Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 14 février 2017 à 15h00
Réforme de la prescription en matière pénale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui en nouvelle lecture illustre bien la très grande qualité du travail législatif que nous pouvons mener, comme cela a souvent été le cas au sein de la commission des lois de notre assemblée au cours des cinq dernières années.

Ce texte procède d’abord d’une méthode. Élaboré par Alain Tourret et Georges Fenech, il a été, comme il convient pour des lois de cette portée, précédé d’une mission d’information créée par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Après de nombreuses auditions organisées par nos deux collègues, cette mission a formulé quatorze propositions tendant à réformer le régime de la prescription en matière pénale et ainsi avancé, de façon éclairée, vers un texte difficile, maintes fois abandonné et pourtant très attendu.

D’autres travaux, réalisés dès avant cette législature, ont contribué à tracer ce chemin. Le monde universitaire, le monde judiciaire, la société civile dans son ensemble et les associations de victimes en particulier partagent le constat selon lequel les règles légales et jurisprudentielles régissant la prescription de l’action publique et la prescription des peines sont inadaptées aux attentes sociales ainsi qu’au travail répressif de la justice, incohérentes et peu lisibles.

Ce texte est également le fruit d’une coconstruction avec le Gouvernement, en particulier avec M. le garde des sceaux, au service d’une ambition et d’une volonté de faire correspondre le droit et les attentes de la société. Un État de droit respecté impose ce travail d’adaptation aux nouvelles exigences de la société comme à celle de sécurité juridique. Tel est bien notre tâche de députés : prendre en compte les attentes de la société et, depuis la révision constitutionnelle de 2008, contrôler l’application de la loi.

Ce texte procède par ailleurs d’une ambition légitime servie par la qualité et la persévérance des deux rapporteurs, ainsi que par leur bonne connaissance du sujet à tous deux. Ils ont su prendre en compte les avancées jurisprudentielles de juges ayant souvent dressé, collégialement, le constat selon lequel le pardon légal n’est plus admis par la société dans les conditions actuelles et qu’il est ressenti comme la sanction de l’exercice tardif de la justice et un régulateur de son action. Fort heureusement, des décisions jurisprudentielles ont montré la voie de cette réforme, par exemple en anticipant avec bon sens la computation du délai de prescription.

Ce texte apporte aussi une clarification. En effet, il contribue à clarifier le régime juridique de la prescription dans le cadre de la politique de simplification de l’action publique engagée par le Président de la République et la majorité depuis le début du quinquennat. Cette simplification consiste à refondre les textes précédents et la jurisprudence issue de leur application afin de fixer des règles générales claires, lisibles et simples pour tous les délais de prescription.

À l’heure actuelle, même si les citoyens l’ignorent, l’éclatement et la complexité des textes sont tels que l’on en vient à ne plus savoir quand le délai de prescription commence à courir, ce qui impose au juge un réel travail. L’adaptation des textes par la jurisprudence s’explique par l’imprécision de la loi et surtout par son décalage avec l’évolution de la société. Or, la loi n’est pas faite pour se perdre dans des détails qui lui ôtent tout son sens. Elle doit former le socle commun à tous et définir les grandes lignes, les grands axes et les définitions générales. C’est ce à quoi procède ce texte en formulant les principes généraux en matière de prescription et de justice.

Il faut concilier deux impératifs. D’une part, il faut assurer la sécurité juridique des citoyens. À cet effet, il convient que chacun puisse anticiper précisément les délais applicables à l’instance juridictionnelle dont il relève et connaître les événements faisant courir le délai de prescription. Les notions de prévention et de clarté qui composent le principe de sécurité juridique sont ici essentielles. C’est pourquoi une harmonisation des délais de prescription de l’action publique et des peines s’imposait.

D’autre part, il faut adhérer au plus près à la réalité de notre société et satisfaire l’exigence de justice exprimée par les victimes en particulier et les citoyens en général en allongeant les délais de prescription. Cet impératif de justice et de sécurité me semble bien traduit par un amendement adopté en commission des lois selon lequel les plaintes adressées par la victime à un fonctionnaire auquel la mise en mouvement de l’action publique est confiée par la loi sont désormais interruptives de prescription.

Des magistrats m’ont récemment fait observer qu’ils croulent sous une avalanche de textes et de circulaires. Ce texte générera sans doute d’autres circulaires – tel est en effet le paradoxe de la simplification poursuivie : elle est elle-même source de réglementation. Comme d’autres que nous avons votés, ce texte vise à adapter la justice au nouveau visage de la France. J’ai entendu ce message et le soumets à la réflexion et la sagacité de l’exécutif, qui en appréciera la portée utile.

Enfin, l’article 3 qui allonge de trois mois à un an le délai de prescription applicable aux contenus publiés en ligne dès lors qu’ils ne le sont pas également sur un support papier va à l’encontre de toute analyse juridique sérieuse. Adoptée à l’initiative du Sénat, cette disposition entache inutilement un texte rigoureux, élaboré à l’abri des passions et des lobbies. Nous aurons à coeur de la supprimer dans le cadre du dernier débat.

Je dirai pour conclure que j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler au sein de la commission des lois avec les gardes des sceaux successifs et autant de fierté à avoir défendu, travaillé et voté des textes importants avec vous, chers collègues. Comme vous, monsieur le garde des sceaux, j’estime qu’un vent de modernité doit souffler sur nos procédures. Je souscris pleinement aux propositions que vous avez esquissées à cet effet. Je connais votre diligence et votre ténacité en la matière. Peut-être nous retrouverons-nous pour y travailler !

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