Intervention de Jean-Louis Destans

Réunion du 15 février 2017 à 17h00
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Destans, rapporteur :

Avant toute chose, je voudrais m'associer aux remerciements que vient d'adresser notre président aux administrateurs des services des affaires internationales et européennes qui nous ont permis de rédiger notre rapport dans les délais voulus, ainsi qu'aux rédacteurs des comptes rendus.

Notre mission d'information achève aujourd'hui ses travaux, qui ont été conduits à un rythme particulièrement soutenu depuis octobre, à raison de trente-quatre auditions ayant donné lieu à compte rendu, pour une durée totale de plus de trente-cinq heures. Ces auditions nous ont permis de recueillir une information complète sur les relations bilatérales entre la France et l'Azerbaïdjan.

Je rappellerai brièvement l'origine de cette mission d'information, créée par la conférence des Présidents le 12 juillet 2016, à la demande du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) faisant usage de son « droit de tirage » prévu par le Règlement de l'Assemblée nationale.

Pour ce qui est de ses spécificités, elles ont d'abord trait à son domaine : aux termes de la Constitution, les affaires étrangères relèvent principalement de l'Exécutif, et le Parlement ne peut agir dans ce domaine qu'avec prudence et avec le souci de ne pas brouiller la politique menée par la France. Il s'agit ensuite du rôle de notre pays comme médiateur dans le conflit au Haut-Karabagh, en tant que co-président du Groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), depuis 1997, aux côtés des États-Unis et de la Russie.

Ce rapport n'a exclu aucune question et n'a été soumis à aucune autorité politique ou administrative. Il traite de tous les sujets, si difficiles soient-ils.

Il rappelle en premier lieu le contexte international et économique qui est celui de l'Azerbaïdjan, et dans lequel s'inscrivent par conséquent ses relations avec la France.

Ce pays, qui compte 9,5 millions d'habitants pour 86 000 kilomètres carrés, est un État jeune. Il n'a accédé de manière pérenne à l'indépendance que très récemment, en 1991, à l'occasion de l'effondrement de l'Union soviétique. Il n'avait auparavant connu qu'une très brève période d'indépendance, entre 1918 et 1920.

Son indépendance, l'Azerbaïdjan l'a acquise dans des conditions particulières, alors même que le conflit du Haut-Karabagh avec l'Arménie venait d'éclater, en 1988, et qu'il ne contrôlait donc pas la totalité du territoire qui lui est internationalement reconnu.

Ce conflit, qui oppose deux peuples ayant chacun subi les tourments de l'histoire, a aussi pour l'Azerbaïdjan une dimension interne, avec la question des plusieurs centaines de milliers de réfugiés et de déplacés. Il a d'ailleurs engendré une grande instabilité politique jusqu'à l'accession à la présidence de Heydar Aliev en 1993.

Il n'est pas achevé, puisque la médiation commencée en 1992 n'a pas abouti, en dépit des efforts du Groupe de Minsk ; il peut encore connaître des poussées de violence, comme l'a montré la reprise des hostilités pendant l'épisode de la « guerre des quatre jours », en avril dernier.

Le conflit du Haut-Karabagh s'est ajouté aux autres grandes contraintes qui s'imposent à l'Azerbaïdjan en matière de politique étrangère. Le pays est en effet enclavé entre la Russie et l'Iran, les deux anciennes puissances dominantes qui se sont longtemps disputé son territoire, et il est à la lisière de l'arc de crise qui traverse l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, actuellement en proie au terrorisme – Daech n'est pas loin.

Pour sortir de cette situation, les présidents azerbaïdjanais – Heydar Aliev, puis son fils Ilham Aliev – ont donc joué la carte de la proximité culturelle et linguistique avec la Turquie – Heydar Aliev disait : « une nation, deux États » – et aussi celle des ressources énergétiques du pays et de sa géographie. Sa position est, en effet, du point de vue européen et américain, stratégique pour l'accès au pétrole et au gaz naturel de la mer Caspienne. L'Azerbaïdjan est l'une des voies et des sources d'approvisionnement alternatives aux fournisseurs traditionnels, notamment la Russie.

L'Azerbaïdjan reste attaché à une politique extérieure mesurée d'indépendance et de stabilité, fondée sur des relations équilibrées et prudentes avec ses voisins directs, notamment la Russie et l'Iran, ainsi que sur une certaine retenue dans les relations avec l'Ouest, notamment vis-à-vis de l'OTAN et de l'Union européenne – en excluant toute adhésion à la première, contrairement à son voisin la Géorgie.

Il a su respecter les conditions implicites posées par la Russie aux pays de son voisinage. Il a, par ailleurs, veillé à intégrer les grandes organisations de coopération et de sécurité régionale, à savoir l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Conseil de l'Europe et l'Organisation de la coopération islamique.

C'est donc avec la seule Arménie que les relations sont tendues.

Sur le plan économique, la dépendance de l'Azerbaïdjan vis-à-vis de ses hydrocarbures – gaz naturel et pétrole – est une fragilité. Après avoir profité de l'augmentation, puis du haut niveau des cours du pétrole et du gaz naturel entre 2003 et 2014, il a subi de plein fouet la baisse des cours, et cherche depuis lors à diversifier son économie et ses ressources budgétaires.

C'est un impératif dont ses dirigeants avaient conscience, et qui est seulement apparu plus urgent. En effet, à long terme, les réserves en hydrocarbures du pays sont assez limitées et plus coûteuses que d'autres à extraire, et ses capacités d'exportation réduites par l'importance de la consommation intérieure. En outre, les perspectives un moment envisagées de transit par son territoire de gaz venant d'Asie centrale ou d'Iran à travers le Corridor Sud ne se sont pas concrétisées.

J'en viens maintenant aux relations entre la France et l'Azerbaïdjan.

Pour ce qui est des relations économiques, l'Azerbaïdjan n'est pas un partenaire commercial majeur pour notre pays, puisque nos échanges bilatéraux ne se sont élevés qu'à 1,3 milliard d'euros en 2015. Ils sont fortement déficitaires en notre défaveur, puisque la France a importé pour 1,12 milliard d'euros d'hydrocarbures alors que nos exportations, qui sont à l'inverse très diversifiées, n'ont représenté que 175 millions d'euros. C'est cependant le premier partenaire de la France dans la région.

En raison de ses importantes ressources en pétrole et en gaz, l'Azerbaïdjan a très tôt intéressé les entreprises françaises, à commencer par les groupes Engie et Total. Engie a ainsi signé un contrat à long terme pour la fourniture de gaz naturel issu du champ de Shah Deniz, portant sur des volumes annuels de 2,5 milliards de mètres cubes ; quant à Total, il détient 40 % du champ de gaz d'Apchéron, dont la production devrait avoisiner les 5 milliards de mètres cubes par an à compter de 2019.

Outre ces deux sociétés, une quarantaine d'entreprises françaises sont aujourd'hui actives en Azerbaïdjan, parmi lesquelles Thales, Alstom, Lactalis et Suez, dont nous avons auditionné les représentants. Toutefois, à l'exception d'Alstom, qui a signé en 2014 un contrat de vente de locomotives pour un montant de 288 millions d'euros, les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises françaises en Azerbaïdjan sont relativement modestes et, pour aucune d'entre elles, ce pays ne représente un marché important. Toutes nous ont cependant dit qu'il restait prometteur, malgré les difficultés résultant de la baisse des cours du pétrole et une concurrence croissante, en particulier de la part des entreprises turques.

En outre, l'Azerbaïdjan met aujourd'hui en oeuvre une stratégie de diversification de son économie, ce qui constitue incontestablement une opportunité pour nos entreprises, notamment dans les secteurs où elles sont reconnues pour leur excellence, comme le tourisme, l'environnement ou les transports. L'Azerbaïdjan reste toutefois un marché compliqué, à cause d'une administration dont les pratiques restent encore marquées par l'ère soviétique. Le pays figure ainsi au 5e échelon du classement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par niveau de risque – qui en compte 7 par ordre croissant – et au 65e rang du classement Doing Business établi par la Banque mondiale.

Une partie du travail de notre ambassade à Bakou consiste donc à venir en aide aux entreprises françaises en proie à des difficultés – le plus souvent avec succès. L'appui de l'État est aussi déterminant pour l'obtention des contrats, qu'il s'agisse de l'appui politique, par exemple sous la forme de visites présidentielles, ou d'un appui financier via la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) ou l'Agence française de développement (AFD).

Cependant, toutes les entreprises que nous avons entendues nous ont indiqué que les principaux facteurs de succès sont économiques, c'est-à-dire liés à la qualité de leur offre et à son prix, en particulier dans les hydrocarbures. Interrogées sur la corruption, elles ont affirmé avec force leur refus de ces pratiques et détaillé les procédures qu'elles ont mises en place pour les détecter et les combattre.

Enfin, pour en terminer avec les relations économiques, il convient de souligner que des progrès significatifs ont été récemment réalisés par l'Azerbaïdjan afin d'améliorer l'environnement des affaires. La suppression de l'Agence pour les appels d'offres constitue un indéniable progrès, de même que la création de l'Agence d'État pour le service public et l'innovation sociale (ASAN), qui permet la délivrance de certains documents administratifs, dont les licences d'activité économique. Enfin, des réformes plus structurelles ont été engagées, comme la création d'une autorité de supervision bancaire, l'adhésion au Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE, ou encore le renforcement de la lutte contre le blanchiment des capitaux.

J'en viens maintenant aux relations politiques entre la France et l'Azerbaïdjan. Du fait de la position centrale que ce pays occupe dans une région stratégique et des relations de confiance qu'il a avec les autres États, entretenir de bonnes relations avec l'Azerbaïdjan représente un atout majeur pour la France et sa politique dans le Caucase.

Il faut donc se réjouir que ces relations soient, d'une manière générale, excellentes, comme en témoignent les très nombreuses visites bilatérales au plus haut niveau. Les présidents Heydar Aliev, en 1993, et Ilham Aliev, en 2004, ont réservé à la France leur première visite à l'étranger, et les deux derniers présidents français se sont rendus trois fois en Azerbaïdjan – la dernière fois en 2014. Les visites ministérielles sont également nombreuses, mais les relations parlementaires plus espacées. La dernière visite du groupe d'amitié France-Azerbaïdjan remonte à 2008, et celle du groupe d'amitié Azerbaïdjan-France, présidé par Mme Mehriban Alieva, a eu lieu en 2013.

La teneur de ces relations politiques facilite non seulement les relations économiques, mais également d'autres formes de coopération, en particulier la coopération en matière universitaire, qui s'est concrétisée par la création de l'Université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ), inaugurée le 15 septembre 2016. Entièrement financée par l'Azerbaïdjan, elle participe, avec le Lycée français et l'Institut français de Bakou, au rayonnement de la France et de la langue française dans le pays. En revanche, la coopération en matière de défense entre notre pays et l'Azerbaïdjan est quasi inexistante.

De son côté, l'Azerbaïdjan a également développé une diplomatie culturelle qui, dans notre pays, est principalement mise en oeuvre par la Fondation Heydar Aliev, que préside l'épouse du président. À titre d'exemple, elle a soutenu la création du département des arts de l'islam au Louvre, ainsi que d'autres actions dans le domaine de la restauration du patrimoine.

Pour sa part, la coopération décentralisée est à la fois récente et très limitée puisqu'elle prend principalement la forme très ténue de chartes de jumelage, entre Tovuz et Cognac en 2014, ou de chartes d'amitié et de coopération, entre Yevlakh et Mulhouse et entre Gusar et Megève en 2014, ainsi qu'entre Sheki et Colmar et entre Ismayili et Évian-les-Bains en 2015. Elle est bien moins développée avec l'Azerbaïdjan qu'avec l'Arménie, par exemple, en dépit des efforts fournis par Bakou.

La troisième partie du rapport concerne le sujet, difficile, de la situation des libertés démocratiques et des droits de l'Homme dans le pays, qui est problématique.

Les différentes personnalités qui sont intervenues sur la question, M. Jean-Pierre Lacroix, directeur des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie au ministère des affaires étrangères, notre collègue Pierre-Yves Le Borgn', rapporteur de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) sur la mise en oeuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), M. Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'Homme, ainsi que des représentants de Reporters sans frontières, et d'Amnesty International, notamment, nous ont fait part de leurs analyses convergentes.

Je ne reprendrai pas le détail de leurs constats, mais uniquement les principaux éléments.

Sur le plan politique, ont été ainsi été soulignés l'insuffisance du débat démocratique, très réduit, le caractère de plus en plus présidentiel du régime, au fur et à mesure des révisions constitutionnelles, le fait que les élections soient souvent remises en cause par la communauté internationale, car ne correspondant pas à ses normes, et la place très marginale accordée à l'opposition et à la dissidence.

Sur le plan des libertés fondamentales, la société civile est sous pression : les révisions constitutionnelles sur les droits de l'Homme ont des effets contrastés et donc ambigus ; les ONG sont soumises à un cadre juridique de plus en plus contraignant, pour leur enregistrement comme pour leur financement, ce qui rend difficile l'exercice de leurs activités. Le pluralisme des médias est très faible ; les libertés de réunion et de manifestation sont très encadrées.

Plusieurs défenseurs de droits, mais aussi des blogueurs et des journalistes font l'objet d'une répression, avec des poursuites et des incarcérations. La diffamation est pénalisée et souvent des motifs de droit commun sont invoqués pour les engager les poursuites. Nous connaissons tous les noms de ceux qui ont été mentionnés, notamment : les époux Yunus, qui ont fondé l'Institut pour la paix et la démocratie, sachant que Mme Yunus s'est vu remettre les insignes de la Légion d'honneur par le président de la République ; la journaliste Khadija Ismaïlova ; l'ancien candidat possible à la présidence de la République Ilgar Mammadov ; l'avocat Intigam Aliev.

D'après les informations que nous avons recueillies, les personnes poursuivies sont au nombre de soixante ou soixante-dix environ, ce qui peut sembler limité, mais est estimé suffisant pour créer un climat d'autocensure dans le reste de la population.

L'Azerbaïdjan se trouve ainsi dans une situation pour le moins inconfortable vis-à-vis de la communauté internationale, qu'il s'agisse des institutions du Conseil de l'Europe, qui sont très attachées aux droits de l'Homme, de l'Union européenne, avec laquelle le dialogue a été un instant suspendu, de l'OSCE, avec laquelle les relations sont difficiles, mais aussi de l'ONU, en raison notamment des rapports de M. Michel Forst.

Le pays s'est ainsi mis en difficulté en n'exécutant pas les arrêts de la CEDH, qui l'a condamné en 2014 pour l'arrestation et l'emprisonnement de l'opposant Ilgar Mammadov, candidat potentiel à l'élection présidentielle de 2013.

Mais, il faut aussi prendre en compte des éléments militant en faveur de l'atténuation de la portée de ces critiques.

Tout d'abord, l'Azerbaïdjan connaît, comme on l'a vu, une situation complexe, avec les conséquences internes du conflit du Haut-Karabagh et plusieurs centaines de milliers de personnes réfugiées et déplacées. Par ailleurs, pays musulman, il doit surveiller le risque fondamentaliste et ce que notre ancien ambassadeur en Russie, M. Jean de Gliniasty, a appelé « les premiers friselis d'agitation islamiste ».

En outre, c'est un État qui est assez avancé sur certains droits fondamentaux, par rapport à ses voisins. C'est ainsi l'un des rares pays à population essentiellement musulmane restant attaché à la laïcité, dans un environnement qui ne l'est pas ou l'est de moins en moins. C'est aussi un pays qui a aboli la peine de mort, et reconnaît les droits des femmes, qui disposent du droit de vote depuis 1918.

Par ailleurs, il faut observer que l'Azerbaïdjan n'est pas insensible à son image, que ses dirigeants ont le souci de voir considérée comme positive par la communauté internationale. À cette fin, ils répondent aux demandes et pressions internationales, comme en attestent les gestes de clémence, en certaines occasions, en faveur des personnes poursuivies et emprisonnées. Il faut rappeler la mesure de clémence intervenue lors de la fête du Novruz, en mars dernier, par laquelle 148 personnes — journalistes, militants politiques et membres d'organisations non gouvernementales (ONG) — ont été amnistiées. Plus récemment, la journaliste Khadija Ismaïlova, qui avait été emprisonnée en 2014, a été libérée, et les époux Yunus ont été libérés à la fin de 2015, puis autorisés à quitter le pays en avril 2016. Lors des auditions, il nous a été indiqué que non seulement la France, mais aussi les États-Unis et l'Union européenne avaient intercédé en faveur de ces personnes. Toutes les peines ne sont pas levées à l'occasion de ces mesures de clémence, mais cela témoigne de la capacité des États et de la société internationale à agir.

L'Azerbaïdjan veut aussi être un bon élève au sein de la société internationale. Il s'implique dans les organisations dont il est membre — il a notamment été membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies —, et il coopère également, sur le plan formel, avec les institutions qui viennent enquêter sur son territoire en matière de droits de l'Homme, comme en a témoigné M. Michel Forst lors de son audition, même si, après son départ, les autorités gouvernementales ont manifesté leur désapprobation sur le fond.

Toujours dans ce même souci de soigner son image, l'Azerbaïdjan conduit une stratégie de communication très volontariste, à travers la diplomatie culturelle notamment, au titre de laquelle peuvent être mentionnées les animations culturelles et événementielles de la Fondation Heydar Aliev, avec les actions menées dans plusieurs pays européens, comme l'Allemagne et l'Italie.

De son côté, la diplomatie sportive s'est déployée à l'occasion des Jeux européens de Bakou en juin 2015 ainsi qu'à celle du Grand Prix d'Europe en juin 2016, et lors de l'Euro 2016, avec les panneaux publicitaires de la State Oil Company of Azerbaijan Republic (SOCAR).

Dans ce contexte, et dans la mesure où les auditions n'ont fait apparaître aucun élément nouveau qui nous permette de recommander au Gouvernement une évolution substantielle de nos relations avec l'Azerbaïdjan, il semble fondé de conserver leurs termes actuels et de maintenir une approche équilibrée combinant messages et pressions sur les dirigeants azerbaïdjanais avec le soutien à la société civile et aux défenseurs des droits.

En effet, il a été constaté que les messages et pressions politiques ont fait preuve d'une certaine efficacité. Nous avons tous eu connaissance des ressources de notre diplomatie pour délivrer ces messages, que ce soit au niveau de notre ambassadrice, du ministère des affaires étrangères, des ministres, et même au plus haut niveau de l'État. Certains de ses messages sont publics et d'autres ne le sont pas : c'est ce que notre ambassadrice à Bakou a appelé la « diplomatie plus discrète ».

Cette démarche est reconnue par les ONG qui saluent les actions de la France, même si certaines souhaiteraient davantage.

Il apparaît tout aussi fondé de poursuivre les actions de soutien à la société civile azerbaïdjanaise, notamment les relations avec les opposants, comme le fait déjà notre ambassade sur place, voire l'accueil sur notre territoire.

Bien entendu, cela peut paraître insuffisant, mais il est nettement préférable de maintenir ouverte la porte du dialogue, sans exclure – naturellement– la fermeté, plutôt que de stigmatiser le pays et réduire le niveau de nos relations et des échanges. Une telle attitude serait contre-productive, car nous n'aurions plus de canaux de communication. Ce serait aussi aller vers la remise en cause de nos relations avec un grand nombre de pays ne répondant pas aux normes européennes et occidentales, singulièrement dans le contexte actuel.

Il ne s'agit donc pas pour nous de recommander une révision ni même une évolution des termes du dialogue politique avec le gouvernement azerbaïdjanais, mais peut-être quelques ajustements au cas par cas ; des messages pourraient être délivrés dans le contexte qui se profile pour les prochains mois.

En effet, sur le plan multilatéral, le dialogue va s'intensifier tant avec le Conseil de l'Europe, où la question difficile de l'application des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme est inscrite à l'agenda du Comité des ministres, qu'avec l'Union européenne, où les négociations en vue du futur accord qualifié de global vont comprendre un volet relatif à la démocratie et à l'État de droit.

En tant que membre du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, notre pays a son rôle à jouer dans ces dialogues multilatéraux.

En parallèle et de manière coordonnée, dans le cadre bilatéral, notre pays doit continuer à s'affirmer comme un partenaire majeur capable d'accompagner l'Azerbaïdjan dans la poursuite de son chemin vers la société ouverte, moderne et apaisée à laquelle ses atouts économiques et les réformes économiques en cours – dès lors qu'elles auront produit leurs effets – lui permettent légitimement de prétendre.

L'enjeu est de soutenir et d'accompagner le pays dans sa transition démocratique et de le rassurer sur la possibilité de prendre, sans risque de déstabilisation de l'État, des mesures d'assouplissement. Le pluralisme démocratique n'est pas nécessairement synonyme de risque de chaos ou de déstabilisation – y compris pour un État dont une partie du territoire est une zone de conflit –, mais recèle des perspectives d'enrichissement et de renforcement.

Il revient à la France, puissance mondiale et patrie des droits de l'Homme au sein du concert des nations, d'aider ce jeune pays à trouver son chemin vers la maturité démocratique qui permettra à chacun de ses citoyens de s'épanouir pleinement.

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