La réunion

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Examen du rapport

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Présidence de M. François Rochebloine, président

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Mes chers collègues, comme vous le savez, l'ordre du jour de notre dernière réunion appelle l'examen du projet de rapport de notre collègue Jean-Louis Destans.

Conformément à l'usage, ce projet vous a été adressé avant-hier par voie électronique.

Avant de donner la parole à M. Destans pour sa présentation, je voudrais d'abord remercier le secrétariat de la mission d'information ainsi que les membres du service des comptes rendus, dont l'assistance permettra de donner à nos travaux toute la publicité qu'ils méritent.

Après le débat ouvert par la présentation de notre collègue, je mettrai aux voix, par un seul vote, l'approbation du rapport et l'autorisation de le publier.

Je précise aussi que, suivant les exemples de nos collègues Denis Jacquat, président de la mission sur les immigrés âgés, Bernard Accoyer, président de la mission sur les coûts de production en France, Arnaud Richard, président de la mission sur le paritarisme, et Sophie Rohfritsch, présidente de la mission sur l'offre automobile française, j'ai prévu d'adjoindre un avant-propos au rapport. Bien entendu, comme les précédents de même place et de même nature, ce texte n'engage que la responsabilité de son auteur.

Je donne maintenant la parole à notre rapporteur.

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Avant toute chose, je voudrais m'associer aux remerciements que vient d'adresser notre président aux administrateurs des services des affaires internationales et européennes qui nous ont permis de rédiger notre rapport dans les délais voulus, ainsi qu'aux rédacteurs des comptes rendus.

Notre mission d'information achève aujourd'hui ses travaux, qui ont été conduits à un rythme particulièrement soutenu depuis octobre, à raison de trente-quatre auditions ayant donné lieu à compte rendu, pour une durée totale de plus de trente-cinq heures. Ces auditions nous ont permis de recueillir une information complète sur les relations bilatérales entre la France et l'Azerbaïdjan.

Je rappellerai brièvement l'origine de cette mission d'information, créée par la conférence des Présidents le 12 juillet 2016, à la demande du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) faisant usage de son « droit de tirage » prévu par le Règlement de l'Assemblée nationale.

Pour ce qui est de ses spécificités, elles ont d'abord trait à son domaine : aux termes de la Constitution, les affaires étrangères relèvent principalement de l'Exécutif, et le Parlement ne peut agir dans ce domaine qu'avec prudence et avec le souci de ne pas brouiller la politique menée par la France. Il s'agit ensuite du rôle de notre pays comme médiateur dans le conflit au Haut-Karabagh, en tant que co-président du Groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), depuis 1997, aux côtés des États-Unis et de la Russie.

Ce rapport n'a exclu aucune question et n'a été soumis à aucune autorité politique ou administrative. Il traite de tous les sujets, si difficiles soient-ils.

Il rappelle en premier lieu le contexte international et économique qui est celui de l'Azerbaïdjan, et dans lequel s'inscrivent par conséquent ses relations avec la France.

Ce pays, qui compte 9,5 millions d'habitants pour 86 000 kilomètres carrés, est un État jeune. Il n'a accédé de manière pérenne à l'indépendance que très récemment, en 1991, à l'occasion de l'effondrement de l'Union soviétique. Il n'avait auparavant connu qu'une très brève période d'indépendance, entre 1918 et 1920.

Son indépendance, l'Azerbaïdjan l'a acquise dans des conditions particulières, alors même que le conflit du Haut-Karabagh avec l'Arménie venait d'éclater, en 1988, et qu'il ne contrôlait donc pas la totalité du territoire qui lui est internationalement reconnu.

Ce conflit, qui oppose deux peuples ayant chacun subi les tourments de l'histoire, a aussi pour l'Azerbaïdjan une dimension interne, avec la question des plusieurs centaines de milliers de réfugiés et de déplacés. Il a d'ailleurs engendré une grande instabilité politique jusqu'à l'accession à la présidence de Heydar Aliev en 1993.

Il n'est pas achevé, puisque la médiation commencée en 1992 n'a pas abouti, en dépit des efforts du Groupe de Minsk ; il peut encore connaître des poussées de violence, comme l'a montré la reprise des hostilités pendant l'épisode de la « guerre des quatre jours », en avril dernier.

Le conflit du Haut-Karabagh s'est ajouté aux autres grandes contraintes qui s'imposent à l'Azerbaïdjan en matière de politique étrangère. Le pays est en effet enclavé entre la Russie et l'Iran, les deux anciennes puissances dominantes qui se sont longtemps disputé son territoire, et il est à la lisière de l'arc de crise qui traverse l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, actuellement en proie au terrorisme – Daech n'est pas loin.

Pour sortir de cette situation, les présidents azerbaïdjanais – Heydar Aliev, puis son fils Ilham Aliev – ont donc joué la carte de la proximité culturelle et linguistique avec la Turquie – Heydar Aliev disait : « une nation, deux États » – et aussi celle des ressources énergétiques du pays et de sa géographie. Sa position est, en effet, du point de vue européen et américain, stratégique pour l'accès au pétrole et au gaz naturel de la mer Caspienne. L'Azerbaïdjan est l'une des voies et des sources d'approvisionnement alternatives aux fournisseurs traditionnels, notamment la Russie.

L'Azerbaïdjan reste attaché à une politique extérieure mesurée d'indépendance et de stabilité, fondée sur des relations équilibrées et prudentes avec ses voisins directs, notamment la Russie et l'Iran, ainsi que sur une certaine retenue dans les relations avec l'Ouest, notamment vis-à-vis de l'OTAN et de l'Union européenne – en excluant toute adhésion à la première, contrairement à son voisin la Géorgie.

Il a su respecter les conditions implicites posées par la Russie aux pays de son voisinage. Il a, par ailleurs, veillé à intégrer les grandes organisations de coopération et de sécurité régionale, à savoir l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Conseil de l'Europe et l'Organisation de la coopération islamique.

C'est donc avec la seule Arménie que les relations sont tendues.

Sur le plan économique, la dépendance de l'Azerbaïdjan vis-à-vis de ses hydrocarbures – gaz naturel et pétrole – est une fragilité. Après avoir profité de l'augmentation, puis du haut niveau des cours du pétrole et du gaz naturel entre 2003 et 2014, il a subi de plein fouet la baisse des cours, et cherche depuis lors à diversifier son économie et ses ressources budgétaires.

C'est un impératif dont ses dirigeants avaient conscience, et qui est seulement apparu plus urgent. En effet, à long terme, les réserves en hydrocarbures du pays sont assez limitées et plus coûteuses que d'autres à extraire, et ses capacités d'exportation réduites par l'importance de la consommation intérieure. En outre, les perspectives un moment envisagées de transit par son territoire de gaz venant d'Asie centrale ou d'Iran à travers le Corridor Sud ne se sont pas concrétisées.

J'en viens maintenant aux relations entre la France et l'Azerbaïdjan.

Pour ce qui est des relations économiques, l'Azerbaïdjan n'est pas un partenaire commercial majeur pour notre pays, puisque nos échanges bilatéraux ne se sont élevés qu'à 1,3 milliard d'euros en 2015. Ils sont fortement déficitaires en notre défaveur, puisque la France a importé pour 1,12 milliard d'euros d'hydrocarbures alors que nos exportations, qui sont à l'inverse très diversifiées, n'ont représenté que 175 millions d'euros. C'est cependant le premier partenaire de la France dans la région.

En raison de ses importantes ressources en pétrole et en gaz, l'Azerbaïdjan a très tôt intéressé les entreprises françaises, à commencer par les groupes Engie et Total. Engie a ainsi signé un contrat à long terme pour la fourniture de gaz naturel issu du champ de Shah Deniz, portant sur des volumes annuels de 2,5 milliards de mètres cubes ; quant à Total, il détient 40 % du champ de gaz d'Apchéron, dont la production devrait avoisiner les 5 milliards de mètres cubes par an à compter de 2019.

Outre ces deux sociétés, une quarantaine d'entreprises françaises sont aujourd'hui actives en Azerbaïdjan, parmi lesquelles Thales, Alstom, Lactalis et Suez, dont nous avons auditionné les représentants. Toutefois, à l'exception d'Alstom, qui a signé en 2014 un contrat de vente de locomotives pour un montant de 288 millions d'euros, les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises françaises en Azerbaïdjan sont relativement modestes et, pour aucune d'entre elles, ce pays ne représente un marché important. Toutes nous ont cependant dit qu'il restait prometteur, malgré les difficultés résultant de la baisse des cours du pétrole et une concurrence croissante, en particulier de la part des entreprises turques.

En outre, l'Azerbaïdjan met aujourd'hui en oeuvre une stratégie de diversification de son économie, ce qui constitue incontestablement une opportunité pour nos entreprises, notamment dans les secteurs où elles sont reconnues pour leur excellence, comme le tourisme, l'environnement ou les transports. L'Azerbaïdjan reste toutefois un marché compliqué, à cause d'une administration dont les pratiques restent encore marquées par l'ère soviétique. Le pays figure ainsi au 5e échelon du classement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par niveau de risque – qui en compte 7 par ordre croissant – et au 65e rang du classement Doing Business établi par la Banque mondiale.

Une partie du travail de notre ambassade à Bakou consiste donc à venir en aide aux entreprises françaises en proie à des difficultés – le plus souvent avec succès. L'appui de l'État est aussi déterminant pour l'obtention des contrats, qu'il s'agisse de l'appui politique, par exemple sous la forme de visites présidentielles, ou d'un appui financier via la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) ou l'Agence française de développement (AFD).

Cependant, toutes les entreprises que nous avons entendues nous ont indiqué que les principaux facteurs de succès sont économiques, c'est-à-dire liés à la qualité de leur offre et à son prix, en particulier dans les hydrocarbures. Interrogées sur la corruption, elles ont affirmé avec force leur refus de ces pratiques et détaillé les procédures qu'elles ont mises en place pour les détecter et les combattre.

Enfin, pour en terminer avec les relations économiques, il convient de souligner que des progrès significatifs ont été récemment réalisés par l'Azerbaïdjan afin d'améliorer l'environnement des affaires. La suppression de l'Agence pour les appels d'offres constitue un indéniable progrès, de même que la création de l'Agence d'État pour le service public et l'innovation sociale (ASAN), qui permet la délivrance de certains documents administratifs, dont les licences d'activité économique. Enfin, des réformes plus structurelles ont été engagées, comme la création d'une autorité de supervision bancaire, l'adhésion au Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE, ou encore le renforcement de la lutte contre le blanchiment des capitaux.

J'en viens maintenant aux relations politiques entre la France et l'Azerbaïdjan. Du fait de la position centrale que ce pays occupe dans une région stratégique et des relations de confiance qu'il a avec les autres États, entretenir de bonnes relations avec l'Azerbaïdjan représente un atout majeur pour la France et sa politique dans le Caucase.

Il faut donc se réjouir que ces relations soient, d'une manière générale, excellentes, comme en témoignent les très nombreuses visites bilatérales au plus haut niveau. Les présidents Heydar Aliev, en 1993, et Ilham Aliev, en 2004, ont réservé à la France leur première visite à l'étranger, et les deux derniers présidents français se sont rendus trois fois en Azerbaïdjan – la dernière fois en 2014. Les visites ministérielles sont également nombreuses, mais les relations parlementaires plus espacées. La dernière visite du groupe d'amitié France-Azerbaïdjan remonte à 2008, et celle du groupe d'amitié Azerbaïdjan-France, présidé par Mme Mehriban Alieva, a eu lieu en 2013.

La teneur de ces relations politiques facilite non seulement les relations économiques, mais également d'autres formes de coopération, en particulier la coopération en matière universitaire, qui s'est concrétisée par la création de l'Université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ), inaugurée le 15 septembre 2016. Entièrement financée par l'Azerbaïdjan, elle participe, avec le Lycée français et l'Institut français de Bakou, au rayonnement de la France et de la langue française dans le pays. En revanche, la coopération en matière de défense entre notre pays et l'Azerbaïdjan est quasi inexistante.

De son côté, l'Azerbaïdjan a également développé une diplomatie culturelle qui, dans notre pays, est principalement mise en oeuvre par la Fondation Heydar Aliev, que préside l'épouse du président. À titre d'exemple, elle a soutenu la création du département des arts de l'islam au Louvre, ainsi que d'autres actions dans le domaine de la restauration du patrimoine.

Pour sa part, la coopération décentralisée est à la fois récente et très limitée puisqu'elle prend principalement la forme très ténue de chartes de jumelage, entre Tovuz et Cognac en 2014, ou de chartes d'amitié et de coopération, entre Yevlakh et Mulhouse et entre Gusar et Megève en 2014, ainsi qu'entre Sheki et Colmar et entre Ismayili et Évian-les-Bains en 2015. Elle est bien moins développée avec l'Azerbaïdjan qu'avec l'Arménie, par exemple, en dépit des efforts fournis par Bakou.

La troisième partie du rapport concerne le sujet, difficile, de la situation des libertés démocratiques et des droits de l'Homme dans le pays, qui est problématique.

Les différentes personnalités qui sont intervenues sur la question, M. Jean-Pierre Lacroix, directeur des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie au ministère des affaires étrangères, notre collègue Pierre-Yves Le Borgn', rapporteur de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) sur la mise en oeuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), M. Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'Homme, ainsi que des représentants de Reporters sans frontières, et d'Amnesty International, notamment, nous ont fait part de leurs analyses convergentes.

Je ne reprendrai pas le détail de leurs constats, mais uniquement les principaux éléments.

Sur le plan politique, ont été ainsi été soulignés l'insuffisance du débat démocratique, très réduit, le caractère de plus en plus présidentiel du régime, au fur et à mesure des révisions constitutionnelles, le fait que les élections soient souvent remises en cause par la communauté internationale, car ne correspondant pas à ses normes, et la place très marginale accordée à l'opposition et à la dissidence.

Sur le plan des libertés fondamentales, la société civile est sous pression : les révisions constitutionnelles sur les droits de l'Homme ont des effets contrastés et donc ambigus ; les ONG sont soumises à un cadre juridique de plus en plus contraignant, pour leur enregistrement comme pour leur financement, ce qui rend difficile l'exercice de leurs activités. Le pluralisme des médias est très faible ; les libertés de réunion et de manifestation sont très encadrées.

Plusieurs défenseurs de droits, mais aussi des blogueurs et des journalistes font l'objet d'une répression, avec des poursuites et des incarcérations. La diffamation est pénalisée et souvent des motifs de droit commun sont invoqués pour les engager les poursuites. Nous connaissons tous les noms de ceux qui ont été mentionnés, notamment : les époux Yunus, qui ont fondé l'Institut pour la paix et la démocratie, sachant que Mme Yunus s'est vu remettre les insignes de la Légion d'honneur par le président de la République ; la journaliste Khadija Ismaïlova ; l'ancien candidat possible à la présidence de la République Ilgar Mammadov ; l'avocat Intigam Aliev.

D'après les informations que nous avons recueillies, les personnes poursuivies sont au nombre de soixante ou soixante-dix environ, ce qui peut sembler limité, mais est estimé suffisant pour créer un climat d'autocensure dans le reste de la population.

L'Azerbaïdjan se trouve ainsi dans une situation pour le moins inconfortable vis-à-vis de la communauté internationale, qu'il s'agisse des institutions du Conseil de l'Europe, qui sont très attachées aux droits de l'Homme, de l'Union européenne, avec laquelle le dialogue a été un instant suspendu, de l'OSCE, avec laquelle les relations sont difficiles, mais aussi de l'ONU, en raison notamment des rapports de M. Michel Forst.

Le pays s'est ainsi mis en difficulté en n'exécutant pas les arrêts de la CEDH, qui l'a condamné en 2014 pour l'arrestation et l'emprisonnement de l'opposant Ilgar Mammadov, candidat potentiel à l'élection présidentielle de 2013.

Mais, il faut aussi prendre en compte des éléments militant en faveur de l'atténuation de la portée de ces critiques.

Tout d'abord, l'Azerbaïdjan connaît, comme on l'a vu, une situation complexe, avec les conséquences internes du conflit du Haut-Karabagh et plusieurs centaines de milliers de personnes réfugiées et déplacées. Par ailleurs, pays musulman, il doit surveiller le risque fondamentaliste et ce que notre ancien ambassadeur en Russie, M. Jean de Gliniasty, a appelé « les premiers friselis d'agitation islamiste ».

En outre, c'est un État qui est assez avancé sur certains droits fondamentaux, par rapport à ses voisins. C'est ainsi l'un des rares pays à population essentiellement musulmane restant attaché à la laïcité, dans un environnement qui ne l'est pas ou l'est de moins en moins. C'est aussi un pays qui a aboli la peine de mort, et reconnaît les droits des femmes, qui disposent du droit de vote depuis 1918.

Par ailleurs, il faut observer que l'Azerbaïdjan n'est pas insensible à son image, que ses dirigeants ont le souci de voir considérée comme positive par la communauté internationale. À cette fin, ils répondent aux demandes et pressions internationales, comme en attestent les gestes de clémence, en certaines occasions, en faveur des personnes poursuivies et emprisonnées. Il faut rappeler la mesure de clémence intervenue lors de la fête du Novruz, en mars dernier, par laquelle 148 personnes — journalistes, militants politiques et membres d'organisations non gouvernementales (ONG) — ont été amnistiées. Plus récemment, la journaliste Khadija Ismaïlova, qui avait été emprisonnée en 2014, a été libérée, et les époux Yunus ont été libérés à la fin de 2015, puis autorisés à quitter le pays en avril 2016. Lors des auditions, il nous a été indiqué que non seulement la France, mais aussi les États-Unis et l'Union européenne avaient intercédé en faveur de ces personnes. Toutes les peines ne sont pas levées à l'occasion de ces mesures de clémence, mais cela témoigne de la capacité des États et de la société internationale à agir.

L'Azerbaïdjan veut aussi être un bon élève au sein de la société internationale. Il s'implique dans les organisations dont il est membre — il a notamment été membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies —, et il coopère également, sur le plan formel, avec les institutions qui viennent enquêter sur son territoire en matière de droits de l'Homme, comme en a témoigné M. Michel Forst lors de son audition, même si, après son départ, les autorités gouvernementales ont manifesté leur désapprobation sur le fond.

Toujours dans ce même souci de soigner son image, l'Azerbaïdjan conduit une stratégie de communication très volontariste, à travers la diplomatie culturelle notamment, au titre de laquelle peuvent être mentionnées les animations culturelles et événementielles de la Fondation Heydar Aliev, avec les actions menées dans plusieurs pays européens, comme l'Allemagne et l'Italie.

De son côté, la diplomatie sportive s'est déployée à l'occasion des Jeux européens de Bakou en juin 2015 ainsi qu'à celle du Grand Prix d'Europe en juin 2016, et lors de l'Euro 2016, avec les panneaux publicitaires de la State Oil Company of Azerbaijan Republic (SOCAR).

Dans ce contexte, et dans la mesure où les auditions n'ont fait apparaître aucun élément nouveau qui nous permette de recommander au Gouvernement une évolution substantielle de nos relations avec l'Azerbaïdjan, il semble fondé de conserver leurs termes actuels et de maintenir une approche équilibrée combinant messages et pressions sur les dirigeants azerbaïdjanais avec le soutien à la société civile et aux défenseurs des droits.

En effet, il a été constaté que les messages et pressions politiques ont fait preuve d'une certaine efficacité. Nous avons tous eu connaissance des ressources de notre diplomatie pour délivrer ces messages, que ce soit au niveau de notre ambassadrice, du ministère des affaires étrangères, des ministres, et même au plus haut niveau de l'État. Certains de ses messages sont publics et d'autres ne le sont pas : c'est ce que notre ambassadrice à Bakou a appelé la « diplomatie plus discrète ».

Cette démarche est reconnue par les ONG qui saluent les actions de la France, même si certaines souhaiteraient davantage.

Il apparaît tout aussi fondé de poursuivre les actions de soutien à la société civile azerbaïdjanaise, notamment les relations avec les opposants, comme le fait déjà notre ambassade sur place, voire l'accueil sur notre territoire.

Bien entendu, cela peut paraître insuffisant, mais il est nettement préférable de maintenir ouverte la porte du dialogue, sans exclure – naturellement– la fermeté, plutôt que de stigmatiser le pays et réduire le niveau de nos relations et des échanges. Une telle attitude serait contre-productive, car nous n'aurions plus de canaux de communication. Ce serait aussi aller vers la remise en cause de nos relations avec un grand nombre de pays ne répondant pas aux normes européennes et occidentales, singulièrement dans le contexte actuel.

Il ne s'agit donc pas pour nous de recommander une révision ni même une évolution des termes du dialogue politique avec le gouvernement azerbaïdjanais, mais peut-être quelques ajustements au cas par cas ; des messages pourraient être délivrés dans le contexte qui se profile pour les prochains mois.

En effet, sur le plan multilatéral, le dialogue va s'intensifier tant avec le Conseil de l'Europe, où la question difficile de l'application des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme est inscrite à l'agenda du Comité des ministres, qu'avec l'Union européenne, où les négociations en vue du futur accord qualifié de global vont comprendre un volet relatif à la démocratie et à l'État de droit.

En tant que membre du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, notre pays a son rôle à jouer dans ces dialogues multilatéraux.

En parallèle et de manière coordonnée, dans le cadre bilatéral, notre pays doit continuer à s'affirmer comme un partenaire majeur capable d'accompagner l'Azerbaïdjan dans la poursuite de son chemin vers la société ouverte, moderne et apaisée à laquelle ses atouts économiques et les réformes économiques en cours – dès lors qu'elles auront produit leurs effets – lui permettent légitimement de prétendre.

L'enjeu est de soutenir et d'accompagner le pays dans sa transition démocratique et de le rassurer sur la possibilité de prendre, sans risque de déstabilisation de l'État, des mesures d'assouplissement. Le pluralisme démocratique n'est pas nécessairement synonyme de risque de chaos ou de déstabilisation – y compris pour un État dont une partie du territoire est une zone de conflit –, mais recèle des perspectives d'enrichissement et de renforcement.

Il revient à la France, puissance mondiale et patrie des droits de l'Homme au sein du concert des nations, d'aider ce jeune pays à trouver son chemin vers la maturité démocratique qui permettra à chacun de ses citoyens de s'épanouir pleinement.

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Je remercie M. Destans pour son rapport très complet, qui rend bien compte de la situation géopolitique de l'Azerbaïdjan pour les années 2016-2017.

Ma première question concerne le destin de ce document. Servira-t-il de modèle pour l'analyse des problèmes du Sud Caucase et au-delà, puisque d'autres pays de la zone sont concernés – on a évoqué en particulier, récemment, les relations avec le Kazakhstan ? Il est en effet malheureusement précisé que nous n'avons pas vocation, ici, à formuler des recommandations au Gouvernement. Je m'interroge par conséquent sur la finalité, que je percevais bien au début de nos travaux mais que je ne vois plus. Comment dès lors valoriser ce rapport qui, j'y insiste, est très complet ?

J'exprimerai ensuite un regret quelque peu délicat car lié à la nature-même de la présente mission : nous avons entendu des diplomates français, des administrateurs, des représentants d'ONG oeuvrant dans le domaine des droits de l'Homme, ce qui a certes contribué à construire une image très précise du pays mais cela à partir de discours rapportés. Or j'aurais aimé que nous rencontrions plus de représentants économiques et politiques de l'Azerbaïdjan, même si j'ai bien conscience des limites de notre exercice.

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Précisément : nous avons auditionné un nombre important de personnalités mais il aurait été intéressant, dans l'idéal, d'entendre un autre son de cloche.

Par ailleurs, la présidentialisation du régime, que vous évoquez, me paraît inévitable par un effet mimétique si l'on considère ce qui se passe en Turquie, en Russie et si l'on tient compte des évolutions géopolitiques. Il paraît donc difficile, dans un tel contexte, d'imaginer d'autres pistes institutionnelles pour l'Azerbaïdjan.

Ensuite, la diplomatie économique, que nous avons essayé de promouvoir pendant la législature, me semble intéressante. Souvent, nous rencontrons des difficultés à évoquer les droits de l'Homme, même quand nous disposons d'atouts multilatéraux, notamment dans le cadre du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne – outils grâce auxquels nous pouvons exercer une pression concertée, je pense notamment à la diplomatie sportive. Nous avons entendu des points de vue divers sur la manière de trouver une approche efficace. Certes, la coopération décentralisée est très compliquée ; nous avons aussi auditionné un représentant de l'AFD, en fin de compte peu impliquée sur le terrain. Reste que la diplomatie économique me paraît le vecteur le plus concret pour établir, sans que cela ne se voie trop, un dialogue susceptible d'accompagner d'autres types de relations.

Nous avons à cet égard un atout majeur pour exporter : la Coface. Certaines grandes entreprises obtiennent ainsi des contrats, entraînant d'autres entreprises dans leur sillage. Or, si elles ne parviennent pas à s'implanter, la Coface est susceptible de rembourser les prêts qu'elles auraient contractés.

Aussi la partie du rapport consacrée à la diplomatie économique et à l'exportation m'a-t-elle particulièrement intéressé car elle montre que, vis-à-vis de l'Azerbaïdjan, nous avons été en phase avec notre action internationale. Nous aurions pu par conséquent imaginer une recommandation plus avancée pour le Gouvernement, et je reste sur ma faim : nous ne le ferons pas pour des raisons sur lesquelles vous reviendrez sans doute au cours de la discussion – au-delà du seul fait qu'il s'agit d'un sujet sensible.

Je suis donc favorable à l'adoption de ce document même si, j'y insiste, j'estime que nous pourrions formuler une recommandation sur la diplomatie économique. Nous avons eu l'occasion, dans le cadre de plusieurs groupes d'amitié de l'Assemblée, de mener une telle politique en promouvant la constitution d'un petit écosystème composé du député de la circonscription concernée, d'un chef d'entreprise, cela en lien avec l'ambassade, Business France… C'est sans doute du bricolage à l'échelle internationale, mais il est important d'essayer de faire passer un message.

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Je félicite le rapporteur : il nous livre un document intéressant, utile et équilibré à un point auquel je ne m'attendais pas.

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Je m'empresse de souligner, cher collègue, que ces compliments ne relèvent en rien d'une quelconque complaisance entre élus d'un même département : ils sont objectifs. Depuis trente-six ans que je suis parlementaire, j'ai suffisamment l'expérience de ce type de mission pour savoir quels sont les bons rapports et quels sont les mauvais. J'aurai eu la chance, aujourd'hui, de participer à deux réunions au cours desquelles on aura présenté d'excellents rapports : celui-ci et celui sur la Côte d'Ivoire…

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…présenté ce matin en commission des affaires étrangères, par Seybah Dagoma et Philippe Cochet. Il contient de nombreuses informations très instructives et offre un portrait objectif du pays, ne cachant pas les difficultés mais soulignant également les progrès accomplis.

Je précise que ce n'est pas un souci d'équilibre a priori qui a guidé Jean-Louis Destans pour rédiger un texte que je n'ai pas lu entièrement, mais qui mérite, j'y insiste, compliment pour l'intérêt qu'il présente.

J'ajoute en toute amitié pour François Rochebloine que le rapport ne reflète pas ce que j'avais perçu des intentions ayant présidé à la constitution de la présente mission.

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Vous semblez avoir été influencé par certains, cher collègue…

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En tout cas, j'avais l'impression que nous nous acheminions vers une sorte de réquisitoire ; or ce n'est pas du tout – et heureusement – ce que le rapporteur vient de nous exposer.

Pour ce qui est des recommandations, monsieur Premat, il est habituel que, s'agissant des missions ou des commissions concernant les pays étrangers, elles s'adressent au Gouvernement – ici dans la perspective de conforter la relation entre la France et l'Azerbaïdjan. Mais il semblerait tout à fait inopportun que ces recommandations puissent prendre l'apparence de leçons données à un État souverain, quelle que soit par ailleurs l'appréciation qu'on porte sur la manière dont il est gouverné. C'est pourquoi j'approuve la teneur de vos recommandations, monsieur le rapporteur, qui me semblent tout à fait utiles.

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Je ferai quelques remarques rapides, auxquelles j'associe – à leur demande – certains de nos collègues, comme Jean-Claude Guibal, Jean- Pierre Door et Sauveur Gandolfi-Scheit.

Je ne partage pas tout à fait les propos de mon collègue et ami François Loncle, dans la mesure où je m'interroge, moi aussi, sur l'avenir d'un tel rapport. Il faut dire que celui-ci était affecté d'un vice initial, que j'avais dénoncé dès la première réunion de cette mission : il était destiné à s'en prendre à l'Azerbaïdjan.

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C'était très clair, cher collègue Rochebloine. Il suffit de relire la proposition de résolution que vous aviez déposée. Il suffit de visionner les débats de la commission des affaires étrangères sur le sujet. Et il suffit de voir comment – de manière tout à fait remarquable – cette commission avait rejeté la proposition de création d'une commission d'enquête.

Il suffit également de voir comment, grâce au « droit de tirage », nous avons obtenu une mission d'information, dans le cadre des missions d'information qui peuvent être créées par la Conférence des Présidents. On peut d'ailleurs s'interroger sur le fonctionnement du « droit de tirage », mais c'est un autre problème…

Nous nous engagions clairement dans cette voie : celle d'un président – je l'ai dit dès le début et je le redis aujourd'hui – qui a diffamé l'Azerbaïdjan – semble-t-il puisque, pour l'instant, il n'est que mis en examen…

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Je ne le suis plus, car je viens d'obtenir un non-lieu. Je n'ai pas été condamné, à la différence de certains… Il y aura peut-être appel, mais je ne vous permets pas d'avancer de fausses informations !

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Peu importe, monsieur le président, cela ne change pas le fond de l'affaire. Il est clair que vous avez dit un certain nombre de choses qui, répréhensibles ou non, constituaient des attaques directes contre l'Azerbaïdjan. On ne peut donc pas considérer que vous ayez abordé – comme l'a fait le rapporteur – cette mission d'information avec une vision objective et impartiale. C'est le moins que l'on puisse dire.

Le rapport était donc vicié dès le départ. Cela étant, je rends hommage, comme vient de le faire François Loncle, à la façon dont notre rapporteur a abordé le sujet : en toute impartialité, et en s'informant de manière très objective sur l'ensemble des questions concernant l'Azerbaïdjan et sur les relations entre ce pays et la France.

À partir de là, on peut s'interroger sur l'avenir de ce rapport. Que va-t-on en faire ? Personne ne le sait, ce qui montre bien qu'il eût mieux valu ne pas le faire.

On y a tout de même consacré énormément de temps. Quelques-uns d'entre nous ont assisté à pratiquement toutes les auditions. Nous avons posé des questions, nous avons débattu. On a mobilisé autour de ce rapport des fonctionnaires de l'Assemblée nationale, qui ont été remerciés à juste titre, …

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…et tout cela pour n'aboutir à rien ! Car maintenant que nous avons un rapport, que va-t-on en faire ? Je vois mal ce que l'on pourrait en faire.

C'est tout de même la première fois qu'un tel processus est mis en oeuvre s'agissant d'un pays en particulier. Pourquoi l'Azerbaïdjan ? J'ai déjà répondu à cette question tout à l'heure… Et maintenant, je m'inquiète tout particulièrement des conséquences qu'aura ce rapport.

Tout d'abord, nous y donnons des leçons. Mais, monsieur le rapporteur, sommes-nous à même, en tant que députés français, de donner à quiconque des leçons de démocratie, de morale, de respect de la liberté de la presse et de l'information ? Ne devrions-nous pas d'abord balayer sur notre trottoir ? Il y a beaucoup à faire, notamment en matière de presse, dans les circonstances actuelles.

Ensuite, il existe un principe de fond, que le ministre des affaires étrangères a d'ailleurs rappelé cet après-midi lors des questions au Gouvernement. Jean-Marc Ayrault a en effet dit que la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un autre État était un principe cardinal de la vie internationale. Au vu du rapport, si celui-ci était publié, cela voudrait dire que la France s'ingère, purement et simplement, dans la vie intérieure de l'Azerbaïdjan, en lui donnant des conseils, des leçons, en faisant des remontrances à un pays souverain, qui a parfaitement le droit de mener sa politique intérieure comme il l'entend.

Pour ma part, je pense que nous ne sommes pas en mesure de donner des leçons de morale, et que nous devons respecter ce principe de non-ingérence à l'égard d'un pays étranger.

Enfin, compte tenu des bons rapports qui existent, sur tous les plans, entre la France et l'Azerbaïdjan, il serait assez mal venu de publier ce rapport. François Loncle, député français qui a suivi attentivement les débats de la mission, peut considérer qu'il est relativement équilibré. Mais quand ce rapport sera publié, les autorités azerbaïdjanaises le considéreront comme une critique très vive à leur égard, émanant qui plus est d'une des principales institutions françaises, l'Assemblée nationale.

Cela n'a strictement aucun intérêt, d'autant que l'on ne fera plaisir à personne. Il y a des choses à faire en matière de droits de l'Homme ? L'ambassadrice de France nous a dit clairement comment elle travaillait sur cette question. Et un certain nombre d'intervenants nous ont répondu de façon équivalente.

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Pourquoi faire ce qui sera inéluctablement considéré par l'Azerbaïdjan comme une espèce d'agression, hélas menée par un membre éminent de cette mission, son président, lequel est carrément engagé d'un côté ? Je ne lui reproche d'ailleurs pas cet engagement – il en a parfaitement le droit.

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Personnellement, il ne me serait jamais venu à l'idée d'aller déposer une résolution pour créer une mission d'information sur l'Arménie et en dire des choses désagréables.

J'ajoute qu'il y a de quoi s'interroger sur le fonctionnement même de cette mission. Son bureau a été élu le jour de la réunion constitutive, mais il n'a jamais été réuni. Toutes les personnes qui ont été auditionnées étaient intéressantes, mais, comme notre collègue l'a fait remarquer tout à l'heure, on aurait peut-être pu en faire venir d'autres. Las, personne ne nous a demandé qui nous souhaitions recevoir. J'ai moi-même dû prendre l'initiative de proposer, par lettre, un certain nombre de gens, qui ont fait l'objet d'un tri.

Enfin, et c'est tout de même un peu gênant, la mission ne s'est pas rendue en Azerbaïdjan. Comment parler d'un pays en connaissance de cause, quand on n'y a pas été au titre de la mission pour laquelle on travaille ? Cela me paraît être une faiblesse non négligeable. Se rendre là-bas aurait certainement permis à un certain nombre de nos collègues d'avoir une idée plus précise de ce qu'est l'Azerbaïdjan.

Voilà pourquoi, pour toutes ces raisons, je pense qu'il n'est pas souhaitable que ce rapport soit approuvé, ni qu'il soit publié.

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Je me réjouis, comme l'ont fait mes collègues, du caractère tout à fait équilibré de ce rapport, qui retrace très exactement nos débats – pour autant qu'il y ait eu débats – et les auditions que nous avons menées au cours de notre mission.

Je reconnais qu'au début, je m'étais interrogé sur le sens même de cette mission. Je suis donc plutôt satisfait du travail du rapporteur, où transparaît le diplomate qu'il fut dans une vie passée.

Je suis allé par deux fois en Azerbaïdjan, et même si je n'ai pas tout vu, je me suis rendu compte, comme l'ont confirmé les représentants du Quai d'Orsay que nous avons entendus, que ce pays rencontrait des difficultés dans tous les domaines, et que son environnement géopolitique l'avait obligé à prendre certaines positions. J'ai retenu qu'en matière de droits de l'Homme, il avait des efforts à faire. Mais je ne suis pas de ceux qui pensent que notre pays ait toujours été exemplaire en ce domaine, et je ne crois pas que nous ayons de leçons à donner à qui que ce soit, comme l'a très bien dit Jean-François Mancel.

Sous toutes ces réserves, et compte tenu du contexte dans lequel nous nous trouvions, je pense que l'on peut être satisfait de l'équilibre auquel est parvenu le rapporteur. Par son talent, il a permis que ce rapport soit acceptable.

Maintenant, on peut s'interroger sur son utilité. Selon moi, il aura au moins celle d'avoir fait comprendre à notre président que ce pays n'était pas aussi détestable qu'il le pensait – peut-être – au départ…

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Je n'ai jamais dit cela, et je le ne dirai jamais. Même si je dispose de quelques informations, je ne suis allé qu'une fois en Azerbaïdjan, à la différence de certains de nos collègues – et notamment de l'un d'entre eux. Je ne ferai donc pas de commentaires à ce propos. Mais j'aime autant le peuple azéri que le peuple arménien – deux peuples qui souffrent malheureusement autant l'un que l'autre. La question n'est pas là. En revanche, les régimes sont sans doute différents d'un pays à l'autre.

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Je suis un peu surpris d'entendre que nous ne saurions donner de leçons à quiconque en matière de droits de l'Homme. Je ne dis pas que nous n'avons pas de progrès à faire dans ce domaine, mais tout de même !

Je peux vous donner l'exemple récent de l'extradition du blogueur russo-israélien Alexandre Lapchine en Azerbaïdjan. Il a été extradé hier après que la Cour suprême de Biélorussie a confirmé la décision du procureur biélorusse de le remettre à l'Azerbaïdjan, où il risque de subir la torture. Est-ce que nous avons encore de la torture en France ? Non ! Donc, bien sûr, nous n'avons pas de leçons à donner à l'Azerbaïdjan, mais nous ne sommes tout de même pas au même niveau que ce pays s'agissant des droits de l'Homme, et il est effectivement important de se pencher sur le problème.

Je sais bien qu'il est très difficile de peser sur les relations économiques pour parler des droits de l'Homme en Azerbaïdjan, et qu'il faut s'y prendre avec des pincettes. Mais quand même, on ne peut pas fermer les yeux sur certains agissements. Et lorsque vous reprochez à notre président, monsieur Mancel, des faits antérieurs à la création de la mission, j'ai l'impression que vous êtes aussi de parti pris. Ne présidez-vous pas l'Association des Amis de l'Azerbaïdjan ?

Peut-être y a-t-il donc du parti pris des deux côtés, mais en tout cas, en ce qui me concerne, j'ai été très intéressé par cette mission et je remercie le président de l'avoir proposée, car elle m'éclaire sur l'Azerbaïdjan. Je soutiendrai, bien sûr, le rapport.

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Je m'inscris en faux contre l'idée que notre Assemblée ne pourrait pas produire de rapports sur certains pays du monde. J'ai moi-même mené pendant de longs mois une mission d'information sur la Chine, en explorant des aspects passionnants, qu'il s'agisse des enjeux économiques et politiques, ou de l'émergence d'une société civile de plus en plus préoccupée par les atteintes aux droits de l'Homme. Dans mon rapport, j'ai essayé d'aborder ces questions de manière équilibrée, de façon à éviter toute polémique inutile.

Ce matin, nous avons examiné en commission des affaires étrangères le remarquable rapport de la mission d'information sur la Côte-d'Ivoire. Nous savons bien que l'appréciation portée sur ce pays ne peut être exempte de critiques. C'est la façon de les formuler qui importe.

La bibliothèque de l'Assemblée contient de nombreux rapports qui ont rééxaminé la situation de mêmes pays au fil des ans. C'est notre rôle, notamment au sein de la commission des affaires étrangères, de porter un regard aussi lucide que possible à la fois sur les intérêts français à l'étranger et sur les réalités économiques, politiques et sociales des États du monde, selon une approche équilibrée.

Le rapport qui nous a été présenté par Jean-Louis Destans repose précisément sur une approche équilibrée et je ne vois pas au nom de quel principe nous refuserions de l'approuver.

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Je reconnais l'ampleur du travail accompli par notre rapporteur et je salue l'exercice d'équilibriste que représente l'analyse des trente-quatre comptes rendus d'audition.

Cela dit, en tant que président du groupe d'amitié France-Azerbaïdjan, ce rapport me gêne. Il me gêne même beaucoup. Je me suis rendu en Azerbaïdjan dans le cadre de missions de l'OSCE. J'irai en Arménie, cher président, du 31 mars au 2 avril prochains, sans a priori mais avec de nombreuses interrogations.

Ce rapport contient des choses très intéressantes, notamment sur les relations avec la Russie, la Turquie, l'Iran, ou sur la complexité politique du Caucase. Il y a, je dois le dire, un certain équilibre dans le choix des personnes auditionnées et dans la présentation même du rapport.

Mais, mettez-vous à la place du président du groupe d'amitié France-Azerbaïdjan ! Quelle peut être sa réaction face à la publication d'un tel rapport, qui cible un pays en particulier ? Les pays du Sud Caucase, de l'Asie centrale, les ex-républiques de l'Union soviétique, une partie des pays de l'Europe de l'Est ont exactement les mêmes caractéristiques que l'Azerbaïdjan s'agissant des droits de l'Homme. Une mission d'information portant sur cet ensemble d'États aurait abouti à des conclusions identiques. Pourquoi pointer ce pays du doigt alors que beaucoup d'autres peuvent faire l'objet des mêmes critiques ?

Pour cette raison, je n'approuverai pas le rapport. Je suis certain que les présidents des autres groupes d'amitié auraient le même réflexe que moi s'ils étaient confrontés à semblable situation.

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Permettez-moi, cher collègue, de vous rappeler que la mission d'information porte, selon son intitulé, sur « les relations politiques et économiques entre la France et l'Azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au Sud Caucase ».

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Ma remarque, très brève, rejoint ce que vous venez de souligner, monsieur le président. J'insiste sur la nature d'un rapport de ce type. Les recommandations qu'il formule, c'est au Gouvernement qu'il les adresse et non au pays lui-même. Le législateur ne s'érige donc nullement en donneur de leçons.

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Je ne reviendrai pas sur l'historique de la création de cette mission d'information, qui explique en grande partie le caractère enflammé de certaines interventions.

En parfait accord avec le président de la mission d'information, nous avons fixé la liste des personnes auditionnées. Pour la dresser, nous avons, je le précise, pris en compte nombre des suggestions formulées par M. Mancel dans un courriel qu'il nous a adressé.

Vous avez salué, chers collègues, presque unanimement le caractère équilibré du rapport : il n'est ni à charge ni à décharge. Il reflète de manière objective la situation actuelle de l'Azerbaïdjan et met en valeur beaucoup de points positifs dans les relations entre ce pays et la France : la qualité du dialogue politique et des relations économiques, la coopération décentralisée qui s'esquisse. Tout cela forme un contrepoint par rapport aux remarques relatives à la démocratie et aux droits de l'Homme.

Je remercie François Loncle d'avoir souligné à plusieurs reprises que nous n'avions nullement l'intention, dans ce rapport, de donner des leçons à l'Azerbaïdjan. Nous avons simplement pris en compte une situation objective, nous appuyant sur les constats dressés devant nous par de nombreux représentants d'ONG, d'associations, de représentants officiels du Conseil de l'Europe et des Nations unies, et sur les éléments donnés par Matthias Fekl, secrétaire d'État au commerce extérieur, et plusieurs diplomates sur la nature de nos interventions, qu'elles soient publiques ou plus discrètes.

Nous ne pouvons qu'encourager les institutions internationales et européennes, les Nations unies et notre gouvernement à multiplier les interventions dans le domaine de la démocratie et des droits de l'Homme. Nous voyons bien en effet que l'Azerbaïdjan, peut-être plus que d'autres pays, car il est soucieux de son image internationale, y est sensible.

Quant à la diplomatie économique, elle n'était pas le sujet principal du rapport.

Chacun est libre de son vote, mais refuser la publication du rapport serait, me semble-t-il, donner un mauvais signal, car cela laisserait penser qu'il contient des éléments extrêmement négatifs à l'égard de l'Azerbaïdjan.

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Je demande que ma contribution personnelle soit jointe au rapport, comme cela est possible pour tous les rapports de mission d'information.

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Ce sera fait, monsieur Voisin.

Je tiens à remercier notre rapporteur Jean-Louis Destans pour le travail qu'il a accompli. Nous avons su collaborer dans un excellent esprit tout au long des auditions que nous avons conduites ensemble. En relisant les comptes rendus, toute personne de bonne foi – je dis bien « de bonne foi » – ne peut que noter la richesse des informations obtenues, qu'elles nous aient été fournies directement par les personnes entendues, qu'elles proviennent de recoupements opérés entre les propos de nos interlocuteurs ou qu'elles découlent de certains silences.

Le rapport de notre collègue, eu égard aux usages qui président à la réalisation de tels travaux, figure parmi les plus documentés et les plus expressifs. Je ne doute pas qu'il sera largement consulté.

Je le remercie pour son objectivité, attitude à laquelle je me suis moi-même tenu. J'aurais pu formuler certaines remarques mais je me suis abstenu de faire part de mes positions personnelles. Et je remercie également François Loncle pour son objectivité qui ne me surprend pas pour l'avoir côtoyé depuis de nombreuses années.

Voilà qui fait l'honneur de notre assemblée et notre démocratie.

La mission adopte le rapport, autorisant ainsi sa publication, conformément à l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.