Intervention de Georges Fenech

Séance en hémicycle du 16 février 2017 à 9h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

Permettez-moi de m’adresser à vous depuis ma place car je ne résiste pas à cette image symbolique de me retrouver aux côtés de mon collègue Alain Marsaud. Nous sommes, l’un et l’autre, d’anciens magistrats. Quand on l’a été, on le reste sans doute toujours.

Par les temps qui courent, je voudrais marquer, par cette image, le symbole d’une justice malmenée depuis très longtemps. L’institution est au coeur de notre pacte républicain, et il faudra bien, un jour ou l’autre, monsieur le garde des sceaux, éradiquer toute forme de soupçon qui pourrait peser sur l’exercice de la justice ou son indépendance. Je parle sous le contrôle d’André Vallini car nous sommes d’accord sur ce point. Je n’oublierai jamais la commission d’enquête Outreau à laquelle nous avons participé sous sa présidence et qui fut un grand moment de vérité et de justice.

Ensemble, nous avons manqué une occasion, celle de réformer le Conseil supérieur de la magistrature. Nous étions en parfait accord avec vous mais nous avons échoué pour des raisons de calendrier politique. Or, nous devrons bien, un jour, réussir à garantir totalement l’indépendance de la justice. Du chemin reste à faire, notamment en ce qui concerne le statut du parquet et le mode de nomination des procureurs. Nous le voyons bien aujourd’hui, des soupçons viennent entacher des faits qui devraient rester en dehors de tout débat politique. Nous y arriverons, j’en suis convaincu. Nous avons déjà beaucoup cheminé, en interdisant les instructions individuelles, en renforçant les pouvoirs du juge, notamment ceux du juge des libertés et de la détention. Mais il reste du travail.

Je voulais vous dire aussi tout le plaisir que nous avons eu à travailler sous votre présidence en commission des lois, monsieur le ministre. Vous avez toujours été à l’écoute, jamais méprisant, toujours ouvert à l’opposition, ce qui nous a permis de réaliser un travail fructueux dont la preuve nous est aujourd’hui fournie par ce texte très consensuel, qui nous réunit tous et qui fait planer dans cet hémicycle un certain parfum de sérénité. Cependant – car j’ai bien entendu votre propos –, cela n’enlève rien à notre inquiétude quant aux incertitudes de l’avenir.

Je remercie à nouveau chaleureusement Alain Tourret de m’avoir fait confiance en m’associant à cette grande loi relative à la prescription. Le sujet fait débat encore aujourd’hui, parce que l’actualité nous rattrape. Mais nous aurons l’occasion d’expliquer, lors de la conférence de presse qui se tiendra tout à l’heure, que ce texte n’était aucunement teinté de quelque arrière-pensée que ce soit s’agissant de prétendues « amnisties déguisées » ou autres. Nous sommes parfaitement sereins au sujet de ce dispositif et de cette nouvelle justice. Celle-ci fonctionnera désormais avec son temps. Il fallait, je l’ai dit à plusieurs reprises, moderniser et rendre cohérentes les différentes réformes législatives et jurisprudentielles qui avaient rendu notre système de prescription incohérent et « chaotique », pour reprendre le mot du procureur général près la Cour de cassation.

Nous éprouvons beaucoup de satisfaction, et même, disons-le, une certaine fierté, que ce soit sur l’initiative du Parlement que cette loi ait pu arriver jusqu’à son terme – grâce à votre soutien, monsieur le ministre, et à celui de votre prédécesseur.

Je souhaitais m’arrêter sur cette image symbolique d’une culture qui est la nôtre, une culture de l’équilibre, de l’objectivité, ce qui n’exclut nullement un authentique et sain débat démocratique où se manifestent des divergences d’appréciation sur les politiques pénales ou sur d’autres sujets. Quand l’essentiel est en jeu – je veux parler de l’indépendance de la justice, ou encore de principes fondamentaux tels que ce texte sur la prescription les établit –, nous nous retrouvons.

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