véhicules hybrides ou entièrement électriques, mais le Gouvernement prévoit que le parc électrique sera constitué de cinq à six millions de véhicules en 2030. Comment les énergéticiens se préparent-ils à cette augmentation de la consommation électrique, et travaillent-ils de concert avec les opérateurs qui installent les bornes ?
J'aborderai trois points : la fracture territoriale, la politique tarifaire et l'itinérance. Sur le premier point, permettez-moi de citer notre présidente dans son rapport d'avril 2014 sur la proposition de loi déjà citée : « des territoires qui n'étaient pas du tout couverts jusqu'à présent le seront demain. Néanmoins, il subsiste d'énormes “ trous ” sur la carte de France, et la possibilité de se déplacer partout sur le territoire avec un véhicule électrique n'est pas garantie. C'est pourquoi un opérateur national est nécessaire. Dans le cadre des investissements d'avenir, l'État a confié à l'ADEME le rôle d'opérateur du programme “véhicules du futur ” ». Dans son intervention, le ministre avait nuancé les choses en expliquant que « des opérateurs, au capital desquels l'État aura pris une participation modeste mais réelle, déploieront des infrastructures dans les lieux où ils pensent pouvoir rentabiliser leur investissement ». En effet, la logique n'est pas celle d'un service public universel, mais du déploiement d'un réseau minimal ciblé sur les secteurs rentables. Ma première question s'adresse donc à l'opérateur du PIA, qui a reconnu l'existence de zones blanches et estime qu'il faudrait attendre un retour d'expérience pour résoudre le problème : cette fracture territoriale durera-t-elle et s'amplifiera-t-elle ou sera-t-elle combattue avec volontarisme ?
J'en viens à la politique tarifaire. Aux coûts d'investissement s'ajoutent les coûts d'exploitation ; in fine, l'objectif est de réaliser des recettes, mais aussi, pour ce qui concerne le secteur privé, de réaliser des profits. Quels sont donc les écarts de tarifs appliqués ? Une forme de péréquation nationale est-elle envisagée ou, au contraire, les écarts de tarifs seront-ils amplifiés en fonction des coûts ? L'État ne me semble pas avoir un droit de regard sur ce véritable problème. Autrement dit, comme dans le secteur de la téléphonie mobile et d'internet, c'est la situation du renard libre dans le poulailler libre !
Ma troisième question porte sur l'interopérabilité, l'itinérance et l'accès général à toutes les bornes par tous les utilisateurs. Qui est inscrit sur la plate-forme d'interopérabilité GIREVE, permettant à tout utilisateur de se raccorder aux recharges de n'importe quel opérateur ? Je sais que les collectivités territoriales ayant bénéficié d'un financement ADEME doivent passer par cette plate-forme, mais qu'en est-il des opérateurs privés ? Faudra-t-il avoir souscrit un abonnement pour être client, donc utilisateur, ou peut-on espérer que l'itinérance, qui pose des difficultés dans d'autres secteurs, devienne une réalité dans celui de la recharge des véhicules électriques ?
Je suis maire d'Annecy, en Haute-Savoie, une ville qui est passée récemment de 55 000 à 128 000 habitants du fait du regroupement de plusieurs collectivités, et a élargi son réseau de bornes de recharge en même temps que son territoire. L'Association des maires de France soutient clairement le développement des véhicules électriques et encourage donc toutes les collectivités à développer les bornes ; de ce fait, elle soutient également la prolongation de l'accès aux aides.
L'AMF a également conventionné avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) des dispositifs de déploiement du réseau de bornes sur le territoire, mais M. Pascal Houssard vous en parlera mieux que moi.
Nous sommes très attentifs aux actions menées par les opérateurs pour le développement du réseau, et c'est avec un grand intérêt que j'ai entendu les propositions des uns et des autres sur ce point, énoncées sur la base du constat que l'objectif ambitieux qui avait été défini au départ prend un peu plus de temps que prévu à se mettre en place, du fait de la difficulté à définir un modèle économique satisfaisant.
Il me paraît nécessaire de redéfinir les grands enjeux du développement des véhicules électriques en France, dont l'utilisation est encore très marginale en pourcentage, même si l'on est passé de 800 ou 900 immatriculations par an à 27 000 : à ce jour, il s'agit encore d'une niche. Les bornes de recharge sont à 90 % des bornes privées, ce qui correspond à l'usage principal des véhicules électriques, à savoir le déplacement domicile-travail. S'inscrivant dans cette logique, la démarche des collectivités consiste à développer leur propre réseau et leur parc de véhicules, ce qui donne l'exemple aux personnes privées. Nous sommes attentifs à ce développement, mais aussi et surtout à celui du réseau public, c'est-à-dire des 10 % restants. En la matière, il reste énormément d'efforts à faire pour garantir l'accès au réseau au plus grand nombre.
Pour nous, le premier enjeu est celui de l'interopérabilité du réseau, selon des critères restant à définir. Par ailleurs, le développement des véhicules eux-mêmes et l'évolution de leurs performances vont réguler mécaniquement le maillage du territoire, qui représente notre deuxième enjeu. Celui-ci implique un soutien au développement des zones peu denses et de montagne – en faisant appel aux acteurs publics locaux, car il est illusoire d'imaginer faire autrement quand on sait à quel point il est difficile pour les opérateurs privés de trouver un modèle économique, même dans les zones denses.
Nous nous interrogeons également sur les moyens de développer et de mieux articuler l'usage du véhicule électrique individuel avec celui des transports collectifs. De ce point de vue, nous serions favorables à une action visant à équiper les parcs relais, les parkings en général et tous les centres de multimodalité. Avant de parler de maillage du territoire, il y a sans doute un gros effort à faire sur ces points particuliers.
Enfin, le dernier enjeu est celui de la constitution d'un modèle économique fondé sur un réseau plus mature, ce qui passe par la définition des modalités de facturation de l'énergie et du service, dans le souci de faire en sorte que l'accès aux transports et à l'énergie devienne équitable.
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies regroupe l'ensemble des autorités organisatrices de la distribution d'énergie, qui agissent en vertu d'une habilitation législative. C'est le Parlement qui, par l'adoption de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dont l'article 57 a été repris à l'article L. 2224-37 du code général des collectivités territoriales, fonde la compétence communale – qui reste relative puisque, selon l'article précité, c'est « sous réserve d'une offre inexistante, insuffisante ou inadéquate sur leur territoire » que les communes peuvent créer et entretenir des infrastructures de charge nécessaires à l'usage de véhicules électriques.
Les communes ont, dans l'immense majorité des cas en France, transféré cette compétence à des syndicats départementaux, qui se sont emparés du financement proposé par l'ADEME en 2014 pour déployer des réseaux – sur environ 75 % du territoire à ce jour, comme l'a dit M. Jean-Luc Moullet. Le financement a souvent précédé les décisions, ce qui peut expliquer qu'il faille au moins dix-huit à vingt-quatre mois pour qu'une incitation financière se traduise par la pose d'une première borne : entre-temps, il faut réaliser un schéma directeur, établir les transferts de compétences, positionner les bornes, se concerter et enfin effectuer les travaux.
C'est sur le constat de ce délai que les syndicats d'énergie se sont mobilisés et que la loi de 2014 sur les opérateurs nationaux a été adoptée. Quand l'opérateur Bolloré est venu au contact des syndicats d'énergie, il a découvert un paysage qui avait énormément évolué par rapport au début du mouvement : il y avait désormais des bornes, de nombreux schémas avaient été adoptés, et les déploiements en cours étaient appelés à se poursuivre. Le déploiement de l'opérateur Bolloré aurait fort bien pu trouver sa place au sein de ceux opérés par les syndicats d'énergie, mais cela n'a visiblement pas été le cas. Après un moment d'attente, les syndicats ont repris leur déploiement, comme s'il n'y avait pas d'autre opérateur annoncé : ce ne sont donc ni Sodetrel, ni la CNR qui auraient, par leur propre déploiement, perturbé celui de Bolloré ou d'autres opérateurs, dont la finalité était différente.
Aujourd'hui, l'initiative se poursuit, mais on peut constater une certaine fracture territoriale, puisque 25 % du territoire restent non couverts par le réseau. À mon sens, pour que le mouvement se poursuive, nous devrions porter notre attention sur quatre points.
Premièrement, il faut mettre en oeuvre l'interopérabilité, car la communauté des propriétaires de véhicules électriques réclame de pouvoir circuler sans contrainte, ce que l'autonomie des nouveaux véhicules mis sur le marché permet désormais.
Deuxièmement, il faut aboutir à une certaine convergence tarifaire : sans vouloir fixer un tarif unique, nous devons faire en sorte que les tarifs pratiqués ne soient pas trop disparates.
Troisièmement, il convient de soutenir et de prolonger les mesures incitatives au déploiement, de façon à résorber les fractures territoriales qui subsistent – car, en dehors d'un financement en voie d'épuisement, je ne vois pas ce qui pourrait réduire la fracture territoriale. Nous devons cependant également veiller à ce que la logique de guichet mise en oeuvre par l'ADEME ne se traduise pas par une dépense excessive en investissements et dépenses de fonctionnement. Un bon réseau est adapté à l'état du marché d'aujourd'hui et de demain : il n'est pas question de surinvestir, ce qui se ferait au détriment de la perception positive que les usagers et les non-usagers peuvent avoir du réseau.
Quatrièmement, enfin, nous devons nous projeter vers l'avenir. S'il a beaucoup de vertus, le Livre vert du sénateur Louis Nègre sur les infrastructures de recharge, qui a largement sous-tendu la politique nationale, date de 2011, et les choses ont considérablement changé entre-temps : il est, selon moi, grand temps de rédiger un autre rapport sur le même thème, afin de nous préparer à deux facteurs essentiels découlant de l'autonomie accrue des batteries de véhicules électriques : d'une part, l'itinérance ; d'autre part, le marché de masse résultant de la multiplication des véhicules.
Même dans le département de la Vendée où le parc de véhicules électriques relève essentiellement de propriétaires – on sait qu'il est particulièrement avantageux d'être propriétaire d'un véhicule électrique en habitat individuel –, il y a encore 34 % d'usagers qui n'ont pas accès à une recharge et n'y auront pas davantage accès demain, qu'ils soient propriétaires individuels ou copropriétaires, et sont donc dépendants des recharges sur la voie publique. Il est intéressant d'observer l'expérience actuellement menée à La Roche-sur-Yon avec le système « City Charge », qui consiste à greffer des bornes de recharge sur le réseau d'éclairage public pour une recharge nocturne de longue durée. Quand on sait que les syndicats d'énergie gèrent des dizaines de millions de points d'éclairage public, on se dit qu'il y a là une piste intéressante.
Pour conclure, nous devons également être attentifs à deux autres sujets, à commencer par l'impact qu'aura le développement du marché de masse sur le réseau de distribution. Si, comme cela a été dit, un réseau électrique intelligent, dit smart grid, apporte de nombreuses solutions, les pics extrêmes de consommation restent potentiellement problématiques. Par ailleurs, le véhicule électrique n'est jamais si vertueux que lorsqu'il se recharge en électricité verte ; la production massive d'électricité verte, au plus près de l'usage qui en est fait, est ce qui permet au véhicule électrique de constituer un cercle intégralement vertueux.
En tant que distributeur d'électricité et gestionnaire du système de distribution, Enedis est responsable du raccordement des bornes de recharge soit directement – lorsque le point de livraison est situé juste derrière les bornes –, soit indirectement – lorsque les bornes sont implantées sur des sites tertiaires, par exemple des parkings de grandes surfaces, ou sur des parkings privés de type Indigo.
Parmi les défis que nous avons à relever, l'un des plus importants est la maîtrise des coûts de raccordement, dans l'intérêt général. Nous devons également veiller à l'interopérabilité du service de recharge et à la mise en oeuvre d'un déploiement harmonieux.
Nous disposons pour cela de quelques leviers d'action, parmi lesquels le choix du bon emplacement, afin de minimiser les coûts de raccordement. À ce titre, nous avons développé une prestation permettant d'optimiser l'implantation de la borne au plus près du réseau. Cette prestation, qui fonctionne bien, a été développée et expérimentée avec Sodetrel, Tesla, et bon nombre de syndicats d'électricité qui déploient des bornes dans le cadre du PIA. Aujourd'hui, nous travaillons également avec les opérateurs de transport urbain sur l'implantation des bornes pour les bus électriques – avec une particularité technique consistant à permettre de faire appel à de très hauts niveaux de puissance pour la recharge.
Pour ce qui est du contrôle de la pointe électrique, nous développons aujourd'hui deux projets représentatifs des implantations de bornes en milieu privé. Le premier projet, interne à Enedis, consiste à développer notre propre flotte, ECOFLOT, qui représente la deuxième flotte de véhicules électriques après celle de La Poste. Nous possédons actuellement 1 700 véhicules et disposons de 1 800 points de charge sur nos sites, avec un système de recharge intelligente permettant de diminuer la pointe que pourrait provoquer la recharge de nos véhicules, et de maîtriser ainsi les appels de puissance.
Par ailleurs, avec différents partenaires, nous expérimentons des solutions de recharge dans les bâtiments résidentiels collectifs, avec le projet BienVEnu, consistant à déployer une infrastructure de recharge dans les parkings des copropriétés ou des logements sociaux. Ce projet, soutenu par l'ADEME, vise à recruter dix immeubles – nous en avons déjà recruté six – et à mettre au point une solution de recharge à coût minimisé, avec un système de paiement de la prestation via le syndic ou un opérateur. Complémentaire du projet Advenir, il doit permettre de résoudre une partie des problèmes évoqués tout à l'heure.
Enfin, nous participons, aux côtés d'autres opérateurs, à la plate-forme d'interopérabilité GIREVE, qui vise à assurer l'itinérance de la recharge : nous travaillons activement à rendre le plus interopérables possible les protocoles de communication entre les bornes – y compris celles situées au domicile de particuliers –, les véhicules et les opérateurs.
Je vais essayer de dresser un tableau des enjeux du système électrique par rapport aux missions de RTE, c'est-à-dire de vous livrer une analyse de l'équilibre entre l'offre et la demande, en évoquant la pointe de consommation, les coûts, les impacts sur les émissions, les moyens d'optimiser le potentiel de stockage, l'impact sur les échanges avec nos voisins et les grands scénarios de transition que l'on peut entrevoir.
Pour ce qui est de la contribution à la pointe, on a entendu citer il y a quelques années, mais aussi plus récemment, des chiffres un peu alarmistes. Il est vrai que si l'on multiplie les 4,5 millions de véhicules électriques qui constituent l'objectif de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour 2030 par les puissances de recharge allant de 3 kilowatts à 50 kilowatts, voire davantage selon la vitesse de recharge prévue, on aboutit à des chiffres impressionnants, de l'ordre de plusieurs dizaines de gigawatts.
Cependant, au niveau national, cette charge va foisonner : il n'y a aucune raison pour que toutes les actions de recharge soient synchrones. Ainsi, pour un parc français de 4,5 millions de véhicules, la contribution à la pointe du soir serait plutôt de l'ordre de 5 gigawatts. Certes, ce chiffre est important, puisqu'il équivaut, par exemple, à la totalité de l'éclairage public et résidentiel. Cependant, d'une part, il faut tenir compte d'un contexte énergétique qui pourrait être baissier – on considère ainsi que l'éclairage public va être réduit de moitié d'ici à 2030 –, d'autre part, une contribution de 5 gigawatts représente un ordre de grandeur compatible avec notre système électrique, du moins à l'horizon 2030.
Sans aller jusqu'à dire que ce point ne constitue pas un véritable enjeu, j'estime que nous disposons, au niveau collectif, de leviers suffisants pour gérer cette charge soit en faisant en sorte de réduire encore l'appel de puissance au système, soit – notamment dans l'hypothèse, que nous envisageons, dans certaines estimations, d'un parc de véhicules électriques pouvant atteindre quinze millions d'unités – en partant du principe que la recharge pourra être pilotée, et donc panachée en termes de vitesse de recharge et de type de pilotage – charge naturelle ou asservie à un signal tarifaire comparable au système « heures pleines-heures creuses » utilisé pour le déclenchement des chauffe-eau la nuit. Ces solutions qui existent depuis longtemps ne sont pas celles qui correspondraient au smart grid du XXIe siècle, mais ont fait la preuve de leur grande efficacité et suffisent à repousser une grande partie de l'appel de charge.
On peut aller plus loin en recourant à l'asservissement à un signal de marché, grâce à des batteries intelligentes. Enfin, il est même permis d'imaginer une communication bidirectionnelle entre la batterie et le réseau, le vehicle to grid ou V2G, puisque l'agrégation de différentes batteries est d'ores et déjà une réalité. Grâce à un travail réalisé depuis des années, la France est devenue leader européen dans le domaine de l'agrégation des effacements entre des usagers qui diffèrent par l'importance de leur consommation, le réseau de distribution auquel ils sont raccordés ou encore leur fournisseur. Les solutions auxquelles ce travail de fourmi a permis d'aboutir sont efficaces, et pourraient même être appliquées à la problématique du stockage – des constructeurs se sont déjà rapprochés de nous à cet effet.
En mettant en oeuvre ces solutions, on parvient à des résultats assez différents de ceux de l'hypothèse initiale. Certains instituts ont montré qu'en panachant charge naturelle et charge pilotée dans une proportion de 60-40, on limiterait à 3 gigawatts l'appel de puissance en 2030, ce qui laisse penser qu'en pilotant 100 % de la charge, on pourrait avoir, à dix-neuf heures, une charge inexistante, puisque décalée sur une autre plage horaire.
Sur tous les phénomènes que j'ai décrits, nous disposons de leviers de l'ordre de la normalisation technique ou des signaux économiques. Nous nous sommes livrés à un exercice de quantification consistant à évaluer les gains pour la collectivité du fait de passer de la charge naturelle au pilotage dynamique. Sans entrer dans les détails de l'étude, le simple pilotage tarifaire classique « heures pleines-heures creuses » – très en deçà de ce que permettent les capacités technologiques dont nous disposons actuellement – permet de capter des gains assez importants, de l'ordre de 20 à 100 euros par véhicule en valeur collective, ce qui est très structurant. Si l'on passe à un pilotage tarifaire optimisé du type de celui permis par un compteur communicant, on obtient des gains marginaux supplémentaires. Enfin, grâce au pilotage dynamique, on accède à nouveau à des gains importants, de nature à permettre de résoudre les questions de flexibilité associées à l'intermittence des énergies renouvelables (ENR), donc d'avoir une bonne compensation entre les phénomènes de recharge et les injections d'électricité venant des ENR. L'analyse peut être prolongée en s'intéressant aux émissions, dans le scénario d'une consommation qui stagne ou diminue, avec ou sans prolongation du cycle de vie, etc.
Pour conclure, l'impact sur le réseau national d'une généralisation des véhicules électriques serait indéniable mais, du fait des multiples leviers dont nous disposons, les visions catastrophistes peuvent être écartées et les solutions mises en oeuvre vont permettre de créer de la valeur pour les usagers et pour le système.
Plusieurs étapes vont nous conduire à actualiser un certain nombre de résultats au cours de l'année qui vient. En avril, nous allons publier un deuxième rapport sur la valeur socio-économique des smart grids, pour répondre à la demande des ministres de l'énergie et de l'économie. Le travail que nous pilotons, avec l'ADEME et avec les gestionnaires de réseaux pour ce qui est du volet « distribution », aura vocation à traiter certaines de ces questions. Au second semestre, dans le cadre de la mission réglementaire qui nous est confiée, nous allons réactualiser les scénarios prévisionnels pour 2030-2035, et nous en profiterons pour publier une contribution spécifique sur le véhicule électrique. Je vous invite à nous faire part de vos commentaires afin que nous puissions orienter nos études dans les directions qui vous sembleraient les plus intéressantes.
Avant de redonner la parole aux députés de la commission, je rappelle que la thématique de la présente table ronde est bien celle des bornes de recharge.
Je remercie les personnes qui se sont exprimées pour leurs interventions très intéressantes, qui montrent à quel point il est difficile d'installer un réseau de bornes de recharge sur l'ensemble du territoire pour répondre à une demande croissante de la part des Français en matière de mobilité électrique.
J'ai entendu évoquer la difficulté, pour les habitants des grands centres urbains, à faire usage d'un véhicule électrique, qui se trouve presque exclusivement cantonné au rôle de deuxième voiture, affectée à un usage pendulaire dans un cadre pavillonnaire et périurbain. Le déploiement de bornes de recharge de façon à permettre un usage plus large du véhicule électrique par les urbains constitue donc un vrai enjeu. De ce point de vue, dans les centres urbains, doit-on envisager seulement la mise en place de bornes de recharge lente, nocturne, sur les axes de voirie, afin de répondre aux besoins des 10 millions de Français qui n'ont pas de garage, ou faut-il compléter cette offre par l'installation de bornes de recharge rapide, dont la présence en nombre suffisant est sans doute nécessaire pour dissiper chez les usagers potentiels la crainte de la panne sèche ?
Par ailleurs, l'évolution technologique actuelle est telle, tant en matière d'autonomie des batteries que de capacités et fonctions des bornes de recharge, qu'il est sans doute compliqué pour les industriels de s'adapter à ce qui constitue une évolution perpétuelle des besoins et des avancées techniques.
Qu'en est-il aujourd'hui de l'usage professionnel du véhicule électrique et dans les grands centres urbains ? On a évoqué les transports en commun, mais qu'en est-il des livreurs ?
Enfin, ne pourrait-on pas inciter les compagnies pétrolières à installer davantage de bornes de recharge sur l'ensemble des stations-service du territoire ? Le réseau de 200 bornes équipant le réseau autoroutier constitue un bon début, mais il devra impérativement être complété par un réseau couvrant l'ensemble des autres grands axes routiers, afin que le véhicule électrique ne se trouve pas cantonné à un usage pendulaire, mais devienne une véritable alternative pour l'ensemble des Français, qui n'ont pas tous la possibilité d'avoir deux voitures.
Je remercieégalement l'ensemble des orateurs de cette table ronde qui porte sur un sujet majeur.
Pour répondre au responsable de la mobilité électrique d'Enedis au sujet de la puissance nécessaire, je voudrais dire qu'il ne s'agit pas tant de l'énergie qui sera nécessaire quand nous aurons atteint le nombre de véhicules électriques constituant l'objectif que nous nous sommes fixé, que de la puissance qui devra être délivrée à un moment donné, avec les conséquences que cela implique sur le réseau. Je crois que vous avez chiffré le coût de renforcement et d'extension du réseau à près de 6 milliards d'euros d'ici à 2030 : qu'en est-il exactement, et qui paiera le coût final de l'électricité ? Il faut proposer aux usagers de véhicules électriques un coût attractif et, pour cela, l'opérateur prend déjà à sa charge la moitié du coût. Cependant, je ne pense pas que, compte tenu de l'augmentation de puissance qui s'annonce, et de la production territorialisée d'énergie par les habitants, prévue par la loi relative à la transition énergétique, nous puissions indéfiniment mettre les opérateurs à contribution.
Je ne reviens pas sur l'interopérabilité, qui constitue effectivement un sujet à part entière.
Je conclurai par une question sur les rapports que vous pouvez avoir avec Tesla. Cette société a annoncé qu'elle avait l'intention d'équiper gracieusement le territoire français afin de permettre le déploiement de sa propre flotte, qui comprend notamment le véhicule dit « à bas coût » – une expression toute relative pour ce qui est de cette marque. Disposez-vous d'informations sur ce point ?
La société Tesla, conviée à participer à cette table ronde, a accepté cette invitation dans un premier temps, avant de se désister.
Le décret publié le 13 janvier dernier et qui vise à uniformiser les dispositions relatives aux installations de recharge des véhicules électriques, privilégie la norme 22 kW AC, au détriment de certains acteurs du marché. En effet, beaucoup de véhicules électriques sont équipés d'un chargeur de 7 kW AC maximum ; ceux-là seront chargés beaucoup plus lentement. Ce choix vous semble-t-il opportun à l'heure où nous cherchons à développer le déploiement du véhicule électrique ? Pensez-vous, par ailleurs, que le standard Combo suffira pour faire face aux recharges dans un futur proche ?
La Commission de régulation de l'énergie fait valoir que les effets sur le réseau électrique du déploiement des nouvelles technologies, notamment des voitures électriques, ne se feront pas sentir avant 2019. Validez-vous cette estimation ? À quel stade de maturité vous semble être le marché du véhicule électrique et quelles sont, selon vous, ses perspectives pour les trois années à venir ?
Mes questions concernent Mme Élisabeth Ayrault en particulier. Le syndicat intercommunal d'énergies du département de la Loire (SIEL) et Saint-Etienne Métropole développent un réseau de bornes de recharge – et nous avons la chance que le groupe Atomelec, sis à Saint-Bonnet-le-Château, fabrique de telles bornes. La Compagnie nationale du Rhône a créé un « corridor électrique » de vingt-sept stations de recharge le long du Rhône, depuis le lac Léman jusqu'à la Méditerranée. Est-il envisageable de l'étendre vers Saint-Étienne et le Pilat à partir des stations de Givors ou de l'Aveyron ?
Par ailleurs, lors de sa séance du 16 décembre dernier, le SIEL a approuvé le principe de deux conventions, avec GIREVE, d'une part, avec EASYTRIP, d'autre part, pour permettre aux abonnés de se recharger sur le réseau Mobiloire créé par le syndicat ligérien. Savez-vous quand ces conventions d'itinérance des services de recharge de véhicules électriques prendront effet ?
Maire du Touquet-Paris-Plage, je reçois de plus en plus de plaintes de touristes qui ne peuvent utiliser leurs véhicules électriques sur notre territoire communal, faute de bornes de recharge en nombre suffisant. J'invite vigoureusement à ce que l'on n'oublie pas d'équiper les lieux touristiques. On mentionne trop rarement que le tourisme représente 7 % de notre produit national brut et que son développement est étroitement lié à la question du transport.
Invité par SNCF Mobilités à assister à une conférence portant sur les nouveaux usages en matière de transport, j'ai entendu les acteurs de l'économie collaborative exposer que le rapport à l'automobile évolue à grande allure. Au moment de développer un réseau de bornes de recharge électrique, ne faut-il pas anticiper ce que seront les nouveaux usages dans cinq ou dix ans ?
J'observe enfin que très peu de gares sont équipées en stations de recharge et que, de plus, les parkings alentours sont très insuffisants. Seraient-ils plus étendus auprès des gares RER et SNCF et dûment équipés de bornes électriques que les conducteurs profiteraient des transports collectifs au lieu d'envahir les centres villes avec leurs automobiles. Une réflexion collective à ce sujet serait bienvenue.
Le Grenelle de l'environnement avait effectivement donné compétence aux collectivités pour les infrastructures de recharge et, en 2014, le stade de déploiement des infrastructures par les collectivités n'était pas celui qu'il est aujourd'hui. Divers dispositifs incitatifs ont été mis au point, une autre vision du véhicule est apparue avec la motorisation électrique et certains scandales ont émaillé l'histoire automobile, qui ont fait l'objet d'une mission d'information.
Des évolutions ont donc effectivement eu lieu depuis l'adoption de la loi de 2014. Mais, quoi qu'il en soit, conformément à la procédure retenue dans ce texte, trois opérateurs de dimension nationale ont été reconnus : le groupe Bolloré, la Compagnie nationale du Rhône et Sodetrel. Ce fut le cas, en premier, pour le groupe Bolloré, par un décret paru en février 2015, pour la réalisation d'un programme d'installation de 16 000 points de charge publics dans quatre-vingt-quatorze départements d'ici à 2019. Cela correspondait à la prescription que la loi faisait d'une couverture équilibrée du territoire. On constate aujourd'hui que ce qui avait été programmé n'a pas été tenu. Je ne renie nullement la loi de 2014, qui était un bon texte, accompagnant toutes les initiatives, publiques et privées, et traduisant la volonté du législateur : le déploiement d'une couverture maximale permettant que tous nos concitoyens aient un égal accès à la nouvelle mobilité électrique, pour éviter que ne subsistent des zones « grises », sinon des zones « blanches », comme cela a été le cas pour la téléphonie mobile. Cet objectif, qui nous est commun depuis des années, demeure, et demeurera lors de la prochaine législature. Parce que le déploiement se fait, mais à trop petite vitesse, cette table ronde a pour objet de dresser l'état des lieux, et j'engage fortement ceux qui siégeront au cours des prochains mois dans notre Assemblée à poursuivre ce travail, sur le plan législatif si nécessaire et surtout par des mises au point avec les opérateurs.
Une voiture est utilisée, en moyenne, 4 % du temps, moins d'une heure par jour, si ce n'est pour les flottes de véhicules ou les taxis, pour lesquels on est amené à prévoir des bornes de recharge spécifiques. Étant donné cette utilisation si brève, si j'ai un conseil à donner aujourd'hui, c'est d'éviter d'investir dans un véhicule particulier. Les usages ont changé, en effet, et nous sommes entrés dans l'ère du « transport 2.0 ». Avec l'auto-partage, on va essayer de passer de 4 % à 40 ou 50 % de temps d'utilisation du véhicule ; on parle aussi de co-voiturage de type Blablacar ou encore de voiture autonome. Il faut tenir compte de ces aspects technologiques, qui auront un impact important sur la manière dont on sera transporté à l'avenir, et ne pas rester arc-bouté sur un modèle consistant à investir dans l'installation de millions de bornes de recharge électriques destinées à des gens qui ne les utiliseront jamais. Le problème économique qui sous-tend l'investissement dans ce réseau de charge est réel et doit être pris en considération.
Permettez-moi de souligner que nous ne sommes pas réunis pour débattre de l'utilisation des véhicules mais parce que le groupe Bolloré a été retenu comme l'un des opérateurs de dimension nationale pour l'installation des bornes de recharge pour véhicules électriques. Ce qui intéresse l'ensemble des parlementaires, c'est l'état d'avancement du maillage du territoire au regard de ce que la loi a enjoint et de votre programme. Je souhaite que l'on s'en tienne à ce sujet.
La métropole lilloise, dont je suis la députée, a conclu un accord avec le groupe Bolloré en 2015, et je puis témoigner que les engagements pris dans ce cadre ne sont pas respectés, ce qui a aussi une incidence sur les engagements pris par la collectivité elle-même pour les zones moins denses. Autant dire que les questions posées par la présidente de notre commission appellent une réponse claire.
La voici : aujourd'hui, il n'y a pas de justification économique à l'investissement dans un réseau de bornes de charge...
… sauf à ce que l'investissement soit financé pour moitié par l'Union européenne ou par l'ADEME, et à en avoir l'exploitation. Aujourd'hui, par le biais d'Autolib', Bluecub et Bluely, nous exploitons pratiquement la moitié des bornes installées en France. Nous savons donc quel est le coût d'utilisation d'un réseau et nous réfléchissons au moyen de le rentabiliser, car nous y avons lourdement investi, tant à Paris qu'à Londres. À Londres, nous avons repris un réseau de charge existant et nous allons passer à plus de mille points de charge à la fin de l'année. Mais l'heure de recharge est payée 3 livres sterling ; l'usager français accepterait-il de payer un tel prix, qui assure tout juste la rentabilité ? Le nombre de véhicules électriques en circulation étant très faible, le nombre de recharge et celui des utilisations de bornes sont limités, si bien qu'il est pratiquement impossible de couvrir à la fois les coûts d'investissement et les coûts d'exploitation.
Il ne faut pas oublier que les Français parcourent en moyenne 34 kilomètres par jour et que plus de 90 % des déplacements en voiture sont inférieurs à 100 kilomètres. Un véhicule électrique n'arrive donc pas à vide à son point de recharge ; aussi, l'enjeu de l'autonomie n'est pas aussi déterminant qu'on le dit. L'important est de trouver un point de charge partout où l'on stationne, de manière à pouvoir faire du « biberonnage ». Outre que cela répond à la demande des usagers, qui ne recherchent pas des stations-service, cela limite l'intensité des appels de puissance. La question de l'augmentation de l'autonomie des batteries est très importante mais la résoudre ne modifiera pas ce schéma. Il faut en venir à un réseau de recharges « du quotidien » couplé à un réseau de recharges en couloir qui seront utilisées quand on va loin, sans fantasmer sur un excès de besoin en infrastructures de recharge rapide ; l'objectif de 10 % me semble correct.
Actuellement, près de 110 000 véhicules rechargeables roulent en France, dont 97 000 sont des véhicules électriques, les autres étant des hybrides rechargeables. L'an dernier, plus de 27 000 nouveaux véhicules électriques ont été vendus, et le rythme de croissance des ventes escompté est de 40 % par an, ce qui permet d'atteindre l'objectif fixé par les pouvoirs publics dans la programmation pluriannuelle de l'énergie. Le maillage nécessaire est de 1,2 point de charge par véhicule électrique en circulation : un point de charge principal et 0,2 point pour la recharge d'appoint ; 10 % des infrastructures de recharge doivent se situer en voirie et dans des zones accessibles au public.
Pour ce qui est de la tarification, le véhicule électrique ne parviendra pas à être compétitif sans aides publiques. Ce sont les véhicules d'occasion qui permettront l'accès de tous à la mobilité électrique, aujourd'hui réservée à une certaine catégorie de population, celle des acheteurs de véhicules neufs. Aussi le marché de l'occasion doit-il être soutenu : c'est par ce biais que ce mode de mobilité se diffusera en France.
Le véhicule électrique représente aussi une remarquable opportunité de stockage de l'énergie. Les constructeurs étudient la réutilisation des batteries en seconde vie : quand elles ont perdu 25 % de leur capacité, ce qui les rend impropres à l'usage pour la mobilité, elles pourraient être réutilisées en stockage dans les bâtiments ou en stockage tampon pour l'énergie renouvelable. M. Thomas Veyrenc a aussi évoqué le branchement bidirectionnel dit vehicule-to-grid ou V2G, technologie conçue pour permettre que les batteries des véhicules électriques en stationnement alimentent le réseau général électrique lors des pics de consommation.
L'interopérabilité des infrastructures de recharge est indispensable et un décret paru le 12 janvier dernier la rend obligatoire pour toutes celles qui sont accessibles au public, en prévoyant « l'itinérance de la recharge » pour tout utilisateur, qu'il soit titulaire d'un abonnement auprès d'un opérateur de mobilité ou qu'il paye à l'acte. Le décret incite fortement à passer par les plates-formes d'interopérabilité telles que GIREVE, qui sont des agrégateurs de données. L'interopérabilité est déjà effective pour les membres du SIEL.
La question a été posée de l'équilibre territorial des infrastructures de recharge. De nombreux syndicats ruraux de l'énergie y sont très impliqués et le déploiement n'est pas uniquement urbain. Certes, les implantations dominent en Île-de-France, mais on constate une sorte de vague depuis les départements de l'Ouest, la zone la plus maillée, qui va s'amenuisant vers l'Est, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur étant également assez active.
Mieux vaut, je vous l'ai dit, répartir les stations de recharge en tous les lieux où les utilisateurs stationnent que d'être obsédé par l'installation de recharges rapides dans les centres urbains.
L'acheteur d'un véhicule neuf est, statistiquement, un homme âgé de cinquante-quatre ans, membre d'un foyer fiscal dont le revenu annuel est supérieur à 60 000 euros ; tous les autres achètent des véhicules d'occasion. Les entreprises achetant des véhicules neufs, c'est le dynamisme du marché du véhicule électrique en entreprise qui donnera accès à ces véhicules à tous les Français, car il induira le développement consécutif du marché de l'occasion. Jusqu'à présent, l'acquisition de véhicules électriques par les entreprises n'allait pas de soi, leur coût global de possession étant supérieur à celui de véhicules thermiques. La loi de finances pour 2017 a introduit des modalités d'amortissement spécifiques dont nous espérons qu'elles auront un effet bénéfique sur le développement de ce marché ; il faudra en faire le bilan dans un an.
L'engagement des pétroliers est inégal mais certains s'engagent. Ainsi, le groupe Total a fait l'acquisition du fabricant de batteries Saft et annoncé qu'il équiperait l'ensemble de ses stations-service.
Je pourrais reprendre à mon compte l'intégralité des propos qui viennent d'être tenus, en ajoutant qu'une révolution des usages est en marche et qu'une mutation aussi profonde ne peut avoir lieu sans l'appui de la puissance publique. Je confirme les propos de M. Didier Marginèdes : le déploiement d'un réseau de bornes de recharge électrique n'est pas viable économiquement pour les acteurs privés seuls. On l'a vu pour les énergies renouvelables : sans le soutien financier de l'État, la massification à laquelle on assiste n'aurait pas eu lieu, non plus que la rentabilité à laquelle on arrive. Le rôle de l'État est donc déterminant dans le développement de la mobilité durable.
L'interopérabilité a pour avantage la transparence, tant sur la consommation que sur la provenance de l'énergie consommée. La France métropolitaine a la chance de disposer d'une source d'énergie décarbonée, mais à Marie-Galante le développement des véhicules électriques est quasiment impossible puisque l'électricité utilisée serait issue du fioul lourd.
Le représentant de RTE a très bien décrit le rôle que joueront les véhicules électriques dans le fonctionnement du réseau général d'électricité et les possibilités de stockage – insuffisamment maîtrisées aujourd'hui – permises par les batteries embarquées. À Pékin, d'où je reviens, j'ai été frappée par le développement, en quelques années, du parc de deux-roues électriques. Cette mutation n'a pas commencé en France. Pour ce qui nous concerne, nous travaillons à l'installation sur la « ViaRhôna » de bornes d'alimentation électrique à partir d'énergie solaire.
La Compagnie nationale du Rhône, qui compte 183 collectivités à son capital, conduit des missions d'intérêt général à leur bénéfice. Dans ce cadre, nous avons installé un couloir électrique le long du fleuve. C'est pour nous l'occasion de travailler à l'interopérabilité et à la contribution des véhicules électriques au réseau général. Nous n'avons pas vocation à nous développer au-delà, sauf à trouver une pertinence économique. Je n'y suis pas opposée mais, je vous l'ai dit, le développement du couloir électrique le long du Rhône actuel s'est fait, avec l'accord de nos actionnaires, hors de toute considération de rentabilité.
Enfin, c'est GIREVE qui pilote l'application de la convention passée avec le SIEL ; je ne suis donc pas en mesure de vous donner les informations que vous souhaitiez, Monsieur Dino Cinieri.
Sodetrel pratique la péréquation tarifaire. Sans abonnement, le tarif appliqué partout en France, en charge rapide, est de 1 euro pour cinq minutes de charge; il en coûte donc 4 euros pour un plein.
Beaucoup a été dit au sujet de l'interopérabilité. Hors de France et notamment dans les pays nordiques, beaucoup utilisent des applications mobiles qui permettent de recharger son véhicule très facilement, sans être abonné. En complément des plates-formes, je crois beaucoup à ce système et je pense que la question de l'interopérabilité sera bientôt derrière nous.
Confrontés à la rébellion des riverains potentiels qui, allergiques au bruit infernal des deux-roues thermiques des livreurs, se liguaient contre l'ouverture de nouveaux points de vente de Dominos'Pizza en ville, les dirigeants de cette société ont décidé que partout où une ouverture de nouvelle boutique aurait lieu, les livraisons seraient faites en deux-roues électriques. Nous fournissons les points de charge qui permettent des recharges simples et peu coûteuses. Cet exemple montre que l'électrification des deux-roues et des véhicules à usage professionnel avance rapidement, sous la pression de la population.
J'en viens aux points de charge en centre-ville et aux copropriétés. Je reviens d'Oslo, où les véhicules électriques représentent 30 % des ventes. On y trouve des bornes très simples, partout, et les véhicules sont mis en charge aussitôt qu'ils se garent ; c'est très efficace. Il en est de même à Amsterdam. Ces exemples intéressants montrent quelle solution pourrait être apportée aux propriétaires de véhicules électriques habitant des copropriétés dépourvues de parking.
Pour ce qui est enfin du smart charging, j'appuie ce qu'a dit M. Thomas Veyrenc : il y a, pour commencer, beaucoup à faire en termes d'optimisation locale avant d'en venir à des solutions telles que le V2G, qui n'est pas encore entièrement opérationnel – je ne sais ce que diront les constructeurs automobiles lorsque tous les véhicules se chargeront et se déchargeront tous les jours, ni quel sera l'état des batteries… Avant d'en arriver là, nous disposons de solutions très accessibles, qui existent depuis longtemps et qui permettront de progresser vers l'insertion de la mobilité dans le système électrique.
J'ai dit que l'ADEME est opérateur du programme d'investissements d'avenir, cela signifie gestionnaire d'un programme d'aide financière, et non opérateur de réseau. Les zones blanches auxquelles je faisais référence sont un constat de fait, a posteriori, fondé sur l'ensemble des informations de terrain et des projets qui ont été présentés par les collectivités territoriales. Si les deux zones auxquelles j'ai fait référence sont aujourd'hui blanches, ce n'est pas le fait d'une volonté nationale de ne pas investir dans ces territoires. Simplement, les collectivités locales de ces territoires n'ont pas répondu à l'appel à projets du PIA.
Conscients de ce sujet, nous avons ouvert un nouvel appel à projets, plus modeste, en septembre 2016. Il privilégie ces zones afin qu'elles puissent s'inscrire dans ce dispositif si c'est leur souhait. Cet appel à projets est encore ouvert.
S'agissant de l'interopérabilité et de la monétisation, nous partageons entièrement les propos des orateurs précédents. Signalons l'action centrale de GIREVE, qui doit être consolidée pour devenir la plateforme nationale, voire européenne, d'interopérabilité et de mobilité électrique.
Je regrette le départ du représentant du groupe Bolloré, car j'avais une question à lui poser.
Il m'avait prévenue qu'il avait un engagement à onze heures trente ; son départ était prévu.
Je tiens à préciser au nom de la FNCCR que nous ne nous sommes jamais opposés au déploiement du réseau porté par le groupe Bolloré. La plupart des syndicats d'énergie nous expliquent que le plan Bolloré était construit avant même d'être déposé à l'agrément. Quand les représentants de ce groupe sont venus nous voir, ils nous ont présenté des cartes avec des déploiements tout faits. Or le minimum que l'on peut exiger d'un opérateur qui souhaite déployer un réseau à l'échelle du pays est de tenir compte des paramètres factuels. En l'espèce, des réseaux sont en cours de déploiement, portés par des collectivités, auxquels il pouvait s'intégrer. Le constat a été rappelé par une parlementaire : à ce jour, nous ne voyons pas de bornes installées par le groupe Bolloré.
En réponse à plusieurs interventions, nous pensons que le modèle de déploiement du réseau de charge va profondément évoluer en fonction de l'autonomie des véhicules et de l'usage pendulaire : le véhicule électrique va devenir d'usage courant. Cet usage implique la recharge stationnaire, domestique, et des recharges rapides liées à l'itinérance et au souhait de ne pas perdre trop de temps sur une infrastructure de charge.
Selon nous, le marché du véhicule électrique a atteint un palier. Peu d'évolutions interviendront d'ici à 2019, année pour laquelle tous les grands constructeurs ont annoncé une généralisation de ces véhicules dans leur gamme, à partir du second semestre. Je pense que le mondial de l'automobile de Paris en 2018 nous en apportera totalement la preuve.
Pour l'itinérance et l'interopérabilité, rappelons qu'il s'agit d'un système extraordinairement complexe. L'extrême lenteur de l'acheminement des données entre les différentes plateformes et serveurs qui s'ajoutent pour chaque autorisation aboutit à ce que le véhicule se découple de la borne, car l'ordre de charge a trop tardé. L'utilisateur est alors obligé de ré-initier toute cette procédure. Ajoutons que le dialogue entre le véhicule et le serveur géré par l'opérateur de mobilité est souvent acheminé en 2G. Bien souvent, les usagers interprètent ces problèmes comme un défaut de fonctionnement de la borne alors qu'elle fonctionne très bien, mais a beaucoup de mal à acheminer les ordres ou à les recevoir.
De plus en plus de clients arrivent dans les départements touristiques avec ce type de véhicules et sollicitent la possibilité d'accéder à des points de charge. Je ne sais pas si c'est aux collectivités d'apporter des réponses ; je tendrais plutôt à penser que ce sont les professionnels qui doivent s'emparer de ce sujet, et je peux vous témoigner qu'il est à l'ordre du jour dans les fédérations de l'hôtellerie et de l'hôtellerie de plein air.
Les nouveaux usages dépendent des nouvelles capacités de déplacement, ce qui doit nous pousser à réfléchir au réseau que nous constituons, et à la manière dont il devra évoluer dans les années prochaines pour s'adapter à ces usages.
Quant aux gares, toutes ont vocation à être équipées de points de charge, sachant qu'un usager qui prend le train le matin revient souvent le soir, ce qui fait de son véhicule un véhicule ventouse sur un point de charge. Ce n'est pas forcément négatif si cela peut encourager à utiliser ce type de véhicules et laisser en gare cet élément de mobilité individuelle pour recourir ensuite aux transports collectifs, vecteurs essentiels de mobilité durable.
Nous raccordons les stations que Tesla installe en ce moment. Aujourd'hui, cinquante et une stations sont raccordées, chacune regroupant six à huit points de charge. Ce sont des superchargeurs de 110 kilowatts. Tesla nous a demandé de travailler sur une trentaine de stations complémentaires, sachant que certaines de leurs stations à huit points de charge commencent à être saturées. Tesla poursuit donc son déploiement, et au moins la moitié de ses stations sont équipées d'un point de charge accessible à d'autres voitures électriques.
Tesla a aussi développé les points de charge pour les destinations touristiques. Ils fournissent une borne aux hôtels qui en font la demande. Aujourd'hui, cent cinquante stations, de deux à quatre points de charge, sont ainsi équipées. Ce nombre devrait doubler dans l'année.
Quant à la facturation de la recharge, les voitures achetées jusqu'à présent ont la recharge gratuite à vie ; les nouvelles voitures devront payer 20 euros par charge sur les bornes Tesla.
S'agissant des coûts d'adaptation du réseau, aujourd'hui, il n'y a pas d'impact perceptible, nous arrivons à connecter les stations Tesla de 1 mégawatt, à huit points de charge de 110 kilowatts. À l'horizon 2030, le chiffre annoncé était de 1 000 euros par voiture, pour un total de 6 milliards, mais nous sommes en train de reprendre ce calcul de façon très précise, en prenant en compte des répartitions différenciées selon les puissances de bornes. Les premiers résultats de ces calculs tomberont dans les semaines à venir, ce qui nous permettra d'affiner ce chiffre.
Le pilotage de la recharge est un point très important : les fournisseurs de solutions sont encore rares et nous travaillons avec l'Avere afin que les installateurs qui expérimentent précisément des solutions puissent les industrialiser et les commercialiser, ce qui permettra aux opérateurs et aux acteurs de la construction, comme les copropriétés, de les mettre en oeuvre.
Plus le temps de recharge par les bornes est lent, plus la consommation est diffuse, ce qui est positif. Il ne faut pas pour autant interdire les recharges rapides – il y en aura –, mais il convient d'être attentif au panachage entre bornes lentes et bornes rapides. Tout le monde n'aura pas besoin d'une recharge rapide ; il reviendra aux acteurs de la distribution de veiller à ce que les bornes rapides ne soient pas concentrées en une même zone. Un panachage intelligent permettra de modérer l'effet sur le système électrique.
Je me garderai de tirer des conclusions à partir de chiffres extrêmes, par exemple en multipliant la puissance unitaire de la recharge la plus rapide par le nombre de véhicules électriques, car un tel volume serait irréaliste. L'exemple des recharges lentes de véhicules garés toute la journée ou à des heures plus pertinentes pour le système électrique était intéressant : il montre qu'il existe des situations par lesquelles on peut éviter les recharges immédiates ou très rapides au moment délicat du pic du matin.
J'en viens à l'utilisation du stockage soit dans le véhicule, soit derrière les bornes. Nous pensons que l'on peut utiliser au mieux ce potentiel de stockage pour optimiser le fonctionnement du système, éviter d'aboutir à des sommes de plusieurs milliards d'euros et parvenir à un développement adapté du véhicule électrique s'inscrivant dans les trajectoires de transition énergétique qui ont été définies. Dès lors, les objectifs de programmation pluriannuelle de l'énergie, c'est-à-dire 4,5 millions de véhicules électriques, 7 millions de points de recharge dont 10 % en accès libre selon la répartition évoquée, ne seraient plus des scénarios de science-fiction.
Enfin, les flottes d'entreprise – dans lesquelles les basculements peuvent être importants – et le marché des véhicules d'occasion sont les domaines que l'on peine le plus à modéliser. Or, pour anticiper l'incidence du développement du véhicule électrique et du déploiement des bornes de recharge, nous devons nous appuyer sur des hypothèses concrètes. Il est important d'y voir clair dans un contexte où les usages sont en constante évolution. C'est pourquoi il est essentiel que les différentes parties prenantes s'associent et que l'on dresse régulièrement des bilans d'étape pour évaluer l'état du déploiement des bornes, l'équilibre entre recharge rapide et recharge lente ou encore la situation relative aux véhicules d'entreprise. La coordination est extrêmement utile pour tous les acteurs de ce déploiement.
Je vous remercie pour ces échanges passionnants, parfois vifs. Nous sommes loin d'avoir achevé l'étude de ces sujets en perpétuelle évolution, dont le législateur devra bientôt se saisir à nouveau.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 8 février 2017 à 9 h 30
Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, M. Marcel Bonnot, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Karine Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Fabrice Verdier
Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. Franck Gilard, Mme Pascale Got, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-Claude Mathis, M. Philippe Naillet, M. Germinal Peiro, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin
Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Chevrollier, M. Alain Leboeuf, M. Gilles Lurton, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch